• Plus précisément...

    Plus précisément...

    Illustration de couverture du livret 2 d'Écrire et Lire au CP, X. Laroche

    J'ai reçu récemment un exemplaire de Litournelle, paru chez Bordas, pour la rentrée prochaine.

    Comme j'avais un peu de temps, je me suis amusée à faire une recension précise des mots importants du texte et des mots outils à mémoriser suite à la lecture découverte du texte par les élèves avec l'aide de l'enseignant. [Les mots en caractères gras sont, le plus souvent, tirés du Manuel 1 de cette méthode sauf lorsqu'ils sont en italiques.]

    Suite à cette recension, j'ai compté à combien de reprises ces mots réapparaissaient dans les lectures découvertes suivantes, comme dans les faits de langue ou dans la liste de mots servant à la localisation du son qu'on étudie à chaque épisode.

    Pour faire bonne mesure, j'ai compté aussi le nombre de mots lus par décodage complet utilisés dans les lectures découvertes. J'ai en revanche laissé de côté les mots de ces pages qui n'apparaissaient qu'à cette occasion et ne faisaient pas partie du panel de mots utilisés lors d'activités vraies de lecture compréhensive. Faire déchiffrer une fois un archer ou elle rumine peut très bien rester une activité purement mécanique n'ayant aucun rapport avec la lecture autonome d'un enfant construisant grâce à elle sa première culture de lecteur.

    Selon mon expérience personnelle, j'ai souvent remarqué, lorsque je travaillais en méthode naturelle, que si un mot indécodable apparaissait cinq fois ou moins au cours d'un trimestre, il était généralement oublié par tous les élèves (sauf ceux qui étaient déjà lecteurs ou presque lecteurs et donc capables de le décoder seuls, bien entendu). Ce mot était d'autant plus oublié qu'il était loin du dictionnaire mental de l'enfant et cela même si l'on s'appliquait à les seriner en classe le plus souvent possible. 

    Lorsqu'un mot indéchiffrable, même simple, apparaissait entre 6 et 10 fois, c'était encore très difficile pour les plus fragiles de nos élèves (ceux nés en fin d'année scolaire ; ceux originaires d'un milieu où l'on parle peu ou pas ; ceux qui n'ont pas pour priorité principale de bien travailler à l'école...).

    Pour les autres, tout dépendait de l'affectif qu'ils mettaient derrière le mot. Un prénom, le nom d'un animal remarquable, un objet important de l'histoire, un verbe d'action, tout allait bien et le mot se gravait aisément dans leur mémoire à condition qu'il réapparaisse à intervalles très, très réguliers. S'il est vu une ou deux fois au mois de septembre et qu'il ne ressort du bois qu'en novembre pour trois apparitions puis en décembre pour une nouvelle, il a souvent été oublié et peut même être confondu avec d'autres appris au même moment ("Maîtresse, s.i.n.g.e, c'est singe ou c'est chauve-souris ?")

    [Je vous rappelle qu'on a affaire à des non-lecteurs stricts qui ne possèdent aucun repère sûr dans le codage alphabétique de notre langue. Pour eux, rien ne leur permet de choisir tant qu'ils n'ont pas appris au moins le son produit par les lettres s et ch. Et c'est lorsqu'ils commencent à avoir ces quelques repères qu'il convient de leur en faire adopter de plus précis afin qu'ils ne restent pas bloqués sur l'idée qu'en déchiffrant les deux ou trois premières lettres, on s'en sort toujours... Et là, quand on voit le nombre de fois où, ayant "appris à lire" dégusta, on fait deviner déguster ou déguste ou quand l'acquisition du verbe manger à l'infinitif rend inutile l'apprentissage des formes mange ou même mangèrent, ce n'est pas vraiment gagné... Tremblez collègues de cycle 3 et de collège !]).

    Enfin, lorsqu'un mot est vu plus de 10 fois, surtout si ce mot est fréquent dans la langue parlée quotidiennement par les enfants, pas de souci, il est retenu par tous, même ceux qui ont énormément de peine avec tous les autres mots. À condition bien sûr que ces derniers se sentent encore soutenus et épaulés et qu'ils n'aient pas purement et simplement renoncé à apprendre à lire devant l'ampleur de la tâche demandée et le temps gaspillé en pure perte pour eux.

    Une petite étoile supplémentaire au guide de la bonne lecturisation de l'enfance, ce sont les mots présentés plus de 20 fois. Ceux-là, non seulement tous les enfants les reconnaissent mais en plus, ils savent les écrire sans le modèle, et ça, ils en sont très, très fiers ! Ils rejoignent dans leur cœur les mots qu'ils ont écrit tout seuls "parce que, maîtresse, je savais que pa, c'est un p et un a, pi, un p et un i et pour faire illon, on met deux l comme dans Camille et on comme dans ballon ! "

    Voici le résultat de mon petit ouvrage :

    Nombre de mots utilisés dans les parties "Lectures découvertes", "Langue", ainsi que dans les textes intitulés "Je sais lire !" des pages de Révision et consolidation : du Manuel 1 destiné au premier trimestre de l'année scolaire : 268

    Mots apparaissant 5 fois ou moins : 164 (dont mots-outils : 15)

    Mots apparaissant entre 6 et 10 fois : 46 (dont mots-outils : 9)

    Mots apparaissant entre 11 et 20 fois : 16 (la liste en est intéressante puisqu'elle permet de voir ce que peuvent réellement lire seuls les élèves à la mémoire la moins alerte : c'est, est, prête, Pauline, boude(nt), sur, chemin, fait(e), en, loup, Louis, qui, se, d', éléphant, étai(en)t). 

    Mots apparaissant plus de 20 fois : 13 ((l')école, maman(s), elle(s), et, sont, le, de, les, enfant(s), une, un, il(s), la). 

    Mots lus par décodage total : 29 (ne, au, chat, rient, tu, ami(es), lire, relire, mot(s), Aline, Annie, Lili, te, mal, nuit, lit, mort(e), relis, rire, acheter, lui, chez, allumer, tarte, ont, rôtir, chaud(e)).

    Voilà. Nous sommes théoriquement le 20 décembre, à la veille des vacances de Noël. Si nos élèves ont 5 matinées de classe, ils auront ingurgité une moyenne de 3,4 mots globaux par jour de classe ! Sur ces 3,4 mots, seul un pourcentage infime sera fonctionnel chez une grande partie de ceux qui ont justement besoin de toute notre sollicitude et notre aide car insuffisamment réemployés, parfois à plusieurs semaines d'intervalle (mais qui apparaît dans la première lecture découverte, page 22, n'est plus réemployé jusqu'à la page 94, sauf une fois, page 33, pour servir à la localisation de la lettre m ; dans qui apparaît page 57 disparaît quant à lui jusqu'à la page 72 ; dernier sert de repère pour le son er à la page 87, alors qu'il a disparu après deux malheureuses utilisations à la page 39).

    Alors, bien sûr, cette méthode va fonctionner, dans de nombreuses classes. Elle est prévue avec un fichier photocopiable de différenciation parce que, avant même que l'année scolaire ne démarre, on sait que, n'est-ce pas, les élèves n'avanceront pas tous au même rythme...

    J'ai même lu qu'il était sain de voir ainsi les écarts se creuser entre Pierre-Hippolyte et Dylan ou Farid, Anne-Sixtine, Fatoumata et Kass'andrah ! Il paraîtrait que c'est prendre en compte leurs différences et ne pas leur imposer de marche forcée... Et là, je bous ! J'explose, je pulvérise, je ventile !

    Mes charmants collègues seraient-ils pour la reproduction sociale ? Penseraient-ils comme les dames patronnesses de Brel qu'il faut, pour reconnaître ses pauvres à soi, tout tricoter en couleur caca d'oie ou plus exactement tout trier dès le début à coups de :"Mais enfin, petits camarades de classe, V.i.n.r.e.n.t, nous savons le lire. N'est-ce pas madame, puisque, la semaine dernière, nous avons lu revinrent. Regardez, c'est bien simple, il suffit d'enlever les deux premières lettres et nous retrouvons le mot vinrent qu'il ne faut pas être grand clerc pour comprendre... Ne trouvez-vous pas cela évident, chers petits amis ?"  pendant que d'autres peinent à se souvenir du verbe soulager ou à mémoriser l'immense tirade : "C'est l'histoire d'un serpent qui n'est pas content à cause d'un singe qui a eu peur d'un éléphant qui a mal dormi à cause d'une chauve-souris qui a fait "crunch crunch" toute la nuit, pile au-dessus de son lit." (page 77, mois de novembre...) qui contient la bagatelle de onze mots nouveaux non-déchiffrables en totalité.

    Elle va fonctionner, c'est sûr... Les enfants seront tous en train d'avancer sur le chemin de la lecture, certains en Ferrari, d'autres en 4L, d'autres encore dans ces voiturettes pour cul-de-jatte qu'on rencontre dans les bandes dessinées et dans les romans populaires évoquant la Cour des Miracles... En revanche, qu'ils soient tous fin prêts pour le CE1... je ne peux pas m'empêcher de douter. Je suis désolée.


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  • Commentaires

    1
    Mercredi 26 Mars 2014 à 17:52

     

    Tu es bien courageuse d'éplucher ainsi un livre qui déjà, de premier abord n'attire pas du tout tant il présente de mots indéchiffrables au début de l'année et qui devront être reconnus ou devinés !

    Quand je vois un tel ouvrage, c'est le rejet presque immédiat : je ne vais pas m'user les yeux à essayer de lui trouver "des circonstances atténuantes" !!!

    Toi , maintenant, tu as une bonne vue, avoue que cela donne du courage !

    Personnellement, même avec de bons yeux , je n'approfondirais pas : cela me rappelle trop de mauvais souvenirs !

    Bravo, parce que si les éditeurs prennent la peine de te lire, on peut garder espoir qu'il en résulte quelque chose de positif !

    2
    Mercredi 26 Mars 2014 à 17:57

    Merci Sapotille ! En effet, il me rappelle beaucoup, mais en pire, un petit opuscule utilisé dans les écoles primaires dans l'immédiat après-guerre.

    Ce dernier essayait, mal, d'apprendre à lire aux enfants, sans se préoccuper de dissocier les compétences et de disséquer les dimensions de l'apprentissage pour les faire travailler indépendamment les unes des autres. C'était une horrible méthode trop globale pour bien accompagner tous les petits enfants mais ce n'était pas une méthode "chambre à part", comme dit notre ami le-professeur ! wink2

    3
    Mercredi 26 Mars 2014 à 23:16

    Au fait, si Bordas veut joindre le responsable de GRIP-Éditions, c'est possible à l'adresse suivante

    guy.morel314@orange.fr

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    4
    Jeudi 27 Mars 2014 à 00:13

    J'ai parfois des doute sur ton affirmation sur les mots vus plus de 20 fois. La méthode Bulle (de chez Bordas aussi, l'ai-je déjà dit ? wink2) propose comme mot-outil "dans" à la leçon 17, qu'on a dû voir nettement avant les vacances de Noël, comme ça, de tête. Je me suis amusée à compter, ce mot est ensuite repris 9 fois dans les textes du livre qui suivent (sans compter, bien sûr, les exercices du cahier, que je n'ai pas sous les yeux et où il est présent souvent), avant d'arriver à la leçon 28 où on apprend officiellement le son "an". Ensuite, le mot "dans" est encore présent 5 fois entre la leçon 29 et la leçon 33, celle à laquelle nous sommes actuellement. 

    Sachant que j'ai utilisé le mot "dans" au fil des dictées au moins x fois (prouvé scientifiquement), ainsi que dans les fiches de lecture que je donne un jour sur deux, je pense que Pandi-Panda a vu le mot "dans" au moins plein de fois.


    Hé bien, ce matin, il a encore buté dessus. Il m'a lu : "b....", j'ai corrigé, donc "d.... da... dane...." cry

     

    Je précise que ça fait 3 jours que je me suis donné pour objectif d'appendre le mot "dans" à Pandi-Panda. Ben c'est pas gagné. 

    5
    Jeudi 27 Mars 2014 à 09:18

    Il faudrait voir combien de fois Pandi-Panda a vu son prénom avant de pouvoir fièrement venir l'accrocher tout seul au tableau de présences en maternelle... Et je suppose que chez Pandi-Panda, tata, Sara, Bulle, le ou et n'ont pas plus de succès que dans.

    Autrefois, quand les enfants n'étaient pas devenus des variables d'ajustement qu'il convient de faire filer vite, vite au travers des années de scolarité obligatoire juste pour pouvoir raconter que notre pays a 80 % de jeunes de 18 ans qui ont atteint le niveau Bac, des enfants comme Pandi-Panda, on leur laissait du temps. On leur offrait des effectifs réduits et du personnel formé. On ne faisait pas seulement semblant de différencier en leur demandant de colorier le triangle en vert pendant que leurs camarades calculaient la longueur de l’hypoténuse...

    6
    Jeudi 27 Mars 2014 à 10:39

    A côté  de la méthode à départ bien global que leur Maître 

    utilisait, , j'apprenais à mes jumeaux à déchiffrer.

    Et quand ils rencontraient la conjonction "mais", pendant vraiment longtemps, ils ont lu "maïs" pour se reprendre aussitôt, bien sûr ...

    Ce "mais" ne rentrait pas  !

     

    Alors pour mes élèves , je lisais  systématiquement et longtemps les"dans" , "pour" , "avec" sans insister davantage, et je les mettais au tableau, pour les dictées. 

    Et puis peu à peu, les enfants n'avaient plus besoin d'aide .

    7
    Jeudi 27 Mars 2014 à 10:50

    Moi, je leur fais épeler. Dans (... la maison), ça s'écrit dé-a-enne-esse ; mais (...attention), ça s'écrit emme-a-i-esse alors que mes (... qui veut dire les miens ou les miennes), ça s'écrit emme-e-esse.

    Parce qu'il y a ça aussi... Apprendre les mots-outils trop tôt et trop jeunes, en plus de "Mais, ça s'écrit ku-u-a-enne-dé", il y a aussi : "Mes dents, c'est facile, on l'a appris au CP :  emme-a-i-esse, plus loin, dé-a-enne-esse."

    L'idéal, ce serait de laisser du temps au temps. Ces méthodes-là veulent trop croire qu'un enfant de cinq ans neuf mois à six ans neuf mois à la rentrée des classes a, comme un adulte lettré, le recul nécessaire pour saisir tous les indices, les traiter un à un, les engranger avec méthode et les restituer tous avec pertinence et régularité, mieux qu'un traitement de texte d'ordinateur qui ne se choquera pas non plus si on écrit "quand a mais dans" au lieu de "quant à mes dents".

    8
    cathmic
    Jeudi 27 Mars 2014 à 15:34

    "On ne faisait pas seulement semblant de différencier en leur demandant de colorier le triangle en vert pendant que leurs camarades calculaient la longueur de l’hypoténuse..."

    excellent !!!!! mais hélas sans doute la seule solution pour les enseignants qui doivent gérer de telles différences de niveaux.

    9
    editionsbordas
    Jeudi 27 Mars 2014 à 17:47

    Bonjour à tous ! Suite à votre analyse, que pensez-vous également des extraits du livre du maître qui sont également proposés avec le cahier d'exercices ?

    Bonne fin de journée

    10
    Jeudi 27 Mars 2014 à 19:55

    Bonjour. Je suis désolée, je n'ai pas lu ces extraits. J'essaierai d'aller y jeter un petit coup d'œil et je vous dirai.

    Mais peut-être des collègues les ont-ils lus et peuvent-ils donner leurs impressions ?

    Cordialement,

    C. Huby

    11
    Jeudi 27 Mars 2014 à 22:38

    Quand il y a beaucoup de mots à retenir de façon globale, l'apprenti lecteur  se sent piégé : "mais comment vais-je me souvenir de tous ces mots ?"

     

    Pensez-vous qu'il va chercher  de lui même à déchiffrer les mots en faisant les déductions qui s'imposent, alors qu'avec votre manuel, il aura si peu l'occasion de travailler le code  ?

     

    Quant aux jeunes PE qui vont se lancer, je les plains beaucoup ... 

    Mais moi non plus, je n'ai pas lu le livre du maître.

    La solution est peut-être là !

    12
    Jeudi 27 Mars 2014 à 23:35

    Eh bien non ! 

     

    Je ne sais pas ce que Pandi-Panda a fait à la maternelle (c'était il y 2 ans, on en est au deuxième CP, là, et il vient d'une maternelle hors secteur). 

    Par contre, je sais qu'il lit fort bien "tata", "Sara", "Bulle", "Milo", "Rafara" et tous ces mots qui ont un sens affectif parce qu'il aime beaucoup les aventures de Milo et Rafara... qu'il apprécie nettement mieux que l'année dernière puisqu'il les comprend nettement mieux. 

    Bon, en plus, dans aucun de ces mots il n'y a de trucs piégeux, comme "d" (lettre horrible, confondue avec b pour la forme et t pour le son) ou "an" (imprononçable en chinois)...

    13
    Vendredi 28 Mars 2014 à 10:01

    Ah bon, loupé alors. Dis-moi, en chinois, l'équivalent de "dans", ça existe ? Parce que, chez mes petits élèves nés au Maroc, j'ai souvent remarqué une très nette confusion à l'oral entre "dans" et "sur". J'ai toujours supposé que c'était dû à une façon différente d'exprimer les relations spatiales dans leur langue d'origine...

    Quand même, si Pandi-Panda continue à progresser, il va bien finir par arriver à le déchiffrer ce "dans" qui lui casse les pieds.

    Mon Ibiza, c'est elle et les qui lui ont longtemps posé problème. Maintenant, en lecture, elle ne se trompe plus, mais lorsqu'elle écrit, elle peut encore écrire l'un pour l'autre. Du coup, en dictée, je demande systématiquement que quelqu'un nous épelle celui de ces mots que nous rencontrons. Et bizarrement, quand elle fait partie de ceux qui lèvent le doigt pour participer, ça tombe toujours sur elle !

    14
    Vendredi 28 Mars 2014 à 10:44

    Cher Editeur "ayant pignon sur rue",

    J'ai appris à lire à des petits CP pendant plus de 30 ans, et durant toutes ces années  j'ai utilisé 2 manuels de lecture et une ribambelle de textes et d'exercices "fabrication maison".

    Maintenant, je fais du soutien scolaire et j'utilise les Alphas, Ecrire et Lire au CP, Bulle et parfois aussi mes anciens outils parce que j'y  retrouve une foule d'exercices que je ne retrouve pas ailleurs.

    Je suis désolée de vous dire que si vous m'offriez Litournelle et son livre du maître et pourquoi pas un pont d'or en prime, jamais je n'entreprendrais d'apprendre à lire à un gamin avec cette méthode ...

     

    Ces outils risquent de mettre en difficultés les enfants plus fragiles, et même des enfants performants parce que de prime abord tous vont surtout essayer de mémoriser plutôt que d'apprendre à déchiffrer. Et cela, c'est la porte ouverte à toutes les catastrophes que les enfants vont payer très cher tout au long de leur scolarité et de leur vie, n'ayons pas peur des mots !

    A l'occasion de la journée mondiale de la Trisomie, le 21 mars dernier, j'ai pu lire des quantités de témoignages qui parlent d'enfants trisomiques qui savent lire et qui comprennent ce qu'ils lisent. Je sais que c'est la vérité parce que je connais personnellement des jeunes trisomiques qui savent lire et qui utilisent beaucoup cette connaissance dans leur vie quotidienne.

    Des enfants "normaux" noyés par votre ouvrage auraient-ils moins de chance que des enfants trisomiques auxquels on offre un apprentissage alphabétique qui leur convient bien et qui convient à l'immense majorité des enfants ?

     

    Quand j'ai parcouru votre manuel, une réflexion s'est tout de suite imposée à moi :

    "Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?"

    15
    editionsbordas
    Vendredi 28 Mars 2014 à 11:27

    Bonjour Sapotille,

     

    à la lecture de votre message je tiens tout d'abord à vous remercier pour la confiance que vous nous accordez en utilisant notre méthode d'apprentissage de la lecture "Bulle". Il me semble que celle-ci puisse vous fournir en partie satisfaction et nous en sommes ravis.

    Pour ce qui concerne Litournelle, je comprends très bien que cette méthode ne puisse pas répondre à vos attentes. En effet, chaque enseignant se retrouve dans une démarche d'apprentissage ou une autre en fonction de son expérience, de sa sensibilité mais également en fonction de ses élèves. Il est essentiel de noter que l'apprentissage de la lecture se fait PAR l'enseignant et que la méthode d'apprentissage n'est qu'un moyen parmi tant d'autres tout au long du cycle 2 ! 

    Loin de nous l'idée d'imposer une méthode au détriment d'une autre, j'en veux pour preuve la diversité de nos méthodes entre Lecture tout terrain, Bulle ou encore Litournelle. Je suis certain que vous en convenez. 

    Pour ce qui concerne le livre du maître "offert", je signalais juste que le cahier d'activités n°1 comportant une partie du livre du maître se trouvait avec le manuel envoyé. L'intérêt de ce document est de présenter l'articulation entre les 2 outils et de proposer une progression tout au long de la semaine. En effet, il me semble essentiel de vous présenter les choix pédagogiques des auteurs ainsi que des extraits de ce guide afin de comprendre le bon fonctionnement de la méthode.

    Bien entendu nous sommes conscients que ces pistes ne sont que des propositions toutefois je trouve qu'il est important de lire ces pages afin d'avoir une vision globale de la méthode.

    Très bonne fin de semaine à vous.

    16
    Vendredi 28 Mars 2014 à 12:04

    Comme je travaille dans une toute petite école (3 classes), je n'ai pas reçu le spécimen gratuit de Litournelle. C'est une amie qui m'a passé le sien. C'est pourquoi je n'ai ni le livre du maître, ni les extraits du cahier d'exercices.

    Cependant, j'ai reçu ce matin un mail me permettant d'accéder au livre du maître numérique. J'ai commencé à le parcourir. Je vous en dirai ce que j'en pense dès que j'en aurai lu un peu plus.

    Cordialement,
    C. Huby

    Merci à Sapotille pour son message très clair et très complet.

    17
    Vendredi 28 Mars 2014 à 15:54

    Je trouve le livre du maître extrêmement complet. Il permet de suivre pas à pas à la méthode et de prendre connaissance des bases des choix pédagogiques des auteurs.

    C'est bien, comme nous le disions hier, une méthode "chambres à part" revendiquée qui traite isolément chacune de ce qu'il est convenu d'appeler les "compétences" de lecteur.

    Beaucoup de choses me choquent dans ce qui est annoncé comme des vérités incontournables. Je pourrais développer mais je pense que je l'ai suffisamment fait dans les deux textes que j'ai consacré à cette méthode.

    Juste une, toute simple, au sujet de la première semaine de classe. On fait en premier reconnaître les prénoms aux élèves. C'est une excellente idée qui permet aux élèves issus de la même classe de maternelle de reprendre des repères très connus dès la rentrée et aux autres de se rendre compte qu'à un même prénom correspondent souvent les mêmes lettres (enfin presque puisque je connais des Mattéo, des Matéo, des Mathéo et même des Matthéo). Je suppose que, comme dans toutes les classes, les maîtres se retrouveront avec des Emma, des Manon, des Léa, des Lola, des Hugo, des Enzo, des Nathan, des Lucas, des Iliès, des Yasmine, des Mohamed, des Rayan, des Sara, des Amina et des Yassine... tout simplement parce que ces prénoms sont les plus donnés actuellement.
    Puisque ce corpus est donné et appris aux élèves, pourquoi ne pas suggérer aux utilisateurs de la méthode de se servir de ce corpus pour faire découvrir aux enfants eux-mêmes la valeur "phare" des lettres A et I ? Pourquoi repartir du dessin, comme chez Boscher et apporter sur un plateau ces connaissances alors que les élèves peuvent les découvrir par l'analyse du corpus écrit ? À quoi cela sert-il d'apprendre à reconnaître des mots par "voie directe", si ce n'est pas pour commencer à les décortiquer afin de commencer à faire découvrir les quelques avantages de la "voie indirecte" ? Pourquoi dans la fiche-guide consacrée au code la compétence "saisir les relations entre l'oral et l'écrit" est-elle citée comme la dernière des orientations principales alors qu'elle devrait être la première ?

    Selon le livre du maître, cette reconnaissance du son [a] transcrit par la lettre a dans les prénoms n'arrive qu'en conclusion de la série d'activités, au moment où elle est déjà devenue inutile puisque les élèves ont appris "le a", comme dans toutes les méthodes dites "syllabiques".

    Ce qui me fait le plus de souci, par rapport à ce que suggère le livre du maître, ce sont les classes où les PE, jeunes et inexpérimentés, se laisseront entraîner à survaloriser telle compétence (telle chambre) par rapport à telles autres... Je prends l'exemple des deux premières compétences citées dans les fiches-guides : "La découverte des premières et quatrièmes pages de couverture" et "Écouter, comprendre des textes lus par le maître"... Imaginons que, dans leur classe, ça ne fonctionne pas aussi bien que dans les cinq classes qui ont servi de laboratoire d'essai... Et que les collègues y passent plus de temps que prévu... Quelles activités vont-ils "sabrer" pour que tout rentre dans les 10 heures hebdomadaires consacrées au français ? L'écriture manuscrite citée parmi les dernières fiches-guides ? Que deviendront alors tous les élèves kinesthésiques qui ont besoin de "faire eux-mêmes" pour mémoriser ? Et qu'auront-ils appris de plus en termes de capacités à décoder la langue écrite lorsqu'ils auront passé tout ce temps à écouter lire quelqu'un d'autre au lieu d'apprendre à lire eux-mêmes ?

    Et puis, il y a la longueur des séances... Quarante premières minutes d'oral d'affilée sur la première de couverture et le premier épisode de l'album, en tout début d'année, dans un CP, c'est déjà beaucoup, mais quand, au cours de la même matinée, on fait à nouveau plus de 30 minutes d'oral autour de la "découverte" d'un texte dans lequel les élèves, arrivés tout droit de deux mois de vacances et une année de GS,  sont censés "monter les mots qu'ils connaissent et justifier leurs propositions"... cela me semble déjà horriblement frustrant pour tous ceux des élèves qui ne sont pas encore capables de très longues périodes d'attention sans "rien" faire (comprendre sans se servir de leur motricité large ou fine).

    Comment va réagir le jeune collègue qui voit que, dans sa classe à lui, personne ne déduit "est" du "Aujourd'hui, c'est la rentrée." vu la semaine précédente ? Et si personne dans sa classe ne dit, en montrant boude : "Oh ! Ce mot-là, je vois qu'il contient les lettres o et u, comme le mot nous que nous avons lu jeudi dernier ! Puisque dans nous, on entend "ooooouuuuuu", ce mot contient lui aussi le son "ou" après la première lettre. C'est donc forcément le mot boude puisqu'on voit que la maman n'est pas vraiment ravie !", que pourra-t-il faire d'autre que de culpabiliser d'avoir à faire apprendre par cœur à ses élèves qu'il y a écrit Maman est prête mais elle boude ?

    Enfin quand en fin de séance, il va encore une fois essayer d'attirer l'attention d'élèves fatigués et énervés par un temps très long pour eux d'immobilité, d'effort intellectuel, d'incompréhension sur la majuscule et le point, j'ai bien peur qu'il ait encore une fois l'impression d'être le plus mauvais maître de la terre...

    Je vais continuer à compulser le livre du maître et si j'y vois autre chose, je ne manquerai pas de vous en faire part.

    Cordialement,

    C. Huby

    18
    Vendredi 28 Mars 2014 à 16:07

    Un extrait qui me fait bondir, vous comprendrez aisément pourquoi :

    "Pour conclure la séance

    S’il reste du temps, l’enseignant peut faire un petit exercice de discrimination visuelle à partir
    du texte de C’est la rentrée ! pp. 16-17 du manuel, et des deux textes élèves du premier épisode de La rentrée des mamans pp. 22-23 : les élèves cherchent les mots dans lesquels ils voient la lettre l et les lisent. Le maître fait ainsi le lien entre le sens et le code. Les élèves voient l’aboutissement de tout ce qu’ils font en lecture."

    Si c'est l'aboutissement et le moyen de faire le lien entre le sens et le code, c'était par là qu'il fallait commencer, continuer et aboutir. Tout le reste n'est que bla-bla sans intérêt.

     
     
    19
    Mardi 8 Avril 2014 à 20:34

    J'aime dans Litournelle, les thématiques, le choix des histoires en lecture magistrale, les propositions d'oeuvre en prolongement, le travail de vocabulaire au moyen d'images. Mais là s'arrête mon intérêt pour cette méthode. Ayant utilisé Lecture Tout Terrain (dernière version), j'y vois sans conteste une méthode qui permet dès janvier de lire des textes d'albums adaptés, et dès mars de petits romans (y compris les mini rose). Ici l'introduction des phonèmes est trop lente, et donc frustrante, la part d'idéo-visuelle trop importante, la séparation du sens et du code est pour moi une hérésie. J'avoue avoir été déçue, jusqu'ici les éditions Bordas proposaient "des valeurs sûres" (j'utilise également une collection de manuels de maths) et ne cédait pas au chant des sirènes...

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