L'École Primaire comme je voulais la raconter
Extrait de Lego, THE méthode conseillée par le Ministère de l'Éducation Nationale, en 2020 2021
Je présente mes excuses les plus plates à Mme Silvestre de Sacy d'avoir utilisé son titre pour expliquer encore une fois que lorsqu'on apprend avec plaisir on apprend mieux que lorsque c'est le même sempiternel devoir qui commande l'action.
Par je ne sais quel canal et si j'ai bien compris, deux conseillères pédagogiques parisiennes, n'ayant ni l’une ni l’autre d’expériences d’enseignement récentes au CP, se sont retrouvées bombardées à la tête d'un projet ministériel visant à créer une «««« nouvelle méthode »»»» pour enseigner la lecture et l’écriture au CP.
Il suffit de consulter le sommaire de la méthode pour se rendre compte que ces deux personnes n'ont pas été sélectionnées par rapport à leurs compétences.
En effet, n'importe quel enseignant de CP un peu habitué sait que, sauf très rares cas d'enfants qui ont besoin d'un parcours aménagé, les enfants de six ans ont une mémoire d'éléphant qui les dispense d'avoir à réviser sans arrêt ce qu'ils viennent d'apprendre.
Il sait aussi qu'une fois la lettre A étudiée, elle va être révisée tous les jours jusqu'à la fin de l'année scolaire, même chose pour la lettre I, puis la lettre R, puis la lettre L, etc.
Les enseignants de l’académie de Paris ont été forcés de suivre une formation produite par une de ces conseillères pédagogiques et son inspectrice. Lors de ces 2 journées, elles ont entre autres présenté des séances qu’elles avaient vues réaliser en février dans des classes de T1 qu’elles suivaient alors que ces mêmes séances avaient été réalisées en novembre dans la plupart des classes de CP ! Preuve encore une fois de leurs larges compétences en la matière.
L'une d'entre elles, interrogée sur la méthode Borel Maisonny, a même avoué ne pas connaître ce nom et ne pas savoir ce qu'il recouvrait.
Topaze, cet instituteur IIIe République, lui-même, se retournerait dans sa tombe devant la pauvreté de la méthode proposée.
Tout d'abord, quasiment aucune illustration. Juste celles visant à présenter un nouveau graphème et les pictogrammes annonçant la consigne. C'est voulu. Pour ne pas distraire les enfants, sans doute. Sans doute aussi, hélas, en réaction aux manuels de lecture qui proposaient d'étudier les illustrations de l'album choisi en fonction de son intérêt littéraire plutôt que de sa « décodabilité » par des lecteurs débutants.
N'empêche que là, sans images du tout, on risque très fort de ne pas attirer à la lecture le petit bonhomme immature qui ne rêve que dessins animés et jeux vidéos. Avoir vécu 6 ans à travers des images et se retrouver face à des :
... ça ne doit pas vraiment donner envie de « devenir un grand garçon (ou une grande fille) ».
Ensuite des logatomes, plein de logatomes, jusqu'à la fin de l'année, lorsque, avec une méthode plus soucieuse du confort des élèves, ces derniers ont presque fini d'éduquer leur œil et sont désormais capables de lire mot à mot ou même groupe de mots par groupe de mots !
Encore une fois, comment aimer lire ? Ce que l'enfant aime, c'est se voir progresser, se sentir capable de passer des premières glissades sur la neige chaussé de tout petits skis aux grandes pentes qu'on dévale « comme un vrai skieur » ou avancer à petits pas sur ses rollers à quatre roues et se voir bientôt une danseuse virevoltant sur la piste, avec son tutu rose qui flotte comme une corolle autour de sa taille.
Et là, c'est ra, ri, ar, or, puis ta, ti, to, tu, puis ak, of, ip, ur, puis ..., et puis ..., et puis ..., pour enfin arriver à wo wam wil wal web... À pleurer d'ennui.
Et pour finir, la cerise sur le gâteau, tout ça pour... déchiffrer des phrases sans suite ! Jamais une histoire, jamais un conte, jamais un documentaire.
Il paraît que ça va venir dans un deuxième tome. À part. Parce que, depuis l'époque des « référentiels de compétences », on a complètement oublié que le but de ces compétences dissociées, de ces fines tranchettes de savoir, étaient destinées à servir une tâche complexe, ici, en l'occurrence, la LECTURE ou/et l'ÉCRITURE ! Donc pas À PART mais TOUT LE TEMPS.
Le problème, ce n'est pas "ne faire QUE l'étude du code", c'est de MAL faire l'étude du code. C'est très différent. L'étude du code doit servir la compréhension, dès le premier jour de CP. Même si ce n'est que pour lire "Lili" ou "Toto". De manière à ce que l'enfant se dise : « J'apprends deux lettres et j'écris un mot. »
Nous en avons l'exemple dans la leçon ci-dessus, celle qui commence par
et se termine par :
Il aurait suffi d'intervertir les deux tableaux et de commencer par :
Riri a un ara.
et de finir par :
pour que la leçon devienne un appât pour les enfants, provoquant chez eux l'envie d'en savoir plus sur ces étranges bestioles que sont les lettres et qui permettent de tout dire, à tout le monde, où qu'il se trouve, sans se lever de sa chaise et d'apprendre tout, de tout le monde, où qu'il se trouve, sans quitter son fauteuil !
Et le lendemain, pour parfaire le côté « bien lire pour aimer lire », il y aurait un très court texte, parce qu'on est en tout début d'apprentissage, pourquoi pas accompagné par une lecture magistrale (pas présente dans le manuel des élèves) qui raconterait :
Riri a un ara.
L'ara crie :
« Ri...ri ! Ri... ri ! »
Riri rit.
C'est progresser chaque jour d'un petit pas, tout petit, tout facile, et d'avancer ! Avancer vraiment.
Jusqu'à ce qu'en fin d'année, au lieu de lire dans son « manuel de code »
on puisse lire, dans son livre de lecture :
extrait de Méthode de lecture "Nino et Ana", méthode de lecture gratuite, téléchargeable sur ce blog.
Quelques titres pour finir :