• CE1 : Non-lecteurs à la rentrée ?

    Ci-dessous un petit guide que j'ai envoyé à déjà plus de 280 collègues de CE1 et plus lorsqu'ils se trouvaient confrontés à des élèves non-lecteurs.Il me semble plus simple de le diffuser via ce blog que de continuer à le faire parvenir aux uns et aux autres au coup par coup.

    Comment l'utiliser ?

    L'utilisation est simple : page après page, pendant 10 à 15 minutes par demi-journée, à la vitesse dont les élèves sont capables. S'ils sont lents, ils ne liront qu'une page ou deux par séance et absorberont ici peu mais bien ce qu'ils ne connaissaient pas, s'ils sont plus rapides, c'est qu'ils réviseront, en se rassurant et en se réassurant, des graphies déjà connues et avanceront alors à raison de 5 ou 6 pages par session, dialogues explicatifs compris.

    a) Si c'est pour une classe entière

    Le mieux est de retranscrire les pages au tableau et de les faire lire, soit en chœur (jeu du micro), soit un élément de la page chacun son tour (lecture en cascade), en ne faisant jamais relire plus de deux ou trois fois la même page (après, pour la plupart, c'est de la récitation).

    Quand l'attention se dilue, on change d'activité : ils sortent les ardoises et la page suivante est dictée élément par élément (procédé La Martinière) et vérifiée en direct. Bien entendu, quand il s'agit de mots comportant des lettres muettes (chat), des accents qui ne s'entendent pas (fâché, à), des consonnes doubles, des majuscules, ces éléments sont donnés aux enfants afin qu'ils écrivent d'emblée, sans faute, les mots avec leur orthographe réelle.

    On peut écrire au fur et à mesure au tableau les éléments qui ont déjà été dictés et, en fin de dictée, faire relire tous les éléments, dans le désordre, en privilégiant le décodage et non le par cœur,

    Attention, ceci est un outil d'apprentissage graphémique de l'écriture-lecture, il ne remplacera pas un manuel d'étude de la langue. Il peut, temporairement, remplacer la lecture sur un manuel ou un album de compréhension de texte. Il peut et il doit. Il faut pour cela beaucoup dialoguer avec les enfants sur le sens de ce qu'ils lisent :

    1) sens lexical des mots,

    2) sens grammatical intuitif des mots-outils et des terminaisons :Par exemple, pour "et" en première page : « On dit Tom et Nathan, quand on veut parler des deux en même temps ; c'est Tom et puis Nathan. C'est la même chose pour Benoît et Angèle, puis pour Taïlan et Mathis... »
    Ou encore, en page 9 : « Quand le verbe est conjugué avec je, il se termine par e... quand il est conjugué avec tu, il se termine par es... quand il est conjugué avec il, c'est de nouveau la terminaison e."

    3) le sens général de la phrase puis du petit texte qu'on décode tous ensemble.

    b) Si c'est pour un groupe d'élèves

    Reprendre les conseils ci-dessus, sans passer par le travail collectif au tableau. Mettre les quatre à cinq élèves ensemble autour d'une table, un livret à la main chacun et opter, comme ci-dessus, pour la lecture en chœur ou pour la lecture en cascade. Travailler d'autant plus la compréhension qu'il s'agit d'élèves dont on a coutume de dire qu'ils « n'ont pas eu le déclic ».

    c) Si c'est pour un seul enfant

    S'il s'agit d'un seul enfant en souffrance dans une classe d'enfants tous au moins lecteurs lents, il faut savoir quelle est la nature du problème.

    Est-ce un enfant en difficulté intellectuelle? un enfant-roi habitué à ce que tout cède devant lui et incapable de fournir un effort ? un enfant hyperactif handicapé par les nombreuses sollicitations auditives, visuelles, kinesthésiques, olfactives qui papillonnent autour de lui dans une classe, même si elle ne comporte que 12 élèves ?

    → Si c'est le premier cas, les Alphas, utilisés en parallèle du Borel Maisonny (tome 1, si celui-ci va trop vite) peuvent l'aider à s'intéresser et mémoriser ces informations trop abstraites pour lui. Cependant, il ne faut pas se voiler la face : si l'immaturité globale de l'enfant pousse à le comparer à un enfant de moins de cinq ans, il y a quand même très peu de chances qu'il progresse suffisamment pour arriver à apprendre à lire et à écrire.

    → Si c'est le second, seule la fermeté pourrait selon moi avoir de l'effet. Sans celle des parents par derrière, je ne suis pas sûre que celle de l'enseignant suffise. À moins que vous ne réussissiez à le séduire avant qu'il ait réussi à faire de vous sa « chose », comme il fait habituellement. Mais, ne nous leurrons pas, c'est le cas le plus difficile car, de la séduction à l'esclavage, il n'y a qu'un pas.

    → Si c'est le troisième, la solution serait l'AVS qui reste près de lui et fait écran entre tous ces parasites et lui, à condition que ce soit quelqu'un de très calme et de très empathique. Ou l'orthophoniste, en extra-scolaire. Ou encore les APC, tous les jours, jusqu'à ce qu'il sache lire...
    Pas simple...

    Quelles précautions prendre ?

    Attention au pire de nos ennemis à cette époque de l'apprentissage : LE PAR CŒUR !

    Ce « par cœur », souvent assimilé à une aide à l'automatisation, trompe les élèves sur le travail à entreprendre : il s'agit d'habituer l'œil à associer un à un, deux par deux, trois par trois, etc., les signes graphiques. Et les habitudes, ça vient lentement... c'est comme ça. Surtout quand on sort de 6 à 7 années de vie où l'oreille et la bouche fonctionnaient très bien ensemble, sans effectuer ce détour visuel appuyé qui fait perdre un temps fou. 

    C'est pourquoi il faut bannir les exercices de fluence tant qu'on redoute qu'ils provoquent chez les élèves ce réflexe qui semble les sauver en leur permettant des performances chronométrées bien supérieures à celles de leurs camarades qui font un détour par le décodage précis d'éléments visuels.

    Autoriser le décodage un à un, tout en aidant pour que cela ne traîne pas trop, c'est permettre au réflexe de s'installer et de s'automatiser. N'hésitez pas à rappeler le son de la lettre s'il est oublié, en vous accompagnant du geste Borel Maisonny ou/et du personnage des Alphas.

    Laissez-le syllaber tant qu'il en aura besoin tout en le poussant à aller toujours un petit peu plus vite.

    Aidez aussi à redire le mot un peu plus vite, en suivant du doigt et en anticipant le son que l'enfant va produire de quelques dixièmes de seconde.

    Aidez enfin à redire la phrase un peu plus vite, mot à mot, sans jamais exiger une « fausse lecture liée » qui est en fait de la récitation pendant laquelle les yeux font ce qu'ils veulent...

    Et n'oubliez pas : les progrès seront d'autant plus rapides que les élèves sentiront que vous vous attachez à ce qu'ils comprennent ce qu'ils lisent, même si c'est très simple. Donc :

    → pas trop de syllabes à décoder ou à coder, sauf les tout premiers jours

    → beaucoup de mots qu'on explique même s'ils sont très simples ( « fâché... Qui peut être fâché ? Pourquoi sommes-nous fâchés parfois ?... un chat... Qui a un chat ? Comment s'appelle-t-il ?... il chasse...  Qui peut chasser ? Comment ? Quelles sont ses armes de chasse ?... il sèche... De quoi peut-il s'agir ?... Pourquoi ça ne peut pas être la serviette ou la nappe ?...) 

    → de plus en plus de phrases qui racontent quelque chose et sur lesquelles on peut imaginer un implicite.

    Quel accompagnement prévoir ?

    a) La compréhension de textes longs

    On complètera ce travail au niveau de la compréhension par des lectures offertes nombreuses sur lesquelles on dialoguera aussi, selon le principe développé par Pierre Péroz dans ses conférences sur l'écoute en maternelle.

    Attention aux manuels de CP ou de CE1 qui proposent une version très restrictive de la compréhension, compétence par compétence. Si ce système fonctionnait, depuis le temps qu'il est utilisé très majoritairement dans les classes d'élémentaire, il y a longtemps que les élèves français réussiraient les tests de compréhension de textes de PISA. Or, ce n'est pas le cas...

    Préférez la compréhension au fil des textes, tous azimuts, pour le plaisir de savoir comprendre les pensées des personnages, suivre le fil d'une intrigue, donner un sens en utilisant le contexte, raisonner sur les causes des actions, etc.

    b) L'étude de la langue

    Il est aussi très important, si l'on veut aider les élèves à réellement combler leur retard, de commencer l'étude de la langue, à l'oral et à l'écrit, avec le matériau graphémique dont ils disposent.

    Choisissez une méthode ascendante plutôt que descendante, c'est-à-dire une méthode qui part des mots plutôt que des textes ou de la phrase, puisque, pour leur moment, leur vitesse de décodage leur permet de décoder des mots avant de décoder des phrases, et décoder des phrases avant de décoder un texte.

    Cela permet, dès les premiers jours, de parler de noms, d'articles, de verbes et de les manipuler pour découvrir le genre et le nombre, la relation sujet-verbe, les temps de conjugaison.

    Vous trouverez d'ailleurs dans ce manuel des pages entières consacrées à un fait grammatical traité sous le biais de la lecture et de l'écriture de régularités :

    → page 7 : noms masculins et féminins ; les articles un et une

    → page 9 : conjuguer un verbe au présent aux trois personnes du singulier ; la lettre S, marque de la 2e personne du singulier

    → page 13 : le verbe être au présent aux trois personnes du singulier

    → page 14 : des articles et des noms au singulier et au pluriel ; la lettre S, marque du pluriel des noms

    → page 15 : la troisième personne du pluriel des verbes du 1er groupe au présent

    etc.

    Cette progression n'empêche pas de déjà s'intéresser à la phrase puisqu'on en trouve plusieurs dès le début, présentées avec leur majuscule et leurs points. La présence de phrases interrogatives et exclamatives permettra, grâce à l'intonation orale et à l'explication collective de l'implicite, de dégager peu à peu ces notions et de commencer des manipulations orales visant à en fixer le sens.

    Comme on trouve très vite des verbes au présent et au futur, puis grâce aux trois personnes du singulier du verbe être, des verbes au passé, on pourra aussi, grâce à l'explication collective de l'implicite fixer le sens, puis le lexique, de la variation en temps du verbe.

    Le manuel

    Il est inspiré de la progression Borel Maisonny dont il reprend certaines phrases, souvent complétées et arrangées, au milieu d'autres écrites pour la méthode. Cette progression a été largement condensée pour permettre à des élèves qui ont déjà des bases de réviser selon un rythme beaucoup plus rapide et d'ajouter à leurs connaissances en écriture-lecture les éléments d'une progression d'étude de la langue explicite.

    On n'y trouvera pas les gestes à associer à chaque phonème mais ils sont faciles à trouver sur internet.
    Les prénoms des premières pages peuvent être changés. On les remplacera par des prénoms d'élèves de la classe ou des prénoms déchiffrables dès les premières leçons (Sofia - Sacha - Zoé - Yves - Chérif - Izia - Léo - Lola - ...).

    Nota bene : Les polices utilisées sont Calibri, pour l'écriture scripte et CrayonE et CrayonL pour l'écriture cursive.
    Le problème de chevauchement des lettres, souvent signalé par des collègues, disparaît si on ouvre le document en passant par Adobe plutôt que par le logiciel « par défaut » proposé par Windows.

    Télécharger « Non-lecteursCE1.pdf »

    À la demande de certains collègues, je rajoute le fichier en version « aide aux élèves dyslexiques », avec caractères adaptés à leur trouble et syllabes colorées. Personnellement, il me fait « parpelèger », comme on dit en Provence, mais si cela peut aider certains élèves à accéder à la lecture courante, ne soyons pas « sectaires ». 

    Merci à Maëla L. pour son travail

    Télécharger « livretdébutce1nonlecteurdys.pdf »


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  • CE1 : Mots à apprendre
    Merci à X, CE1, pour sa contribution involontaire.

    Grande question récurrente sur les réseaux sociaux d'enseignants de CP et CE1 : quels mots donner à apprendre, quand les donner, à quel rythme et en quelle quantité ?

    Le petit exemple ci-dessus, qui concerne un enfant sortant d'une année de CE1 brillante de l'avis de son enseignante, montre à quel point il est difficile de se faire une idée de ce qu'il est bon de faire.
    Ici, il s'agit d'un enfant reconnu « bon élève » tant au CP qu'au CE1, apprenant facilement ses « mots de la semaine » et les retranscrivant « de mémoire » à plus ou moins bon escient (ta, sais, vrai). On remarque encore des « confusions de proximité » (l'enfant a visité le parc Vulcania, alors il écrit « vulcans », avec un s, sans doute parce qu'il a repéré que souvent les mots se terminent par une lettre muette, sans avoir appris à en trouver la source ; on voit aussi qu'avant d'écrire vu, il avait écrit vous).
    Le moins que nous puissions dire sur un exemple aussi court, c'est que le travail entrepris par l'enseignante, pourtant sérieux et très structuré, n'a pas porté vraiment ses fruits et que, en fin de CE1, nous nous retrouvons avec un niveau « fin de CP ».
    Pour information, cet enfant n'a jamais travaillé l'épellation phonétique et apprend ses mots en les lisant d'un bloc puis en les fixant du regard un long moment, sans oraliser quoi que ce soit. Ensuite, il ferme les yeux puis les rouvre et écrit, toujours « d'un bloc » avec quelques coupures pour les mots longs, ne correspondant pas à une syllabation du mot (exemples : volc...an... ; attr...ape...r ; pa...rc...e q...ue).

    Alors, si les progressions « mots de la semaine » ne portent pas leurs fruits, que faire à la place ?

    Tout dépend de leur niveau d'encodage/décodage.

    S'il est excellent,

    1. On donne trois ou quatre mots chaque soir, pour la dictée du lendemain. J'ai l'habitude de me servir pour cela de la lecture oralisée qui sera faite le même jour mais on peut très bien choisir dans un autre « répertoire » : les leçons d'EMC, celles de Questionner le Monde, la vie quotidienne de la classe, etc.

    2. Ces mots sont choisis parmi les plus courants des « mots irréguliers » de la langue française : 

    Exemples :

    → je ne donne pas ami ou pirate à apprendre puisqu'ils sont encodables sans difficulté

    → en revanche, je donne le chat ou je donne car ils comportent une irrégularité 

    → je donne aussi la tête et il lève parce qu'ils comportent chacun une graphie différente du même phonème

    3. Ces mots reviendront plusieurs fois au cours de l'année car, pour qu'une mémorisation soit durable, il faut qu'elle soit réactivée souvent, surtout avec des enfants jeunes qui apprennent des centaines de choses nouvelles chaque jour.

    4. Je porte une attention toute particulière aux « mots outils » qui ont souvent de nombreux homonymes (dans/dent/d'en ; quand/quant/camp/qu'en ; mais/mes/met/mets/mai ; ...). Il faut toujours les donner dans une courte phrase pour éviter ensuite qu'un enfant écrive qu'il est allé en quand de vacances met qu'il était ennuyé quart il y a perdu une dans...

    Exemples :

    → Faire apprendre à quatre moments différents : dans la forêt - dans la mare - dans la classe - dans le jardin... même si, dans la dictée du lendemain, la préposition dans introduit un autre GN.

    → Faire apprendre à quatre moments différents : quand je parle - quand tu écoutes - quand il arrivera - quand j'étais petit... même si, dans la dictée du lendemain, la conjonction quand introduit une autre subordonnée conjonctive.

    J'essaierai de mettre en ligne, dans le courant de l'été, un travail de ce type à partir de la méthode que vous pouvez trouver ici à télécharger :

    Lecture et Expression, un livre de lecture pour couvrir toute l'année de CE1 et son livre du maître :

    Apprendre à lire au CE1Module 1 ; Modules 2 et 3 ; Modules 4 et 5 ; Module 6 ; Modules 7 et 8 ; Module 9 ; Module 10 ; Module 11 ; Module 12 ; Module 14 ; Annexe 2 : Rédaction collective d'une phrase

    Pour la méthode entière, en version imprimable, me contacter grâce à cet onglet : Contact

    Si le niveau d'encodage/décodage est moyen ou faible à très faible,

    1. Il vaut mieux démarrer par deux ou trois semaines d'encodage de mots transparents sans apprentissage de mots par cœur.

    2. À la maison, on demande alors juste de revoir la « technique » de l'encodage.Cette technique sera adaptée au niveau de départ des élèves.

    → s'il est moyen, on pourra d'emblée travailler avec toutes les lettres de l'alphabet, en se cantonnant cependant dans un premier temps à c = [k] et g = [g], et quelques digraphes très courants : an, on, oi, ou, in

    → s'il est faible, on ne gardera que les lettres de l'alphabet, en se cantonnant bien sûr aux valeurs [k] et [g] des lettres c et g.

    → s'il est très faible, c'est-à-dire que les élèves n'ont pas appris à encoder du tout au CP, on reprendra patiemment au cours des séances de lecture les voyelles et les consonnes, deux par deux ou trois par trois, en commençant par celles dont on peut prolonger le son, et ces séances seront toujours suivies de séances d'écriture (geste et encodage) au cours desquelles les élèves apprendront à utiliser l'épellation phonétique pour écrire.

    3.On introduira peu à peu les lettres muettes, les consonnes doubles, les règles d'accord les plus fréquentes, les accents, l'apostrophe, etc.

    Il y a un exemple de ce travail ici :

    Une méthode graphémique d'orthographe :

    CE1 : Orthographe graphémique (1) ; CE1 : Orthographe graphémique (AjoutP1) ; CE1 : Orthographe graphémique (1-bis) ; CE1 : Orthographe graphémique (2) ; CE1 : Orthographe graphémique (3) ; CE1 : Orthographe graphémique (4) ; CE1 : Orthographe graphémique (5)


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  • CP : Que penser de Buli ?

    Méthode de lecture

    Buli

    fiche de synthèse

    Quelques réflexions faites au fil des pages du feuilletage de cette méthode présentée sur le site de l’éditeur.

    Pour ceux qui n’auraient pas le temps de lire tout cela, sachez que, compte tenu des quelques pages que j’ai pu voir, je suis assez réservée sur ce manuel malgré de très bons cahiers d’exercices.  

    Cette méthode axe avant tout l’apprentissage de la lecture sur l’automatisation de la synthèse syllabique : chaque lettre est d’abord présentée seule, puis associée à une autre, puis à plusieurs autres (jusqu’à 5 ou 6 autres en tout début d’année), sans qu’il soit fait appel à la deuxième jambe de l’acte de lire : la recherche simultanée de sens, au fur et à mesure du décodage.

    Cette recherche de sens n’arrive qu’après, de façon parcimonieuse. Si des mots et de courtes phrases sont assez vite présentés aux élèves, grâce à une introduction précoce des consonnes, les textes en revanche tardent à venir (milieu de la troisième période) et restent très courts jusqu’à la fin.

    Les seuls textes qui échappent à cette règle sont ceux qui font suite à l’écoute d’un conte associé à la méthode[1]. Mais la lecture de ces textes-là n’a lieu qu’une fois tous les dix jours environ, ce qui est insuffisant pour assurer pas à pas la fluidité de lecture. Comme, de plus, ce sont des résumés de ce que les élèves viennent d’entendre, cela peut pousser les élèves à deviner au lieu de lire.

    Enfin, les lectures « vraies » qui ponctuent chaque Unité n’apparaissent qu’à un rythme encore plus lent puisqu’il n’y en a que 10 pages réparties deux par deux toutes les 6 à 8 semaines.

    Pour contrebalancer ceci et laisser un intérêt à cette méthode, on peut remarquer une présentation des graphies claire, allant du simple vers le complexe, et une réelle volonté de déblayer toutes les règles graphémiques du français, y compris celles ne concernant que quelques mots (choral, chœur, ... ; monsieur ; automne ; schéma ; ...). Par ailleurs, l’entrée grammaticale dans l’encodage est très largement présente et part de l’observation de mots, groupes de mots et phrases pour solliciter l’intérêt des enfants et les pousser à tirer des règles de ce qu’ils emploient déjà intuitivement à l’oral. On n’a pas oublié de traiter les lettres accentuées, les consonnes doubles, la ponctuation et les relations grammaticales entre les mots.

    Enfin, les deux cahiers d’exercices sont très fournis et particulièrement intéressants au point de vue de la compréhension de l’écriture-lecture, une fois passée l’inévitable période (pas très longue) consacrée au traitement audio-oral du langage parlé. Ils rassemblent en effet toute une panoplie d’exercices de discrimination visuelle et auditive, d’apprentissage de l’orthographe et de la syntaxe, de recherche du sens de ce que l’élève lit et écrit. En bref, ce sont des cahiers qui donnent envie de réécrire le manuel afin qu’il offre aux enfants autant de sollicitations en lecture que ce qu’ils en reçoivent en écriture.

    En raison de tout ceci, je classerais volontiers ce manuel parmi les manuels possibles après nombreux aménagements :

    → pages « mémoire d’un écrit lu par un tiers » utilisées en fil rouge en dehors du temps consacré à l’apprentissage de l’écriture-lecture ;

    → traitement des pseudo-mots réservés à l’automatisation de l’écriture plutôt que de la lecture ;

    → création de textes entièrement déchiffrables supplémentaires pour pouvoir donner à lire du sens aux élèves de manière plus systématique[2].

    Feuilletage  du manuel

    présenté sur le site de l’éditeur

    1) Le sommaire :

    1. Les enfants vont d’abord découvrir Buli dans un texte lu par l’adulte.

    2. Cinq unités correspondent aux cinq périodes de l’année scolaire. Chacune est divisée en 4 épisodes suivis chacun d’une révision. Les unités se terminent toutes par un Bilan.

    3. En période 1, chaque épisode permet l’apprentissage de deux graphies Voyelles, dont ou, et une graphie consonne. Cela laisse présager un apprentissage de la combinatoire précoce, garantissant la compréhension rapide de la lecture (déchiffrage et recherche de sens simultanés).

    4. Les graphies simples (f ; s ; é, è, ê ; in) sont vues bien avant les graphies complexes traduisant le même phonème (ph ; c, ç ; er, et, es, ei, ai ; ain, aim, ein ; ...), ce qui assurera une bonne mémorisation aux élèves plus fragiles.

    5. Il ne semble pas y avoir d’ « impasses » comme dans certains des manuels décrits précédemment. Toutes les graphies nécessaires à la lecture d’un texte correspondant aux capacités d’un élève de 6 à 8 ans sont présentes.

    6. Chaque unité se termine par une lecture « vraie » (comptines, documentaires, fiche explicative ou technique, messages, descriptions).

    7. Il ne semble pas y avoir d’étude de la langue. En revanche, allez savoir pourquoi, un lien est fait entre l’apprentissage de la lecture et la partie du programme d’EMC liée aux « émotions »... Bizarre.

    Conclusion

    Jusque-là, rien à signaler sauf cette association bizarre avec l’étude des « émotions »... À voir plus tard : serait-ce traité en rapport avec des extraits littéraires ? Mais dans ce cas-là, puisque, jusqu’en février ou mars, les élèves ne sauront pas les lire (décoder et chercher à comprendre simultanément), pourquoi ne pas en avoir parlé plutôt, en option, pour les enseignants intéressés, dans le guide pédagogique ?

    2) Unité 1 Épisode 1 :

    a. L’épisode comporte 5 pages dont 4 sont consacrées à l’apprentissage de la lecture.

    b. La première page n’a aucun rapport avec l’enseignement de la lecture. C’est une page d’écoute, de lexique oral et, apparemment, de débat autour de l’EMC (les émotions de la rentrée). C’est une page que je ferais quant à moi, en fil rouge, chaque début d’après-midi de la semaine, avant de ranger le manuel de lecture dans le cartable, après avoir relu la page de lecture étudiée pendant la matinée de classe.

    c. La démarche d’acquisition des graphies est résolument graphémique : 1) J’observe la lettre dans ses quatre écritures – 2) Je la repère parmi d’autres lettres – 3) Je la repère dans des mots – 4) Je prononce des mots et j’y repère le son de la lettre étudiée (cet exercice audio-oral est vite remplacé par un exercice de repérage de syllabes prononcées, il pourra bientôt être fait à l’écrit, sur l’ardoise par exemple, pour renforcer le lien écriture-lecture).

    d. Dès l’étude de la première consonne (l), à la troisième leçon, après l’exercice d’observation de la lettre L dans ses quatre écritures, on aborde la combinatoire, dans le sens CV et dans le sens VC, grâce à des « étiquettes carrées » placées l’une contre l’autre.

    e. Cet exercice est suivi de deux exercices de décodage : syllabes puis pseudo-mots très longs pour des débutants puisqu’ils comportent de 4 à 6 lettres chacun.

    f. L’avant-dernier exercice de la page est un exercice de lecture (décodage et recherche simultanée de compréhension).

    g. Le dernier exercice peut être un exercice de production d’écrit puisqu’il demande à l’élève de repérer auditivement la prononciation de l’une des 4 syllabes proposées dans des noms dessinés.

    h. La page de révision qui suit met à l’honneur :

    1) Les syllabes et mots inventés

    2) Le décodage d’éléments signifiants (mots puis phrases)

    3) Un élément orthographique de la langue (la lettre à) étudié par observation (méthode intuitive).

    Conclusion

    Ces 5 pages, qui sont les 5 premières de l’année scolaire, donnent aux enfants le ton du manuel :

    a) Comme à l’école maternelle, nous allons écouter une histoire, regarder et commenter des images et raconter comment nous nous sentons à l’école. Nous apprendrons à lire plus tard.

    b) Ce sont les lettres que nous allons étudier : elles correspondent à des sons que nous pouvons prononcer.

    b) Les lettres se combinent pour faire du bruit : des syllabes et des mots inventés. Je suis prié de savoir que cette combinaison se fait de gauche à droite.

    c) Les lettres peuvent aussi se combiner pour faire du sens : des mots et des « histoires ».

    Nous comprendrons à ces quelques caractéristiques que ce manuel aura besoin d’aménagements pour être un véritable manuel d’apprentissage de la lecture :

    a) Première page du module et histoire de Buli décalées à l’après-lecture.

    b) La lecture de syllabes pourra avantageusement être complétée par la technique des flèches de Borel-Maisonny et la technique du « carambolage » de la Planète des Alphas afin de conforter les élèves dans le sens gauche-droite de la lecture.

    c) Étude des mots et phrases placée avant la mécanique des pseudo-mots (qu’on pourra garder en entraînement à l’écrit d’épellation graphémique sur l’ardoise : « Écrivez ce que je prononce : llllliiiiillllaaallliiilll, levez ! Relisons-le ensemble : llllliiiiilllllaaaaalllliiiillll. Effacez. »

    3) Unité 1 Épisodes 2 à 4 :  

    a. Rien de nouveau dans ces épisodes, la structure reste la même : 0) la page qui n’a rien à faire ici – 1) présentation de la lettre du jour dans ses 4 écritures – 2) composition de syllabes CV et VC – 3) lecture de syllabes puis de pseudo-mots, dont certains très longs (jusqu’à 9 lettres dans pilolural ou épatitopu). – 4) lecture d’éléments signifiants (mots puis phrases isolées).

    b. À une ou deux exceptions près, on en reste pour tout l’épisode à la lecture de phrases isolées. Pas de textes avant la lecture « vraie » de fin d’unité.

    c. Chaque révision se termine par l’observation de particularités orthographiques du français : les mots-outils fréquents (présentés lorsqu’ils sont totalement déchiffrables) – les lettres muettes – les accents – la ponctuation – les consonnes doubles – ...

    Conclusion :

    La partie Étude de la Langue est intéressante. Pour le reste, les aménagements proposés restent de rigueur.  

    4) D’autres écrits (lectures « vraies »).  

    a. Deux comptines pas très convaincantes (ni rimes, ni rythme, quelques vagues assonances ou allitérations). Des pseudo-mots déguisés en « refrains onomatopéiques » pas très heureux non plus. Mais c’est du matériau à lire (décoder et chercher à comprendre simultanément) « pour de vrai », et c’est la première fois depuis le début de l’année.

    Conclusion 

    Ici, on demande à l’enfant d’adopter une posture de lecteur, même si les textes ne sont pas tirés du répertoire des comptines traditionnelles.

    5) Bilan 1 :

    a. Trois pages de bilan pour clore l’unité 1 : 1) Compréhension et vocabulaire – 2) Tableau des combinaisons possibles VC et CV – 3) Étude de la langue

    b. La compréhension porte sur 8 mots et 2 phrases. Si c’est le matériau pour une classe entière, cela nécessite une passation individuelle longue et difficile à mettre en œuvre pour des renseignements que l’enseignant a sans doute déjà recueillis quotidiennement.

    c. Le troisième exercice de compréhension tout comme les exercices de vocabulaire qui suivent ne relèvent pas de l’apprentissage de la lecture mais de celui de l’attention auditive et de la mémoire.

    d. Les grands tableaux de code de la deuxième page n’ont d’intérêt que pour les élèves en difficulté, à condition de les considérer comme des exercices d’entraînement et non comme des bilans.

    e. Le bilan d’étude de la langue reprend les notions de lettres muettes et de consonnes doubles abordées lors des différents Épisodes. Il répertorie tous les mots-outils désormais décodables par les élèves.

    f. On remarque toutefois que ce n’est pas réellement un bilan puisqu’il présente deux nouvelles notions : les articles définis masculin et féminin singulier, puis les articles indéfinis un et une. On remarquera que si le mot un est une nouvelle acquisition graphémique, car c’est un mot-son, en revanche le mot une est présenté avant d’être décodable.

    Conclusion

    On pourra avantageusement sauter la première page du Bilan qui n’est pas utilisable dans une classe de plus de 4 ou 5 élèves sans des aménagements très chronophages propres à désorganiser tous les apprentissages d’une ou deux journées de classe. Le plus simple est sans doute de faire lire les 8 mots et les 2 phrases aux élèves en difficulté qu’on prend en APC. On pourra avantageusement remplacer les exercices de mémorisation d’un « écrit lu par un tiers » par les exercices quotidiens que l’on conduit soi-même sur les contes et récits lus en classe et placer l’exercice de bilan du lexique propre à l’école dans le quotidien de la classe.  

    La deuxième page est utilisable en classe, juste avant de passer à la troisième, en optant pour l’organisation en cascade : élève 1 lit la 1re syllabe de la 1re ligne, élève 2 lit la 2e, etc. jusqu’à ce que toutes les cases des deux tableaux aient été lues.

    La troisième page est utilisable en classe à la suite de la deuxième. On reprendra le principe de la lecture en cascade pour les deux premiers exercices et la lecture de la liste de mots-outils. La leçon sur le masculin et le féminin des noms et des articles constituera le « noyau dur » de la leçon du jour. 

    6) Les unités suivantes.   

    L’Unité 2 et le début de l’Unité 3 ont exactement la même organisation que l’Unité 1.

    a. Se reporter à cette dernière pour les remarques et les conclusions sauf pour le Bilan qui ressemble aux bilans des unités 3 à 5).

    b. Progressivement, les premiers textes apparaissent, encore très courts (2 lignes, 3 à 4 phrases).

    Les Unités 3 à 5 ont toutes la même organisation. Dans chaque épisode :  

    a. La première page est toujours une page essentiellement orale : écoute de l’épisode du conte, observation d’une illustration s’y rapportant, lexique (4 noms dessinés) puis débat oral sur un thème d’EMC.

    b. Il y a cependant un résumé de l’épisode entendu en début de séance ; ce résumé comporte 8 phrases et une quarantaine de mots lorsqu’il apparaît pour la première fois (moitié de l’Unité 3). La quantité d’écrit augmente progressivement pour arriver à une vingtaine de phrases et plus de 150 mots, dans le dernier épisode de la dernière Unité.

    c. Jusqu’à la fin de l’apprentissage, les pages d’acquisition de nouveaux graphèmes débutent toujours par la présentation de ces graphèmes isolés suivie du décodage de syllabes et de pseudo-mots de 2 à 4 ou 5 syllabes.

    d. Ces exercices mécaniques sont suivis de 3 exercices de lecture successifs : 1) des mots et groupes de mots (de 8 à 20) – 2) des phrases isolées – 3) un texte de 3 à 6 lignes (exceptionnellement 7) sans illustration.

    e. Les pages de révision reprennent la même organisation que précédemment :

    1) syllabes et pseudo-mots

    2) mots et groupes de mots

    3) deux très courts textes de 2 ou 3 phrases, remplacés par un texte unique, plus long, à partir du dernier épisode de l’Unité 3

    4) liste des mots-outils déchiffrables

    5) notion de grammaire présenté sous la forme d’une observation de mots ou de phrases, de manière à aider les élèves à passer de leurs connaissances intuitives de la langue français à un début d’abstraction consciente des notions grammaticales (mots-outils ; verbes ; accords dans le GN : genre et nombre ; ponctuation ; difficultés orthographiques : m avant m, b, p – emm = [am] ; accords sujet-verbe ; compléments : directs du verbe – de lieu – de temps ; analyse grammaticale de phrases)

    f. D’autres écrits (lectures « vraies ») : Beaucoup plus convaincantes que les comptines de l’Unité 1. Le ton est juste et les élèves comprennent qu’ils lisent pour : 1. faire quelque chose – 2. découvrir des nouvelles notions – 3. recevoir des nouvelles – 4. se faire une image mentale à partir d’une description.

    g. Le bilan est conçu exactement sur le même principe que celui de l’Unité 1 :

    -  Il y a un peu plus de matériau à lire à la première page. Les parties « Compréhension » et «  Vocabulaire » ne se rapportent toujours pas à ce qu’ils viennent de lire : il s’agit toujours de comprendre ce qu’ils ont entendu lire par d’autres.

    - Les tableaux de syllabes sont toujours présents alors que les élèves doivent sortir du déchiffrage syllabe après syllabe pour arriver au moins à l’appréhension mot à mot des écrits qui leur sont présentés.

    - Les pages d’Étude de la Langue sont à nouveau les seules à présenter un intérêt flagrant en reprenant un à un les acquis de la période et en demandant aux élèves de les expliquer.

    h. Les derniers épisodes de l’année traitent des graphies rares. Ils reprennent les observations faites en cours d’année sur les consonnes doubles, les lettres muettes, les lettres accentuées. Ils abordent même les bizarreries de la langue (une seconde, une chorale, un monsieur, etc.).

    i. À la fin de l’ouvrage, on trouve la liste alphabétique des mots-outils vus en cours d’année puis un « précis grammatical ».

    Conclusion :

    Ce manuel est utilisable après aménagements de manière à assurer dès le départ pour chaque élève une entrée dans un principe de décodage avec recherche simultanée de sens.

    Si l’on choisit de s’attacher aux histoires du petit héros Buli pour travailler la compréhension orale, l’écoute et le lexique, on le fera en dehors des moments réservés à l’écriture-lecture (2 h quotidiennes sur les 2 h 30 réservées au français dans l’emploi du temps).

    On se servira des syllabes et pseudo-mots pour automatiser le principe d’écriture graphémique et on ne fera lire que les mots, phrases et textes que contient la méthode.

    On rédigera ou récupérera soi-même d’autres textes de lecture entièrement décodables pour « supplémenter » la méthode en lecture vraie et permettre à tous les élèves d’une classe d’avoir lu une quantité raisonnable d’écrit par jour sans être obligé de se transformer en répétiteur qui refait plusieurs fois la même chose chaque jour avec 5 ou 6 groupes différents.  

    Feuilletage  des 2 cahiers d’exercices

    présentés sur le site de l’éditeur

    1) Le cahier n° 1 :

    a. Il couvre les périodes 1 et 2.

    b. Pour chaque épisode, la première double page est consacrée au conte qui est lu parallèlement à la méthode proprement dite.

    c. La page de gauche de chaque leçon est consacrée à l’apprentissage de l’écriture liée : 1. geste de l’écriture acquis par suivi du tracé de la lettre avec le doigt (pratique à rapprocher de l’usage des lettres rugueuses Montessori) – 2. écriture sur lignage seyes – 3. reconnaissance de la lettre cachée parmi d’autres dans un paysage. Les puristes regretteront la police d’écriture cursive choisie (« cassure » de la lettre e, « œilletons » des lettres o, r, v, b).

    d. Les exercices prennent réellement un rôle dans l’apprentissage de l’écriture-lecture après quelques pages de droite dans lesquelles l’oralisation des syllabes et la place de la lettre dans un mot oral gardent une place (trop) importante : tracer des arcs pour matérialiser les syllabes (orales ou écrites ?) ; signaler par une croix la place du phonème associé à la graphie du jour.

    e. Cependant, dès la première leçon, deux exercices consistent à écrire la graphie correspondant à un phonème entendu, permettant ainsi aux élèves un premier travail de « production d’écrit ».

    f. Dès la troisième leçon, la page de droite est entièrement réservée à la production (encore partielle) d’écrit : copie de syllabes ; écriture de syllabes entendues dans des mots dessinés ; écriture sous la dictée ; production autonome de pseudo-mots.

    g. Les pages de révision concernent pour deux exercices la partie « écoute d’un écrit lu par un tiers et vocabulaire afférant à ce texte ». Les autres exercices concernent :

    1. le geste d’écriture

    2. l’écriture de syllabes dans un tableau à double entrée

    3. l’apprentissage par cœur de listes de syllabes pour pouvoir les débiter au rythme d’une mitraillette

    4. la production d’un écrit à partir d’éléments donnés

    h. Le « jeu des arcs » (phonologie maternelle) n’est utilisé que pour les graphies de voyelles puis disparaît en Période 2.

    i. La compréhension d’un écrit lu par un tiers n’occupe bientôt plus qu’une page, la deuxième de la double page étant consacré à des exercices écrits d’étude de la langue et de production d’écrit, souvent très intéressants.

    j. Les exercices des pages de droite s’étoffent et varient au fil des pages : remettre les syllabes d’un mot en ordre – remettre les mots d’une phrase en ordre – compléter deux phrases en choisissant pour chacune le mot qui convient – compter les mots d’une phrase – écrire des mots sous des dessins leur correspondant – compléter un nom par l’article qui lui convient – séparer les mots d’une phrase – paires minimales – etc.

    k. Les bilans concernent :

    1. les lettres

    2. les syllabes

    3. les mots

    4. les phrases

    5. les acquis orthographiques et grammaticaux

    6. la production autonome d’écrits à base de mots acquis orthographiquement.

    Conclusion

    Ce cahier est très bien fait, à quelques très rares exceptions près, facilement corrigibles.

    En effet, personne ne nous empêche de faire en collectif au tableau les exercices concernant les arcs matérialisant les syllabes (écrites bien sûr !) et la place de la lettre étudiée dans  de ces arcs. L’exercice se transforme alors en exercice d’attention auditive et visuelle et de compréhension : « J’écoute ce que dit l’enseignant, je comprends ce qu’il me demande de faire : recopier très exactement sur mon cahier, à l’endroit indiqué, le travail que nous venons de faire tous ensemble au tableau. Et ce après chacun des mots que nous avons décortiqués oralement ensemble. »

    Personne ne nous empêche non plus de transformer l’exercice de « tir à la mitraillette » en jeu de loto (« Entourez lo en vert ! al en bleu ! barrez lu de deux traits horizontaux ! » etc.) avec correction immédiate au tableau.

    Pour tout le reste, allons-y sans réserve : les exercices proposés apprendront aux élèves à lire et à écrire et contribueront à combler grâce à l’écriture certaines des lacunes du manuel de code.

    2) Le cahier d’exercices n° 2 :

    a. Toujours la page d’exploitation du conte lu par un tiers avec sa partie « Étude de la langue ». Elle comporte désormais une partie écrite plus en rapport avec le but de cette méthode. Cette partie pourra être exploitée pendant l’horaire d’écriture-lecture.

    b. Il n’y a plus aucune référence à la phonologie audio-orale : les élèves ont appris à lire et à écrire et ils s’en servent.

    c. Toujours beaucoup d’exercices très variés et le plus souvent très intéressants visant à automatiser l’écriture (= coder l’écrit pour être compréhensible par un tiers). Le volet orthographique est vraiment inclus dans la méthode et il n’est nulle part question d’écrire « comme on veut » ou « comme on sait ».

    Conclusion

    Ce cahier est très bien fait ; les exercices proposés apprendront aux élèves à lire et à écrire et contribueront à combler certaines des lacunes du manuel de code.

    Notes :

    [1] Comme pour les autres manuels étudiés auparavant, nous ne nous intéresserons pas à ce conte et aux exercices oraux de compréhension et lexique qui y sont associés car ceux-ci ne peuvent être assimilés à un travail de lecture combinant décodage autonome et recherche simultanée du sens. Nous ne nions pas l’importance de ces exercices pour l’enrichissement des compétences culturelles et comportementales des élèves (attention auditive, lexique, recherche du sens, logique, mémoire, création d’un répertoire patrimonial commun, ...), mais nous conviendrons que rien ne nous assure que, sans réels exercices de compréhension sur le matériau directement lu par l’élève, le transfert de ces compétences à traiter l’oral aurait lieu sur le traitement de l’écrit.  

    [2] Tous les jours, et en plus grande quantité.


    7 commentaires
  • CP : Que penser de Tika et Tao ?

    Extrait du manuel de lecture syllabique

    Tika et Tao

    fiche de synthèse

    Quelques réflexions faites au fil des pages du feuilletage de  l’extrait de cette méthode présenté sur le site de l’éditeur.

    Pour ceux qui n’auraient pas le temps de lire tout cela, sachez que, compte tenu des quelques pages que j’ai pu voir, ce manuel fait partie de ceux que je qualifierais de « utilisables en classe après quelques aménagements ».  

    En le feuilletant, on se rend compte que : 

    → Les vieilles habitudes dues aux années « tout phono » ne ressurgissent pas (trop) sous forme de dessins dont on psalmodie le nom pour y compter les syllabes, détecter le son-vedette et le situer dans le mot, ce qui est une excellente chose et laisse du temps au vrai travail du CP : l'écriture-lecture.

    → En revanche, comme il était habituel au cours de ces années-là, on y retrouvera l’apprentissage de plusieurs graphies d’un même phonème en même temps, ce qui peut faire beaucoup pour des élèves à la mémoire visuelle encore peu développée.

    → On y retrouvera aussi, semble-t-il, au moment de la dictée, l’apprentissage par cœur de syllabes et de mots entièrement décodables et totalement transparents, ce qui, dans le cadre d’un apprentissage graphémique, ne se justifie que pour des mots présentant une difficulté orthographique ou grammaticale.  

    → Le retour en force de la « méthode syllabique » y est pourtant très prégnant puisque, après trois mois et demi d’apprentissage, les leçons commencent toujours par la lecture de plus d’une vingtaine de syllabes dépourvues de sens, à un moment où cet exercice est plus pénalisant qu’autre chose pour les enfants ayant du mal à « entrer dans la lecture ». La préparation de dictée est d’autant plus étonnante, vu ce contexte.

    → Il est enfin assez déconcertant de constater que, malgré tous les regroupements de graphies cités plus haut, le manuel n’a pas le temps de balayer toutes les graphies à peu près courantes du français, interdisant de ce fait la lecture de mots très usités tels cœur, sœur, œuf, œil, bien, chien, attention, récréation, addition, voyage, voyelle, payer, balayer, appuyer, exercice, exemple, taxi, boxe et bien d’autres.  

    Heureusement, tout cela n’empêche pas la lecture et l’écriture, ce qui est rare et mérite d’être signalé, d’éléments signifiants nombreux (mots, textes, phrases) qui cultivent les capacités des élèves à « déchiffrer et chercher à comprendre en simultané » et à « écrire pour se faire comprendre ». Cela rattrape beaucoup des erreurs signalées ci-dessus.

    Conclusion rapide

    En raison de tout ceci, je classerais volontiers ce manuel parmi les manuels utilisables en classe après quelques aménagements.

    Feuilletage  de l’extrait de manuel présenté sur le site de l’éditeur

    1) L’Avant-Propos :

     La présentation des objectifs de la méthode est claire et réaliste. On notera tout particulièrement :

    a. le rôle incontestable de l'écriture manuscrite dans l'apprentissage de la lecture,

    b. l’idée de combiner rapidement grâce à l’acquisition (ou la révision) alternée de voyelles et de consonnes

    2) Le sommaire :

    a. L’ordre d’acquisition des graphèmes alterne l’acquisition de voyelles et de consonnes, ce qui permet d’accéder rapidement à la combinatoire.

    b. La graphie ou est proposée tôt, ce qui est intéressant pour ne pas fixer les élèves dans un déchiffrage de syllabes à deux lettres uniquement.

    c. En revanche, par la suite, nous nous écartons de la méthode graphémique – qui présente les graphies une à une, en respectant un temps de mémorisation entre l’étude de deux graphies traduisant le même phonème – et plusieurs graphies sont présentées ensemble car elles correspondent au même phonème.

    d. De plus, ces premiers « groupements de graphies » concernent entre autres, en deux fois, assez éloignées l’une de l’autre, l’archi-phonème [E], compliqué pour les élèves car, selon leur région d’origine et leur région de scolarisation, il peut y avoir « conflit auditif » entre ce qu’ils prononcent et ce que l’enseignant leur demande de lire.

    e. C’est d’autant plus étonnant qu’en toute fin d’année, les graphies AIL/AILLE, EIL/EILLE, EUIL/EUILLE et même OUIL/OUILLE sont étudiés l’un après l’autre au lieu d’être regroupées en une à deux leçons comme c’est souvent l’usage.  

    f. D’autres groupements de graphies concernent des graphies rares (comme ph, présenté en même temps que f) qui risquent fort d’être largement oubliées à la rentrée du CE1 faute d’une imprégnation tardive, en toute fin d’apprentissage, au CP.

    g. La lettre S est présentée très tard, en même temps que la lettre z, donc dans sa forme traduisant le son [z] ; la leçon dans la forme habituelle traduisant le son [s] vient après et expose apparemment la règle du doublement entre deux voyelles.

    h. Même chose pour la lettre C : le son [s] est vu avant le son [k].

    i. Selon ce sommaire, les groupements C.C. (gr, fr, br, tr, cl, pl, ...) sont  vus très tard. C’est dommage car l’acquisition s'ancre plus facilement lorsqu’elle est présentée assez tôt.

    j. Les graphies œ, œu, y entre deux voyelles, ien, x, tion = sion n’apparaissent pas dans le sommaire.

    k. Les acquis grammaticaux sont situés en fin d’unité ; ils sont très peu nombreux : nom ; pronoms (et on peut supposer verbe) ; phrase. L'ordre de présentation est ascendant (du mot vers la phrase), ce qui est un gage de compréhension à un moment où les élèves passent du déchiffrage lettre par lettre, puis syllabe par syllabe avant d'arriver au mot à mot et, enfin, dans le meilleur des cas, groupe de souffle par groupe de souffle.

    l. Chaque unité se termine par une page d’entraînement et une page d’approfondissement.

    m. Le nombre d’ « unités d’apprentissage » ne correspond par au nombre de « périodes de l’année scolaire ».

    Conclusion

    Cette méthode n’est pas aussi graphémique qu’elle en a l’air. On retrouve assez rapidement les « groupements de graphies » habituels dans les méthodes à départ phonémique. Si on la choisit on aura intérêt à scinder les leçons d’acquisition de 3 ou 4 graphies inconnues en même temps.

    Ce travail pourra peut-être être entrepris si, parallèlement à la méthode, on présente les graphèmes de base, au rythme d’un ou deux tous les deux jours, grâce aux personnages des Alphas. Cela permettra de présenter les lettres É, F, C (= [k]) et S (= [s]) puis les groupements C.C.V assez tôt dans l’année.

    Certaines graphies très courantes telles les lettres S et C sont vues très tard et d’abord dans leurs exceptions. L'utilisation des Alphas corrigera cela.

    Toutes les graphies courantes ne sont pas étudiées. Cela risque de poser des problèmes en début de CE1 lorsque les élèves se retrouveront confrontés à des textes non adaptés et devront compléter leurs connaissances pour pouvoir les lire de manière fluide.

    Il faudra faire attention lors du découpage du manuel en périodes de l’année scolaire pour ne pas se retrouver en fin de période 5 avec une unité entière qui n’aura pas été traitée. Sans doute est-ce explicité dans le Guide Pédagogique ?

    2) Introduction à l’écriture :

    Cette page expose les gestes de base de l’écriture cursive, selon D. Dumont, formatrice en pédagogie et en rééducation de l’écriture. Elle est un peu redondante puisque chaque leçon présente la lettre cursive fléchée et indique les gestes à pratiquer.
    Une page sur la tenue du crayon et la position du cahier, avec illustrations, aurait été intéressante aussi.

    Conclusion

    Cette page peut avoir un intérêt pour certains enseignants et certains parents qui ne sauraient pas quels gestes adopter pour tracer correctement les lettres cursives.

    3) Présentation d'une double page du manuel :  

    a. La double page détaillée est celle de la lettre V qui se trouve un peu avant la moitié du manuel (qui compte 112 pages), soit au début de la troisième période de l’année scolaire (mois de janvier).

    b. Sur la page de gauche, la lettre étudiée est présentée en haut de page, dans 3 des quatre écritures (pas de majuscule cursive), la phrase de présentation est clairement phonémique (« Le son [v] s’écrit v »). Une illustration simple aide à la mémorisation (valise). Au moment de cette étude, le mot choisi n’est pas totalement déchiffrable (la lettre S, qu’elle se prononce [z] ou [s], sera vue dans l’unité suivante, après 6 leçons et la période de révision.

    c. Un « exercice de phonologie » consiste à prononcer 6 mots contenant chacun le son [v]. Il peut servir d’exercice d’articulation et de leçon de vocabulaire.

    d. Les enfants ont ensuite 21 syllabes à 2 puis 3 lettres à décoder (14 C.V. et 7 C.V.C).

    e. Puis, ils liront 8 noms présentés avec un article et 4 verbes présentés à l’infinitif.

    f. La page de gauche se termine par un texte de 4 lignes (et d’environ 30 mots) non illustré. C’est une histoire, du type « accumulatif avec chute amusante » qui, une fois expliquée et commentée en classe, fera sans doute beaucoup rire les enfants.

    g. La page de droite commence par une observation détaillée et fléchée du tracé en écriture cursive de la lettre V. Cette observation est accompagnée de quelques conseils dans la liaison de cette lettre avec les lettres suivantes. Cet apprentissage est suivi d’un exercice d’entraînement à l’écriture, sur ardoise, si l’on en croit le pictogramme.

    h. La page sacrifie ensuite à l’inévitable exercice audio-oral de phonologie : « Montre où tu prononces le son [v] dans les mots illustrés ». Les 3 mots proposés sont loin de suffire aux besoin d’une classe de 28 élèves ! Ce qui n’est pas grave du tout, vu l’intérêt de cet exercice pour la construction de la compétence « Savoir écrire de manière autonome ».

    i. Les 2 exercices suivants sont beaucoup plus intéressants puisqu’ils amènent les élèves à écrire 6 mots contenant la lettre v, grâce à une liste de syllabes pour les 3 premiers, grâce à une liste de lettres pour les 3 suivants. Nous n’en sommes pas encore à l’autonomie, mais nous nous en rapprochons.

    j. Le dernier exercice, intitulé Dictée, me pose problème : si la dictée de syllabes puis de mots entièrement encodables est intégralement présentée aux élèves (pour préparation ?), comment pouvons-nous être sûrs qu’ils procéderont bien par encodage graphémique et non pas par mémorisation globale suivie d’une restitution visuelle sans s’attacher aux phonèmes encodés un à un ?
    N’aurait-il pas mieux valu ne proposer à l’apprentissage par cœur qu’un ou deux mots lus au cours de la leçon et comportant une difficulté orthographique (ville et arrive avec chacun leur double consonne) ?

    Conclusion :

    Cette page est très tardive dans la méthode.

    On y constate quelques points positifs : une histoire entièrement décodable, relativement intéressante au point de vue « littéraire » ; des mots déchiffrables classés par nature ; des exercices d’écriture intéressants.

    Mais quelques autres sont plus sujets à caution : un apprentissage visuel « par cœur » de syllabes et mots qui risque de remplacer l’encodage autonome ; des exercices audio-oraux de phonologie qui occupent la place qui aurait pu être réservée à 4 lignes supplémentaires de lecture ; 21 syllabes à déchiffrer à une période de l’année (début du deuxième trimestre) où cet exercice devrait être abandonné au profit de la lecture de mots et de phrases.

    4) Extrait du manuel

    L’extrait proposé sur le site de l’éditeur va de la page 44 à la page 61, c'est l'intégralité de l’Unité 3 dans le manuel qui compte 6 Unités en tout. Cela nous permet de situer cet extrait au plus tard dans le courant du mois de janvier, après 3 mois et demi d'apprentissage.

    A. Les leçons :

    a. Il est composé de 7 doubles pages de leçons correspondant aux graphies « f, ff, ph », « v », « an, en, am, em », « b », « d », « ai, è, ei, ê » et enfin « e + 2 consonnes », soit 15 graphies.

    b. Les doubles pages consacrées à une ou plusieurs graphies respectent toutes exactement le schéma décrit dans la présentation. Seule la présentation des mots par natures n'est pas tout à fait systématique.

    c. Dès la page 44, on remarque que les suites de syllabes à décoder comportent des syllabes C.C.V., ce qui peut rassurer par rapport au sommaire qui semblait n’aborder ce type de syllabes que très tardivement en début d’Unité 6.

    d. La leçon sur l’écriture du son [ã] signale juste les graphies am ou em sans en expliquer la raison. Aucun mot ne comportant ces graphies n’est donné à lire ; en revanche deux mots utilisant la graphie am sont donnés à recomposer à partir de syllabes ou de graphies et à écrire.

    e. Certains mots semblent avoir été étudiés globalement à un moment ou à un autre (les, des, ses, et, est qui est présenté avec un T grisé...).

    f. Les textes à lire sont tous du même format, ce qui est explicable puisque ils sont issus de la même Unité d’apprentissage. Les histoires sont très simples, parfois même un peu « simplettes » mais elles n’ennuieront pas les enfants.

    g. Les dictées sont toujours à préparer ; aucune distinction n’est faite entre les syllabes et les mots « transparents » qui pourraient être écrits sans avoir recours à un modèle (favori, dévore, boude, doute, démon), ceux qui découlant de la leçon deviennent (provisoirement) transparents (omelette, miette, rondelle) et ceux qui, par la présence de lettres muettes, de morphèmes grammaticaux ou de sons à plusieurs graphies possibles nécessitent un apprentissage (maman, enfant, tombe, reine, rêve, aimait).

    B. La double page de grammaire

    a. Elle arrive en fin d’unité.

    b. Elle est consacrée aux pronoms il et elle au singulier uniquement. Le terme pronom n’est pas employé, les mots sont présentés comme des mots-outils.

    c. Ils sont donnés comme s’ils étaient à mémoriser globalement alors qu’ils sont déchiffrables.  Cette impression de besoin d’apprentissage globale est conforté par un exercice de lecture (en cursive) dans la consigne duquel on précise bien : « Écris ces mots pour les mémoriser. Aide-toi du modèle. »

    d. Une observation d’un exercice de substitution pronominale suit cet exercice d'écriture ; les élèves peuvent lire seul les paires de phrases qui le composent. Une fois cette observation faite (et les conclusions tirées ?), les élèves sont amenés à substituer les pronoms il ou elle à des noms propres de personnes, des noms communs d’animaux et d’objets.

    e. Cette compétence est réinvestie dans un exercice d’expression écrite qui amène les élèves à compléter 4 phrases par les pronoms Il et Elle placés en début de phrase.

    f. Une « leçon » dans un cadre bleu conclut la double page. Est-elle à « apprendre par cœur » ?... le guide pédagogique nous le dirait certainement.

    C. Une première page de révision (Je m’entraîne)

    a. Elle commence par la lecture de 24 syllabes composées de graphies vues récemment ou il y a plus longtemps.

    b. Le deuxième exercice propose la lecture de 4 verbes (1er groupe, 3e groupe, être, avoir) donnés à l’infinitif, puis conjugués au présent (3e personne du singulier) avec les pronoms il, elle et on. Peut-être est-ce là que le mot est est-il appris ?

    c. Enfin 3 photos sont commentées par 2 phrases (commençant par Il et Elle) que les élèves doivent valider ou éliminer.

    D. Une deuxième page de révision (J’approfondis)

    a. Le premier exercice entraîne les élèves à la discrimination visuelle et auditive de syllabes proches (tam/tom ; bé/pé ; fa/va ; ...).

    b. Le deuxième reprend le même exercice mais l’accompagne de la copie de la syllabe à sélectionner.

    c. Le troisième continue dans la même veine avec des mots dont l’initiale (p, b, t, d) manque.

    d. Le dernier exercice reprend les acquisitions grammaticales faites deux jours plus tôt et propose d’associer par deux des phrases de même sens en focalisant l’attention des élèves sur la substitution pronominale.

    Conclusion 

    L’extrait est un limité à une période de 5 à 6 semaines dans une année qui en compte 36. On ne peut donc pas se rendre compte d’une progression.

    Il ne donne aucune indication sur les premières pages du manuel et donc sur la façon dont sont amenées les premières « vraies lectures » (celles de mots, de phrases et de textes). On ne saura pas non plus le niveau atteint par les élèves en fin d’apprentissage.

    On notera cependant les points positifs :

    → une véritable démarche d'apprentissage des gestes de l'écriture cursive ;

    → beaucoup d’exercices écrits à copier soi-même ;

    → des textes et des mots à lire très régulièrement ;des mots triés le plus souvent par natures, ce qui facilite l'installation de réflexes orthographiques

    → un apprentissage du geste d’écriture intégré à l’apprentissage de la lecture ;

    → des leçons de grammaire basée sur l’observation de phrases déchiffrables par les élèves eux-mêmes ;

    → de nombreux exercices de manipulation orale puis écrite pour fixer la notion grammaticale abordée.

    Et les points négatifs :

    → beaucoup de syllabes à déchiffrer à un moment où les élèves ne devraient plus en avoir besoin pour accélérer leur vitesse de déchiffrage ;

    → quelques exercices audio-oraux de « phonologie » inutiles ;

    → des dictées « à préparer » mélangeant des syllabes et des mots transparents faciles à écrire par simple encodage et des mots beaucoup plus difficiles à mémoriser du fait des connaissances orthographiques et grammaticales qui sont nécessaires à leur transcription.  

    Petite surprise ! 

    Voilà qu'aujourd'hui, j'ai accès à tout le manuel ! Nous allons donc pouvoir compléter cette approche, unité par unité.

    1) Unité 1

    A. Liaison GS/CP

    a. Elle commence par une « révision des acquis de maternelle » : les lettres de son prénom dans les trois écritures à montrer une à une (je ne sais pas comment procéderont les collègues qui ont un CP de 30 élèves) ; compter les lettres de mots écrits en majuscules bâton ; montrer le nombre de lettres (même question... ) ; compter les mots d'une phrase écrite en minuscules scriptes ; quatre exercices sur les syllabes orales, leur vie, leur œuvre (avec encore des réponses à contrôler élève par élève) ; un exercice de préparation à l'écriture cursive.

    Conclusion

    Cette page difficile à mettre en œuvre dans une classe de CP chargée (plus de 4 ou 5 élèves, vu le nombre d'exercices où il s'agit de montrer individuellement un ou plusieurs éléments de la page) et de peu d'intérêt quant à son aspect prédictif sur les capacités de futurs lecteurs des élèves peut largement être oubliée. Pourquoi ne pas la remplacer par le début du conte de la Planète des Alphas (jusqu'à la présentation des 6 Voyelles) ?

    On pourra garder l'exercice de préparation à l'écriture cursive.

    B. Les premières lettres :

    a. Les graphies étudiées dans cette unité sont : a, à ; r ; l ; u ; p ; o, ô. C'est un choix judicieux.

    b. La présentation des lettres est « phonémique » (Le son ... s'écrit ...  au lieu de La lettre ... se prononce ...). Le choix des illustrations servant à mémoriser le son produit par la lettre est judicieux.

    c. Deux exercices d'articulation et de vocabulaire, plutôt que de phono, dont un de recherche mentale.

    d. L'idée de présenter les Alphas Voyelles en lieu et place de la page "Entrée au CP" est bienvenue puisque, dès la première leçon, consacrée à la lettre A, les élèves doivent reconnaître les voyelles et que cet exercice est repris pour la lettre O (2e leçon).

    e. L'exercice suivant consiste à reconnaître la lettre-vedette parmi d'autres lettres lui ressemblant. Cet exercice est répété à chaque leçon. La lettre est présentée dans les trois écritures (pas de majuscules cursives).

    f. À partir de la 3e leçon (lettre R), les enfants sont entraînés à la combinatoire à l'aide de « pièces de puzzle » portant chacune une lettre, voyelles en rouge, consonnes en noir, que l'on accroche à la suivante. Les deux sens (C.V et V.C sont étudiés simultanément).

    g. À partir de la 5e leçon (lettre U), les exercices de « décodage et compréhension » (mots et phrases) débutent. Les phrases à décoder des leçons 5 et 6 sont étranges. Dès la 7e leçon, il y a plusieurs phrases, sans lien entre elles mais présentées à la suite. Cela peut être difficile à gérer dans une classe nombreuse, à moins de projeter ou de recopier l'exercice au tableau et de faire suivre les élèves sur le tableau plutôt que sur le livre.

    h. Exercices d'« observation des gestes de l'écriture et d'entraînement à ces gestes » similaires à ceux décrits dans la première partie de l'article.

    i. Exercice audio-oral de recherche du son-vedette à partir de dessins similaire lui aussi.

    j. Exercice de dictée qui peut déjà prêter à confusion : s'attend-on à ce que les enfants apprennent par cœur des syllabes qu'ils peuvent composer eux-mêmes ou cette ligne n'est-elle là que pour montrer ce que les enfants ont écrit en classe, sans modèle ?

    Conclusion

    Cette partie montre que nous sommes dans une démarche graphémique même si c'est le son qui évoqué en premier. Les exercices sont classiques et font déjà une part substantielle à l'écriture. Le « décodage signifiant » apparaît vite, grâce à des mots et à des phrases sans suite ne formant pas un texte.

    Il peut être utile d'utiliser les personnages Alphas :

    → pour que les élèves mémorisent plus facilement les 6 voyelles (ajouter Madame É sera d'une grande aide)

    → pour les entraîner à la fusion graphémique dans le sens C.V. et dans le sens V.C. plus facilement.

    C. La double page de grammaire

    a. La première leçon de grammaire est consacrée aux noms communs et aux articles un, une, le, la

    b. Les articles sont présentés comme des mots-outils à apprendre par cœur même si le et la sont déjà décodables.

    c. Pour le reste de la leçon, se reporter à la première partie de l'article, le principe est le même (observation, nombreuses manipulations orales et écrites, utilisation de mots déchiffrables).  

    Conclusion

    Des leçons de grammaire basée sur l’observation de phrases déchiffrables par les élèves eux-mêmes ; de nombreux exercices de manipulation orale puis écrite pour fixer la notion grammaticale abordée. Une « leçon » en fin de double page synthétise les acquis.

    D. Pages de révision (Je m’entraîne / J'approfondis)

    a. Même principe que dans l'extrait. Beaucoup de lecture (syllabes, mots triés par nature) sur la page de gauche, quasiment aucune sur la page de droite où la « phonologie » retrouve ses droits après un exercice de différenciation portant sur les syllabes C.V. et V.C. 

    b. Le dernier exercice de « phono » débouche sur l'écriture par composition personnelle de syllabes communes à deux mots dessinés.

    Conclusion

    Une pause bienvenue pour les élèves qui ont besoin de temps pour mémoriser de nouveaux acquis. La quantité de syllabes à lire est utile à cette période de l'année. Le nombre de mots à lire et faire correspondre à « du sens » (dessins) est très suffisant. Le dernier exercice est un véritable exercice de production d'écrit autonome.

    2) Unité 2

    A. Les lettres :

    a. Les graphies étudiées sont : e ; ou ; t ; é, er, ez ; m ; n ; on, om

    b. La présentation de la page de gauche reste quasiment la même. Seul l'exercice de repérage de la lettre-vedette a disparu au profit d'un plus grand nombre de syllabes à déchiffrer et de mots à lire (mots classés par nature, la plupart du temps). 

    c. Les phrases forment désormais un texte, souvent conçu de manière à réemployer fréquemment les mêmes mots. Pour l'adulte, les textes ne sont pas très intéressants mais les enfants en jugeront sans doute différemment. Ils ont l'avantage incontestable d'être facilement déchiffrables.  

    d. Même présentation pour les pages de droite. Premiers exercices de composition de mots grâce à une liste de syllabes données. Les élèves doivent passer du script du livre à la cursive sur leurs cahiers.

    Conclusion

    Rien à redire à part les réserves déjà évoquées (dictées préparées, apprentissage de trois graphèmes différents lors de la même leçon).

    B. La double page de grammaire

    a. Le thème en est toujours le nom, au singulier et au pluriel cette fois.

    b. Quinze mots-outils sont proposés à la mémorisation. Parmi eux, 2 sont déjà connus (un, une) ; 6 sont déjà décodables (le, la, mon, ma, ton, ta) ; 7 sont à mémoriser globalement (des, les, mes, tes, son, sa, ses). 

    c. Les exercices sont les mêmes que d'habitude, la quantité de mots globaux en plus.

    d. Le pluriel est abordé mais pas sa marque habituelle : la lettre s est en effet grisée, comme n'importe quelle autre lettre muette.

    Conclusion

    Leçon à anticiper largement (depuis le début de l'Unité au moins) pour présenter tous les deux jours un nouveau déterminant pluriel qu'on fera manipuler en lecture et en écriture (étiquettes par exemple) pour arriver moins démunis à la leçon.

    Cela permettra par ailleurs de faire repérer la graphie ES de l'archiphonème [E] et rendra déchiffrables tous ces mots-outils.

    Pour son, sa, ses, le mieux sera de présenter le Serpent des Alphas au plus tard en début de leçon.

    On pourra renforcer le travail sur le pluriel en présentant en rouge (au moins au tableau) la marque S du pluriel des noms.

    C. Pages de révision (Je m’entraîne / J'approfondis)

    a. Page de gauche dans la continuité de la précédente. La lecture de mots travaille intuitivement la notion de pluriel.

    b. La page de droite propose de nombreux exercices d'écriture visant à discriminer des syllabes proches, écrire des syllabes en autonomie, accorder le déterminant avec le nom proposé en tenant compte de la marque du pluriel.

    Conclusion

    Une pause bienvenue pour les élèves qui ont besoin de temps pour mémoriser de nouveaux acquis. La quantité de syllabes à lire est utile à cette période de l'année. Le nombre de mots à lire et faire correspondre à « du sens » (dessins) est très suffisant. Les exercices de production d'écrit sont intéressants et tiennent compte du caractère grammatical de notre orthographe (morphèmes grammaticaux muets).

    3) Unités 4, 5 et 6 : 

    a. Tenir compte des réserves émises précédemment (graphies groupées, ordre de présentation des valeurs des lettres S et C).

    b. On rajoutera à la liste des graphies étudiées la graphie ien qui a été placée dans la leçon sur le son [j] avec ill et les graphies œ œu, présentées en graphies annexes à la leçon sur la graphie eu.

    c. Jusqu'à la fin de l'année, les élèves commencent chaque nouvelle leçon par trois lignes de déchiffrage de syllabes et logatomes.

    d. Les mots des listes à déchiffrer et expliquer sont toujours plus ou moins classés par nature. On remarque aussi des mots de la même famille placés les uns à la suite des autres, des conjugaisons, des groupes nominaux écrits au singulier puis au pluriel, au masculin puis au féminin.

    e. Les textes s'allongent progressivement jusqu'à atteindre 7 lignes et environ 70 mots en fin d'ouvrage. 

    f. La page de droite, toujours consacrée aux exercices d'écriture-lecture, est toujours aussi intéressante. La quantité d'écrit augmente progressivement, les confusions courantes sont anticipées et travaillées. L'apport de la grammaire intuitive est largement utilisé.

    g. Les dictées se présentent maintenant sous la forme d'une phrase. On propose une copie pour aider à la mémorisation.

    h. Une leçon consacrée aux lettres muettes (aucune allusion à la lettre x) permet d'aborder masculin et féminin ; la marque E du féminin est cette fois clairement signalée par l'emploi de la couleur bleue.

    i. Le manuel se termine par une longue histoire présentée sur trois pages, chaque page étant composée de trois paragraphes, un très simple avec les sons en couleur, le suivant un peu plus long et sans aides visuelles, le dernier encore plus long. La volonté de différencier est nette, malgré l'assurance prise par le manuel de ne pas creuser les écarts par une progression explicite au niveau des acquis et régulière au niveau des quantités d'écrit. 

    j. Les leçons de grammaire, consacrées aux pronoms-sujets (et aux verbes être, avoir et en -er au présent), puis à la phrase gardent le même principe de travail. La relation entre le sujet et le verbe (terminaisons verbales) est largement travaillée, en relation avec la compréhension.

    k. Les connaissances graphémiques des élèves permettent que les mots-outils présentés soient totalement décodables et encodables.

    l. Les séances d'entraînement et approfondissement continuent selon les mêmes principes, avec beaucoup de lecture et beaucoup d'écriture.

    Conclusion

    Malgré quelques lacunes, faciles à corriger quand on les a anticipées, ce manuel fait progresser régulièrement les élèves dans le domaine de la lecture, en les entraînant, particulièrement grâce à l'écriture, à chercher à comprendre ce qu'ils décodent ou encodent.

    L'usage de la grammaire intuitive, basée sur la compréhension de ce que l'élève lit ou écrit, permet l'introduction, la mémorisation et un début guidé d'automatisation des morphèmes grammaticaux.

    Comme dit précédemment, ce manuel fait partie des manuels « utilisables avec quelques aménagements », surtout en début d'année :

    → acquisition anticipée des graphies simples : é ; c = [k] ; f ; s = [s] ;

    → anticipation de l'utilisation des déterminants pluriels d'un bloc

    → utilisation de dictées non préparées pour les dictées de syllabes et mots « transparents »

    mais aussi à partir de l'Unité 3 :

    → remplacement de la lecture des trois rangées traditionnelles de syllabes et logatomes par la dictée sur l'ardoise de ces mêmes syllabes et logatomes sans préparation préalable

    → préparation de dictée uniquement pour des mots présentant une particularité orthographique (double consonne, graphie particulière du type -er, -ier pour les noms d'arbres ou de métiers ou -eau pour les noms de petits d'animaux) ou grammaticale (terminaisons verbales, accords dans le GN). 

    → rajout des graphies oubliées : tion, y entre deux voyelles, x et renforcement pour la graphie ien, vue très vite.


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  • CP : Travailler la compréhension

    Au CP, c'est à deux niveaux qu'il convient de travailler la compréhension :

    1. La compréhension des propos oraux ou oralisés :

    Elle comprend :

    ♦ la compréhension des consignes données par l'adulte ou un camarade,

    ♦ celle des propos échangés en relation duelle et en relation collective, que nous appellerons l'écoute d'échanges,

    ♦ et celle qui doit naître de l'écoute littéraire. 

    Toutes ces formes de compréhension ont normalement été travaillées depuis la Petite Section.

    Cependant, comme pour un enfant, tout changement de lieu et de temps remet en cause les acquis antérieurs, il sera prudent de travailler à nouveau ces différentes facettes de la compréhension orale.

    ♦ la compréhension des consignes

    On fera obligatoirement en début d'année un travail particulier sur les consignes orales, grâce aux jeux de type « Jacques a dit », « Dans la mare, sur la rive » et autres jeux de colo.

    Ces jeux pourront se prolonger en salle de classe, par des jeux de doigts ou d'ordres rapides, des rythmes à reproduire, des coloriages ou dessins à exécuter grâce à des consignes successives rapides :

    « Sur la feuille que je viens de vous donner, dessinez un petit rond. Coloriez-le en rouge. En-dessous de ce rond, dessinez un carré, collé au rond. Coloriez-le en rouge et vert. Au-dessus du rond, mais pas "collé", bien au-dessus, dessinez un grand rectangle avec un poisson à l'intérieur. Etc. »

    Ce sera peut-être l'occasion de caser, de temps en temps, l'exercice qui plaît tant aux évaluateurs de ces 15 à 20 dernières années... Vous savez, celui que nous pratiquons en direct à longueur de journée[1] , et qui, quand au lieu d'évaluer la vie quotidienne, on fait perdre leur temps aux enseignants et aux enfants, consiste à dire une phrase et à faire trouver aux élèves laquelle des quelques images présentées correspond à la phrase énoncée.

    CP : Travailler la compréhension
    Ici, l'élève doit entourer l'image qui correspond à la phrase : « Le stylo est dans le carton. »

    ♦ l'écoute et la compréhension des échanges

    Pour que les élèves prennent (ou reprennent) l'habitude de s'écouter entre eux, on peut désigner l'un d'entre eux comme meneur de jeu des jeux d'ordre proposés ci-dessus.

    On peut aussi s'inspirer de la méthode décrite par Pierre Péroz pour l'écoute en maternelle, dans toutes les séances collectives (dont on allongera progressivement la durée pendant toute l'année, de manière à rendre profitable le système d'enseignement collectif que constitue l'école), tant en français qu'en mathématiques, en EPS qu'en QLM ou en Arts et en EMC.

    Les échanges oraux étant d'autant plus riches et fructueux que le nombre des intervenants est important, il convient donc d'habituer les élèves à s'écouter les uns les autres de manière à pouvoir apprendre à comprendre le langage des échanges à de très nombreuses reprises au cours d'une journée de classe.

    ♦ L'écoute et la compréhension littéraire

    Là aussi, il suffira de continuer sur la lancée de l'école maternelle (ou de ce qu'elle aurait dû être). 

    Chaque jour, à heure fixe (début ou fin d'après-midi, c'est bien), l'enseignant sortira de sa besace un livre qu'il aura choisi pour des raisons qui lui sont propres, et il le montrera à ses élèves.

    Les propos sur la couverture seront menés, comme tout le reste des échanges à la mode Pierre Péroz (voir ci-dessus). Bien sûr, on n'aura peut-être pas exactement la séance 1 de la période1 de la méthode dite « de lecture » habituelle.
    Il est fort probable que personne ne s'intéresse a priori à l'éditeur, ni à l'auteur et à l'illustrateur. Quant au titre, s'il sort en tant que préoccupation d'un ou plusieurs élèves, il arrivera sans doute après l'illustration.
    Mais est-ce si grave et cela nuira-t-il à leur apprentissage de la lecture ? J'en doute fort.

    Et puis, cela viendra peut-être plus tard, sait-on jamais ?... Le jour où un enfant dira : « Ah mais je l'ai, moi aussi, ce livre, mais le dessin n'est pas pareil... »
    Et là, il deviendra intéressant de rebondir et d'expliquer que certaines histoires, très connues, ont été éditées plusieurs fois, par des maisons d'édition différentes ;  que tout ça est bien passionnant et pourra donner matière à une séance ou deux de QLM sur le monde du travail des adultes et le secteur de la production des livres en particulier. 

    Ensuite, il s'agira de l'écouter attentivement pour le comprendre, ce livre. Là aussi, faisons confiance à nos élèves et délivrons-nous des progressions toutes faites qui suggèrent de traiter la première semaine de septembre telle et telle compétences, en octobre telle et telle autres, et ainsi de suite jusqu'en juin.

    Laissons au contraire nos élèves découvrir le plaisir de l'écoute active, en nous aidant de tout ce que conseillent les conteurs pour captiver un auditoire[2] et de tout ce que nous conseille notre bon sens (et celui de nos élèves) pour aller plus loin dans la compréhension de l'histoire que nous découvrons.

    Je suis prête à vous parier que vous n'aurez plus besoin de travailler ni les inférences, ni l'implicite et que les reprises pronominales quitteront le domaine de la littérature pour retrouver la place qu'elles n'auraient jamais dû quitter : celle de l'étude de la grammaire et de la conjugaison.

    Et je suis bien sûre que vous n'aurez pas besoin d'attendre, comme certains « manuels de lecture », la Semaine 4 de la Période 2 pour « Créer du lien entre texte et illustrations » ou la Semaine 2 de la Période 4 pour « Comprendre le début d'une histoire » !

    Nous n'avons donc pas besoin de pages consacrées à la lecture entendue dans un manuel d'enseignement de la lecture.

    Ceux qui en proposent (ou « mieux » qui en font le projet principal de l'année de CP) risquent de détourner notre pédagogie, et donc nos élèves, de l'effort principal qui devrait les occuper : apprendre à chercher à comprendre ce que l’œil découvre au fur et à mesure qu'il le lit, aidé par l'oralisation, dès les premiers jours de classe.  

    2. La compréhension de ce qu'on lit soi-même, au moment où on le lit

     Cette compréhension-ci a de fait été quasiment inexplorée à l'école maternelle, et pour cause !

    Tout au mieux y a-t-il eu parfois quelques courtes incursions en fin de GS dans l'encodage et le décodage de mots et, pour les plus chanceux, l'utilisation de pictogrammes ou d'images pour écrire et lire des « phrases en images » depuis la deuxième partie de la MS[3].

    C'est  donc LE travail  essentiel du CP et il doit obligatoirement être présent dans le manuel de classe que ce soit

    ♥  un manuel de code,

    un manuel « méthode de lecture » à lui tout seul,

    ♥ un porte-vue ou un classeur bâti en classe à partir des découvertes successives des élèves dans le domaine de la lecture autonome[4].

    ♦ Au début de l'année,

    Le peu de connaissances des enfants oblige un travail sur des phrases courtes et très peu ambitieuses. On y trouve cependant toujours, tout aussi bien que dans les écrits longs que lit l'enseignant, un implicite, des inférences, des remarques lexicales et orthographiques à mener.

    Les élèves sont donc bien déjà dans la compréhension, quoi qu'en pensent les personnes chagrines qui sont persuadées que « faire de la syllabique », c'est faire lire aux élèves des textes vieillots et débiles, dénués d'intérêt émotionnel, moral et civique.

    Petit exemple pour rire un peu :

    CP : Travailler la compréhension

    Abel (qui vient de lire) : Ah là là ! Ça va pas la tête ?

    Babacar : Pfff ! Il est fou, lui. C'est sûr que son père, y va le gronder.

    Célia : Le tabac, c'est interdit. Y faut pas fumer sinon on meurt.

    Donovan : Eh ben moi, au mariage de ma tatie, j'ai bu du champagne. Et mon père, y m'a même pas puni.

    Elies : Dans la bière, y'a de l'alcool ; l'alcool, c'est péché.

    Fantine : C'est quoi, péché ? Pêcher des poissons ?

    Elies : Non, péché de Dieu. Dieu, y veut pas qu'on boive de l'alcool.

    Fantine : Ah. Mon père, il en boit, de la bière.

    Elies : Ton père, il est pas musulman. Les musulmans, y boivent pas d'alcool. C'est péché.

    Gabin : L'alcool, de toute façon, c'est dangereux pour la santé. Y faut pas en boire.

    Honorine : Un petit peu, si t'es pas musulman comme Elies, et que tu es adulte, tu peux. C'est dangereux mais pas trop, je crois. Le tabac, c'est très dangereux. Adulte et enfant, tout le monde.

    Izaak : C'est pour ça que son père va le punir, c'est pour protéger sa santé.

    Julia : Les parents, c'est leur travail de protéger la santé de leurs enfants.

    Karima : Oui mais c'est de leur faute aussi, aux parents. Ils avaient qu'à les ranger, leurs trucs dangereux pour les enfants. Rémi, y savait pas peut-être ?

    Loghan : Ouais... Y savait pas, je suis sûr... En plus, il a cru que c'était bien puisque ses parents, y fument et y boivent.

    Maïdema : C'est sûr. Faut donner le bon exemple, elle dit, ma maman. Par exemple, moi, devant ma petite sœur, j'ai pas le droit de faire le cochon pendu à ma balançoire parce qu'après, elle va faire pareil, ma petite sœur.

    Nolan : Moi, je fais de la moto avec mon père. Eh ben, il va pas au bistrot quand il est avec moi, parce que je bois pas l'apéro avec ses copains, y veut pas. Et ma mère, elle veut pas non plus.

    Oscar : Si on revient à l'histoire, c'est mieux. C'est l'histoire de Rémi qui a bu de la bière et qui est malade.

    Perrine : Il a bu de la bière et il a fumé. Une cigarette, peut-être ?

    Quentin : Ou la pipe. Comme le Père Noël.

    Rayan : Mon frère, y fume. Mais pas des cigarettes. Enfin si. Mais il les fait tout seul, ses cigarettes. Et puis dedans y met de l'herbe, pas du tabac.

    Solal : De l'herbe ? De l'herbe de la pelouse ? Il est bête, ton frère : c'est pour les vaches, l'herbe de la pelouse.

    Thérèse : Oui mais les vaches, elles la mangent l'herbe, elles la fument pas.

    Uranie : Des fois, on fait des grands tas d'herbe dans un coin du jardin et on les fait brûler. Ça fait beaucoup de fumée.

    Valentina : Aaaah ! Faut pas le faire, ça pollue ! Elle l'a dit la maîtresse, il faut l'emmener à la déchetterie, l'herbe, et les feuilles aussi. Après, ils font de la compote !

    Wallid : Pas de la compote, du compost ! C'est pour faire pousser les fleurs et les salades ! Tu prends de la vieille herbe et des vieilles feuilles, et ça donne à manger aux nouvelles herbes et aux nouvelles feuilles.

    Xavière : C'est le recyclage. On l'avait vu quand on était allés à la déchetterie avec les CP de Monsieur Rémy.

    Ysadora : Oh ! Monsieur Rémy, comme le Rémi de l'histoire, celui qui fume du tabac et qui boit de la bière.

    Zoé : Et qui se fait engueuler par sa mère... Euh, pardon, gronder par sa mère et punir par son père...

    ♦ Mais très vite, en cours d'année,

    le rythme de progrès des capacités de lecture étant bien plus rapide qu'avec les méthodes qui travaillent de manière prépondérante la compréhension de textes lus par un tiers,

    ♥ les quantités de lecture augmentent cultivant l'automatisation du déchiffrage,

    ♥ la compréhension des relations entre les mots se perfectionne et permet aux enfants d'aborder l'étude de la langue écrite dans ses régularités orthographiques et grammaticales,

    ♥ le lexique s'enrichit de centaines de mots déchiffrables dont les élèves apprivoisent peu à peu le sens

    ♥ l'univers littéraire abordé s'ouvre largement sur des contes, des récits, des textes poétiques, des écrits documentaires, ...

    Si bien qu'en fin d'année,

    le niveau de compréhension de l'écrit lu de manière autonome par des élèves entraînés à déchiffrer et comprendre simultanément de manière autonome a largement rejoint celui de la compréhension des écrits lus par des tiers.

    Notes :

    [1] Mais si, vous savez ! Le truc que nous faisons cent fois par jour en classe et dans la cour quand nous disons : « Dis, Machin, va me chercher le gros ballon rouge qui est derrière l’arbre du fond, celui qui a les longues branches qui pendent... » ou « Ramène-moi la fille qui court là-bas. Non, pas celle-là, l’autre, celle qui a des couettes et un gilet rouge. » ou encore, comme sur la fiche d'évaluation de MM. Dehaene et Ramus : « Comment ? Tu as perdu le stylo que je t'ai donné ce matin ?  Le stylo est dans le carton. »

    [2] À ce sujet, pour ceux qui ne l’ont pas lu, je conseille l’excellent « Comment raconter des histoires à nos enfants » de Miss Sara Cone Bryant. Ici, vous en trouverez un résumé commenté : Racontamus, écoutatis, comprenunt (1)Racontamus, écoutatis, comprenunt (2) ; Racontamus, écoutatis, comprenunt (3)Racontamus, écoutatis, comprenunt (4)Racontamus, écoutatis, comprenunt (5)Racontamus, écoutatis, comprenunt (6) ; Racontamus, écoutatis, comprenunt (7)Racontamus, écoutatis, comprenunt (8) ; Racontamus, écoutatis, comprenunt (9)

    [3] Voir : Méthode « Au commencement était l’image » :  PS/MS : 26 fois 26 symboles (1) ; PS/MS : 26 fois 26 symboles (1bis)MS : 26 fois 26 icônes (1)PS/MS : 26 fois 26 (2)PS/MS : 26 fois 26 (3)PS/MS : 26 fois 26 (4) ; PS/MS : 26 fois 26 (5)

    [4] Lire de manière autonome, c'est, je le rappelle, déchiffrer et comprendre simultanément.


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