L'École Primaire comme je voulais la raconter
Suite à la publication du livret rouge et à sa façon toute particulière d'envisager l'apprentissage de la lecture, de nombreux collègues s'interrogent sur la manière de mener sur le long terme les révisions de sons prescrites par ces éminents pédagogues. Il y a de quoi s'interroger lorsqu'on a des prescriptions aussi alambiquées pour quelque chose qui va de soi et devrait être d'une simplicité extrême.
Si je voulais résumer en quelques mots ce que je vais développer ci-dessous, je dirais que la révision de sons est à l'apprentissage de la lecture au CE1 ce que le passage des vitesses est à l'apprentissage de la conduite automobile entre 16 et 18 ans : un apprentissage à long terme qui ne se fait jamais mieux qu'en situation.
La révision de sons est continuelle pendant une séance de lecture dite de compréhension et c'est la meilleure révision que l'on puisse faire.
Un exemple parmi cent autres : Comment mieux fixer la prononciation du mot qui s'écrit mon-si-eur et se prononce [møsjø] ou même [msjø] qu'en lisant La Chèvre de Monsieur Seguin où ce personnage est nommé plus de 20 fois en 6 pages ?
Si, tous les jours, si possible à heure fixe, vos élèves de CE1 ont l'occasion de lire chacun une phrase du texte du jour, leur cerveau va très vite réviser toutes les graphies courantes et continuer à mémoriser les graphies rares ou même uniques qu'ils ont moins rencontrées au cours de leur apprentissage.
C'est quasiment suffisant. Surtout si la méthode de lecture employée prévoit en fin de texte deux à trois lignes de lecture de mots (et syllabes en tout début d'année) contenant tous une même graphie.
Si la méthode n'en contient pas, il est facile d'en rajouter une petite liste au tableau en revenant systématiquement ou presque sur toutes les graphies complexes et en commençant par les plus courantes (an, on, ou, oi, in).
Exemple (dans Lecture et Expression au CE, page 9, premier texte de l'année) :
ou encore (page 11, deuxième texte, le lendemain) :
Afin de satisfaire les recommandations du guide rouge pour la lecture au CE1 (voir ici : Le petit livre rouge (2), exemple de progression dans la consolidation des graphèmes complexes), on peut alterner ces exercices de révisions de sons courants avec des exercices de relecture de mots contenant des graphies rares.
Par exemple, toujours dans Lecture et Expression au CE (page 15, deux jours plus tard) :
ou (page 17, le jour suivant) :
Parfois, on se retrouve face à une graphie inconnue de tous et là, il faut une véritable leçon de lecture, telle qu'elle aurait dû avoir lieu au CP :
1. On écrit le mot contenant le son au tableau et on isole la graphie complexe.
effrayé
2. On lit lentement le mot en le suivant du doigt tout en articulant. On relit et on s'arrête sur la graphie complexe dont on prolonge le son longuement avant de continuer la lecture décomposée du mot.
[ɛfRɛɛɛjjjE]
3. On demande aux élèves de prononcer cette graphie complexe seule.
[ɛj]
4. On fait alors lire quelques logatomes la contenant en les écrivant au tableau l'une après l'autre.
ayon - payou - layeu - ayan - pay
5. Puis on écrit un mot contenant cette graphie et on le fait déchiffrer à un premier élève qui en donnera en plus la définition.
un crayon
6. On en écrit alors un deuxième qu'on fait lire (déchiffrer et définir) à un deuxième élève.
des rayons
7. On recommence ainsi jusqu'à ce qu'on ait épuisé le stock de mots connus contenant cette graphie.
un balayeur - des rayures - le paysage - un paysan - une paysanne - un pays - tu vas payer - vous payez - bégayer - effrayé - effrayant - essayer - essayons !
8. S'il n'y en a pas eu assez pour que tous les élèves aient lu au moins un mot, on fait relire la liste par les élèves restants, toujours un mot chacun.
Conseil + : Pour le stock de mots, il est intéressant d'avoir un ou deux spécimens de manuels de CP bien pourvus (pas Piano ou Pilotis avec leurs quatre mots qui se battent en duel). D'un simple coup d'œil à la table des matières, on peut improviser une leçon de lecture qui, en cinq à dix minutes, permettra aux élèves de compléter leur "culture graphémique".
Dans les jours suivants, il peut être intéressant de vérifier pendant les lectures à voix haute de textes si les élèves ont bien mémorisé la graphie (d'où l'intérêt des textes à épisodes qui permettent de brasser le même vocabulaire pendant plusieurs jours).
S'il y a encore des hésitations, on répète : « Telles lettres mises ensemble, cela se prononce tel son. » et on fait relire rapidement (en chœur, cette fois) quelques mots contenant cette série de lettres.
Par ailleurs, si vous utilisez OrthoGraph', vous allez leur faire réviser les graphies au long cours sur l'année :
→ les trois premières semaines, les bases des bases : voyelles et consonnes univoques
→ et ensuite, semaine après semaine telle ou telle difficulté, confusion ou graphie complexe.
Pendant ces séances, ils écriront mais ils liront aussi et vous aurez ainsi fait les « révisions de sons » que vous aviez peur d'avoir oublié dans votre programmation.