L'École Primaire comme je voulais la raconter
Vous avez été très nombreux à consulter cette page (1688 visiteurs dès le premier jour), tant et si bien qu'elle se retrouve certainement, avec celle d'hier (Thème : La Foire aux Savoirs, 1879 visiteurs) dans le top 10 des sujets les plus consultés cette année.
Je m'en réjouis et déplore simplement de ne pas pouvoir savoir combien parmi vous ont téléchargé les documents et combien comptent s'en servir. Mais j'aurai fait mon possible, et ce n'est déjà pas si mal.
Imaginons que parmi ces visiteurs qui se sont décidés pour mener en parallèle de leur « méthode d'acculturation littéraire à l'usage des non-lecteurs » (qui resteront non-lecteurs jusqu'au mois de juillet pour une part non négligeable de l'effectif parfois, selon les milieux, la composition de la classe et l'optimisme des auteurs de la méthode), quelques-uns, un seul même, se rendent compte au bout de deux ou trois semaines que, pendant les deux rituels quotidiens d'imprégnation graphémique, leurs élèves prennent énormément de plaisir à déchiffrer les mots et les phrases (les syllabes, je vous l'ai déjà dit, ce n'est pas mon truc, j'en mets le moins possible).
Imaginons par ailleurs qu'ils constatent que les mêmes enfants sont beaucoup plus distraits et bien moins motivés pendant les lectures découvertes proposées par leur méthode de lecture officielle et qu'ils se rendent compte que nombreux sont leurs élèves à avoir du mal à réinvestir les mots acquis dans de nouvelles phrases.
Imaginons enfin qu'ils se demandent pourquoi les graphèmes acquis au cours de la séance hebdomadaire de phonologie ne sont ensuite jamais réinvestis dans le décodage des textes de la semaine suivante, ce qui permettrait aux enfants, comme lors du rituel d'imprégnation graphémique de gagner en autonomie.
Ils pourraient alors avoir envie de ne garder de ces méthodes que les épisodes des contes et histoires qu'ils lisent chaque début de semaine et d'abandonner toutes les pages intermédiaires, pages de code comprises, et choisir comme méthode principale mes petites fifiches d'imprégnation graphémique.
Plusieurs questions s'offrent alors à nous : est-ce bien raisonnable ? comment compléter la méthode ?
Résolument oui ! Le plus raisonnable serait même de procéder ainsi dès le 4 septembre au matin, n'en déplaise aux équipes ministérielles qui recommandent innocemment (j'ose le croire) d'utiliser un manuel plutôt que de partir bille en tête avec des photocopies...
Comme s'ils ignoraient que 80 à 90 % des manuels utilisés dans les classes de CP actuellement sont des « méthodes d'acculturation littéraire à usage des non-lecteurs » et qu'à part une ou deux méthodes (Taoki, Bulle), la plupart des méthodes graphémiques sont éditées par de petites ou toutes petites maisons d'édition qui ne touchent que très, très peu le grand public !
D'autant que, il faut bien le dire, jusqu'à maintenant, les IEN et autres PEMF ne faisaient pas preuve d'un militantisme échevelé en faveur des méthodes graphémiques et avaient plutôt tendance à s'apitoyer, voire à sanctionner, lorsqu'ils découvraient une classe utilisant un Écrire et Lire au CP, un Bien Lire et Aimer Lire, un Je lis, j'écris ou un J'apprends à lire et à écrire[1]...
Donc allons-y pour les photocopies. À vous de voir comment les présenter, sachant que, chaque soir, une page sera ajoutée au petit carnet « Je lis tout seul »...
Seulement, voilà, il manque la moitié du travail... laquelle ?... La photo présentée en tête d'article doit vous l'avoir déjà fait comprendre.
Eh oui ! L'écriture ! « Encodage et décodage sont les deux mamelles de la lecture », disait le bon roi Henri IV ! De l'écriture-lecture, devrais-je dire.
Pourquoi Célestin Freinet et ses camarades de l'ICEM d'alors arrivaient à apprendre à lire à 99,99 % des élèves qu'ils recevaient à l'époque par fournées de 40 à 45, et ce le plus souvent dès la Grande Section de maternelle ?
Parce qu'ils leur apprenaient à encoder l'écrit, non pas à l'aide de répertoires et autres listes de mots, mais grâce à la composition typographique de courts textes rédigés chaque jour ensemble au tableau. La prise de conscience du rôle de chaque lettre apparaissait naturellement aux enfants qui réinvestissaient leurs connaissances en rangeant un à un les caractères d'imprimerie dans les composteurs puis en relisant les épreuves qu'ils venaient de tirer eux-mêmes.
Ici, nous allons faire plus simple car, contrairement à nos glorieux prédécesseurs, nous ne disposons plus que de 22 heures par semaine (sans compter les installations, rangements, gastro et autres taille-crayons renversés qui existent toujours), souvent réparties sur 4 journées sur 7, alors qu'ils avaient à disposition 5 journées de classe de 5 h 20, une fois les deux récréations de 10 minutes par demi-journée ôtées.
Imaginons, à nouveau, que nos collègues de GS ont oublié de lire les Programmes 2015, qui ne leur ont toujours pas été livrés dans leur version papier. Imaginons donc que nos élèves savent « copier en écriture cursive, sous la conduite de l'enseignant, de petits mots simples dont les correspondances en lettres et sons ont déjà été étudiées »... Ah zut ! Vous vous récriez car ce n'est pas le cas ? Je vous crois...
C'est vraiment dommage parce que la petite fille que vous voyez sur la photo était à l'époque une élève de GS, née en décembre qui plus est, et que nous étions alors le 19 mars 2015... Mais bon, arrêtons de rêver et procédons autrement.
Ici, vous trouverez un excellent cahier d'écriture propre à donner à vos élèves, arrivés non-scripteurs à l'école élémentaire (les lettres capitales, excusez-moi, mais ça ne compte pas : ça n'apprend pas à écrire comme tout le monde, ni à passer doucement de la notion de graphème à la notion de mot, ni même à donner à la main son rôle mnésique dans l'apprentissage de l'écriture-lecture... un peu comme les Boscher et assimilés qui ba-be-bi-bo-busent jusqu'à la fin de l'année au lieu d'encourager à l'autonomie lexicale).
Comme il ne suit pas tout à fait la progression que j'ai choisie pour le code, vous pourrez peut-être pendant quelque temps utiliser des lettres mobiles. À moins que vous choisissiez de vous inspirer du cahier en en modifiant la progression : généralement, les élèves qui entrent au CP sont déjà capables de tracer des pointes et des ponts, il n'y aura que la lettre o pour laquelle il conviendra d'être attentifs quant au sens de tracé...
En revanche, attention à la tenue du crayon, à la posture de l'élève par rapport à la feuille, à la mobilité des doigts. Les jeux proposés dans la première double page seront à mener pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois, et parfois à compléter par des séances individualisées (APC) pour les plus maladroits de nos élèves.
Et ensuite, au travail. Reprenons la première leçon, celle qui présente les lettres i et o. Il suffira d'ajouter une séance d'écriture à la sauce Laurence Pierson pour apprendre (ou réviser) les gestes nécessaires à l'écriture de ces deux lettres et une séance de « production d'écrit », n'ayons pas peur des mots, pendant laquelle on demandera aux élèves de lever alternativement (ou de tracer sur leur ardoise) les lettres : i - o - o - i - i -o.
On pourra même ajouter, encore pour cinq à dix minutes, un jeu de tri pendant lequel les enfants devront écrire i ou o sous des dessins représentant : une bougie, une moto, un vélo, un parapluie, une souris, un zoo (ou tout autre mot se terminant par le son [i] ou [o], afin que nous puissions prolonger ce son).
Attention, si l'on choisit de mener cet exercice, ne surtout pas se polariser sur les enfants qui n'y arrivent pas. Ce n'est pas qu'ils n'entendent pas les sons, c'est que, pour le moment, ils ne voient pas l'intérêt de l'exercice. Vous verrez que, très vite, grâce à l'écriture de syllabes puis de mots, ils deviendront capables de cet exploit tout aussi bien que les autres... À condition de ne pas les stigmatiser d'entrée, c'est fragile l'estime de soi de ces petites personnes-là.
Menez donc cet exercice en collectif, demandez justement à ces élèves-là de venir écrire (ou fixer au tableau) la lettre i ou la lettre o juste après que « la classe » a « deviné » quel était le son final de l'un de ces mots. Rajoutez-en dans les félicitations et les exclamations, genre Bourgeois Gentilhomme avec son maître de philosophie : « Oui, bravo, c'est ça ! Formidable ! Véloooooo ! Ça finit par ooooo ! Alors nous écrivons la lettre ooooo ! Comme dans « Bravoooooo ! ». Vous êtes vraiment très, très forts ! On ne m'avait pas dit que vous étiez si malins... Là, je suis ravi(e) ! Vraiment ! »
Le lendemain, nous rajouterons la lettre n, en cursive bien entendu. Et les élèves la copieront sur leur ardoise, puis sur leur cahier du jour (une vieillerie qui sert à collecter le travail écrit de la journée pour qu'inspecteur et familles puissent constater l'avancée du travail de classe), ils s'entraîneront même, si leurs capacités le leur permettent (à tous, car je n'aime pas les enfants qu'on laisse à la traîne sous prétexte de « différencier »), à écrire ni no et pourquoi pas Nino, avec la majuscule, parce qu'ainsi ce sera la première leçon de grammaire intuitive de l'année : Les noms propres commencent par une majuscule.
Elle sera vue, vue, vue, et revue encore, jusqu'en juillet, cette règle, par l'usage, et ce sera 100 fois plus utile que de gaspiller un cahier pour y faire coller des leçons ou des cartes mentales qui ne résonneront qu'exceptionnellement, dans l'esprit d'un ou deux de nos élèves, les années fastes. Le CP est l'âge du l'action concrète et non l'âge de la loi abstraite apprise par cœur.
Puis, sur l'ardoise, à la main ou à l'aide d'étiquettes-lettres (attention, surtout pas d'étiquettes-syllabes, ça multiplie les échelons inutiles), ils devront écrire successivement : n, i, o, no, ni, nino.
Enfin, toujours sous forme d'exercice collectif car certains n'y arriveraient pas seuls et qu'il n'y a pas urgence, on leur fera découvrir des mots contenant o, i, no ou ni sous lesquels ils écriront ce qu'ils sont capables d'écrire: ogre, os, hôtel, île, hirondelle, nid, note...
Et on continuera ainsi chaque jour. Notre planning sera toujours identique, seules les connaissances de plus en plus étendues de nos élèves rendront plus riches (mais pas plus longues, ou alors vraiment à la fin de l'année) chacun des quatre moments de la journée.
Voilà, c'est tout. Cela nous fait une durée d' 1 heure à 1 heure 40 minutes par jour, consacrées à l'écriture-lecture. Il nous reste donc de 50 minutes à 1 h 30 par jour dans les classes qui fonctionnent sur 4 jours et de 20 minutes à 1 heure dans celles qui sont restées à 4,5 jours.
Sachant que la demi-journée supplémentaire des 4,5 jours n'aura pas un emploi du temps aussi fourni et qu'elle sera plutôt consacrée à étaler les apprentissages de la semaine qu'à « prendre de l'avance », je dirais qu'on tablera sur 45 minutes à 1 heure par jour pour les autres activités de français : langage oral, littérature (enrichissement culturel et compréhension), poésie.
Je crois que j'ai tout dit et que je n'ai plus qu'à mettre en ligne le Guide Pédagogique de la période allant de début novembre à la mi-décembre. J'espère que cela rendra service à quelques-uns d'entre vous.
Vous verrez que, tout en respectant la stricte correspondance graphème/phonème et non la découverte d'un phonème et de toutes ses traductions graphémiques, j'ai commencé à introduire des histoires à lire ensemble en classe ou plus individuellement à la maison. Pensez bien à en vérifier la compréhension auprès de tous vos élèves. J'ai essayé qu'elles ne soient pas trop tarte et qu'elles correspondent à l'état d'esprit d'un enfant de six ans, tout en lui apportant du vocabulaire et en ne tombant jamais dans le mal dit ou le vulgaire.
Enfin, vous constaterez que j'introduis, par le biais graphémique, quelques mots-outils, n'en déplaise à notre ministre qui répète ce qu'on lui a dit et ne comprend pas qu'on ne peut pas apprendre à lire est, et, elle, un, es autrement que « globalement » et que ces acquis graphémiques peuvent en entraîner d'autres, du moment où les mots-outils sont plus que courants et se retrouvent à de très nombreuses reprises dans les textes que tout un chacun lit (les, des, mes, tes, ses, avec, dans). J'ai pris néanmoins garde à rendre ces mots plus visibles pendant quelques séances afin d'aider les élèves à les mémoriser plus facilement (attention, ici, la lecture précède l'écriture, je ne demande pas aux élèves de les mémoriser pour les écrire, cela viendra en son temps, quand ils commenceront à avoir engranger suffisamment de grammaire intuitive pour ne plus confondre les mots les, lait et laid, dans et dent, et et est, etc.).
À ce sujet, deux ou trois petits ajustements dans la Progression présentée il y a quelques semaines. Vous pouvez télécharger la nouvelle, je pense qu'elle ne changera plus.
Mais trêve de bavardages, les fichiers ! Ah si, encore une dernière petite chose : souhaitez-vous la description jour par jour des activités écrites à mener ? Cela retardera d'autant la rédaction des fichiers d'imprégnation graphémique des périodes suivantes, mais si vous trouvez ça utile, je veux bien diversifier ma production[3].
Télécharger « Période 2 - Semaine 1.pdf »
Télécharger « Période 2 - Semaine 2.pdf »
Télécharger « Période 2 - Semaine 3.pdf »
Télécharger « Période 2 - Semaine 4.pdf »
Télécharger « Période 2 - Semaine 5.pdf »
Télécharger « Période 2 - Semaine 6.pdf »
CP : Rituel d'imprégnation graphémique (1) ; ... ; CP : Rituel d'imprégnation graphémique (3) ; CP : Rituel d'imprégnation graphémique (4) ; CP : Rituel d'imprégnation graphémique (5)
CP : Écriture graphémique (1) ; CP : Écriture graphémique (2) ; CP : Écriture graphémique (3) ; CP : Écriture graphémique (4) ; CP : Écriture graphémique (5)
CP : Méthode de lecture "Nino et Ana" ; CP : Méthode Nino et Ana : cahier 2 ; CP : Méthode Nino et Ana : cahier 3 ; CP : "Nino et Ana", production d'écrits ;
[1] Pour les Boscher et autres vieilleries, anciennes ou réactualisées, j'aurais tendance à être d'accord avec eux : si l'on veut que les plus faibles de nos élèves cherchent réellement du sens dans tout ce que nous leur donnons à lire, on ne peut pas passer l'année entière à ânonner des syllabes, sans jamais lire de textes dépassant la phrase ou tout au mieux le paragraphe.
[2] C’est un peu comme si, avant de commencer à nager du point A au point B, le maître-nageur leur demandait de montrer le ou les endroits où ils plieront les jambes comme une grenouille, ou comme si, avant de dessiner une fleur, nous le demandions à quel endroit de la feuille de papier ils placeront le troisième pétale de la marguerite.
[3] Je suis prête à tout pour que l'an prochain, je ne lise plus une seule fois sur Facebook que les collègues de CE1 vont recevoir 5, 7, 10 parfois 20 non-lecteurs...