L'École Primaire comme je voulais la raconter

Critique très rapide d'un manuel CP que je n'avais pas eu le temps d'analyser à sa sortie.
Nous ne parlerons pas du petit piano qui a tout du gadget***. Il sera aisément remplacé (ou complété si on veut quand même s'en servir) par une boîte de 60 Alphas et le recours systématique par l'enseignant aux gestes Borel Maisonny (attention, ce sont des gestes qu'on propose aux enfants mais qu'on ne leur impose pas).
*** Suite à de nombreuses réflexions de collègues qui utilisent la méthode, je nuance mon avis en reprenant ici la remarque faite par Jordane en commentaire :
Effectivement, [le piano,] c'est tout bête mais ce n'est pas un gadget ! Les enfants tapent sur les touches et associent vraiment le phonème au graphème. On s'amuse, on fait des vocalises .... A chaque phonème, on tape sur le piano en faisant les syllabes dans les 2 sens :
ma mi mo mu
am im om um
Et quand on arrive aux syllabes inversées justement, plus de problème! On dit le son quand on tape sur la lettre et je n'ai plus d'enfants qui disent ra au lieu de ar. Ils ont l'habitude de faire les deux !
Par exemple :
Jours 1 et 2 : page du a et la ;
Jours 3 et 4 : Page du i, y et il, la ;
Jours 5 et 6 : Page du o et un, il, la ;
Jours 7 et 8 : page du u et une, un, il, la ;
Jours 9 et 10 : page du e et le, une, un, il, la ;
Jours 11 et 12 : page du é, è et elle, une, un, il, la ;
Jours 12 et 13 : Révision et oppositions le/la, un/une, il/elle ;
Jours 14 et 15 : l et le, la, il, elle ;
Jours 16 et 17 : f et opposition un/une ;
Jour 18 : les mots outils
Avec des enfants bien latéralisés, ça peut passer.
Penser à travailler la latéralisation :
→ à l'aide de parcours fléchés en sport et en mathématiques ;
→ à l'aide de travail sur la symétrie axiale en mathématiques et arts plastiques
→ à l'aide de copies de figures en mathématiques, en ateliers libres, et de jeu du miroir en EPS
Penser à bien les faire expliquer, même si elles paraissent évidentes, dès la toute première d'entre elles :
La fée Lili a un chat.
« De qui nous parle-t-on ? Que nous dit-on sur elle ? Quel est son « métier » ? Comment s'appelle cette fée ? A-t-elle un animal ? Lequel ? À votre avis, est-ce que ce chat est un chat "normal" ou un chat "magique" ? Pourquoi pouvons-nous penser qu'il est "normal" ? qu'il est "magique" ? Savons-nous si elle a d'autres animaux ? Pourquoi ? Quel autre animal pourrait-elle avoir ? Pourquoi ? Connaissez-vous des animaux dont on dit souvent qu'ils vivent avec une fée ? une sorcière ? un sorcier ? un chasseur ? un ogre ? une princesse ? un prince ?... »
Vraiment dommage qu'ensuite, ça s'étiole avec des phrases complètement stupides (Elle a lavé les jolis javelots) souvent dues à un réinvestissement insuffisant des graphies connues. Cela oblige à jongler avec la nouvelle graphie et les 6 voyelles et à produire ces stupidités là où les élèves pourraient lire bien mieux.
Sans compter que les consonnes précédentes, insuffisamment réinvesties, peuvent être oubliées par les enfants dont la mémoire à long terme est peu fiable. C'est ainsi qu'on est obligés de garder en classe des affichages pour des données qui ne le nécessiteraient pas si elles étaient réinvesties presque quotidiennement.
pour moi, tous les élèves (sauf enfant en inclusion) peuvent arriver au "niveau 3", pour peu qu'on utilise pour chacun les "armes" qui conviennent (y compris la lecture individuelle, pendant la récréation, avec comme "récompense", l'octroi d'un jeu convoité). Et qu'on cultive un peu plus que les auteurs le réinvestissement des graphies étudiées précédemment !
mais il faut que tous, même les moins dégourdis, aient accès à leur lecture !
→ On ne perd pas un temps précieux à chercher à entendre ce qu'on sait prononcer depuis 3 à 5 ans
→ on « fabrique » soi-même ses syllabes ce qui évite de croire qu'il faut les apprendre par cœur "image" par "image"
→ on lit des mots, même très simples, dès qu'on en est capable
♠ mais on n'en lit pas assez parce que les auteurs s'interdisent le retour sur des graphies vues précédemment
→ on lit des phrases, même très simples, dès qu'on en est capable
♠ mais ces phrases n'élargissent pas assez les capacités mnésiques des enfants. Exemple : vous venez d'apprendre la lettre J de javelot, mais vous connaissez encore les lettres v, r, n, m, s, ch, f, l... ce qui vous permet de lire autre chose que Julie a une jumelle. Il a lavé les jolis javelots. La jolie jumelle de Lili se nomme Julie.
→ on lit des textes, même très simples, dès qu'on en est capable
♠ mais ces textes n'enrichissent ni le lexique, ni la capacité de reconnaissance quasi automatique des graphies
→ la longueur et la difficulté de ces textes augmente leçon après leçon
→ la lecture de ces textes est très clairement le but à atteindre puisque :
◊ ils deviennent assez vite la conclusion de chaque leçon
◊ leur longueur augmente alors que le nombre des autres éléments de la leçon (syllabes, mots, phrases isolées) n'augmente pas.
Bizarre mais pas « dangereux » comme les manuels qui introduisent ci, ce avant ca, co, cu ou gi, ge avant ga, go, gu.
On s'adapte et on utilise dès que possible, lorsqu'on écrit un texte ensemble au tableau.