L'École Primaire comme je voulais la raconter
En me promenant sur les réseaux sociaux, j'ai remarqué que, pour le moment, en ce qui concerne l'apprentissage de la lecture et de l'écriture au CP, ce sont toujours les méthodes dont l'objectif est avant tout l'imprégnation littéraire qui gardent la confiance d'une majorité de collègues.
Lorsqu'on trouve 1 citation de Taoki, de Piano ou de Pilotis, c'est 0,0001 citation d'Écrire et Lire au CP, de Je lis, j'écris ou de Bien Lire et Aimer Lire mais 100 citations de Chut, je lis, de Ribambelle, d'Étincelles ou de Rue des Contes.
Et rien n'y fait,
- par la nécessité d'individualiser les parcours pour s'adapter aux rythmes différents selon les enfants,
- par la possibilité de programmer l'étalement de l'apprentissage de la lecture jusqu'à la fin du cycle 2 (c'est-à-dire au CE2)
- ou par le milieu social défavorisé dont sont issus certains élèves,
- manque d'autonomie,
- défaut d'imagination,
- incapacité à prendre des décisions...
- toutes les caractéristiques du sinistre crétin, simple exécutant des basses œuvres dont l'apprentissage de la lecture a rogné les ailes au lieu de l'aider à les déployer plus largement.
Et puis, ces méthodes que ces collègues gardent malgré tout, ils les aiment réellement. Ils en apprécient les textes qu'ils peuvent soumettre à l'analyse littéraire, ils aiment encourager les enfants à mener plus loin leur analyse des illustrations, à se perfectionner en langage oral, à jouer avec les idées que véhiculent les textes qu'ils le leur lisent. Et ils savent qu'assurant néanmoins une séance hebdomadaire à l'étude d'un phonème (dont les trois quarts se passent à l'oral), on ne peut pas qualifier leur méthode de « méthode globale ».
Il me semble que lorsqu'on se retrouve face à un tel engouement pour ces méthodes d'imprégnation littéraire, on peut difficilement lutter... Et que, si lutte il y a, elle doit se faire par d'autres biais que la critique des ces jolis manuels aux contenus si appétents.
Si on proposait par exemple de garder la méthode habituelle et de la mener exactement comme chaque année, sans rien y changer, mais en y ajoutant un rituel ? Normalement, les rituels, ça plaît beaucoup. Aux adultes comme aux enfants. C'est court, ça ne nécessite pas trop de matériel, ni une longue préparation et ça peut être ludique... tout pour plaire !
Alors je m'y suis mise. Juste cinq à dix minutes, le matin et l'après-midi, en arrivant. Tous les élèves assis en demi-cercle devant le tableau et leur enseignant au milieu d'eux. Il présente un graphème ou deux en en oralisant le phonème. Pour aider à la mémorisation il associe un geste à chacun d’eux[1], sort d'une boîte un ou deux petits personnages mignons que les élèves pourront manipuler en « chantant le son »... et le tour est joué, la séance est déjà finie, on peut passer aux choses sérieuses, la rentrée des mamans, le loup conteur, les trois petits cochons ou la trousse de Tika !...
L'après-midi, on remet ça, très vite, toujours en jouant, toujours avec l'aide de l'enseignant, toujours avec les gestes et les personnages. Et, si la mairie est très généreuse, on colle une petite feuille (un quart de A4) sur un demi cahier que l'on range ensuite dans le cartable pour faire voir à papa-maman-tatie-tonton-grand-frère-grande-sœur ce qu'on a appris à faire à l'école aujourd'hui. On ne la lit même pas avant parce qu'on sait qu'on a tout retenu et que ce sera facile !
Et même que si, en plus d'être généreuse, la mairie est très confiante, on peut décorer provisoirement un des murs qu'elle nous confie d'une affichette toute simple, fournie dans la méthode, à laquelle les enfants pourront ainsi se référer en cas de trou de mémoire.
Le lendemain, on recommence, un nouveau graphème, son geste, son petit bonhomme rigolo et, parce que je n'aime pas les activités idiotes qui oublient que lire, c'est avant comprendre, vite, grâce à deux petits carambolages « consonne - voyelle », en plus du loup qui conte des histoires aux quarante-douze personnages de la ferme, à côté de la maman qui boude parce que son enfant ne s'intéresse plus qu'à elle et cherche à avoir une vie sociale autonome, ou parallèlement aux petits cochons qui ont un lit, un tapis et un pyjama, les enfants découvrent un petit garçon :
Nino !
Mais la différence, c'est que ce Nino-là, ce sont eux, les enfants, qui en ont lu, et réellement lu, le prénom.
Tous n'y sont pas arrivés et c'est l'enseignant qui s'est substitué à eux pour prononcer : « nnnnnnniiiiii... nnnnnnnnnnnoooo ». Eux, ils ont répété en faisant les gestes rituels puis en manipulant les petits bonshommes qui chantent.
Mais l'après-midi, ils sont deux ou trois de plus à être aussi rapides que l'adulte à reconnaître n, i, n, o, ni, no et Nino ! La feuille des communes riches part à la maison, juste après celle de la veille. Comme ça, ils pourront relire les deux, vous comprenez...
Et la feuille des communes confiantes (et prévoyantes, il suffit de simples baguettes en bois tendre et de quelques punaises pour éviter les taches de Patafix sur les murs) se retrouve sur le mur à côté de celles de la veille.
Et encore une fois, c'est tout. La classe a pu entre temps mener son train-train quotidien sans s'occuper de ces activités rituelles.
Le jour suivant, ils font connaissance avec la lettre É, et le phonème [e], et le petit salut main placée au-dessus de la tête, comme ça :
et la petite bonne femme en plastique jaune, comme ça :
Et puis, toujours pour ne pas mourir idiots, ils décodent, seuls, avec à peine une petite aide de leur enseignant les trois syllabes qu'ils peuvent maintenant composer et décomposer :
ni - no - né
avant qu'enfin, leur enseignant les guide du geste et réalise avec eux le double carambolage qui leur permettra de trouver seuls le prénom de celui qui semble bien être le petit frère de Nino, le jeune « nnnnnnooooééééé » ou plus simplement, lorsqu'on substitue les graphèmes aux phonèmes, le jeune :
Noé
Le lendemain, l'ajout de la lettre a les mènera, grâce aux différents rituels, à faire connaissance avec deux autres enfants, dont ils auront décodé les prénoms, presque seuls maintenant pour les plus rapides et avec de moins en moins d'aide pour les plus faibles :
Ana - Noa
De toute façon, ils n'ont pas à les apprendre par cœur puisque, chaque jour, de carambolages en carambolages, de gestes en gestes, de petits bonshommes en petits bonshommes, d'œil en œil et d'oreille en oreille, ils pourront les retrouver seuls de façon toujours plus rapide et fluide.
C'est ainsi qu'en fin de période 1, à la veille des premières vacances, en plus des jolis albums que leurs enseignants leur auront lus et commentés, en plus des 5 à 6 phonèmes que leur aura présentés leur beau manuel plein de couleurs et de mots, ils auront appris à combiner 17 graphèmes entre eux pour créer des syllabes (pas trop), des mots (beaucoup) et des phrases (pas aussi vraies et riches que celles de leurs manuels en papier glacé, mais déjà signifiantes) :
i - o - n - é - a - l - e - u - m - b - c - d - p - s - r - et - un
Ces acquis seront pour le moment bien insuffisants pour aborder ne serait-ce que la première phrase proposée par leur manuel mais, à bas bruit, en s'additionnant avec ceux qu'ils apprendront en novembre, puis en décembre puis encore lors des cinq à six mois des deux autres trimestres de l'année scolaire, j'ose espérer que ne seront restés non-lecteurs que les (bien heureusement) très, très rares enfants dont le profil, très particulier, rend pour le moment impossible l'apprentissage de la lecture.
Ceci dit, ce ne sera pas magique et cela nécessitera de la ténacité :
Et puis, et c'est le plus important, il devra être suivi scrupuleusement, sans fioritures ni ajouts. Juste ça :
Le rythme devra être enlevé, rapide et la séance ne devra jamais durer plus de 10 minutes :
Et si certains élèves semblent perdre leurs acquis au fur et à mesure, on pourra les prendre en plus, en APC, surtout si la classe est nombreuse et les écarts de langage importants entre les plus diserts et les moins bavards.
Enfin, dernier point : la confiance !
Si en plus de ces trois signes de confiance, vous ajoutez un brin de confiance en mes propos,
ex-cel-len-tes !
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Réactualisée le 19/01/2019
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[1] Les gestes se trouvent à la fin de l’article proposé en lien.
[2] Rien que dans ce paragraphe, comptez combien de son [i] traduits par le graphème i et combien de son [o] traduits par le graphème o vous venez de réutiliser sans même vous en rendre compte.
et de consacrer réellement 1 h 30 à 2 h par jour à l'écriture et à la lecture, grâce à une méthode à entrée graphémique, ce qui mènera finalement assez vite leurs élèves à une imprégnation littéraire autonome, je me permets de leur signaler que le manuel Écrire et Lire au CP réalise ce tour de force de :
Je sais que ce manuel est très peu connu. C'est pourquoi je vous propose de vous l'envoyer, au prix auquel me le vend mon éditeur (13 € les deux livrets), en prenant en charge les frais de port (5,28 € au tarif « Lettre verte » pour la France métropolitaine). Vous pouvez me contacter en cliquant sur ce lien pour connaître les modalités de paiement ou pour tout renseignement complémentaire : Contact .
... ; CP : Rituel d'imprégnation graphémique (2) ; CP : Rituel d'imprégnation graphémique (3) ; CP : Rituel d'imprégnation graphémique (4) ; CP : Rituel d'imprégnation graphémique (5)
CP : Écriture graphémique (1) ; CP : Écriture graphémique (2) ; CP : Écriture graphémique (3) ; CP : Écriture graphémique (4) ; CP : Écriture graphémique (5)
CP : Méthode de lecture "Nino et Ana" ; CP : Méthode Nino et Ana : cahier 2 ; CP : Méthode Nino et Ana : cahier 3 ; CP : "Nino et Ana", production d'écrits ;