L'École Primaire comme je voulais la raconter
Merci à ICEM Pédagogie Freinet pour cet exemple de jogging d'écriture
sans fautes d'orthographe.
On consultera avec bonheur cet article pour comprendre
comment améliorer (syntaxe, lexique et orthographe
les premiers jets des enfants)
Qu'on le veuille ou non, l'orthographe fait partie intégrante de l'écriture française. On ne peut ni en négliger l'usage, ni le différer au-delà du raisonnable. Les familles, les grandes écoles, les entreprises, la société civile l'ont compris et, hors de l'Éducation Nationale, on sélectionne beaucoup les personnes que l'on rencontre sur leurs compétences orthographiques .
Avec nos élèves de CM, surtout si leurs débuts ont été guidés par l'expression écrite uniquement préoccupée du son des mots et totalement déconnectée de leur sens et de leurs relations, nous nous débattons pour leur faire appliquer les règles qui régissent tant le corpus lexical de notre langue que les liens que tissent ces mots entre eux à l'intérieur de la phrase.
Si presque tous appliquent ces règles dans le cadre des exercices spécifiques d'entraînement, si une bonne proportion arrive encore à garder ces règles grammaticales et ces listes de mots actives pendant une ou plusieurs phrases dictées, la plupart semble ne pas se souvenir que ces règles existent lors des joggings d'écriture ou des productions d'écrit pourtant fréquentes que nous leur donnons à composer.
Certains d'entre nous d'ailleurs s'en satisfont, persuadés qu’ils sont qu'on peut écrire sans règles à certains moments sans pour cela perturber la construction du système de vigilance orthographique de l'individu. Ceci est assez normal puisque c'est une théorie qui court dans l'Éducation Nationale depuis une bonne quarantaine d'années[1].
Pour ceux-là, l'article s'arrête ici. Pas la peine de chercher des solutions, puisqu'il n'y a pas de problème.
Pour les autres, voici une proposition de solution, sous forme de rituel quotidien ou hebdomadaire.
L'idée serait d'inverser la vapeur pour tenter de repartir sur des bases saines en instaurant un nouveau rituel : la dictée autonome baptisée Cap mille mots, pour plaire aux élèves en instaurant un enjeu.
Je verrais bien ce défi d'orthographe prendre la place du jogging d'écriture mais peut-être est-ce un trop grand saut conceptuel pour les collègues et leur hiérarchie ? On n'efface pas 40 ans de certitudes d'un simple trait de plume, ou plutôt d'un coup de souris assuré. Les résistances sont difficiles à dépasser, c'est normal.
Alors gardons l'idée du Cap mille mots indépendant de toute autre activité d'écriture, tous les lundis, ou mardis, ou jeudis, ou vendredis matins, en arrivant. Ou en début d'après-midi. Ou... quand on veut, pourvu que ce soit régulier et qu'on ne fasse pas sauter la séance une fois sur deux parce qu'on était en retard, qu'on avait l'intervenant musique, que c'était juste après la séance de piscine ou autre.
Un cahier seyes 17x22 de 48 pages devrait suffire. Ou un intercalaire spécial dans le classeur de français (toujours 17x22 pour que les élèves écrivent plus facilement et plus proprement).
On colle dans la couverture ou sur l'envers de l'intercalaire un tableau à 1000 cases réalisé sur deux feuilles A4 format paysage.
Télécharger « Cap mille mots .pdf »
Pour chaque élève, le défi consiste à formuler une phrase dans sa tête puis à l'écrire en essayant qu'il n'y ait quasiment pas de fautes. Bien sûr, il a droit à toutes les aides possibles : dictionnaires, répertoires, affichages, leçons, ...
L'enjeu est d'atteindre les mille mots correctement orthographiés et accordés dans l'année scolaire (ou le trimestre, ou la demi-année, je ne me rends pas bien compte), sachant que l'élève gagne un point par mot correctement orthographié et accordé.
Cela favorise l'écriture de phrases longues pour gagner plus de points.
Après chaque séance, l'enseignant prend les cahiers ou les feuilles, si possible en présence de l'élève et corrige les mots mal orthographiés, en expliquant rapidement l'erreur si l'élève est présent. Il compte ensuite les mots correctement orthographiés et inscrit dans la marge + ... .
L'élève colorie alors le nombre correspondant de cases sur son tableau, visualisant ainsi ses progrès.
Au début, on peut leur donner deux « chances » avec fautes soulignées par l'enseignant entre les deux essais, sachant que cette aide ne doit pas durer, sauf cas très particuliers.
On peut aussi dire aux élèves qu'ils ne sont pas obligés d'employer des mots rares et des accords compliqués et leur montrer qu'on peut gagner 5 points en écrivant :
Papa a raté le bus.
alors qu'un camarade n'en gagnera que deux en écrivant :
Demin, can j'aurais échanger mais livre, je pourrais savoire dequoi et conposé sette planaite.
Lorsqu'un élève arrive régulièrement à écrire une phrase quasiment sans fautes, sans deuxième chance accordée, il peut passer à deux phrases.
On peut alors décider que les points seront doublés dans la deuxième phrase pour favoriser l'envie de passer à ce deuxième stade.
Après, à voir...
Peut-être s'en servir pour remplacer totalement le jogging d'écriture qui deviendrait un jogging de français écrit ?
Peut-être élargir le concept pour limiter l'extrême tolérance aux fautes dans les rédactions individuelles de solutions de problèmes, de réponses aux questions et autres comptes-rendus d'histoire, de géographie ou de sciences ?
Tout dépend de vos élèves mais aussi surtout de vous et de votre seuil de tolérance au massacre de l'orthographe façon film d'horreur interdit aux moins de 15 ans...
Toute erreur doit être comptabilisée sous peine de perdre toute crédibilité aux yeux des élèves.
On ne peut négliger ni la ponctuation, ni les majuscules, ni les mots mal orthographiés (même un petit trait d'union, même un accent, même une cédille ou un tréma), ni les accords sous prétexte qu'ils n'ont pas encore été vus, qu'ils sont trop difficiles ou peu usités.
C'est à ce prix que nous passerons pour des gens sérieux et que nos élèves gagneront eux aussi ce sérieux et cette vigilance.
Bon courage. Très sincèrement.
[1] On va même jusqu’à rameuter l’orthographe hautement fantaisiste de certains Poilus de la Première Guerre Mondiale pour tenter de prouver que le niveau d'orthographe a monté. « Facile, rétorqueront les gens qui savent compter : avoir eu entre 20 et 50 ans en 1914, c’est être né entre 1864 et 1894, et donc n’avoir pu profiter au mieux que des balbutiements de l’École Publique gratuite et obligatoire, à l’époque où elle n’avait encore eu ni le temps de former assez d’instituteurs dans ses Écoles Normales pour en doter toutes les classes de France, ni celui de convaincre les familles que la place d'un enfant de 7 à 12 ans était sur les bancs de l'école et non dans les champs à aider ses parents. »