Les fractions au CE1

Jusqu'à maintenant, au CE1, pour les fractions, je me contentais d'une ou deux séances, au troisième trimestre où, pour compléter mes horloges lors des séances sur la lecture de l'heure, j'empruntais à ma collègue de Cycle 3, ses fractions de disques magnétiques.

Nous jouions un bon moment, avec les CP qui se régalaient aussi, à recouvrir l'horloge que j'avais dessinée au tableau de quarts d'heure ou de demi-heures. Nous en profitions pour nous apercevoir que deux quarts, c'est égal à un demi et que quatre quarts et deux demis, ça recouvre une horloge complète. 

Nous remarquions aussi que sur les fractions de disques, ils avaient écrit avec des chiffres une part sur les quatre qui recouvrent l'horloge ou une part sur les deux qui recouvrent l'horloge. J'expliquais que cela se lisait un quart et un demi. Les enfants étaient très fiers de faire des trucs de CM1 et tenaient absolument à ce que nous écrivions au tableau nos découvertes : « Une part sur quatre plus une part sur quatre égale deux parts sur quatre égale une part sur deux » ou encore « une part sur deux plus une part sur deux égale deux parts sur deux égale une horloge entière », etc., ce qui s'écrivait avec des chiffres parce que ça va plus vite (toutes mes excuses pour le format des fractions) : 1/4 + 1/4 = 1/2 et 1/2 + 1/2 = 2/2 = 1

Comme c'était rigolo et que la boîte de Karine contenait encore plein de petites fractions de disques magnétiques, nous en cherchions d'autres qui pourraient recouvrir l'horloge : « Oh, celle-là, avec des 12 en bas ! Je parie qu'il en faudra 12 pour tout recouvrir !... Et celle avec des 6, il en faudra 6 !... Et celle avec des 3 ?... »

Je trouvais que ça allait bien assez loin comme ça et je me faisais traiter de frimeuse, et même de menteuse, quand je disais que tous les élèves participaient, même les petits CP, et que tous trouvaient quelque chose à dire.

D'ailleurs, j'avais la loi pour moi puisque, aussi loin que nous pouvons chercher dans les programmes scolaires français, jamais, même à l'époque où les enfants de CE1 apprenaient à réciter par cœur les verbes des trois groupes au passé antérieur et où on leur faisait lire, écrire, additionner, soustraire, multiplier et diviser des nombres jusqu'au million, jamais on n'avait eu l'idée de les faire travailler sur les écritures fractionnaires. Tout au plus, jusqu'aux années 1970, associait-on multiplication et division pour faire apprendre les tables en disant : « Trois fois sept égale vingt-et-un, donc le tiers de vingt-et-un, c'est sept ».

Mais l'École Nouvelle Scientifique est arrivée, par la grâce d'un groupe de chercheurs qui conçoivent les jeunes êtres humains comme des ordinateurs à câbler de connections neuronales et d'un fatras de connaissances froides qu'ils sont censés emmagasiner jusqu'au jour où comprenant enfin à quoi ça sert, ils les sortiront de leur congélateur menta pour les rendre utilisables.

C'est comme ça que, depuis une vingtaine d'années, on bourre le crâne des bébés de chiffres, de lettres, de mots déconnectés de la vie réelle à raison de deux par jour, et même de techniques d'arts plastiques sophistiquées ; tout ceci étant censé leur permettre de devenir, un jour, plus tard, par régurgitation, des lecteurs-scripteurs-compteurs-calculateurs-créateurs experts !

Depuis une dizaine d'années, on continue avec les CP (et les CE1 souvent) en leur farcissant la tête de logatomes ineptes qu'ils doivent débiter à la vitesse de l'éclair, parce que, paraît-il, cela leur permettra, un jour, plus tard, peut-être par association d'idées, des lecteurs efficaces, délaissant leurs smartphones pour fréquenter les bibliothèques et se repaître des magazines les plus ardus de la presse écrite.

Que cela ne fonctionne pas, que les résultats aux évaluations internationales de CM1, classent toujours la France en-dessous de la moyenne européenne et que les enseignants déplorent le manque d'appétence pour l'école de cohortes entières de bambins, peu leur chaut à ces chercheurs qui évaluent l'efficacité de l'école à la réussite d'exercices souvent sans aucun intérêt, préparés en amont par des collègues déprimé.e.s dont les préoccupations sont ailleurs.

Alors voilà - Rrrroulement de tambourrrr ! - grrrrande nouveauté ! Les élèves de cycle 2 doivent acquérir des connaissances précises sur les fractions ! C'est tout écrit là, sur éduscol ! Il y a même la date où ça doit être étudié! 

Ça, le coup de la date, on ne nous l'avait plus fait depuis le Premier Empire, à l'époque où Napoléon Ier voulait savoir au jour le jour ce qu'étaient en train d'étudier les lycéens de France ! 

Je vous avoue que, habituée à être considérée comme un cadre de l'Éducation Nationale avec des responsabilités de cadre, dont le choix de son organisation pédagogique, je découvre avec stupéfaction ces clauses de défiance et d'embrigadement en écrivant ces lignes ! De ce fait, bien évidemment, il se peut que la progression que je propose - eh oui, je demeure un défenseur acharné de la liberté pédagogique, messieurs-dames les poseurs d'électrodes sur nos jeunes têtes brunes, blondes ou rousses, et donc je me glorifie de proposer - diffère un peu de celle qu'imposent les professeurs Tournesol de la commission des programmes.

Et comme ces jeunes enfants (certains n'ont pas encore atteint 7 ans au moment de la rentrée des classes) doivent acquérir des connaissances précises, et que cela préoccupe les collègues, il faut revoir les fichiers que je proposais pour le CE1. C'est chose faite. 

Tout d'abord, j'ai repris les guides du maître que m'avaient mis en page Marion Cruz. Je me suis contentée d'y mettre des post-it aux moments où, sans changer une ligne et encore moins une page à ces guides, vous pouvez semer une graine de fraction, puis enrichir le sol, mettre un tuteur, élaguer une branche folle, cueillir deux ou trois fleurs, effeuiller quelques branches pour permettre aux fruits de mûrir. Cela se présente comme ceci. Vous me direz si c'est lisible et si vous y avez accès depuis votre ordinateur. 

Vous les trouverez ici car je n'ai pas pu les ajouter à l'ancien article.

Ensuite, j'ai écrit 5 guides complémentaires, un par période, dans lequel vous trouverez ces ajouts. Cela peut être une simple phrase à compléter, un jeu sportif ou une manipulation à modifier, compléter ou ajouter.

Voici ce que ça donne :

Et voici ces 5 guides complémentaires :

Enfin, pour que notre supérieur hiérarchique soit content, j'ai ajouté un fichier pour les élèves. Il contient une fiche d'une page, exceptionnellement deux, pour chacune des quatre premières périodes de l'année, et trois fiches récapitulatives (notre chère administration qui prend les enfants pour des produits marketing diraient évaluatives).

Vous pourrez voir comment vous vous en servez. Soit en fin de période, soit en cours de période, un jour où les exercices des fichiers de base étaient très courts, par exemple.

Comme d'habitude, ces fiches sont précisément décrites dans les guides ci-dessus et j'y ai associé quelques conseils sur la façon de les faire exécuter par les élèves. Vous verrez que mes principes ne changent pas et que je suis plutôt dans la guidance que dans l'évaluation. Je préfère toujours aider un élève à réussir plutôt que le laisser seul avec un travail différencié. Encore une de mes incompréhensions face à l'école d'aujourd'hui, plus prompte à exclure qu'à rassurer et encourager.

Mais trêve d'aigreur et de bavardage, voici le cahier de fractions de nos bambins (à imprimer en format livret, si je ne me suis pas trompée).

Bon travail à toutes et tous ! Et bonne chance aux jeunes apprenants qui vont, pour la première fois en France depuis 1881, vont apprendre à interpréter, représenter, écrire, lire, comparer, ajouter et soustraire des fractions.