L'École Primaire comme je voulais la raconter
Si on me demande ce que l'adulte doit produire comme écrits en maternelle, j'aurai tendance à répondre : « À peu près tout ce qu'un secrétaire peut faire pour se substituer à son donneur d'ordre illettré. »
Si on me demande ce que l'adulte doit faire produire comme écrits collectifs en maternelle, j'aurai tendance à répondre : des lettres, des comptines, des récits, des comptes-rendus d'activité, des emplois du temps, ... et j'en oublie certainement.
Et enfin si on me demande ce que l'adulte doit faire produire comme écrits individuels en maternelle, je répondrai : rien en PS, quasiment rien en MS et trois fois rien en GS.
Ça, c'était la réponse courte. Et maintenant, éclaircissons tout cela.
Dans une classe maternelle, selon les usages locaux, il n'y a qu'une ou deux grandes personnes lettrées au milieu d'un grand nombre de petites personnes illettrées. Ces petites personnes ne deviendront véritablement lettrées que plusieurs années plus tard. Disons que, pour les plus jeunes, il faudra compter encore cinq bonnes années, alors que les plus âgées d'entre elles sont en passe de le devenir dans les 12 à 24 mois suivants (ce qui est énorme si on considère qu'ils n'ont pour le moment vécu que de 60 à 72 mois).
Tout ceci pour dire que, dans une société quelle qu'elle soit, lorsqu'une ou deux personnes possèdent des super-pouvoirs que les autres non seulement n'ont pas mais en plus ne peuvent acquérir rapidement et sans efforts inconsidérés, l'usage veut que ces personnes très favorisées en fassent profiter la communauté. C'est pourquoi je parlais dans l'introduction de notre rôle de secrétaire assermenté de toutes les petites personnes qui nous entourent.
À longueur de journée, et chaque fois que le besoin se fait sentir, si notre classe est une « classe vivante » nous lisons et écrivons pour les enfants. Pour la lecture, c'est assez connu : nous leur lisons des contes, des albums, des paroles de chants et de comptines, des calendriers, des emplois du temps, des courriers, des consignes, des modes d'emploi, des recettes, des panneaux, des pancartes, des affiches, etc.
Pour l'écriture, nous n'écrivons souvent que pour leur fabriquer nous-mêmes des fiches qui leur demandent de découper et ranger des lettres selon un modèle, relier des lettres écrites dans différentes écritures et leur tracer des modèles de lettres bâtons. Et puis, sommes-nous réellement dans le même rôle que lorsque nous leur lisons quelque chose ? Non, n'est-ce pas. Là, nous ne sommes pas des secrétaires, nous sommes des professeurs qui utilisons un code pour que leurs apprenants leur prouvent qu'ils savent l'utiliser.
Nous ne sommes réellement dans ce rôle de secrétaire que si nous faisons pratiquer à nos élèves des activités où ils sont en train d'apprendre (à bas bruit et à petits pas) à quoi pourra leur servir l'écrit lorsqu'ils deviendront eux-mêmes lettrés (rappelez-vous : dans un délai de 5 ans pour les plus jeunes d'entre eux et de 12 à 24 mois pour les plus âgés).
Parmi ces activités, nous trouvons :
C'est une activité quotidienne dans nos classes, du début de la TPS à la fin de la première moitié de la GS, période pendant laquelle elle tient lieu de programme de production individuelle d'écrits (dans la deuxième moitié de la GS, l'ordre est souvent inversé : l'enfant écrit d'abord un écrit dirigé et illustre ensuite).
Chaque jour, à heure fixe (généralement en début de matinée), nos élèves ouvrent leurs cahiers de dessin (ou nous le leur ouvrons) et passent quelques instants, de l'ordre de la minute en début de TPS à parfois jusqu'à 15 ou 20 minutes en milieu de GS.
Systématiquement, une fois ce dessin fini, chacun d'entre eux nous appelle près de lui et nous raconte en quelques mots ce qu'il a dessiné. Alors, armés de notre stylo, nous jouons notre rôle de secrétaire.
Petit Pierre, deux ans quatre mois, nous tend son gribouillage et nous dit avec force mimiques : « A broum broum à maman ! brouououm ! » et nous lui répondons : « Tu as dessiné la voiture de ta maman qui fait beaucoup de bruit, c'est ça ? Oui ? Alors j'écris. Regarde bien : Llaa vvoittuuurrre deee mmmaaa mmmaaammmannn fffaiiiit bbbeauuuucccouuup deee bbruiit. Voilà, je te le relis, regarde les mots : La... voiture... de... ma... maman... fait... beaucoup... de... bruit... Très bien, Pierre, tu peux aller ranger ton cahier puis tu iras jouer où tu veux. »
Kenza, quatre ans six mois, est déjà plus habile dans la représentation du monde et elle tient à être comprise : « Là, c'est le soleil. Et là, c'est la fille. Là, c'est une fleur. Et là, un champignon. » alors nous écrivons près de chacun des éléments de son dessin, toujours en oralisant ce que nous sommes en train d'écrire (en cursive, bien sûr... pourquoi commencer par écrire d'une manière pour finalement tout effacer et écrire grâce une autre ?) : llleee sssoooollleeeeeill, llllaaa ffffiiiiillle, et ainsi de suite. Puis, comme nous aimerions bien qu'elle n'oublie pas cette faculté à dicter une phrase encore naturelle chez Petit Pierre, nous lui demandons : « Et que se passe-t-il sur ton dessin ? Que font-ils tous les quatre (interdisciplinarité : langage oral, production d'écrits, mathématiques) ? J'aimerais bien que nous écrivions tout ça. Comme ça, demain, je pourrai te relire cette histoire. ». Kenza est d'humeur imaginative, très imaginative, moyennement imaginative ou pas imaginative du tout. Sa phrase sera le fruit de cette imagination après coup. Selon son humeur du jour cela pourra aller d'un sec « La fille cueille un fleur. Le soleil et le champignon la regardent. » à un roman-fleuve du style : « Il fait beau, le soleil brille. La petite fille est allée se promener dans la forêt. Elle a trouvé une fleur et un champignon. Elle dit : « Oh, mais je vais les cueillir et je les apporterai à ma maman. Elle sera contente, ma maman, elle fera un joli bouquet dans un vase et une soupe aux champignons pour nous ». Mais le soleil lui dit : « Ne touche pas ce champignon et cette fleur. Ils sont empoisonnés ! Si tu les touches, tu vas mourir ! Va-t-en vite, petite fille ! » et la petite fille s'en va vite chez sa maman parce qu'elle a peur du soleil. »
Peu importe ce qu'elle nous dicte, ce que nous voulons, en jouant notre rôle de secrétaire, c'est lui permettre d'oraliser de la langue susceptible d'être écrite que ce soient un récit, un conte, une lettre, un court compte-rendu composé d'une ou deux simples phrases de base (sujet-verbe-complément). Notre objectif, encore lointain (rappelons-nous : 5 ans pour les plus jeunes, 12 à 24 mois pour les plus âgés) est que, le jour où elle aura toutes les armes en main (la dextérité manuelle, les correspondances phonies-graphies, les règles de base de l'orthographe française), elle puisse sans effort traduire ses pensées à l'écrit de manière cohérente.
Tout au long de la journée, toujours si notre classe est une « classe vivante », et non un de ces lieux de cours magistraux déguisés en activités pseudo-ludiques qui fleurissent un peu partout aujourd'hui, nous, adultes, avons besoin de noter des choses qui peuvent aller de « dire à la maman de Warren qu'il a beaucoup toussé » jusqu'à « chercher des images de porcs-épics » en passant par « photocopier le mot pour la sortie » ou « dire à Nathalie qu'il faudrait avancer l'heure de la chorale à cause de l'équipe éducative »...
À ces pense-bêtes d'adultes doivent s'ajouter ceux que les enfants nous réclament au cours de nos regroupements collectifs ou de petits groupes. Les enfants qui jouent à la dînette aimeraient bien voir si les couteaux en plastique pourraient couper du pain en petits morceaux ? Écrivons ensemble sur le tableau : Penser à acheter du pain pour la dînette... Dans l'album que nous lisons, on nous parle des anémones qui fleurissent dans le bois et personne ne voit ce que sont ces fleurs-là ? Alors, il faut écrire, Maîtresse, comme ça, tu chercheras des photos sur ton ordinateur ! Tu écris : Il... faut... cher-cher... des... a-né-mones ! Non ! Pas chercher des anémones ! Chercher des photos d'anémones ! des... pho-tos ! C'est bon, tu l'as écrit, dis, Maîtresse ?
Et s'ils n'en dictent pas ? C'est sans doute parce que nous n'avons pas encore réussi à transformer notre classe en lieu de vie et notre groupe en société, ou que nous sommes trop ambitieux et que nous négligeons ces tout petits riens qui font l'essentiel de la vie d'un petit enfant... Ils ne nous demanderont certainement pas ce que nous pourrions faire pour La Grande Lessive à laquelle quelqu'un a inscrit l'école (je parie que c'est une grande personne lettrée qui voit le monde de ses yeux de grande personne lettrée), ni comment nous pourrions participer nous aussi à la journée internationale des droits de la grande barrière de corail. Certainement pas.
En revanche, si nous savons les écouter, ils nous demanderont ce que mangent les vers de terre, où vont les maîtresses le soir quand l'école est fermée, pourquoi les voitures rouges roulent plus vite que les blanches et ainsi de suite. Certaines de ces questions feront l'objet d'une simple note, que nous relirons tous ensemble, le soir avant de partir à la maison afin de nous les remettre en mémoire, d'autres auront droit à un traitement privilégié que nous décrirons ci-dessous.
Si nous revenons aux origines des progrès de ces tout-petits depuis leur naissance, nous remarquons que c'est toujours grâce à leur environnement qu'ils ont avancé. Ceux à qui on parlait beaucoup comprennent tout ce que nous leur disons, même s'ils ne parlent pas encore très bien ; ceux avec qui on communiquait peu sont arrivés à l'école ne s'exprimant que par des cris et des gestes ; ceux à qui on a confié des écrans pour n'avoir pas à s'opposer aux aléas que provoque parfois leur insatiable besoin d'action savent les manipuler de manière presque experte alors qu'ils sont fort peu dégourdis dans le domaine moteur ; ils forment un contraste saisissant avec ceux dont les parents sportifs ont encouragé et félicité les exploits physiques et qui courent, sautent, grimpent et escaladent avec aisance. Il arrive hélas aussi que les services sociaux découvrent, sanglé dans un lieu clos, un enfant de trois ans ne sachant ni marcher, ni attraper, ni encore moins parler, faute d'avoir reçu exemples et sollicitations.
C'est donc d'abord par imitation, puis grâce aux effets feedback positifs, que ces petits enfants ont appris. Aucun de ces parents, même le plus pédagogue d'entre eux, n'a donné de leçon à son tout-petit. Je dirais même plus, les seuls à avoir tenté, et réussi hélas parfois, à force de « leçons » dont les pauvres victimes se seraient bien passé, ce sont les parents maltraitants ou abandonniques. La petite enfance n'est pas l'âge des leçons... Elle est l'âge de l'accompagnement empathique et de l'ouverture culturelle au sens large du terme.
C'est de cette conclusion dont nous partirons pour mettre en place la deuxième partie de notre programmation de production d'écrits et, comme nous sommes dans une école, et que nous ne disposons que d'une petite vingtaine d'heures par semaine pour ce faire, avec parfois plus de 25 enfants qui plus est, nous nous concentrerons sur les productions collectives.
Comme nous le disions plus haut, de temps en temps, notre vie de classe nous amène à rédiger rapidement un petit pense-bête. Parfois, cependant, ce format ne suffit pas et c'est d'un texte plus long dont nous avons besoin.
L'exemple le plus courant sera la lettre aux familles pour les informer d'un événement, leur demander de l'aide, leur exposer un travail dont nous sommes fiers, etc. Dans le même ordre d'idée ( l'écrit de communication), nous trouverons l'affiche que nous serons amenés à rédiger lorsque nous aurons organisé un spectacle, une exposition, une fête quelconque.
A ces écrits indispensables, nous pourrons en ajouter d'autres, surtout avec les plus grands. Ainsi, nous pourrons nous installer autour du tableau et transcrire les comptines que nous avons inventées, les recettes que nous avons testées, les contes que nous avons lus ensemble ou même inventés, les récits de notre vie quotidienne dont nous voulons faire profiter les familles et les amis, etc.
L'organisation est quasiment la même que lors de la dictée à l'adulte du matin, sauf qu'ici, ce sont entre 20 et 30 voix qui veulent se faire entendre. C'est pourquoi il vaut mieux commencer par un écrit très court et installer des règles très strictes : chacun parle à son tour, tout le monde écoute, tout le monde « aide l'adulte » à écrire en suivant ce qu'il fait et, pour ceux qui sont à l'aube du CP, en se remémorant ce qu'il connaît déjà.
Poussons la porte d'une classe de PS-MS où, pour pouvoir aller au parc municipal à pied, nous avons besoin de deux adultes supplémentaires. Les enfants sont installés en demi-cercle devant le tableau. L'enseignant.e se tient près du tableau et mène la discussion en distribuant la parole.
Enseignant.e : Qui se souvient pourquoi j'ai affiché ce papier blanc sur le tableau ?
A (MS) : Tu vas écrire aux mamans.
B (MS) : Et aux papas.
C (PS) : Aux papas et aux mamans.
D (PS) : Il faut écrire qu'ils viennent.
E (MS) : On veut qu'ils nous accompagnent.
Enseignant.e : Tous ?
F (MS) : Non, que deux.
G (MS) : Deux papas... ou deux mamans... ou un papa et une maman...
H (PS) : Ou un papy ou une mamie.
I (PS) : Oui, avec nous, à le parc.
Enseignant.e : Très bien. Qu'est-ce que j'écris alors ?
J (MS) : Tu écris « Bonjour les papas et les mamans ».
Enseignant.e : Tout le monde est d'accord ?
Tous : Ouiiiii !
Enseignant.e : Alors, j'écris. Bbbbonnnjjjjooouuuurrrrr lllleees ppppaaapppaaass etttt lllleeeesss mmmaaammmannns. Voilà, c'est écrit. Regardez, je vous le relis mot à mot : Bon-jour.... les.... pa-pas... et... les... ma-mans. Et maintenant ?
K (MS) : Tu le recopies et on leur donne.
L (MS) : Bah non ! C'est pas fini ! On leur écrit pas juste pour leur dire bonjour. Pffff !
M (PS) : Bonjour les papas et les mamans, on va au parc.
N (MS) : On veut aller au parc.
O (PS) : demain.
Enseignant.e : Non, O, pas demain. Vendredi. Nous voulons aller au parc vendredi.
P (MS): Eh ben voilà ! Il faut écrire ça, maîtresse. On veut aller au parc vendredi.
Q (MS) : Nous voulons... La maîtresse, elle a dit que c'était plus joli.
R (PS) : C'est plus poli.
Enseignant.e : Bon, très bien. Tout le monde est d'accord. J'écris ça et puis nous arrêterons. Nous continuerons demain.
L'enseignant.e écrit, en oralisant, cette seconde phrase et laisse l'activité en place pour le lendemain car elle/il sent la fatigue gagner certains enfants.
Petit à petit les enfants prendront l'habitude de ces écrits collectifs qui resteront affichés dans un coin de la classe et, surtout en GS, ils chercheront à aller les relire ou à y reconnaître des mots qu'ils sauront décoder.
Deux obstacles majeurs s'opposent à la production écrite individuelle en maternelle :
Pour aider les élèves à communiquer par écrit de manière autonome, il y a des milliers de choses à faire mais ce sont de ces choses qui ne se voient pas et, de ce fait, ne plaisent pas à la société adulte de maintenant.
→ leur parler en bon français pour préparer leur connaissance du code morphématique
→ leur faire chanter et créer des comptines pour préparer leur capacité à utiliser le code graphémique (phonologie, individualisation des mots)
→ utiliser devant eux ce code orthographique en le rendant presque transparent (épellation graphémique et indication des lettres muettes et, le cas échéants, de leur valeur morphématiques)
Quelque part entre la fin de la MS et la moitié de GS, la plupart de nos élèves s'empareront de ces trois compétences et les feront leurs. Nous aurons ainsi des enfants qui nous diront : « On met un S à la fin de parents parce qu'on en veut plusieurs pour nous accompagner. ... accompagner, ça commence par a et après, on écrit le c de Cali et le on de Gaston... Il faut écrire Nous avons besoin parce que on a besoin, c'est moins joli. ... pour... nous... accompagner... au... parc... il y a 5 mots ! D'abord pour et puis nous et puis... »
Ils auront peut-être des cahiers de productions d'écrits moins fournis que ceux de leurs camarades qui inventent l'écriture mais ce qu'ils sauront sera utilisable du CP à la fin de leur vie dès lors qu'ils sauront écrire lisiblement.
→ leur donner mille occasions quotidiennes de se servir de leur dix doigts et, tout particulièrement, du pouce, du majeur et de l'index de leur main dominante (dessiner, peindre, modeler, manipuler de petits objets, visser, dévisser, enfiler, nouer, coudre, tisser, lacer, ...)
→ leur donner mille occasions quotidiennes de se repérer dans l'espace à trois dimensions puis, peu à peu, dans l'espace de la feuille
→ suivre pas à pas un programme de jeux moteurs les amenant à focaliser leur attention sur les gestes de leurs doigts, la tenue d'un crayon, la production de traces menant à l'écriture cursive
Quelque part entre le début et le milieu de la GS, l'immense majorité de nos élèves auront suffisamment d'aisance motrice pour intégrer et utiliser les gestes de l'écriture cursive.
Alors, si nous avons bien préparé la connaissance du code orthographique, ils pourront désormais produire des écrits individuels plus dirigés qu'autonomes car, contrairement à des langues comme l'italien ou l'allemand, notre langue a une composante orthographique importante.
Vous l'aurez compris, en TPS et en PS, il n'y en a pas. Pas du tout. Même pas le prénom parce que nous sentons bien qu'ils n'en sont pas capables de manière normée. Et que nous ne tenons pas à ce que les deux années suivantes, nos collègues soient obligées de passer du temps à rééduquer nos élèves qui auront appris, avec difficulté, à reproduire par le dessin des modèles qu'ils sont incapables de suivre.
Les seuls « écrits » que nous encouragerons, et que nous traduirons, ce sont les gribouillis qui apparaissent de temps en temps sur le dessin libre de l'un ou de l'autre et qu'il ou elle qualifie d'écriture.
Ces écrits-là, nous demanderons à l'enfant de nous les traduire pour que nous les écrivions avec les vraies lettres, celles que les « grands » comprennent.
Nous traduirons de même, un écrit d'enfant de MS ou de GS où ont été utilisées des lettres capitales ou un mélange de lettres cursives et de lettres capitales. S'il s'agit d'un élève de GS qui a déjà automatisé les gestes de l'écriture cursive, nous pourrons lui proposer de recopier ce que nous avons écrit pour qu'il sache, lui ou elle aussi, écrire comme un.e grand.e.
Parallèlement à ces essais réellement autonomes, c'est-à-dire sans aucune demande de l'adulte, nous pouvons programmer, dès l'acquisition du geste de la boucle, des écrits autonomes dirigés, c'est-à-dire sollicités par l'adulte mais écrits sans modèle par l'enfant, juste en écoutant les sons qu'il prononce et en écrivant les lettres cursives en même temps. Au début ce sera très court. Il pourra écrire le avant des illustrations de mots masculins, puis elle sous des illustrations de mots féminins, mais, très vite, il pourra écrire des mots (lit, tutu, Lili, il, île, lu, lui clé, col, loto, ...) et même des phrases (Élie a lu la date. Lila a un ami : Léo. ...).
Vous l'aurez compris, le but n'est pas de transformer les enfants en petits adultes capables d'exprimer leurs émotions par écrit, ni de vouloir absolument faire gagner le Grand Prix d'Amérique à un poulain de trois mois.
Ce n'est pas non plus de faire semblant en leur fournissant des étiquettes qu'ils ne peuvent pas décoder une fois l'illustration cachée pour donner l'illusion qu'ils écrivent seuls des phrases qu'ils ne sauront plus lire le lendemain.
Le but, c'est, comme le disait Pauline Kergomard, fondatrice de l'école maternelle française, « qu'ils sachent bien le peu qu'ils sauront, c'est qu'ils aiment leurs tâches, leurs jeux, leurs leçons de toute sorte ; c'est surtout qu'ils n'aient pas pris en dégoût ces premiers exercices scolaires... » et j'ajouterai : "que ce qu'ils savent n'ait pas besoin d'être démoli pierre par pierre car inadapté à ce qu'ils vont désormais apprendre. »
Je sais que malheureusement, tout le monde ne pourra pas suivre un tel programme dans sa classe, soit parce qu'il est en formation et que les personnes qui l'encadrent exigent le contraire, soit parce que c'est l'année de son rendez-vous de carrière et que son avancement dépend de la preuve qu'il cultive en classe ces fausses-pistes et de ces faux-semblants, soit encore parce que, dans son école, on doit tous suivre la même pédagogie (là, à mon avis, le faire semblant peut être chez l'adulte, mais chut... ne nous mettons pas nos collègues à dos).
Mais, tout le monde n'est pas dans ce cas chaque année. Alors, les autres, tous ceux qui bénéficient d'une liberté totale une fois leur porte de classe fermée, ou entrouverte, d'ailleurs, essayez... et vous verrez que personne ne sera déçu, et surtout pas les enfants !