• Qu'as-tu fait à l'école aujourd'hui ?

    Qu'as-tu fait à l'école aujourd'hui ?

    Il y a maintenant quatre jours, autant dire une éternité, c'était la rentrée des classes.

    Des tout-petits aux plus grands, tout le peuple écolier était dans les starting-blocks, prêt à entamer avec vaillance et courage une nouvelle année scolaire.
    Chez les plus jeunes, ceux qui entraient pour la première fois, les interrogations étaient nombreuses. Qu'allaient-ils vivre, quelle attitude devaient-ils adopter, quels seraient les adultes responsables de leur petitesse, capables de les secourir en cas de besoin ?

    Leurs aînés de maternelle, en vieux routards qu'ils étaient, aspiraient à retrouver les copains, les jeux, le matériel, les « activités » qu'ils connaissaient déjà. Ils rêvaient aussi tout haut des nouvelles activités, des progrès qu'ils allaient accomplir, maintenant qu'ils étaient « des grands », des vrais, d'au moins 4, 5 et même bientôt 6 ans pour les plus âgés d'entre eux.

    Les petits nouveaux de l'école élémentaire, les CP, avec leurs sourires édentés et leurs jolis cartables neufs, se voyaient déjà en haut de l'affiche. En dix fois plus gros que n'importe qui, leurs noms s'étalaient sur des cahiers, des livres, des fichiers, des trousses, des crayons ! On allait leur apprendre à LIRE, à ÉCRIRE, à COMPTER !

    Les plus grands, du CE1 au CM2, s'étant fabriqué une virginité scolaire pendant les vacances, aspiraient à une école pacifiée, où ils seraient tous des élèves appliqués, travailleurs, soigneux... l'image même du « bon élève » selon leurs critères.
    Je ne m'aventurerai pas plus loin, juste un petit regard vers nos anciens, les « grands du CM2 » devenus les « petites Sixièmes », sans doute aussi pleins d'espoir de réussite mais aussi pleins d'angoisses dont, la pire quand on est à l'école, celle de la difficulté à se valoriser quand on accumule cinq à neuf ans d'échec scolaire patent...

    Pour certains, la rentrée s'est très bien passée et a répondu exactement à leurs attentes.

    Dans les classes de Petits où après un simple bonjour à l'enseignant et à l'ATSEM, les familles en émoi sont sorties dans le calme, ravalant leurs larmes d'émotion pour ne pas perturber les plus jeunes et nécessiter l'appel à une cellule de crise psychologique ; dans celles des plus grands où une fois l'accueil effectué, l'enseignant a sorti un livre, une image, un objet et a commencé son année scolaire par ce qui sera l'activité-phare de leurs années de maternelle : le langage oral.

    Dans les classes élémentaires où le matériel était déjà prêt et n'attendait plus qu'eux pour être utilisé.Chacun a posé son cartable, a déballé et rangé les fournitures qu'on lui avait demandées puis, plein d'espoir, a entamé la première séance de lecture que son enseignant avait programmée.

    Dans les collèges où, accueillis par leur professeur principal, les élèves ont tout de suite été mis dans le bain, emploi du temps, livres prêtés par l'établissement, remise des carnets de correspondance puis, très vite,  feuilletage du manuel qu'ils utiliseront toute l'année avec lui parce que le collège, c'est avant tout des disciplines à étudier et non un lieu de vie mal défini, dans lequel on ne sait pas trop pourquoi on vient et ce qu'il nous apporte.

    Ce que les Sixièmes commencent à peine à savoir verbaliser, les plus jeunes le conçoivent aussi, intuitivement, sans pouvoir nécessairement l'exprimer clairement. Les enfants aiment les situations claires, où les chats ressemblent à des chats, les poissons à des poissons et les professeurs des écoles à des enseignants qui, pour les éduquer, vont les instruire.

    Ce sont de jeunes êtres éminemment adaptables et plastiques qui se raccrochent facilement à toutes les branches, même les plus tordues, du moment où un adulte, empathique ou carrément abject, les encourage à le faire. Il suffit d'observer des enfants libres dans un camping, sur une plage, à la piscine ou au parc de jeux, pour voir comment, pour eux, l'adaptation est rapide. À peine quelques pas hésitants, quelques regards circulaires et les voilà lancés, s'adressant à des « copains » qu'ils ne connaissaient pas deux minutes plus tôt, organisant des jeux, des alliances, des commandos punitifs aussi, parfois...

    Comme tous les jeunes êtres vivants, ils ont tendance à vivre ces premiers instants comme le reflet de tout ce qui se passera ensuite.
    S'ils sont accueillis par des sourires et des invitations à venir jouer, le parc de jeux gardera pour eux cette aura de lieu enchanteur où l'on n'attendait plus qu'eux pour commencer ; si au contraire une bande de petits durs les rejette et leur fait clairement comprendre qu'ils ne sont pas chez eux, ils auront tendance à refuser de fréquenter le lieu, même les jours où la bande est absente.
    De même, à la piscine, s'ils apprennent qu'ils n'ont pas le droit de fréquenter le grand bain avec leurs brassards, ils auront de la peine à y aller ensuite, même lorsqu'ils n'auront plus les brassards et sauront bien nager.

    Pour eux, la première image compte énormément et l'année scolaire sera toujours un peu le reflet de ce qu'ils y ont vécu le jour de la rentrée.

    Lorsqu'au premier jour de classe, les familles envahissent la salle de classe, participent aux jeux, donnent des consignes et bavardent entre elles et avec l'enseignante et l'ATSEM, l'enfant en conclut que l'école est une immense place publique où chacun fait ce qui lui plaît, sans boussole ni maître d'œuvre. Les paroles adultes s'emmêlent et se brouillent comme lorsqu'on recherchait autrefois des stations de radio sur les ondes courtes.
    Ce qui se concevait comme une aide devient un boulet qu'on traîne, longtemps, si l'on est un petit enfant renfermé et peu sûr de soi, déchiré entre un parent qu'on connaît et qu'on aime et un enseignant inconnu qu'on a envie d'apprécier.
    Ce qui devait être une passation de pouvoir se transforme, dans l'esprit du « petit dur », en permis d'ignorer la parole de l'enseignant puisqu'il n'est même pas capable d'assumer seul son autorité et se cache derrière les familles. 

    Lorsque le premier jour de classe se résume en archivage de papiers à remplir, c'est que l'école, ce n'est que de la paperasse à laquelle on ne comprend rien. Si on joue et on dessine pour se sentir comme chez soi, on s'y comportera comme chez soi, en effet, ou même pire comme on veut que les copains croient qu'on se comporte chez soi. Si, les premiers jours, on ne fait ni lecture, ni écriture, ni calcul, même très simple et très basique, c'est que l'école considère ces trois activités comme suffisamment secondaires pour être reportées à plus tard. Si on passe sa journée à décorer des couvertures de cahiers désespérément vides, c'est que l'enseignant met plus d'espoir dans la forme que dans le fond, tout contaminé qu'il est par la société du spectacle, clinquant, strass et paillettes.
    Et je ne vous dis pas ce qu'on pense, parce que c'est un peu vulgaire, quand, dans le réfectoire du collège, à onze ans bien frappés, seul membre de sa famille, déjà salement amoché par des années de rejets et d'échecs scolaires et sociaux, on regarde les pôpas et les mômans des petits copains déjeuner avec leurs rejetons infantilisés, ravalés à l'état de « nourrissons en période d'adaptation ».

    Cependant, ce qui est fait est fait. L'année est lancée, mais pas depuis aussi longtemps que le croient les enfants.

    Ces petites erreurs de lancement peuvent encore être rattrapées, dès demain matin, car nous savons, nous, qu'elle débute juste et que la résilience peut encore avoir lieu.

    Non, nos élèves de maternelle ne sont pas si ravis que ça de la présence de leurs parents dans la salle de classe. Ils aimeraient tout autant y être, seuls avec leur maître ou leur maîtresse qui ne s'occuperait que d'eux.
    Nous pouvons faire comprendre aux grands – ce sera plus difficile qu'aux petits, je ne vous le cache pas – le brouillage des ondes que constitue leur présence. Avec les familles, en parlant de bienveillance, de confiance mutuelle, d'accueil personnalisé, d'un environnement et d'une ambiance à faire éclore, c'est possible. Ce sera plus difficile avec les collègues, ceux qui croient dur comme fer qu'ils ont un rôle à jouer dans la formation pédagogique des familles à la coéducation et qui privilégient la relation entre adultes à celle entre l'adulte et les enfants. À vous de voir si vous avez l'esprit prosélyte ou si vous considérez que chacun fait comme il le sent...
    Après, l'école maternelle est l'école où tout est objet d'apprentissage, je vous fais confiance, ils ont forcément démarré l'année. Peut-être un peu moins de temps passé sur le clinquant, le strass et les paillettes, un peu moins de pages de garde de cahiers de vie, d'étiquettes pour les porte-manteaux et un peu plus d'activités vraies, où on apprend réellement des choses, du vrai dessin, du vrai jeu, de vraies peintures, des vraies histoires qu'on lit pour se faire plaisir...Et puis, pour les plus grands, ceux qui sont là pour une dernière année, déjà quelques petites incursions vers l'écrit, celui des symboles, des lettres et des chiffres, et une première mise en route d'un emploi du temps devenu hebdomadaire au lieu de quotidien.

    Non, nos petits CP n'ont pas besoin de dix jours pour entrer dans les apprentissages fondamentaux savants (lecture, écriture, calcul). Ils ont trois ans de maternelle dans les pattes et aspirent au changement.
    Dès demain matin, proposez-leur d'ouvrir leur livre de lecture à la page 1 et de commencer à étudier celle-ci, à l'aide de l'activité proposée pour cette page dans le livre du maître au besoin. Ce sera d'ailleurs un excellent test pour la méthode elle-même : si les enfants accrochent et si tous – pas simplement Sixtine-Marie, Anatole, Rose et Louis-Thaddée – comprennent où veulent en venir leurs auteurs, c'est une bonne méthode. Si, au contraire, au bout de 45 secondes, les plus éloignés de la culture scolaire sont déjà partis vers d'autres cieux, c'est que cette méthode n'est pas adaptée à tous les enfants et qu'il vaut mieux la laisser de côté pour le moment. Prenez les Alphas et basta ! Ils auront bien vite oublié le beau manuel à la couverture attrayante et au contenu trop ambitieux pour eux.

    Quant à nos grands, j'espère que les cahiers sont suffisamment décorés et qu'ils vont maintenant pouvoir écrire dedans... S'il vous plaît, pour eux, pas d'évaluations ! C'est comme si, au saut du lit, on vous demandait de vous soumettre à une épreuve olympique, comme ça, à froid, sans échauffement.
    Les évaluations, vous les ferez dans un mois et demi, quand vous leur aurez appris des choses et que vous voudrez contrôler si votre travail a été efficace.
    Alors pour eux aussi, demain matin en arrivant, un livre de lecture, une belle histoire à découvrir, quelque chose de simple et d'adapté à leurs intérêts. Puis un dialogue pour savoir ce qu'ils ont compris, retenu, ce qui leur pose des problèmes au niveau de la compréhension. Ensuite, vous enchaînerez pour une matinée de classe « français et mathématiques », un début d'après-midi consacré à l'histoire, à la géographie ou aux sciences suivi d'un moment d'éducation physique, d'arts visuels ou de musique avant de rentrer chez soi ou d'aller aux activités périscolaires. Et vous verrez que vos élèves sont très satisfaits d'être allés à l'école pour y faire quelque chose qu'on ne fait pas ailleurs, au centre aéré, au périscolaire, à la maison ou en bas des tours, quelque chose que seule l'École peut nous apporter :

    une instruction qui permet de parfaire son éducation.

     


  • Commentaires

    1
    Kali
    Lundi 5 Septembre 2016 à 17:12

    Ils sont restés un peu dans la classe ce matin jusqu'à ce que je les pousse vers la sortie. Ensuite, j'ai décidé qu'on irait faire un peu de vélo dans la cour, ça détend, en général... Et j'en ai retrouvé tout autour du grillage qui prenaient leurs enfants en photo. Je suis donc rentrée en classe, et là, y en avait encore, de l'autre côté du grillage. Et comme ils sont très gentils, ils sont revenus nous faire coucou à la récréation. Et je crois qu'il va falloir sévir.

      • Lundi 5 Septembre 2016 à 19:11

        Ils vivent leur Petite Section par procuration, les petits veinards.. À savoir si tu vas accepter d'avoir 50 élèves au lieu de 30 ? glasses

    2
    Delphine
    Lundi 5 Septembre 2016 à 22:56

    Et demain mes petits Cp retrouvent le chat, l'oiseau et Marie au loin, qu'ils ont découvert ce matin ! 5ème rentrée pour Malo et compagnie ! Merci pour cette jolie et efficace méthode !

      • Mardi 6 Septembre 2016 à 10:44

        Merci beaucoup Delphine. Je suis très heureuse de voir que cette méthode, très confidentielle, a des utilisateurs fidèles !

    3
    Kali
    Mardi 6 Septembre 2016 à 19:50

    Tiens, j'ai repensé à elle aujourd'hui, celle qui faisait sa rentrée en cours d'année, car fraîchement débarquée en France. C'était son premier jour dans une école et ça s'était plutôt très bien passé. Seulement, à l'heure où son père est venu la chercher et où j'aurais tellement voulu pouvoir lui dire à quel point une telle faculté d'adaptation était inattendue, je n'étais pas vraiment en bonne posture. J'étais occupée à essayer de maîtriser un gamin autiste qui avait échappé à son AVS, m'avait arraché ma jupe et du coup, partiellement dénudée et était en train de m'étrangler avec mon collier. C'est très difficile, dans cette situation, de communiquer. Je me demande quelle image rassurante il a pu développer de ce lieu où il avait laissé sa gamine.

      • Mardi 6 Septembre 2016 à 20:20

        Parfois l'inclusion est une violence, non seulement pour les autres enfants, l'enseignant, l'AVS, mais aussi et surtout pour l'enfant lui-même, « accueilli » sans ménagements dans un milieu où il ne sent pas bien...

        Là aussi, il y aurait un combat à mener...

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