• Une semaine en GS (5)

    Une semaine en GS (5)

    Jeudi. Tous les collègues vous le diront, particulièrement en maternelle, le jeudi est devenu LA journée difficile de la semaine depuis le passage à la semaine de cinq jours, mercredi matin et TAP quasi obligatoires compris, en sus des garderies et cantines périscolaires !
    Enfants excités, ayant du mal à se supporter, se laissant entraîner dans tous les chahuts, toutes les querelles, tous les tourbillons qui naissent, parfois de trois fois rien, dans un groupe de plus de cinq enfants !
    Alors quand, en dépit de tout bon sens, on les colle à plus de vingt à vingt-cinq1 dans une structure trop grande pour eux, telles ces écoles maternelles urbaines à plus de cinq classes, on n'ose imaginer ce que cela peut donner...

    Ici, j'ai choisi de représenter une maîtresse reposée après des vacances scolaires, une maîtresse qui a eu la chance d'ouvrir sa classe une semaine où sa hiérarchie ne lui avait pas collé d'«animation pédagogique» le soir après l'école, à l'heure où, d'habitude, elle range sa classe, reçoit une famille qui s'inquiète pour son enfant, discute avec ses collègues de l'organisation matérielle et pédagogique des parties et des temps communs de l'école... Elle a même eu la chance de pouvoir consacrer son mercredi après-midi à « ses » affaires, préparation de classe, vie quotidienne, rendez-vous médicaux, soins à ses propres enfants, c'est vous dire si elle est tranquille, calme, reposée et stable dans ses convictions pédagogiques...
    D'autant qu'en ce moment, tout va bien à l'école, pas de famille Machin qui reproche tout et n'importe quoi, pas d'atsem ou de collègue malades et non remplacées, pas de querelles internes qui naissent parfois d'une trop grande promiscuité, d'une trop grande pression sociale ou professionnelle, d'une obligation à coopérer entre personnes qui ne partagent pas toujours les mêmes chemins pédagogiques...

    J'ai donc choisi volontairement le schéma idéal pour arriver à juguler, au moins un peu, la fatigue nerveuse d'enfants qui, après trois levers précoces successifs, ont enchaîné, pour certains du moins, déjà trois journées de collectivité au cours desquelles se sont succédé au moins quatre ou cinq adultes référents, chacun avec ses priorités, ses manques et parfois même ses lubies.
    Ce qui n'a pas empêché la séance de motricité du matin de tourner à la catastrophe ou peu s'en faut, malgré les cadres qu'elle avait prudemment mis en place pour sécuriser des enfants survoltés.

    Ce que la séance aurait donné dans ces écoles où les parcours, conçus et installés par les adultes hors de la présence des enfants, leur sont livrés clés en main mais sans leur fournir le mode de fonctionnement des serrures codées que ces clés sont censées ouvrir, je n'en sais rien.
    J'ai toujours essayé d'engager les enfants eux-mêmes dans la construction, l'entraînement et l'assurance de leurs capacités physiques comme cognitives ; j'ai par ailleurs toujours considéré que la séance de motricité large était l'endroit idéal pour apprendre aux élèves à mesurer et comparer des distances, éprouver des masses, établir des équilibres mais aussi dialoguer, coopérer, réfléchir  organiser l'activité et convenir ensemble des critères de réussite.
    Ce qui fait que je n'ai jamais pratiqué cette pédagogie du détour où les adultes conçoivent puis laissent les enfants exécuter, parfois au petit bonheur la chance tellement les activités prévues sont éloignées de leurs capacités physiques réelles. Je ne peux donc pas vous dire si dispersés dès le début de la séance autour de cinq ou six structures prévues pour entraîner les unes à la course, les autres au saut et les dernières au lancer, enjoints de s'organiser entre eux seuls, selon leurs critères parfois bien éloignés des mœurs policées en usage dans une société démocratique !

    Cette maîtresse-là a préféré rester près de Loghan, Victoria, Zoé,  Zakaria2 et toute la bande parce qu'elle l'a fait, avec succès, pendant des années et qu'elle ne voit pas pourquoi elle changerait une équipe qui gagne !
    En plus d'apprendre à s'organiser et à réfléchir ensemble, ses élèves apprennent à partager une tâche et la mener à bien ; lors de l'activité, s'ils attendent un peu, cette attente est mise à profit pour observer et commenter, comparer les techniques, se projeter dans le futur et choisir la méthode qui semble la plus performante ; enfin, ils s'exercent au partage, à la vigilance, à l'empathie et apprennent à vivre ensemble, réunis autour d'un même but : la réussite de tous.

    La journée continue autour d'une fable de La Fontaine parce que tous les enfants ont droit d'accéder à la Culture et que seule l'école peut le faire de façon démocratique, pour tous, en même temps, si elle croit en ses élèves et en leurs capacités à se dépasser, à regarder loin devant eux et à se dire que c'est là-bas, très loin, qu'ils arriveront bientôt.
    C'est aussi dans cette intention de faire entrer les arts et la littérature dans l'éducation de tous les élèves que la séance d'écoute musicale du soir va très loin dans l'analyse du morceau choisi. J'espère que la description est assez claire, ce n'était pas facile à faire, comme ça, en silence.
    Ceux qui seraient intéressés peuvent se reporter au chapitre XIII. L'enseignement du chant de l'ouvrage déjà cité (Pour une école maternelle du XXIe siècle, Grip-éditions) dans lequel une annexe intitulée De l'écoute musicale à l'expression corporelle décrit la démarche dans son ensemble.

    Petit à petit, tout au long de la journée de classe, grâce aux habitudes, à un emploi du temps sécurisant parce que connu de tous, le calme s'installe, soutenu par la vigilance de la maîtresse qui désamorce elle-même les querelles, surveille les échanges, occupe les désœuvrés. Et c'est sans anicroche notable malgré l'utilisation de matériaux propres à susciter l'exaltation enfantine que se déroule l'avant-dernière séance consacrée à la découverte scientifique.
    Une petite lecture offerte reposante avant de partir et c'est dans une ambiance pacifiée que nos 28 apprentis-élèves quittent la classe, après une nouvelle journée bien employée.

    Annexe 7 : Mathématiques (Se repérer, compter, calculer, Grip éditions)

    Annexe 8 : LectureDe l'écoute des sons à la lecture, Grip-éditions )

    Annexe 9 : Lecture : matériel à  découper3

    Pour consulter le reste de la semaine en GS :

    Lundi matin

    Lundi après-midi

    Mardi 

    Mercredi

    Vendredi

    Notes :

    1 On commence à entendre à nouveau parler de classes de 40 élèves, comme à l'époque du baby-boom quand la France exsangue de l'après-guerre menait de front sa reconstruction, la mise en place d'une politique sociale ambitieuse et l'instruction des enfants que les familles lui confiaient ! Personne n'a encore osé leur susurrer qu'autrefois, dans les salles d'asile, on accueillait jusqu'à 100 enfants, assis sur des gradins ? Ne leur dites pas, ils sont capables de démontrer que des études sérieuses confirment que le taux de réussite y est meilleur que dans une classe de vingt…

    2 J'en profite pour présenter mes excuses à tous les adorables bambins porteurs de ces prénoms ; pour que la classe ressemble à une vraie classe, il fallait un grand costaud trop sûr de lui, une demoiselle qui aime faire marcher son petit monde et sa suivante, prête à tout pour lui faire plaisir, un bon gros pépère rigolard qui s'amuse d'un rien, tout comme il fallait des petites souris qu'on n'entend pas, un puits de sciences toujours prêt à tout expliquer, un vengeur masqué qui épouse toutes les querelles, des bourreaux de travail qui se chargent de toutes les corvées, etc. Et j'ai choisi des prénoms dans les listes de prénoms à la mode il y a cinq ou six ans. Le hasard a fait le reste…

    3 Contrairement à l'enfant sur la photo, les élèves de la classe fictive n'ont pas encore appris à écrire en cursive les lettres m, a, r et b ; j'ai donc choisi de leur fournir des étiquettes qu'ils colleront au lieu d'écrire les syllabes. Ceux qui choisiront les lettres rugueuses Montessori dans les prochains jours seront encouragés à tenter l'écriture du prénom des sorcières après les avoir composés lettre à lettre et suivis à l'aide de l'index puis d'un bâtonnet tenu comme un crayon.


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  • Commentaires

    1
    Delphine
    Lundi 7 Mars 2016 à 17:17

    Merci pour toute cette réflexion. Pour l'instant je lis en diagonale par manque de temps, mais cela m'intéresse beaucoup ! Merci !

    2
    Elisabeth
    Mercredi 9 Mars 2016 à 19:27

    Eh bien... il est donc révolu le temps où on laissait les enfants lancer une balle sans se préoccuper de comment elle était lancée...

      • Mercredi 9 Mars 2016 à 20:05

        Tout dépend de l'âge de l'enfant. En GS, en effet, on peut commencer à demander un lancer comme ci ou comme ça.
        Mais je ne comprends pas votre réflexion, Elisabeth, puisque aucune des séances d'éducation motrice ne portent sur les lancers de balles...

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    3
    Cyriaque
    Samedi 12 Mars 2016 à 17:48

    Passionnant merci !

      • Samedi 12 Mars 2016 à 18:32

        J'ai presque fini le vendredi. J'espère pouvoir le mettre en ligne demain. Merci d'être fidèle au poste et de me communiquer tes impressions.

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