Eklablog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

L'École Primaire comme je voulais la raconter

Étude d'un texte de récitation aux CP, CE1, CE2

Étude d'un texte de récitation aux CP, CE1, CE2

Je vous ai déjà parlé de ma collection du Manuel Général, l'équivalent de l'actuelle revue La Classe, qui couvre toute l'année scolaire 1959/1960. Trente-six revues qui traitent du français, des mathématiques, de l'histoire, de la géographie, des sciences, du chant à l'école élémentaire, mais aussi de la classe unique, du certificat d'études et de l'examen de passage en 6e. 

Aujourd'hui, voici la pépite que j'y ai trouvée et que je tiens à vous communiquer tellement elle ouvre des horizons sur l'étude des poèmes en général, que ce soit au cycle 2 mais aussi avant et après ce niveau central de l'École Primaire.

J'ai trouvé dès le premier point (Le choix du texte) le principal reproche que je formule au sujet de certains textes donnés à apprendre aux enfants d'aujourd'hui, avec le mot qui me manquait pour qualifier ces textes que je trouve au mieux sans intérêt pour la culture générale des enfants. Ensuite j'ai jugé utile le deuxième paragraphe (La préparation du maître) même s'il me semble un peu réducteur. Quant aux troisième et quatrième points (Le travail en classe et L'apprentissage), ce sont deux bouffées d'oxygène dans ce monde actuel où, pour beaucoup, bain d'écrit en haute mer et travail à la maison sont devenus l'alpha et l'oméga de la pédagogie ! 

Mais passons maintenant au texte original. Mes notes sont en italique et entre crochets au cours du texte.

MANUEL GÉNÉRAL n° 12, 28 novembre 1959

L'ÉTUDE D'UN TEXTE DE RÉCITATION
AUX CP ET CE

Nous avons l'an dernier (n° 31 du Manuel Général) donné quelques indications générales sur une méthode d'étude et d'apprentissage des textes de récitation dans la classe unique [ → très nombreuses à cette époque où le moindre village, et même parfois le moindre hameau, avait sa classe qui recevait tous les enfants de 5 à 14 ans des alentours ]. Nous nous proposons aujourd'hui de préciser ces indications par un exemple qui concerne la division des petits (CP et CE), en parlant du texte que nous proposons dans notre page de cahier-journal de cette semaine : trois strophes du poème de VIGNY, La Neige (extrait des Poèmes Antiques et Modernes).

Le choix du texte

Le choix d'un texte commun aux deux cours [ → aujourd'hui, nous dirions trois cours ] n'est pas toujours facile, d'ailleurs ; de nombreux textes écrits pour le CP risquent de paraître mièvres pour le CE [ → Le voilà, le qualificatif que je cherchais ! Les textes de Popette du Canapé sont mièvres, très mièvres... voire... puérils, comme le souligne ci-après le monsieur. ], et nous devons d'ailleurs nous garder de maintenir ces enfants de 7 et 8 ans dans un état de puérilité dont il faut au contraire les sortir ; par contre, les œuvres de valeur poétique incontestable parmi lesquelles il faut obligatoirement puiser pour le CE sont rarement accessibles aux tout-petits. Le texte que nous avons choisi semble répondre à la double condition exigée. 

[ → Voilà, ni mièvrerie ou puérilité, ni ambition démesurée mais des œuvres de valeur poétique incontestable. C'est tout simple. Et pour les trouver, ces œuvres de valeur incontestable ? Le dictionnaire des noms propres peut-être... Si Maîtresse Karinette n'est pas dans le Robert des noms propres, eh bien, pas de Maîtresse Karinette dans le cahier de nos élèves. C'est tout simple .] 

La préparation du texte 

Rappelons que l'étude d'un texte de récitation doit être avant tout une étude de diction et non une explication de mots ou d'idées ; proscrivons toute préparation de récitation calquée sur une préparation de lecture [ → Étonnant, non ? Comme la fluence aujourd'hui où il s'agit de débiter du texte sans n'y rien comprendre, alors ? Euh... Pas tout à fait, finalement. Vous verrez au point suivant comment, en 1959, l'auteur comprenait ce conseil. ].

Le travail de préparation du maître consistera donc à équiper son propre texte de signes conventionnels traduisant aussi scrupuleusement que possible la manière de dire à proposer aux enfants. Chacun peut élaborer son propre système ; celui que nous utilisons n'est là qu'à titre d'exemple.

Voici ce que nous obtenons avec le texte proposé
Étude d'un texte de récitation aux CP, CE1, CE2

(+ Reprise de la première strophe)

Bien que nos signes soient assez parlants, nous en précisons le sens : les syllabes portant les accents sont soulignées, par un double trait lorsque l'accent est particulièrement expressif ; les barres verticales simple et doubles indiquent les coupures (plus longues pour les barres doubles) ; le signe [ en forme de pont ] indique les liaisons à observer ; les signes < et > placés en fin de période marquent le ton ascendant ou descendant. [ → Je n'aime pas trop cette façon mécaniste de décrire l'intonation et je pense qu'à part pour les diérèses et les liaisons, tout ce fatras de signes est inutile. Mais peut-être cela permettra-t-il à certains collègues de lire de manière plus « littéraire » ce type de textes ].

On pourrait encore ajouter des signes indiquant la rapidité du débit : poins ou tirets au-dessus des syllabes à prononcer rapidement ou à tenir (par analogie avec les notes piquées ou tenues en musique) ; mais il faut aussi éviter une surcharge à notre notation [ → Nous sommes bien d'accord ! Évitons la surcharge... ] ; on conservera cette dernière indication [ Aïe ! ] pour des textes ou les variations de débit jouent un rôle primordial. [ → Quand on ne disposait pas de moyen d'enregistrer sa voix, c'était peut-être valable... De nos jours, il est facile de préparer sa future lecture en classe un enregistreur à la main et de s'écouter jusqu'à ce que l'on soit satisfait de son débit, de son intonation et de son respect des règles d'articulation selon le nombre de syllabes de chaque vers. ] 

On notera au passage combien ce travail est pour le maître une obligation de pénétrer dans les intentions du l'auteur et de proposer aux élèves une interprétation cohérente. [ → Travail assez compliqué à faire avec les écrits de Maîtresse Choubidou surtout lorsque ses vers sont tellement « libres » qu'il est impossible de les considérer comme des vers... ].

Le travail en classe 

Le texte est écrit au tableau (sans signes de diction) [ → Ouf ! Ce n'est vraiment que pour sa préparation personnelle... ] ; le maître le lit, en respectant les indications de sa préparation ; dégage ou fait, dans la mesure du possible, dégager l'idée centrale par les plus grands [ → Ah tiens ! Alors, ce n'est pas un simple exercice de fluence, finalement ? Il faut qu'ils comprennent avant de débiter kilèdoukilèdoudécoutédèzistwar ? D'accord. Vous me rassurez, M. Halbout ! ] : nous sommes en hiver (quel temps fait-il ? à quoi le voit-on ?) ; on raconte des histoires du temps passé (sens ?) à un enfant... , etc. [ → Ah oui, quand même ! On va loin ! Il faut vraiment qu'ils aient compris !... Si en 1959 la préparation de lecture était bien plus étoffée que cela, surtout pour des petits, ça devait vraiment aller loin. ] 

Explication de mots : à réduire au strict indispensable, peu de choses ici : pourquoi dit-on que les branches sont noires ? que le ciel est pâle ? que le peuplier s'élance ? Pourquoi compare-t-on le corbeau à une girouette ? Solliciter ici les réponses du CP. Une remarque peut-être sur le caractère mélancolique du texte [ → Ah ! Toujours pas de mots débités sans respirer ni comprendre ! ]

Explication de la diction : c'est l'essentiel. On prendra le texte vers par vers, en commentant, en quelque sorte, les signes que l'on a indiqués sur sa préparation : on élève le ton parce que la phrase n'est pas terminée, on le baisse parce que la phrase est finie ; on s'arrête longtemps après « seul » pour que l'on entende bien comme ce pauvre peuplier est seul, tout droit, dans la campagne ; on s'arrête après corbeau et après arbre pour faire comme le corbeau qui se balance ; on dit « immobile » tout doucement puisque le corbeau ne bouge pas ; on allonge le mot « long » pour bien faire sentir la longueur de ce clocher, etc. On indiquera, naturellement, que le mot « girouette » doit se prononcer gi-rou-et-te. L'ingéniosité du maître visera à rendre accessible aux enfants ces explications quelque peu techniques. 

L'apprentissage

On commencera par faire lire les meilleurs élèves du CE2, en les corrigeant attentivement, de façon à ce qu'eux-mêmes fournissent une diction modèle ; puis, alternativement, on fera lire, par groupe de vers (la deuxième strophe ne peut guère être coupée), les enfants du CE1 et répéter les enfants du CP. [ → Tous ensemble, mais chacun à son niveau. Le secret des classes multi-âges. ]

On n'oubliera pas que la présence du texte au tableau n'a pour but que de fournir un support à la mémoire des enfants qui savent lire, mais que c'est par audition, c'est-à-dire en imitant aussi exactement possible le maître ou les plus grands élèves que l'apprentissage doit se faire. De petites compétitions pourront être organisées pour rendre le mieux possible un passage difficile ou particulièrement expressif. (Ex: Qui va nous faire voir le plus long clocher ? ou la neige la plus épaisse ?). Pour terminer, on cachera le texte et on terminera uniquement par audition pour l'ensemble du groupe.

Et surtout, nous y revenons pour conclure, aucun apprentissage à la maison, qui viendrait à peu près sûrement anéantir les résultats de nos efforts [ → Eh oui, chacun son métier ! Le professeur enseigne, le parent se réjouit des progrès scolaires de son enfant en lui faisant répéter ce qu'il a appris en classe. ]  ; limitons plutôt la longueur du texte à apprendre en classe, pour que son apprentissage soit terminé à la fin de la leçon.

M. HALBOUT, Directeur d'E.N [*].

[ → *E.N., ça signifie École Normale, l'ancêtre des INSPE, mais un ancêtre qui donnait des recettes simples et faciles à mettre en place pour que les enfants soient actifs et réactifs, qu'ils s'entraident, communiquent entre eux, qu'ils fassent profiter leurs camarades de leurs compétences et que leur journée de classe soit finie une fois passée la grille de l'école. ]

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article