L'École Primaire comme je voulais la raconter
Merci à Alexis, Clemente, Benoit et Gil, d'anciens élèves de CE1, CP et GS...
Quand un élève arrive au CE1, c'est un peu comme lorsqu'un poussin quitte la chaude protection des plumes de sa mère, quelques heures après avoir cassé sa coquille. Ou comme lorsqu'un enfant se lance pour la première fois seul, sans roulettes, sur son beau vélo de grand : ils ne vont ni bien loin, ni bien droit...
Le poussin ne picore pas tout de suite les bonnes graines et l'enfant ne maîtrise pas très bien les embardées de sa monture... Et, dans un cas comme l'autre, la surveillance et les encouragements d'une mère poule, réelle ou métaphorique, sont indispensables ! Comme sont primordiales la motivation et l'émulation que crée la présence des autres poussins de la couvée ou celle des petits camarades qui pédalent avec ardeur au parc public du bout de la rue comme sur l'esplanade en bas des tours ou au cœur du lotissement...
Notre élève de CE1, même très bon lecteur-scripteur pour un CE1, n'a pas plus eu le temps que notre poussin et notre cycliste de se perfectionner dans son art et s'il sait à peu près écrire les quelques mots simples que nous lui dictons, il n'est certainement pas capable de produire seul un écrit cohérent et correctement orthographié de plusieurs phrases, même si – ce qui est rare, il faut en convenir – son enseignant de CP lui a régulièrement fait pratiquer l'écriture autonome de phrases et textes.
Pourtant, dix mois plus tard, avec quelques camarades, si on l'y prépare à petits pas, il saura, comme Alexis et Clemente, les CE1 de la bande ci-dessus, inventer de toute pièce une Histoire comme ça, à la manière de Rudyard Kipling[1] !...
Dans la méthode des petits pas, on repart toujours d'un peu plus en amont que nécessaire.
→ Si la classe ne comporte que des lecteurs-scripteurs rapides, on procède comme si c'étaient des lecteurs-scripteurs lents, ceux que nous avons (normalement) après cinq à six mois de CP...
→ Si la classe comporte une majorité de lecteurs-scripteurs lents, on reprend à la fin du premier trimestre du CP, quand toutes les graphies simples ont été vues mais que les élèves ne maîtrisent pas encore tous les on, an, in, oi, ou... de notre langue.
→ Si hélas – car, je le remarque à nouveau depuis le début de la semaine, cela existe encore malgré les CP à 12 et le Guide orange... – la classe n'est composée, sauf une exception ou deux, que de lecteurs-scripteurs très lents et d'une cohorte de non-lecteurs, la production autonome d'écrits qu'on leur demandera pour le moment sera celle qu'on obtient normalement au CP après quatre à cinq semaines de classe !
Dans tous les cas, comme pour le petit poussin et le jeune cycliste, ils ont encore un besoin crucial d'aide, d'encouragements et de surveillance, ainsi que de motivation et d'émulation. Ce qu'il y a de bien, c'est que, comme le petit poussin et le jeune cycliste, ils ne sont pas seuls et que cette aide, ces encouragements, cette surveillance, cette motivation et cette émulation peuvent être assurés, 24 heures par semaine, par au moins une douzaine de personnes, si ce n'est pas beaucoup plus (jusqu'à une trentaine ou presque) !
Et ce sont ces douze à trente personnes qui, aussi souvent que possible, vont créer les conditions qui feront que les tout jeunes poussins et les cyclistes débutants deviendront bientôt capables de trier eux-mêmes le bon grain de l'ivraie.
Pour les premiers jours de classe, nous ne prévoirons pas forcément d'exercices d'expression écrite à proprement parler. Surtout si le niveau de la classe est faible à très faible. Il vaudra mieux pour eux les préparer à l'idée de l'écriture en leur proposant tout le matériel (les mots, les signes de ponctuation) et en leur demandant simplement de les agencer.
La reconstitution de phrase permettra de faire ressurgir les souvenirs du CP dans l'esprit des élèves qui n'ont pas rédigé de phrases pendant les vacances d'été. De plus, en choisissant les mots parmi ceux que les lecteurs faibles à très faibles savent décoder, on renforcera l'idée (qui n'a pas réussi à faire son chemin pendant l'année de CP) que lire et écrire, c'est vraiment très simple, du moment où on connaît le code (Lulu a lu ?... Titi rit : le rat a fui !... Je sais, c'est nul, mais au moins ils peuvent le lire...).
Le travail collectif et le débat qui en naît est essentiel : lecture de chacun des mots proposés, remarques sur la présence de mots commençant pas une majuscule, recherche de la cohérence, tout cela se fait en groupe-classe, chacun son tour, sans laisser un seul élève bayer aux corneilles ou titiller les copains en comptant sur Truc et Bidule qui adorent se faire bien voir de la maîtresse.
C'est ce travail de motivation et d'émulation constructive qui permettra à tous de progresser à petits pas sur le chemin de la maîtrise (encore très partielle dans le cas de la production d'écrits quand il s'agit d'enfants de CE1).
Le maître insistera sur les mots phrase, majuscule, point et exigera des élèves une attention appuyée à l'orthographe en demandant une épellation correcte. Dans les classes où la phrase pourra servir de matériel pour la copie, cette attention aux signes de ponctuation et à l'orthographe sera contrôlée avec soin.
Dès que possible, en parallèle avec la reconstitution de phrase, nous procéderons à l'énonciation, ou mieux à la rédaction des premiers textes d'imagination ou de narration de l'année scolaire.
Le thème choisi sera simple, l'exercice consistera à énoncer en une phrase une activité à laquelle ont participé les enfants pour pouvoir ensuite la traduire en écrit lisible et intelligible de tous.Les thèmes abordés dans le domaine Questionner le Monde sont l'un des domaines-rois pour cette production collective. Les textes lus ensemble ou proposés en lecture offerte par l'enseignant constituent le second vivier de thèmes possibles.
La recherche d'une expression orale correcte, inspirée par les règles d'énonciation de l'écrit, sera le point de départ impératif du travail d'expression écrite, en optant pendant un temps plus ou moins long[2] pour une production collective, écrite au tableau, sous la houlette de la « mère poule » qui prépare à l'écriture « au fil de la plume » des accords grammaticaux, explique et rappelle les règles, aide les élèves à restituer l'orthographe des mots, encourage et félicite.Cela ne se fera pas en un jour mais il est indispensable d'y revenir chaque fois que l'on confronte les élèves à une production de phrase : on n'écrit jamais « comme on veut » pour se corriger ensuite.
Vu comme ça, le « traumatisme » dont nous parlent certains ne sera pas bien grand, surtout si l'enseignant encourage, aide et répète que c'est en essayant qu'on y arrivera ; le travail collectif et l'aide des pairs feront le reste et personne n'aura besoin d'être « débloqué » par l'instauration d'une fausse bienveillance qui consiste à l'écarter du lot commun, celui de ceux qui savent s'exprimer par écrit en étant compris de tous.
Au CE1, le gain sera modeste et l'on désespérera souvent de voir un jour progresser l'orthographe de nos élèves mais, à terme, si cette vigilance orthographique est maintenue dans les classes supérieures, nous ne rencontrerons plus d'adolescents ou même d'adultes obligés de se surveiller et se relire sans cesse pour écrire ne serait-ce qu'un court paragraphe dans un message électronique… Les élèves seront sollicités sans arrêt, de manière à ne pas pouvoir s'échapper, on instaurera un tour de rôle qui permettra (et imposera) à chacun de participer à son niveau (principe développé par Pierre Péroz ici). Le niveau demandé sera en cohérence avec les capacités de chacun.
[Les enfants doivent écrire ensemble, avec leur enseignant, une phrase racontant ce que font la souris et la grenouille, héroïnes de l'histoire qu'ils viennent de lire, maintenant qu'elles habitent ensemble.]
Phase orale : Un dialogue s'instaure au sein de la classe pour décider de l'occupation choisie par les deux animaux, dialogue dirigé par le maître qui évite les trop longue prises de parole et les digressions et sollicite à leur niveau les élèves mutiques ou peu intéressés.
Lorsque le thème est trouvé, toujours sous la direction du maître, le débat s'oriente vers la façon de tourner la phrase et les mots à employer.
Le maître sollicite les élèves les plus fragiles, rappelle éventuellement des règles de l'expression écrite (emploi de la négation, du pronom nous plutôt que on, vocabulaire familier à proscrire, …) et encourage à enrichir la phrase.
Lorsque la phrase est choisie, le maître la fait répéter à plusieurs élèves. Au besoin, dans les classes où la lecture est encore très hésitante, il balise le tableau en réalisant autant de cadres que la phrase comporte de mots.Par exemple pour la phrase : « La souris balaie devant la cruche et la grenouille installe deux lits. », il préparera le balisage suivant :
Phase écrite :
On peut, au choix, écrire soi-même, seul ou sous la dictée des élèves qui épellent, ou faire écrire des élèves volontaires. On peut aussi mixer toutes ces méthodes, se réservant les mots difficiles et réclamant l'aide des élèves pour ce qu'ils connaissent déjà.
La seule règle à respecter est d'obtenir dès le début une orthographe correcte. L'orthographe grammaticale doit être évoquée en amont de l'écriture afin que, progressivement, elle fasse instinctivement partie de l'image du mot lorsque ce dernier se trouve utilisé dans les mêmes conditions syntaxiques (ici, le mot lits pourra déjà faire l'objet de ce travail : « Nous allons écrire "lits", quelqu'un connaît la lettre muette à la fin de ce mot ? Qui peut trouver un mot de la même famille dans lequel nous prononçons cette lettre ? Combien de lits la grenouille installe-t-elle ? Quelle lettre devons-nous mettre à la fin du nom "lits" pour montrer qu'il y en a deux ?... Qui peut m'épeler le mot sans rien oublier, ni la lettre muette, ni la marque du pluriel, pour que je puisse l'écrire correctement ?... ». )
Une fois la phrase écrite au tableau, elle pourra être recopiée individuellement dans un cahier dédié ou sur le cahier du jour et illustrée, collée après avoir été dactylographiée et imprimée, ou tout simplement recopiée à un exemplaire pour illustrer un Cahier de Vie de la classe qui circulera dans les familles jour après jour.
Un premier travail, simple, qui permettra que tous participent, ce sont les reconstitutions de phrase, à partir de mots et de ponctuations donnés. En choisissant des mots parmi ceux que les élèves peuvent déchiffrer, l'exercice est accessible à tous.
Une illustration de la phrase produite permet de contrôler la compréhension.
L'autre exercice, du même type, consiste à donner une phrase lacunaire que l'élève complète en écrivant seul le ou les mots manquants. Selon le degré de maîtrise de l'écrit des élèves, ce mot ou ces mots seront à sélectionner dans une liste ou à écrire seul, par la technique de l'encodage.
Un troisième exercice, proche de la rédaction en autonomie, consistera à donner aux élèves des images simples sous lesquelles ils devront écrire seuls un ou deux mots les décrivant (le rat - il pédale - je lave - une pile - ...). En choisissant des mots « transparents », on ne confrontera pas l'élève à ce qu'il ne peut encore maîtriser : l'orthographe du français.
Merci à La maîtresse aime pour cet exemple.
C'est en copiant les textes collectifs et en les illustrant que les élèves vont débuter leur carrière d'écrivains... Après tout, Victor Hugo lui-même illustrait ses textes de croquis et dessins !
Si on choisit de rédiger ensemble les textes qui seront recensés dans le « Cahier de Découvertes » ou « Cahier d'Expériences », les faire recopier ensuite permet aux élèves de retrouver sous leur plume les particularités orthographiques, les accords, les tournures de phrases et la ponctuation qu'ils ont eux-mêmes participé à rendre corrects.
Quant à l'illustration par le dessin qu'ils en feront, elle suscitera souvent les premiers essais parfaitement autonomes d'écriture, sous la forme de légendes et de notes personnelles.
Attention exemple de fin de CE1.
Les élèves écrivent plus facilement. Le programme de lecture (fluidité et compréhension en même temps, le tout mâtiné de littérature lue ou offerte) leur a fait découvrir des tournures de phrases, du vocabulaire et des[3] thèmes qui auront enrichi leurs capacités d'expression.
Les leçons d’Étude de la langue tout comme les dictées, leurs préparations, leurs accompagnements et leurs corrections, auront commencé à leur donner quelques repères dans le maquis de l'orthographe du français.
Peu à peu, selon l'un des préceptes de la méthode des petits pas, chacun des élèves se sentira capable de prendre son envol, pour picorer deux ou trois grains de blé ou d'enfourcher sa fière monture (à pédales) pour aller jusqu'au banc qui est là-bas, à côté du gros arbre !
Cela nous permet maintenant de programmer d'abord les exercices que nous leur proposerons en autonomie.
Tout comme lors de la lecture orale, on ne dissocie pas le décodage de la compréhension, il est fondamental de ne pas dissocier la correction de l'expression de la correction orthographique : écrire peu mais juste sera toujours préférable à une logorrhée chaotique constellée de mots mal transcrits et mal accordés.
D'où le (s). Il vaut mieux n'écrire qu'une phrase, correcte syntaxiquement et orthographiquement qu'une page sans points ni virgules et constellée de fautes en tout genre.
La description d'images, sur le mode de ce que nous avons fait lors des exercices d'encodage permet mieux d'instaurer une égalité aux élèves que des consignes ouvertes du genre « Pendant les vacances, j'ai ... » ou « À l'école, j'aime bien... . »
On commencera par une image, simple, comme ici dans Lecture et Expression au CE :
puis nous passerons à une suite de trois images qui nous permettront d'encourager les élèves à écrire trois phrases distinctes, mais liées les unes aux autres par des connecteurs logiques, après l'avoir d'abord traité en classe pour ne pas dérouter les élèves les moins à l'aise.
Dans tous les cas, le travail sera le même :
⇒ Chaque élève écrit, au brouillon et au crayon à papier, un premier jet. Il lui a bien été précisé au préalable qu'il se faisait une dictée à lui-même et qu'il devait autant que faire se peut réutiliser ses connaissances. Il sait aussi qu'il ne doit rédiger qu'une phrase, comme il l'a toujours vu faire lors de la rédaction des textes collectifs.
⇒ Il présente son brouillon à l'enseignant qui entoure, souligne, corrige les fautes selon ce qu'il sait ce que l'élève est capable de faire (il va souligner ou entourer un mot connu mal orthographié ou un accord déjà étudié mais il va corriger lui-même un mot rare ou un accord compliqué).
⇒ L'élève reprend son brouillon, corrige les erreurs qui lui ont été signalées et, s'il s'agit de rédiger plusieurs phrases, il commence la suivante.
⇒ L'élève présente à nouveau son travail à l'enseignant qui valide ou corrige lui-même la première phrase.
Si l'élève en a commencé une seconde, il lui donne les indications de correction pour cette dernière.
⇒ L'élève recopie la première phrase au propre, en tenant compte des corrections faites. S'il en avait commencé une seconde, il la rectifie comme il l'avait fait pour la première.
Le but à obtenir partout, même avec des élèves faibles, correspondra sensiblement à celui-ci avant la fin de l'année scolaire (élève en difficulté, TDAH sans AVS, CE1) :
Ce but est un « seuil limite inférieur » qui peut bien entendu être dépassé, même largement.
On pourra même, dans les bonnes classes, en fin d'année, passer à des séries de six images, et à des sujets moins guidés tel celui-ci, tiré de Lecture et Expression au CE, Module 12.
Dans le cadre des exercices de grammaire, de conjugaison, de vocabulaire, d'orthographe ou lors d'exercices de résolution de problèmes ou d'observation de documents, les élèves continuent à produire eux-mêmes des écrits :
- phrases lacunaires
- phrases à transformer selon une consigne
- phrases à remettre en ordre en se servant d'indices grammaticaux (Les + mésanges + affamées + dévorent + la + petite + fourmi et non Les + petite + fourmi + affamées + dévorent + la + mésanges)
- phrases-réponses à des questions (problèmes, observation de documents, lecture, ...)
Cependant, s'ils écrivent plus facilement, ce n'est pas gagné pour autant et ils ont toujours besoin de leur encadrement habituel : l'enseignant pour la guidance et les conseils, les camarades pour la motivation et l'émulation constructive !
Ce qui fait que, dans le domaine Questionner le monde particulièrement, mais aussi pendant l'horaire de français de temps en temps, on pratique encore largement la rédaction collective de textes en lieu et place des travaux en autonomie, que ce soit pour des écrits plus longs que d'habitude ( voir par exemple Lecture et Expression au CE (Module 1), p 19 et 20) ou pour des « nouveautés » auxquelles il convient de s'habituer (voir Lecture et Expression (Module 2), guide pédagogique p. 9) :
Dans les classes calmes, où l'ambiance est au travail, on peut aussi maintenant envisager de laisser les « poussins » mener seuls leur exploration du territoire et les « cyclistes » inventer ensemble des jeux de courses, d'acrobaties ou de poursuites...
En production d'écrits, cela sera utile, pendant le temps de Français comme pendant celui de Questionner le Monde, lorsque l'écrit à produire sera trop long, que ce soit en travail collectif ou en travail en autonomie. La constitution de groupes (trois ou quatre, c'est vraiment le maximum en CE1) permettra, dans un premier temps, de se partager le travail.
Un exemple ici, tiré de Lecture et Expression au CE (Module 1), p. 28.
E. Expression :
Nous faisons la liste de toutes les pièces de la maison et nous expliquons à quoi elles servent.
Le travail est simple. Dans les classes où les élèves savent écrire en tenant compte de l'orthographe, on peut partager le travail et charger des petits groupes de trois ou quatre enfants de décrire une pièce en particulier. C'est un travail qui peut avoir lieu pendant l'horaire réservé au domaine Questionner le monde (construire des repères spatiaux ; comprendre qu'un espace est organisé).
Lorsque l'année s'est bien déroulée (et qu'on ne partait de pas trop bas), on peut envisager de finir l'année par un travail exceptionnel, d'une ampleur différente.
La fin de l'année s'y prête bien pour trois raisons.
♦ La première, c'est parce que maintenant, tout le monde se connaît et sait ce qu'il peut attendre des autres.
♦ La deuxième, c'est parce que dix mois de plus, quand on est passé de sept à huit ans, cela fait un sacré distinguo !
Nous sommes loin maintenant du petit poussin qui s'acharnait à picorer un gravillon ou un morceau de bois mort ou du jeune cycliste dont le guidon penchait dangereusement à gauche, puis à droite, puis à gauche, puis à droite... et que nous rattrapions en criant : « Attention, tiens ton guidon, tu vas tomber ! »
Désormais, ils savent écrire. Majuscules, points, virgules quand ils y pensent, S du pluriel, E.N.T et plus si affinités, mots outils et mots courants, tout cela, c'est du connu et, pourvu qu'ils se sentent encore soutenus, ils commencent à l'appliquer, au moins sur commande.
♦ La troisième, c'est parce que c'est la fin de l'année... et que le ronron des neuf derniers mois commence à peser pour tout le monde.
Les images séquentielles, même en fouillant sur le Net, nous n'en trouvons plus qui nous plaisent, les idées de génie, telle celle qui consiste à faire écrire un poème qui commence par « Si j'étais ... » ou celle qui consiste à demander d'écrire cinq phrases de cinq mots exactement, nous semblent tout à coup complètement stupides et nous comprenons nos élèves de ne pas jouer le jeu...
Tout cela, c'est le signe qu'il est temps de programmer autre chose ! Un chef-d'œuvre qui clôturera le travail de l'année et donnera droit à tous ceux qui l'ont produit d'aller tenter leur chance ailleurs, chez les immensément âgés du CE2...
C'est un travail écrit collectif de grande ampleur qui occupera plusieurs séances de suite et donnera lieu à une présentation particulièrement soignée.
Son thème sera ce que nous voulons, encore une fois parce que nous sommes les mieux placés pour connaître l'esprit de nos élèves, tous ensemble :
→ un compte-rendu illustré de la sortie de fin d'année (écrit de type documentaire) qui sera affiché à la vue de tous
→ le compte-rendu de la classe verte que les parents pourront venir admirer en même temps que les photos prises sur place un soir après l'école
→ un conte né de l'imagination de tous, souvent à partir du texte libre d'un élève (j'ai L'enfant du radis, si ça vous intéresse, écrit une année où j'avais une classe très faible)
→ un livre né de l'observation réfléchie d'une œuvre de la littérature de jeunesse :
◊ un conte « à la manière de... » comme cette Histoire comme ça, dont vous avez pu lire les premières lignes en chapeau de cet article
◊ un conte détourné (et si le Petit Poucet avait eu des parents marins... ? et si le Petit Chaperon Rouge vivait en Guyane... ? et si Boucle d'Or était allée chez les Trois Taupes... )
◊ une nouvelle fin pour une histoire dont la fin nous a déplu, des solutions pour que le héros n'ait pas tous ces soucis, ...
◊ un recueil de chants sur des airs connus... ou carrément, si le projet englobe les horaires de musique, sur des airs inventés
◊ ad libitum...
Quant à sa rédaction, tout dépendra de l'ambiance générale.
Il est évident qu'à huit ans et demi, on n'est pas encore capable, loin s'en faut, de mener une telle œuvre seul, il est en revanche envisageable de travailler en classe entière, surtout si on sait que le travail de groupe est inaccessible à certains, pour tout un tas de raisons que vous connaissez tout aussi bien que moi. D'autant que, bien préparés par 9 mois de rédaction collective, ils n'ont plus le réflexe de se dire que Truc et Bidule qui adorent se faire bien voir vont gérer ça tout seuls...
Cette rédaction collective se prête particulièrement :
⇒ à l'invention de toute pièce d'un conte
⇒ au détournement de conte
⇒ au compte-rendu d'un spectacle vu par tous
Mais aussi, les années où l'alchimie a pris et que tout ce petit monde tourne comme une horloge, sans crises ni drames, on peut envisager le nec plus ultra de la crème des crèmes : la production d'écrits en petits groupes !
⇒ Les uns décriront le jardin botanique qu'on a vu le matin pendant que d'autres relateront : les premiers, le voyage en car, les deuxièmes, la serre aux papillons, les troisièmes, le pique-nique au bord de l'étang et les quatrièmes, l'élevage des vers à soie
⇒ Chaque groupe choisira un animal et sa particularité et verra comment traiter cela à la façon « conte des origines », ou décrira un lieu visité par Alice dans un Pays des Merveilles qui ne devra rien à Lewis Caroll, ou créera une Fable qu'Ésope aurait pu croire sienne, ou ...
⇒ Chaque groupe inventera un moyen de quitter la maison de l'Ogre sans tuer ses sept filles, ou une façon de faire peur au Vaillant Petit Tailleur, ou ..., et le racontera à sa manière,
Chaque groupe préparera alors son texte et ses illustrations, le mettra en page si les moyens numériques de l'école le permettent et on s'échangera les œuvres pour la lecture collective avant de les emporter à la maison comme un souvenir de son CE1, il y a longtemps, quand on n'avait que huit ans et qu'on venait juste d'apprendre à écrire tout seul...
[1] Après que l'enseignant leur en aura lu une bonne dizaine, bien sûr. D'ailleurs, si vous êtes très sages, je vous copierai toute l’histoire du Rhinocéros et de sa corne, vous verrez, c’est très amusant !
[2] Temps qui pourra s'étaler jusqu'à la fin de l'année scolaire au besoin. Garder cette manière de fonctionner pendant tout le premier trimestre ou même jusqu'à la moitié de l'année scolaire me semble tout à fait raisonnable et constituera à terme du temps gagné plutôt que du temps perdu : bâtir droit est souvent beaucoup plus efficace que de laisser pousser n'importe comment et démolir ensuite parce que le bâtiment est décidément bien trop inconfortable !
[3] J’insiste sur le pluriel, mes lecteurs assidus comprendront pourquoi.