L'École Primaire comme je voulais la raconter
Émilie me demande :
Bonjour, J'ai une file numérique dans ma classe de ce1/ce2 .... Je vois certains des ce1 l'utiliser, pour le calcul mental notamment... certaines méthodes de maths préconisent l'utilisation d'une file numérique individuelle... Penses-tu que c'est à bannir aussi en ce1? Bon dimanche !
Je lui réponds :
Bonjour Émilie. Clairement ? Oui.
Mais la société scolaire, du plus haut au plus bas de la hiérarchie n'étant pas encore prête à l'entendre, ma conviction compte très certainement pour peu de chose.
Tes CE1 ont compris que, pour faire plaisir à la maîtresse, lorsqu'elle demande : « x + 4 ? », il faut très vite trouver la case x sur la file numérique, avancer de 4 cases et recopier le symbole y écrit dans cette case.
C'est un peu comme si on leur demandait « Quelle est la quatrième lettre après la lettre G dans l'alphabet ? » et qu'ils comptent 4 lettres après G sur l'alphabet affiché au mur ou sur le sous-main : « G... 1, 2, 3, 4... C'est K ! ». Ça pourrait tout aussi bien être le 4e élément après Fe dans le tableau périodique des éléments ou la 4e sourate du Coran après celle qu'on leur indiquerait dans le livre...
La compétence qu'ils travaillent et dont ils montrent la maîtrise est une compétence de comptage. Ils savent compter jusqu'à 4. En revanche, ils ne travaillent pas les compétences « opérer la réunion de deux quantités distinctes connues et quantifier le nombre d'éléments de la quantité obtenue », « modifier une quantité donnée en lui ajoutant un nombre donné d'éléments » et encore moins celle qui consiste à « concevoir une procédure permettant de connaître le résultat d'un ajout de 4 à une quantité quelconque ».
D'où, en plus du nombre criant d'heures de classe par semaine, le peu de progrès de certains dans la connaissance automatique des ajouts de 4 à un nombre inférieur à 10, leur incapacité à transférer cette connaissance aux nombres supérieurs à 10, leur difficulté à fixer la table de multiplication par 4 et, finalement, pour l'école élémentaire, à résoudre rapidement la division par 4 d'un nombre à trois ou quatre chiffres, faute de savoir instantanément que 29, c'est 4 fois 7, reste 1, et ainsi de suite.
C'est sans doute pourquoi dans de nombreuses classes, nos collègues ressentent l'utilité de faire apprendre par cœur les tables d'addition ou de soustraction, c'est-à-dire à ajouter un autre procédé mécaniste au précédent, faute d'avoir cherché dès le départ à faire sentir concrètement puis analyser pour les rendre réutilisables les compétences citées ci-dessus.
Bon lundi et merci pour ta question !
À lire mais c'est long (aux vacances, peut-être) :
Les nombres de 0 à 100, de A à Z :
Après l'écriture, les nombres ! (1) ; Savoir compter jusqu'à 100 (2) ; Les cinq premiers nombres (3) ; Les nombres de 6 à 10 (4) ; Le nombre 10, la dizaine (5) ; De 11 à 19 : les irrégularités de langage (6) ; De 20 à 69, "Trop fass', maîtresse" ! (7) ; Où l'on voit bien que 30 > 24... (8) ; Évaluation des acquis (9)