• L'école de la défiance

    Deux interventions cette semaine sur les réseaux sociaux m'amènent encore une fois à traiter de l'évaluation des élèves à l'école primaire, de la TPS (si, si, des petits bouts de 2 ans et demi et il y a même des collègues qui trouvent ça sain et souhaitable..) au CM2 (vous savez ces « grands » que l'an prochain les professeurs de collèges trouveront « choupinous », « trognons », « attendrissants de fraîcheur »).

    Je vous les narre « brièvement » parce que, décidément, ça ne passe pas.

    L'interro d'histoire

    Vieux souvenirs...

    De mon temps, ça s'appelait comme ça... Enfin, pour les professeurs, c'était « interrogation écrite d'histoire ». Après, ça s'est appelé « devoir sur table », « brevet blanc », ou que sais-je encore ?

    Une chose est sûre, c'est que c'était réservé au collège. Et que les professeurs de Sixième introduisaient ça doucement, « à petits pas » comme j'aime à le dire, pour arriver d'ailleurs bien plus loin que ceci en fin de 5e.

    À l'école primaire, du CE1 au CM2, chaque année, une fois par semaine, nous avions une « leçon d'histoire ». Elle commençait généralement pas un petit moment un peu désagréable : le passage au tableau de 4 ou 5 élèves de la classe qui, chacun son tour, récitait les quelques lignes (1 ou 2 phrases au CE1, 3 ou 4 au CE2, 5 ou 6 au CM) du « résumé » écrit en conclusion de la leçon précédente.

    L'école de la défiance
    (in Images et récits d'histoire, CE1/CE2, MDI, 1967)

    Je n'apprenais jamais ces résumés. Je sais, c'est mal. Heureusement, mes instits ne s'en sont jamais rendu compte. Je croisais juste les doigts pour ne pas passer la première. Ils étaient tellement courts et tellement simples qu'il me suffisait d'écouter réciter mes camarades moins chanceux pour être capable de le réciter à mon tour.

    Pour Les Grandes Découvertes, dont nous allons bientôt parler, cela donnait à peu près ceci :

    Au CE1 (in Premières images d'Histoire de France, Delagrave, 1969) : 

    Grâce à la boussole et aux caravelles, Christophe Colomb découvre l'Amérique.

    Au CE2 (in Images et récits d'histoire, MDI, 1967) :

    Christophe Colomb découvre l'Amérique en 1492.
    Vasco de Gama fait le tour de l'Afrique et Magellan le tour de la Terre.
    Un Français, Jacques Cartier, découvre le Canada.

    Au CM1 (in Petite Histoire de France - CE CM1 - 1950) :

    À l'aide de la boussole, les navigateurs purent s'éloigner des côtes et entreprendre de longs voyages.
    Christophe Colomb découvrit l'Amérique en 1492.

    Alors on se mit à faire le commerce de produits nouveaux comme le coton, le café, le sucre, le tabac. Pour avoir de l'or, les Européens exterminèrent les Indiens et firent travailler des noirs comme esclaves. 

    Au CM2 et Cours supérieur, une 6e/5e pour élèves qui n'iraient pas au Collège (in Histoire de France, Cours Moyen et Cours Supérieur, Belin, 1952) :

    À la fin du Moyen Âge, de grandes inventions transformèrent la vie des hommes.
    Les principales furent : 1° la poudre à canon qui permit l'emploi de l'artillerie ; 2° le papier de chiffon et l'imprimerie qui fut inventée par Gutenberg ; 3° la boussole grâce à laquelle les navires purent s'aventurer sur les océans.

    De grandes découvertes maritimes eurent lieu à cette époque. Vasco de Gama découvrit la route des Indes par le tour de l'Afrique. Christophe Colomb, en cherchant aussi la route des Indes, par l'Ouest, découvrit l'Amérique (1492). Une expédition, commandée par Magellan, fit en trois ans le tour du monde. Le Français Jacques Cartier découvrit le Canada.

    Dates à retenir :
    Vers 1450 : Invention de l'imprimerie par Gutenberg
    1492 : Découverte de l'Amérique par Christophe Colomb

    Après, c'était la leçon d'histoire, un des meilleurs moments de la semaine, avec la leçon de géographie et celle de leçons de choses (sciences et technologie)...

    L'instit' affichait au tableau une grande image Rossignol.

    Au CE1 ou CE2, c'était ça :

    L'école de la défiance

    Et au CM1 ou CM2, c'était plutôt ça :

    L'école de la défiance

    Et, tout en nous la faisant commenter oralement, il nous racontait des histoires... Des vraies histoires qui nous faisaient rêver et réfléchir. Il parsemait son histoire de pourquoi ? comment ? vous vous souvenez quand ? etc. Souvent il avait apporté des illustrations qu'il affichait au tableau pour que nous les commentions tous ensemble.

    Quand il n'en avait pas, il nous faisait ouvrir le livre d'histoire et nous regardions et commentions celles qu'il contenait. ll y avait un questionnaire, c'était simple à la fois pour l'instit et pour nous, les élèves, il suffisait de lire et de répondre à voix haute. C'était très vivant.

    Puis, comme déjà à l'époque, malgré six heures de plus par semaine, nous étions déjà pressés par le temps, nous rangions le livre dans notre casier pour ne le ressortir que la veille du jour de la nouvelle leçon d'histoire, pour le mettre dans le cartable et, normalement, apprendre le résumé pour la semaine d'après.

    En fin de mois, nous avions les « compositions ». C'était un jour, ou deux, où, au lieu de prendre le cahier du jour pour le français et les mathématiques, nous prenions le « cahier mensuel » pour une dictée, des questions de grammaire-conjugaison-vocabulaire à partir du texte de la dictée, quatre opérations, deux problèmes dont un de géométrie. Et c'est tout. Pas d'histoire, géographie, sciences, etc.

    Ces matières-là, c'était en « contrôle continu », à l'oral, comme je l'ai expliqué ci-dessus. L'instit en tirait une note sur 10 qui était reportée sur notre Carnet de Correspondance. Au CE2, par exemple, j'ai eu 10, 10, 10, 10, 9, 9,5 et 10 en histoire-géographie (pas de notes en avril et mai).

    Mais actuellement, ...

    C'est très différent. Un élève de CM1 qui a le malheur d'avoir oublié son cahier d'histoire à la maison le jeudi soir, ou d'avoir été malade le vendredi précédent, se voit accusé, comme nous nous voyions accusés par nos professeurs d'histoire de collège ou de lycée lorsque nous rendions copie blanche à une de ces fameuses « interrogations écrites » réservées à l'époque aux élèves du Secondaire.

    Et pourquoi est-il ainsi accusé ? Parce qu'il a eu l'honnêteté de dire qu'il n'a pas révisé et qu'il ne peut pas répondre au questionnaire à trous d'une quinzaine de questions auxquelles ses grands-parents n'auraient été capables de répondre qu'au Cours Supérieur (donc niveau 6e 5e) puisqu'elles nécessitent de savoir tout ce qui en 1952 était réservé à cette classe, et même un peu plus (la poudre, l'imprimerie, la boussole, les caravelles, Christophe Colomb, 1492, Vasco de Gama, 1498, Magellan, 1519-1522, Jacques Cartier, 1534).

    Alors qu'il n'a jamais fait d'Histoire auparavant, puisque le Cycle 2 n'a pas à proprement parler de programme d'Histoire[1], du haut de ses 9 ou 10 ans, il doit en savoir autant que ses grands-parents à 12 ou 13 ans après 6 années de leçons d'histoire hebdomadaires.

    Comme il en est incapable, il se fait traiter de paresseux qui doit immédiatement extraire les extrémités de ses membres supérieurs de son fondement (si, si, ça parle comme ça, maintenant, certains professeurs des écoles qui n'ont rien à envier à leurs illustres prédécesseurs, adeptes du bonnet d'âne et autres pancartes autour du cou).

    Sans compter que ses misérables excuses (« J'avais oublié mon cahier d'histoir à l'école » ; « J'étais absente vendredi donc je n'ais pas apris ») passent pour de l'insolence et sont, toujours selon certains, un signe manifeste de je-m'en-foutisme aggravé. Il y en a même pour penser qu'un enfant de 9 ans doit être capable d'anticiper suffisamment pour apprendre sa leçon plus tôt ou chercher à rattraper le travail non fait en raison d'une absence. Comme des collégiens...

    Moi, ce qui me choque dans ces excuses, c'est qu'elles aient été écrites sur la feuille au lieu d'être communiquées de vive voix à l'enseignant placé devant eux. Et que l'enfant absente n'ait pas reçu une photocopie de la leçon à coller dans son cahier à la place de celle qu'elle aurait copiée si elle avait été là.

    J'y vois encore un signe de la « secondarisation » de l'École Élémentaire. Cette école, qui reçoit des enfants de 6 à 11 ans, devrait se contenter de préparer ses élèves à découvrir la Culture Humaniste.
    Contrairement à nos collègues du Secondaire qui, préparant les adultes de demain d'une part aux examens et concours du Supérieur et d'autre part à une vie civique d'adultes conscients du monde qui les entoure, se doivent d'évaluer ces apprentissages au même titre que les apprentissages savants premiers, nous devons chercher à ouvrir portes et fenêtres sur ce monde d'avant afin de donner le goût de l'histoire à nos élèves.

    L'idéal étant bien sûr de pouvoir le faire année après année, depuis la petite enfance jusqu'à la préadolescence, à petits pas toujours, afin d'apprivoiser peu à peu les enfants culturellement éloignés de ce genre de savoir et de créer des souvenirs ancrés au lieu de balancer d'un coup d'un seul un millier d'informations et de dates qui ne représentent rien pour la plupart.

    Nous ne devrions faire aucun contrôle écrit en histoire, géographie et sciences, mais plutôt offrir de quoi nourrir une curiosité que nous nous emploierions à faire naître chez tous les élèves, même ceux qui oublient régulièrement leurs cahiers à l'école.

    Pendant ces « leçons d'histoire », c'est nous que nous devrions évaluer plus que nos élèves : « Ai-je su les intéresser ? Suis-je arrivée à leur transmettre quelques grands points ? »

    Par ailleurs, n'ayant pas d'élèves entrés dans l'adolescence et se préparant à entrer dans la vie active, nous devons nous attacher à ce qu'ils aient vu (et revu) les grandes lignes mais nous devons nous garder d'exiger des savoirs encyclopédiques trop précis. Vasco de Gama, Magellan, Jacques Cartier,  affichons-les en classe avec la date, leur portrait et l'événement auquel ils sont associés, mais ne nous sentons pas coupables du tout si nos élèves ne poussent pas la passion de l'histoire jusqu'à s'en souvenir.

    Espérons juste qu'ils garderont quelque part dans leur mémoire cette carte du monde, cette ouverture sur les temps anciens, cette compréhension préparée pas à pas vers les valeurs humanistes en cours en notre début de XXIe Siècle.

    L'examen d'entrée au CP

    Quand la pesée du cochon prend le pas sur son engraissement...

    « Bonjour profs de GS ! J’ai appris que dans certaines écoles, les GS passaient des tests « de passage en CP ». Et que s’ils avaient obtenu plus de 50% de bonnes réponses, alors ils avaient le niveau pour passer... Faites vous ces tests là également ? », voici la deuxième intervention qui m'a fait bondir récemment.

    De plus en plus, on pratique dans les écoles des tests venus d'ailleurs, copiés sur les Évaluations nationales effectuées à l'entrée au CP, afin de préparer les élèves à celles-ci. Et, comble du ridicule, les résultats de ces tests sont communiqués en réunion aux enseignants de CP, au médecin scolaire, au RASED. Mieux qu'un Conseil de Classe du Secondaire. Carrément un Jury d'Examen, comme pour le baccalauréat ou l'agrégation !

    Et le cérémonial recommence au mois de septembre, où les enseignants de GS assistent à la réunion plénière de remise des résultats des évaluations CP. Examen de repêchage...

    Une progression à la charnière de deux mondes

    Plutôt que de faire passer des tests aux enfants, il vaudrait mieux réunir les adultes des deux mondes, celui de la Maternelle et celui de l'Élémentaire. NOus nous assiérions tous autour d'une table. Les collègues de CP viendraient avec le matériel qu'ils utiliseront dans leur classe à la rentrée, et ceux de GS avec les travaux de leurs élèves depuis un mois ou deux. Et on verrait tous ensemble si « ça colle » et comment cela pourrait encore mieux coller...

    L'année d'après, on pourrait faire ça deux ou trois fois dans l'année. La première mi-septembre, les collègues de CP feraient un petit retour sur l'adaptation des compétences, capacités et connaissances des petits GS qu'ils viennent d'accueillir. Puis une autre vers janvier, où on débattrait librement des objectifs et des méthodes en usage dans les deux classes « sœurs ». Enfin la troisième, en juin, comme l'année d'avant, pour comparer les attentes des uns avec les résultats des autres.

    L'idéal étant, à mon humble avis, pour éviter tant les demandes injustifiées que les chemins trop détournés de l'objectif final, de faire assurer les deux années scolaires par le même enseignant, histoire qu'il constate de visu de l'adaptation de ses méthodes et objectifs aux attendus de fin de CP.

    Quant au RASED et au Médecin Scolaire, pourquoi leur faire perdre un temps précieux à constater que les élèves de Mme X n'écrivent toujours pas en cursive au mois de juin puisque Mme X ne leur a pas appris et que Maître Y a de la peine à penser un mois de septembre de CP consacré à (re)découvrir que Titi a lu l'affiche ou que Léa a un lit et qu'elle y va la nuit , ce qui fait que, pour lui, aucun élève n'est prêt à entrer au CP ?

    Ne seraient-ils pas plus utiles s'ils se consacraient à résoudre les difficultés d'intégration de Pierre-Antoine qui s'est vu refuser une orientation en ULIS malgré ses nombreux troubles du développement, à prendre en charge le suivi médical de Marie-Appoline dont la famille peine à prendre un rendez-vous chez l'ophtalmologue ou à entamer la rééducation orthophonique de Eudes-Marie qui parle toujours comme s'il avait une patate chaude dans la bouche ?

    Ces réunions entre enseignants visant à  mettre au point une progression sur deux années scolaires dans tous les domaines, elles concerneraient les PE. Pour le Rased ou le Médecin Scolaire, c'est inutile de savoir si on va commencer l'écriture cursive plutôt début décembre ou plutôt fin janvier, si la file numérique jusqu'à 30 aide vraiment les enfants à prendre conscience des quantités ou encore s'il est utile de se lancer corps et âme dans un projet « À la recherche de l'énergie grise » en GS quitte à laisser de côté la préparation à la lecture, à l'écriture et au calcul pendant un bon trimestre...

     

    Le point commun ?... La défiance.

    Tout éloignées qu'elles ont l'air l'une de l'autre, ces deux anecdotes traduisent toutes deux l'immense défiance qui régit actuellement le monde de l'École.

    Défiance envers les élèves

    ... qui sont pesés, mesurés, comparés, soupçonnés à longueur de temps, comme si ce n'était pas dans la nature de l'enfant de grandir, être curieux, progresser en agilité, en force, en langage, en logique, en repérage spatial et temporel, en savoirs...

    Défiance envers les enseignants

    ... à qui l'on dénie la capacité à juger seuls de l'adaptation d'un enfant à l'école, de ses facilités et difficultés et, lorsque le besoin s'en fait sentir, de la nécessité de faire appel à un personnel spécialisé, aux connaissances médicales et psychologiques plus poussées, pour qu'il porte remède aux difficultés d'un individu en souffrance...

    Défiance envers l'école, enfin, et c'est peut-être le plus grave.

    L'école qui fait habiller tous les élèves avec le même costume, celui qui est taillé tant pour l'élève de 5e ou de Seconde professionnelle que pour celui de CM1, quand ce n'est pas celui de MS qui est censé comme ses aînés se passionner pour la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb ou celle du Canada par Jacques Cartier.

    L'école qui n'apprend plus à ses maîtres à construire une progression qui se suit, tenant compte de l'amont comme de l'aval, adaptée à chaque niveau, depuis la TPS des tout-petits jusqu'au CM2 des grands enfants presque pré-adolescents.

    L'école qui a oublié cette capacité à rajouter à un édifice qui se construit pas à pas une pierre par ci, une pierre par là, et lui substitue une culture du test, de l'évaluation « scientifique » déconnectée de l'apprentissage, visant à valider des théories (souvent fumeuses) plutôt qu'à pousser les petits enfants à grandir et à aimer ça. 

    Note :

    [1] « Les rythmes cycliques sont étudiés dès le CP en continuité du travail amorcé en classe maternelle. Les outils de représentation du temps, calendrier, frise, etc. sont utilisés tout au long du cycle. Le repérage des grandes périodes historiques se travaille au CE2. Au CE2, on commence l’étude du temps long et de l’espace géographique terrestre à travers quelques événements, personnages et modes de vie caractéristiques des principales périodes de l’histoire de la France et du monde occidental et à travers quelques milieux géographiques caractéristiques. »


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  • Question de point de vue

    Toucher la lune avec le doigt

    « Regarde, maîtresse, moi, je touche la lune ! »

    « Oui, c'est ce que nous voyons, Ermengarde, mais tu sais que ce n'est qu'une impression. Nous ne pouvons pas toucher la lune. La lune est très loin, à des centaines de milliers de kilomètres de nous. Si tu veux un jour pouvoir toucher la lune, il faudra que tu apprennes beaucoup de choses dans une école très compliquée puis que tu suives un long entraînement difficile pour pouvoir conduire les navettes spatiales. Enfin, il faudra que tu y ailles couverte d'un scaphandre spécial relié à des réservoirs d'oxygène car, sur la lune, les êtres vivants ne peuvent pas respirer, il n'y a pas d'air. », répondra la collègue réaliste qui ne veut pas mentir aux petits enfants.

    Alors que son collègue de la classe d'à côté entrera dans le jeu et dira à la petite Ermengarde : « Oh mais oui, dis-moi !... Vous avez vu ça, les copains ? Ermengarde touche la lune !  Nous dirions même qu'elle va l'attraper. Dis-nous un peu, Ermengarde, c'est comment, la lune ? C'est doux ? c'est chaud ? c'est froid ? c'est rugueux ? ça chatouille ? ça pique ? Raconte-nous un peu... »

    Pour moi, les deux attitudes se valent. Elles peuvent même avoir lieu dans une même classe, l'une le lundredi 47 octenvrier à 9 h 15 et l'autre le marmedanche 52 juinvembre à 13 h47. À deux conditions...

    Que nous ne soyons pas dupes

    Car là où ça devient grave, c'est quand on est dupe.

    Dupe de l'enfant qui, s'il a plus de cinq ou six ans, sait très bien qu'il ne touche pas la lune, et qui, s'il est plus jeune, a besoin qu'on s'intéresse à son point de vue pour pouvoir le dépasser.

    Ou dupe de notre propre vision des choses, ce qui nous amènerait à voir dans l'enfant un perturbateur qui nous dévie de notre route, un imbécile qui ne comprendra décidément jamais rien ou encore une outre à remplir de connaissances à régurgiter telles quelles, sans adaptation, ni transformation, ni assimilation... 

    Et que nous gardions le cap

    Celui de tout éducateur : faire grandir harmonieusement les enfants qui nous sont confiés, en leur offrant le meilleur, dans le plus de domaines possible.

    Ce qui se traduit plus modestement pour les enseignants de l'école primaire par : trouver des procédés pour traiter avec profit les programmes de l'école maternelle et/ou élémentaire dans le but de les faire acquérir à une proportion très significative de nos effectifs.

    Ici, nos objectifs pourraient être, dans la classe n° 1 :

    → faire entrer l'enfant dans le principe de réalité

    → lui donner une notion de chronologie

    → lui inculquer quelques connaissances scientifiques et géographiques

    et dans la classe n° 2 :

    → développer l'imaginaire

    → encourager la créativité

    → travailler le champ lexical du toucher

    Deux caps différents, mais tout aussi solides l'un que l'autre, pédagogiquement parlant.

    L'enfant a donné son point de vue, l'enseignant s'en est emparé pour l'emmener vers d'autres points de vue, celui des autres enfants parfois, le sien, toujours, basé sur les notions, concepts et capacités qu'il est chargé de lui faire acquérir.

    Soit, dans la vie quotidienne d'une classe

    Avec quelques exemples, ce sera plus simple :

    ◊ Lorsque des enfants croient être, de leur point de vue, en train de fabriquer le plus beau cadeau du monde qu'ils offriront à leurs familles à l'occasion de la prochaine fête carillonnée,

    ♥ ♥ ♥ l'enseignant quant à lui cherche : 

    ⇒  à développer leurs habiletés manuelles et leur jugement artistique,

    ⇒ à renforcer leur concept de temps qui passe en le ponctuant par des dates clés

    ⇒ à leur inculquer le soin, la persévérance, l'empathie

    ∴ et il devient la dupe quand il se met lui aussi à chercher à faire fabriquer à de jeunes enfants le plus beau cadeau du monde et à l'emballer magnifiquement pour que ça en mette plein les mirettes de tous ceux qui le verront...

    ◊ Lorsque des enfants croient être en train de compter les jours de classe dans le but d'organiser une grande fête lorsqu'ils en seront au centième de l'année scolaire,

    ♥ ♥ ♥ l'enseignant quant à lui cherche : 

    ⇒  à renforcer leur concept de temps qui passe

    ⇒ à leur faire travailler quotidiennement la numération et le calcul

    ∴ et il devient la dupe quand il se met à compter et recompter sur les calendriers quel jour tombera finalement ce centième jour sachant que tel jour il a été absent non remplacé, tel autre il a fait grève, tel autre l'école a été fermée parce que Machin a décrété une journée banalisée pour ceci ou cela ou quand il investit du temps et de l'argent dans la confection et l'impression de tout un attirail censé rendre cette activité encore plus appétente et formatrice

    Lorsque les enfants écoutent ou lisent l'histoire de la Gazelle à Trois Cornes ou celle du Tricératops qui découvre la valeur du pardon des offenses, ils vivent l'histoire et, si elle leur plaît, ils se passionnent pour les péripéties de l'action et les aventures du héros jusqu'à les rejouer entre eux en classe ou dans la cour de récréation et à en répéter en boucle les bons moments ou les bons mots.

    ♥ ♥ ♥ l'enseignant quant à lui cherche : 

    ⇒  à donner à ses élèves l'envie d'apprendre à lire ou de perfectionner leur lecture

    ⇒ à leur faire découvrir les trésors de la littérature

    ⇒ à enrichir leur lexique par la fréquentation d'œuvres inscrites au patrimoine mondial de la littérature au vocabulaire riche et varié

    ∴ et il devient la dupe quand il se met à vivre Gazelle à Trois Cornes, dessiner Gazelle à Trois Cornes, découper, coller, écrire, peindre, raconter Gazelle à Trois Cornes et même à chercher dans Gazelle à Trois Cornes LA solution aux problèmes existentiels de ses élèves  ou quand il investit du temps et de l'argent dans la confection et l'impression de tout un attirail censé rendre l'histoire du Tricératops qui découvre la valeur du pardon des offenses encore plus incontournable

    Je pourrais continuer ainsi pendant des heures, passant de l'apprentissage de l'écriture à la construction de la notion de nombre, de la capacité à devenir élève à l'étude de la frise chronologique de l'histoire de France, de l'utilisation du papier cristal à l'école à la taille des étiquettes de prénoms mais c'est bientôt Noël et nous avons besoin de légèreté plutôt que de contenus exhaustifs.

    Alors, comme disent les enfants (mais nous ne sommes pas dupes) :

    « Joyeux Noël !

    Que Papa Noël soit très gentil avec vous

    car vous avez tous été

    très, très sages ! »

    Question de points de vue


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  • GS : Vers l'écriture-lecture
    Merci à K., 5 ans 4 mois, pour ce beau cahier de GS

    En GS, on est en maternelle, école qui n'est devenue obligatoire que depuis quelques mois. Pas question donc de transformer cette classe en mini-CP. Mais pas question non plus de « partir dans tous les sens » et de perdre des enfants qui ne demandaient qu'à avancer vers un but précis : l'apprentissage de l'écriture-lecture. 

    Le but

    Lorsqu'ils entreront au CP, qu'attendront d'eux nos collègues ?

    Je crois pouvoir dire sans me tromper qu'ils seraient heureux de recevoir :

    ♥ des enfants bien dans leur corps

    C'est-à-dire :

    →  des enfants qui se déplacent facilement dans l'école, classe comprise, sans heurts ni bousculades, qui peuvent déplacer un élément du mobilier seuls ou en coopération sans anicroches et pour lesquels s'installer à une activité prend un minimum de temps et ne provoque qu'un désordre très raisonnable

    → des enfants qui utilisent leur voix, leur ouïe, leur vue, leur toucher avec une précision certaine et qui peuvent moduler l'un de ces sens en fonction des informations reçues par les autres

    → des enfants aux gestes assurés pour découper, coller, dessiner, plier, manipuler de petits objets, tourner les pages d'un cahier ou d'un livre, ...

    ♥ des enfants bien insérés dans leur micro-société

    C'est-à-dire :

    → des enfants qui voient les autres (leurs camarades de classe, ceux des autres classes, les adultes de leur classe et de l'école), qui les entendent et les écoutent et qui peuvent mener une conversation avec l'un ou plusieurs d'entre eux (y compris le groupe-classe entier) en respectant les codes

    → des enfants qui respectent les règles de l'école sans qu'il soit besoin  pour cela de les leur  faire créer par eux-mêmes à chaque rentrée scolaire

    → des enfants qui voient dans l'école, dans leur classe, un lieu de vie commun dont ils se sentent responsables

    → des enfants qui peuvent associer leurs compétences à celles de leurs camarades pour réfléchir, créer, réaliser ensemble 

    ♥ des enfants bien dans leur tête

    C'est-à-dire :

    → des enfants capables de créer du sens à partir des événements qu'ils vivent au quotidien, quels que soient ces événements (jeux, conversations, lectures offertes, activités, situations-problèmes, etc.)

    → des enfants curieux qui ont envie de comprendre et d'apprendre

    → des enfants capables de créer, imaginer mais aussi concevoir et réaliser

    → des enfants qui ont envie de travailler ensemble pour atteindre un but commun et sont prêts pour cela à fournir un petit effort en direction des autres (enfants et adultes)

    → des enfants qui peuvent se situer dans l'espace et dans le temps et qui en tirent des enseignements automatisables (droite, gauche ; avant, après ; au-dessus, au-dessous ; d'abord, ensuite, enfin ; etc.)

    et enfin, mais c'est sans doute le moins important :

    ♥ des enfants qui commencent à maîtriser quelques connaissances de base dans le domaine de l'écriture-lecture

    C'est-à-dire :

    → des enfants qui maîtrisent les gestes de l'écriture cursive dans un cahier seyes 3 mm (Nota bene : pour montrer que c'est quasiment toujours possible, j'ai pris en illustration l'exemple du cahier de K au mois d'avril, donc 5 mois avant l'entrée au CP, parce que c'était un enfant jeune, née à la fin novembre, issue d'un milieu qu'on qualifiera de "difficile" : mère seule, très jeune, changements fréquents de domiciles et d'environnement familial... )

    → des enfants qui ont tiré de cet enseignement de l'écriture quelques vagues connaissances en lecture :

    ⇒ on lit de gauche à droite, et de haut en bas

    ⇒ les lettres traduisent des sons,

    ⇒ en prononçant ces sons les uns après les autres, on entend des mots

    ⇒ ces mots, lus l'un après l'autre, forment des « histoires ».

    Une année pour arriver à cela

    L'année de Grande Section doit permettre à tout enfant (ou presque) d'atteindre ce but. Pour cela tous les domaines d'apprentissages peuvent et doivent être mis à contribution.

    C'est particulièrement vrai pour les trois premiers buts de manière à ce que le dernier en découle presque automatiquement.

    ♥ On fabrique des enfants bien dans leur corps

    ⇒ En leur permettant de se mouvoir

    Dans la cour, lors de l'accueil et des récréations

    Dans la salle de motricité, le préau, la cour ou même la classe lors des deux séances quotidiennes du domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique

    Dans la classe et les parties communes du bâtiment scolaire selon des règles et des normes qu'ils connaissent et sont tenus d'appliquer, pour répondre à un projet ponctuel ou de plus longue durée (Exemple : le matin, après la récréation, nous plaçons les tables le long des murs, puis les chaises sur les tables, de manière à avoir un espace suffisant pour la séance de « sport » du matin)

    ⇒ En leur permettant d'acquérir une motricité fine très développée

    Dans la cour, lors de l'accueil et des récréations

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne du domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers les activités artistiques :

    ⇒ productions plastiques et visuelles

    Dans la salle de motricité, le préau, la cour ou même la classe lors des deux séances quotidiennes du domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique (Exemples : préparation et rangement des cordes à sauter, jeux d'adresse avec les anneaux, lancer de palets sur une marelle, gym des doigts, ...)

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne Commencer à écrire tout seul  

    ⇒ entraînement à la pratique de l’écriture cursive par les exercices graphiques puis la découverte des gestes de l'écriture

    Dans la classe, ou ailleurs (cour, école, jardin, milieu proche, etc.), lors de la séance quotidienne Explorer le monde, pour dessiner, fabriquer, expérimenter...

    ⇒ En leur permettant d'exercer leurs sens de manière ludique

    la voix

    Dans la cour, lors de l'accueil et des récréations

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne du domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers les activités artistiques

    ⇒ univers sonore

    Dans la classe, ou ailleurs (cour, école, jardin, milieu proche, etc.), lors de la séance quotidienne Explorer le monde, pour expérimenter, observer, ...

    Dans la classe, lors des nombreuses séances quotidiennes Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions,

    Oral : Oser entrer en communication ; Comprendre et apprendre ; Échanger et réfléchir avec les autres ; Commencer à réfléchir sur la langue et acquérir une conscience phonologique

    ⇒ Écrit : Commencer à produire des écrits et en découvrir le fonctionnement ; Découvrir le principe alphabétique

    ◊ la vue

    Dans la cour, lors de l'accueil et des récréations

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne du domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers les activités artistiques

    ⇒ productions plastiques et visuelles 

    Dans la salle de motricité, le préau, la cour ou même la classe lors des deux séances quotidiennes du domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique (Exemples : suivre un chemin grâce à un code ou un plan ; trier le matériel par tailles, formes, couleurs, ... ; repérer un but ou un élément distinctif ; ... )

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne Commencer à écrire tout seul :

    entraînement à la pratique de l’écriture cursive par les exercices graphiques puis la découverte des gestes de l'écriture

    Dans la classe, ou ailleurs (cour, école, jardin, milieu proche, etc.), lors de la séance quotidienne Explorer le monde, pour dessiner, fabriquer, expérimenter, observer, ...

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne Construire les premiers outils pour structurer sa pensée, pour dessiner, fabriquer, expérimenter, observer, ...

    Dans la classe, lors des nombreuses séances quotidiennes Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions,

    Oral : Commencer à réfléchir sur la langue et acquérir une conscience phonologique

    ⇒ Écrit : Découvrir la fonction de l’écrit ; Commencer à produire des écrits et en découvrir le fonctionnement ; Découvrir le principe alphabétique

    ◊ l'ouïe

    Dans la cour, lors de l'accueil et des récréations

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne du domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers les activités artistiques :

    ⇒ univers sonore

    Dans la salle de motricité, le préau, la cour ou même la classe lors des deux séances quotidiennes du domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique (Exemples : prêter attention à un signal sonore, suivre un code sonore ; prêter attention aux indications orales du meneur de jeu et des coéquipiers ; ...)

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne Commencer à écrire tout seul :

    ⇒  découverte des gestes de l'écriture cursive

    Dans la classe, ou ailleurs (cour, école, jardin, milieu proche, etc.), lors de la séance quotidienne Explorer le monde, pour fabriquer, expérimenter, observer, ...

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne Construire les premiers outils pour structurer sa pensée, pour fabriquer, expérimenter, observer, ...

    Dans la classe, lors des nombreuses séances quotidiennes Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions,

     Oral : Échanger et réfléchir avec les autres ;  Commencer à réfléchir sur la langue et acquérir une conscience phonologique

    Écrit : Écouter de l'écrit et comprendre ; Découvrir la fonction de l’écrit ; Commencer à produire des écrits et en découvrir le fonctionnement ; Découvrir le principe alphabétique

    ◊ le toucher

    Dans la cour, lors de l'accueil et des récréations

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne du domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers les activités artistiques

    ⇒ productions plastiques et visuelles 

    univers sonores

    Dans la salle de motricité, le préau, la cour ou même la classe lors des deux séances quotidiennes du domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique (Exemples : tous les jeux où des participants ont les yeux bandés, tous les jeux où on utilise plus d'un signal sonore, ... )

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne Commencer à écrire tout seul :

    entraînement à la pratique de l’écriture cursive par les exercices graphiques puis la découverte des gestes de l'écriture

    Dans la classe, ou ailleurs (cour, école, jardin, milieu proche, etc.), lors de la séance quotidienne Explorer le monde, pour dessiner, fabriquer, expérimenter, observer, ...

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne Construire les premiers outils pour structurer sa pensée, pour dessiner, fabriquer, expérimenter, observer, ..

    ⇒ En leur offrant de nombreuses occasions de se situer

    ◊ dans l'espace

    Dans la cour, lors de l'accueil et des récréations

    Dans la classe en choisissant un plan de classe clair aux espaces nettement délimités et en débattant avec eux lorsqu'on décide d'un aménagement différent

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne du domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers les activités artistiques

    ⇒ productions plastiques et visuelles 

    ⇒ univers sonore

    ⇒ spectacle vivant

    Dans la salle de motricité, le préau, la cour ou même la classe lors des deux séances quotidiennes du domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique  

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne Commencer à écrire tout seul :

    entraînement à la pratique de l’écriture cursive par les exercices graphiques puis la découverte des gestes de l'écriture

    Dans la classe, ou ailleurs (cour, école, jardin, milieu proche, etc.), lors de la séance quotidienne Explorer le monde, pour dessiner, fabriquer, expérimenter, observer, ...

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne Construire les premiers outils pour structurer sa pensée, pour dessiner, fabriquer, expérimenter, observer, ...

    Dans la classe, lors des nombreuses séances quotidiennes Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions,

    Oral : Commencer à réfléchir sur la langue et acquérir une conscience phonologique ; Comprendre et apprendre ; Échanger et réfléchir avec les autres

    ⇒ Écrit : Découvrir la fonction de l’écrit ; Écouter de l'écrit et comprendre ; Commencer à produire des écrits et en découvrir le fonctionnement ; Découvrir le principe alphabétique

    ◊ dans le temps

    Dans la cour, lors de l'accueil et des récréations

    Dans la classe en installant un emploi du temps quotidien stable, dans lequel les activités se déroulent dans un ordre immuable, facile à intégrer

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne du domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers les activités artistiques

    ⇒ productions plastiques et visuelles 

    ⇒ univers sonore

    ⇒ spectacle vivant

    Dans la salle de motricité, le préau, la cour ou même la classe lors des deux séances quotidiennes du domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique (exemples : successions d'actions à réaliser dans l'ordre, courses "chronométrées", ...)

    Dans la classe, ou ailleurs (cour, école, jardin, milieu proche, etc.), lors de la séance quotidienne Explorer le monde, pour dessiner, fabriquer, expérimenter, observer, ...

    Dans la classe, lors de la séance quotidienne Construire les premiers outils pour structurer sa pensée, pour dessiner, fabriquer, expérimenter, observer, ...

    Dans la classe, lors des nombreuses séances quotidiennes Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions,

    Oral : Commencer à réfléchir sur la langue et acquérir une conscience phonologique ; Comprendre et apprendre ; Échanger et réfléchir avec les autres

    ⇒ Écrit : Découvrir la fonction de l’écrit ; Écouter de l'écrit et comprendre ; Commencer à produire des écrits et en découvrir le fonctionnement ; Découvrir le principe alphabétique

    ♥ On fabrique des enfants bien intégrés dans leur micro-société

     Dans la cour, lors de l'accueil et des récréations (en les encourageant à respecter les règles, à inventer des jeux, à coopérer en vue de buts précis, à établir des contacts entre eux, ...)

    Dans la classe et les parties communes du bâtiment scolaire :

    ⇒ en établissant des règles et des normes simples basées sur le bon sens et en n'en variant plus selon l'humeur du jour 

    ⇒ en faisant de la classe leur lieu de vie même si cela sous-entend qu'elle soit moins esthétique que si seuls les adultes en choisissaient le décor

    En classe, dans tous les domaines :

    ⇒ en les faisant partie prenante des projets ponctuels, à courts termes et à longs termes tout au long de l'année scolaire (même si cela sous-entend qu'on passe trois semaines sur les engins de chantier plutôt que sur la culture du manioc en Afrique tropicale comme l'aurait voulu le somptueux projet sur le tour du monde en une année scolaire) 

    ⇒ en les incluant dans le projet de découverte  de l'écrit grâce à des activités quotidiennes simples, ne leur demandant chaque jour qu'un court effort moteur et cognitif 

    ♥ On fabrique des enfants bien dans leur tête

     En leur offrant un univers stable dans lequel les règles de vie, l'emploi du temps, la succession des activités au cours d'une même journée sont immuables

    En bâtissant notre pédagogie à partir d'eux, de leurs besoins, de leurs intérêts, de leurs connaissances et de leurs jeux (même si, je me répète, cela s'expose moins facilement sur Pinterest ou Facebook)

    En les suivant pas à pas, jour après jour, et en les faisant avancer par bonds minuscules, à peine perceptibles, sans forcément considérer que tout acquis est forcément stabilisé et qu'en conséquence, une croix dans une case vaut contrat moral rempli

    En ne cherchant pas la performance ponctuelle dans un domaine particulier mais, bien au contraire, en visant l'équilibre et les interactions entre les différentes connaissances, les différents savoir-faire, les différentes capacités

    ♥ On utilise tout cela en écriture-lecture pour

    ◊ leur apprendre méthodiquement à écrire en écriture cursive

    On obtiendra des enfants qui savent écrire en cursive grâce à une séance quotidienne collective, quoi qu'il arrive (même la veille des vacances de Noël ou le jour où 10 élèves sur les 25 ont la varicelle).

    Elle durera entre 5 et 10 minutes en début d'année et entre 15 et 20 minutes, dessin compris en fin d'année.

    On peut suivre pour cela l'excellente progression de Laurence Pierson dans son cahier GS Écriture en suivant à peu près la programmation suivante (on pourra anticiper la partie J'apprends à tracer les formes de base, si les enfants maîtrisent les capacités antérieures) :

    ⇒ Septembre : J'apprends à tenir mon crayon, pages 4 à 9

    ⇒ Octobre : J'apprends à déplacer mon bras, pages 10, 11 ; J'apprends à maîtriser mon geste, pages 12, 13

    ⇒ Novembre, Décembre : J'apprends à tracer les formes de base

    ⇒ Janvier à Mai : J'apprends à écrire les lettres ; J'écris mon prénom, pages 21 à 48.

    soit environ une page par semaine, sauf pour les pages 4, 5 et la gym des doigts des deux dépliants de couverture qu'on refait systématiquement tous les jours de septembre et parfois même octobre.

    ⇒ Juin Juillet : Le cahier sera fini mais, les enfants ayant découvert le principe alphabétique, chaque jour ils pourront lire et copier  une courte phrase sur un cahier Seyes 3 mm puis l'illustrer aux crayons de couleur.

    GS : Vers l'écriture-lecture
    Merci à S, 5 ans 6 mois, milieu très défavorisé

    ◊ leur donner envie de savoir lire et écrire

    En intégrant l'écrit à la vie de la classe aussi souvent que possible :

    lectures offertes quotidiennes d'albums, contes, documentaires, pages internet, lettres, recettes, poésies, comptines, chants, règles du jeu,  ... en restant dans le domaine du plaisir, de la curiosité et de l'ouverture culturelle pour ne pas transformer en pensum ce qui aurait dû rester un moment de convivialité et de partage (Je vous dis ça car je connais une classe de CP où les enfants récriminent et adoptent des stratégies d'évitement dès que leur enseignant sort un livre, tellement les activités pratiquées en maternelle "autour de l'objet-livre" les ont dégoûtés de ce média)

    ⇒ utilisation quotidienne de la dictée à l'adulte individuelle chaque jour (dessin à commenter) et hebdomadaire (ou bi-hebdomadaire) de la composition collective de phrases et textes (lettres, comptes-rendus, comptines et jeux de langage, recettes, résumés de lectures offertes, règles du jeu, etc.)

    ⇒ en programmant quotidiennement une séance d'apprentissage structuré de la langue écrite pour :

    ◊ avancer doucement dans la voie du déchiffrage avec compréhension

    Pour ceci, c'est une séance quotidienne (deux jusqu'en décembre, dont une à prendre sur le domaine Agir, s’exprimer, comprendre à travers les activités artistiques Univers sonores),  quoi qu'il arrive (même la veille des vacances de Noël ou le jour où 10 élèves sur les 25 ont la varicelle).

    Les séances quotidiennes dureront entre 15  et 20 minutes.

    On peut suivre pour cela l'excellente progression de Thierry Venot dans sa méthode De l'écoute des sons à la lecture en suivant à peu près la programmation suivante (on pourra anticiper la partie J'apprends à tracer les formes de base, si les enfants maîtrisent les capacités antérieures) :

    Nota bene : On optimisera cette méthode :

    ⇒ en utilisant les fiches d'exercices (à partir de la partie Voyelles),

    ⇒en y adjoignant, à partir de la partie Voyelles, les personnages des Alphas, présentés au rythme de la méthode Venot et non tous ensemble,

    ⇒ en raccrochant autant que faire se peut cette progression à celle du cahier d'écriture de Laurence Pierson (c'est faisable dès novembre si on a pu anticiper la partie J'apprends à tracer les formes de base, sinon, c'est sous forme de « révisions » des quelques lettres connues visuellement qu'on commencera la partie J'apprends à écrire les lettres.

    ⇒ Septembre, Octobre :  a) Agir, s’exprimer, comprendre à travers les activités artistiques Univers sonores :  Se repérer dans l'espace et le temps, A - Les suites de sons et les jeux d'écoute (15 séances, pages 12 à 17) + B - La souris verte (8 séances, pages 18 à 23)

    b) Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions : La phrase et les mots, A -  La notion de phrase (6 séances, pages 27 à 33) + B - Les mots dans la phrase (6 séances, pages 34 à 43) + C - Activités langagières autour de la phrase (3 séances, pages 44 à 46)

    ⇒ Novembre, Décembre : a) Agir, s’exprimer, comprendre à travers les activités artistiques Univers sonores : Les syllabes (10 séances, pages 48 à 51)

    b) Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions : Les voyelles (sans oublier d'ajouter les Alphas à chaque activité) (13 activités, 29 séances, pages 54 à 72 et fiches D1 à D29)

    ⇒ Janvier à Mai : Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions : en alternance, et en respectant la progression des fiches d'exercices, Les consonnes (7 activités, 44 séances, pages 74 à 85 et fiches E1 à E44) et Écrire et lire les syllabes et les mots (14 activités, 45 séances, pages 88 à 118 et fiches F1 à 45)

    ⇔ Juin : Les premières lectures (4 activités, 11 séances, pages 122 à 135 et fiches G1 à G8)

    Si avec tout ça, vos collègues de CP vous reprochent de ne pas leur avoir appris l'alphabet ou de ne pas savoir à quel type d'écrit appartiennent les prospectus et les tickets de caisse, je vous rassure, ce sont bien eux les râleurs et pas vous les paresseux !

    Petit conseil d'amie

    Rome ne s'est pas faite en un jour. On ne veut pas obtenir tout de suite des élèves capables de lire et d'écrire. À l'aube de la Grande Section, ils ont devant eux une vingtaine de mois pour y arriver, soit environ un tiers de la durée de leur vie actuelle. C'est énorme !

    Alors, on ne s'acharne pas ! Jamais ! On continue, notre petit bonhomme de chemin, très lent, très répétitif mais qui apprend chaque jour toujours un petit quelque chose en plus. 

    Exemples :

    → Après la séance 2 de Les suites de sons, Achille, Bintou, Camille et Dagobert n'arrivent pas à mémoriser le mot « claves » : on répète et re répète, on fait répéter et re répéter et... on lâche prise au bout des 10 minutes de jeu. Ça ira mieux demain, dans la séance 3... ou pas. Mais il y aura des centaines d'occasions dans l'année d'apprendre des mots nouveaux et de les répéter et re répéter.

    → Pendant la séance 1 de Écriture de syllabes et de mots, Elif, Fantine, Gabriel et Hippolyte choisissent les bonnes lettres mais les placent dans le désordre sur leur présentoir, malgré les« balayages » successifs et le pointage des syllabes de gauche à droite... On lâche prise une fois les 15 minutes prévues écoulées. Ça ira mieux demain, dans la séance 2... ou pas. Mais il y aura des dizaines d'occasions dans les semaines à venir d'apprendre à coder de gauche à droite les syllabes qu'on prononce lentement...
    Et puis, aussi, comme nous faisons le même travail, tous les jours en écriture, ce sera des occasions supplémentaires pour comprendre que la langue française se code ainsi.
    Sans compter toutes les activités sportives, créatives, mathématiques, langagières pendant lesquelles on apprend à faire se succéder les actions, les éléments, les mots dans un ordre précis.
    Enfin, sinon, ce qui aura été fait en GS sera un tremplin pour le CP, quand Elif, Fantine, Gabriel et Hippolyte auront pris quelques mois de maturité spatiale de plus.

    → À l'issue de la séance Le soleil, dans J'apprends à tenir mon crayon, Ilan, Jalila, Kévin et Luccia reprennent systématiquement leur crayon en plaçant leur majeur sur leur index. Au bout des 5 minutes d'exercice, on lâche prise jusqu'à la prochaine occasion de tenir un crayon où, après avoir rappelé aux autres enfants Le soleil, on s'installe successivement à côté d'Ilan, puis de Jalila, de Kévin et enfinde Luccia et on trace les deux points bleus, on leur fait faire le soleil, on coince le crayon entre les points, on leur fait lever l'index, puis, en leur rappelant que leurs doigts doivent rester en soleil, on leur fait poser le bras puis l'index doucement. Et on se prépare à renouveler cette remédiation tous les jours, à toutes les occasions de la journée de classe où ils prendront un crayon, ou un pinceau.
    Les jours et les semaines suivantes, on garde ces quatre enfants avec le groupe, mais plus près de nous que leurs camarades, pour voir comment ils acceptent les contraintes de La fléchette, puis du Yoyo, des Barreaux, etc.

    Une suggestion d'emploi du temps

    Vous la trouverez ici : GS : Emploi du temps 

    Ce n'est qu'une idée, elle peut s'adapter aux circonstances locales. L'important est de garder, autant que faire se peut, chaque jour la même succession d'activités toujours dans le même ordre.

    Et surtout, ...

    ... n'hésitez pas à me poser des questions, à me demander une journée-type, etc. Je vous répondrai avec plaisir, tant je trouve triste ces enfants de CP qui, après trois mois de classe, peinent encore à utiliser spontanément l'écriture cursive pour écrire, ou qui à la moindre anicroche reviennent à ce qu'on leur a enfoncé inutilement dans le crâne pendant trois ans, et tant me peinent ces collègues qui croient toujours que c'est parce qu'ils « ne connaissaient pas leur (sic) alphabet » que certains de leurs élèves sont en échec en lecture.

    PS : C'est pareil en mathématiques, et en exploration du monde. Je pourrai développer...


    14 commentaires
  • Français au CE1
    Extrait de Lecture et Expression au CE

      Pour clarifier au maximum, un PE de CE1 intéressé par tout ou partie des méthodes proposées sur ce blog peut choisir une et une seule des options suivantes (en italiques, ce qui ne fait pas partie des méthodes proposées) :

    Option 1 :

    Lecture et production d'écrits : Lecture et Expression au CE

    + Dictées :  Dictées Lecture et Expression

    + Grammaire, conjugaison, vocabulaire, orthographe : Fichier d'Étude de la Langue  

    Option  2 :

    Lecture et production d'écrits : Lecture et Expression au CE

    + Orthographe et dictées : Orthographe graphémique

    + Grammaire conjugaison : Du mot vers la phrase

    Option  3 : 

    Lecture et production d'écrits : Lecture et Expression au CE

    + Orthographe et dictées : Orthographe graphémique

    + Grammaire conjugaison : une  méthode de son choix (Picot, Retz, Cléo, etc.)

    Merci à Amélie qui m'a signalé cet oubli.

    Option  4 : 

    Lecture et production d'écrits : Lecture et Expression au CE

    + Grammaire, conjugaison, orthographe, vocabulaire, dictées : une ou des méthodes de son choix (Picot, Retz, Cléo, etc.)

    Option 5 :

     Lecture, vocabulaire et productions d'écrits : une méthode de son choix (albums, Étincelle, Piano, etc.)

    + Orthographe et dictées : Orthographe graphémique
     

     + Grammaire conjugaison : Du mot vers la phrase

    Option 6 :

    Lecture et productions d'écrits : une méthode de son choix (albums, Étincelle, Piano, etc.)

    + Orthographe et dictées : Orthographe graphémique

    + Grammaire, conjugaison, orthographe, vocabulaire : une ou des méthodes de son choix (Picot, Retz, Cléo, etc.)

    Option 7 :

    Lecture et productions d'écrits : une méthode de son choix (albums, Étincelle, Piano, etc.)

    + Orthographe et dictées : une méthode de son choix (Picot, Zaubette, Lutin Bazar, Bout de Gomme, etc.)

    + Grammaire conjugaison : Du mot vers la phrase 

    Option 8* :

    ( * : Nécessitant une modification des contenus de Du mot vers la phrase ou des Dictées Lecture et Expression)

    Lecture et production d'écrits : Lecture et Expression au CE

    + Dictées :  Dictées Lecture et Expression (à récrire aux temps étudiés en grammaire ou à donner telles quelles après avoir ajouté les formes verbales employées dans la dictée à la liste des mots à apprendre)

    + Grammaire conjugaison : Du mot vers la phrase  (progression à modifier de temps en temps pour adapter les connaissances réellement étudiées en grammaire au contenu des connaissances révisées par la dictée)


    41 commentaires
  • Après le CP, la lecture...

    Encore la lecture, pffff, me direz-vous... Bah oui, encore... Parce qu'il n'y a pas un seul jour qui passe sans que, ici ou ailleurs, je lise au moins une des phrases issues de ce florilège.

    Florilège sur la lecture

    Dans le désordre, exprès, parce que c'est plus frappant...

    ♠ Et en compréhension, qu'est-ce que vous faites ?

    ♠ Au CE1, est-ce qu'il faut revoir tout le code ?

    ♠ Je cherche un outil pour travailler la fluence...

    ♠ Au CE2, est-ce qu'il faut revoir tout le code ?

    ♠ J'ai « Pecorino » pour la compréhension mais qu'est-ce que je dois prendre pour la fluence ?

    ♠ Au CM1, est-ce qu'il faut revoir tout le code ?...

    ♠ J'ai « Tricératops » pour la fluence mais qu'est-ce que je dois prendre pour la compréhension ?

    ♠ Au CM2, est-ce qu'il faut revoir tout le code ?...

    ♠ Pourquoi y a-t-il de la grammaire et de la conjugaison dans votre manuel de lecture ?

    ♠ Combien de fois par semaine doit-on faire lire des élèves de CM2 ?

    ♠ Où sont travaillés les sons que vous avez mis dans la partie « Nous savons lire » de Lecture et Expression au CE ?

    ♠ Combien de fois par semaine doit-on faire lire des élèves de CM1 ?

    ♠ Au CE2, je fais compréhension le lundi, fluence le mardi, lecture d'inférences le jeudi et littérature le vendredi, faut-il que je rajoute un créneau code et si oui, quand ?

    ... et tant d'autres que je rajouterai au hasard des rencontres...

    Descendez de vélo et regardez-vous pédaler

    Soit la phrase :

    Actuellement vous êtes en train de lire.

    Rien qu'en lisant cette phrase vous venez de décoder :

    → une fois les graphèmes simples : a, c, u, m, v, ê, d, i

    → deux fois le graphème simple : l, r

    → plus de deux fois les graphèmes simples : t, e

    → une fois les graphèmes complexes : ou = [u], e suivi d'une consonne = [ɛ], ain = [ɛ̃]

    → deux fois le graphème complexe : en = [ã]

    → deux fois le morphème grammatical s rendu sonore (= [z])

    Votre cerveau a ainsi réactivé 26 souvenirs issus de l'année de votre CP (ou avant pour ceux qui ont appris, seuls ou aidés de leurs parents, frères et sœurs, grands-parents, etc. un peu ou beaucoup plus tôt). En une seule phrase. Et sans efforts.

    Vous venez aussi de comprendre

    → que je parlais d'aujourd'hui et maintenant...

    → que je m'adressais à vous

    → que cette phrase décrivait une action que vous pratiquiez à l'instant présent

    → que cette action était liée au domaine de la lecture

    que cette phrase était juste la déclaration d'un fait avéré.

    Normalement, vous avez aussi dû vous dire que c'était le début d'une explication point par point et la phrase en gras qui a suivi vous a confortés dans cette opinion.

    Pour pratiquer ces quelques inférences, vous avez utiliser vos connaissances lexicales et grammaticales

    En effet, sans rien vous dire, sans même vous alerter, parce que vous étiez occupés et non en train de vous contempler en train de pédaler et qu'il est bien élevé, votre cerveau a analysé chacun des mots, puis chacun des groupes que vos yeux lisaient et semblaient comprendre seuls. 

    Écoutons-le parler :

    Actuellement

    Ah, la phrase commence, il y a une majuscule

    Ce mot finit par ment et il n'est pas précédé d'un article ou autre déterminant, c'est donc un adverbe

    Comme il est composé à partir de l'adjectif actuel qui appartient au champ lexical du temps, c'est donc un adverbe de temps

    ♣ Je comprends donc que Doublecasquette veut me parler d'aujourd'hui et maintenant.

    vous

    Vous, pronom personnel, 2e personne du pluriel, ou personne de politesse dans la langue française

    ♣ Je comprends donc que Doublecasquette s'adresse soit à moi, soit à moi et à ses autres lecteurs, si elle en a d'autres que moi.

    ♠ Ceci est un point que je n’éclaircirai jamais. Une hypothèse.

    êtes en train de

    verbe être à la 2e personne du pluriel, temps présent de l'indicatif, suivi de la locution en train de

    → celle locution   devait être suivie d'un verbe à l'infinitif, auquel cas elle marquera une action  en cours, le fait qu'on soit occupé à faire quelque chose.

    ♣ Je commence donc à vraiment comprendre que Doublecasquette s'adresse soit à moi, pour me décrire ma propre action... qui est de :

    ♥ lire

    voilà, un verbe à l'infinitif, dont je connais la signification depuis bien quelques années, même si cette signification a été un peu bousculée depuis par mes années d'IUFM, ESPE ou INSPE, puis par la lecture des grands auteurs que l'on m'y a recommandés.

    ♣ Je comprends donc que Doublecasquette, après avoir fixé le temps de l'action par l'adverbe Actuellement, placé en début de phrase et donc débuté par une majuscule, s'est adressée à moi pour me dire que l'action que j'accomplissais était la lecture.

    ♥ . (point)

    → La phrase est déclarative puisqu'elle se termine pas un point. Ce n'est ni une interrogation, ni une exclamation. Et, contrairement à son habitude chérie, elle le déclare objectivement, sans sous-entendus puisqu'elle n'use pas de son signe de ponctuation préféré : les points de suspension. 

    → Ma culture littéraire me dit que ça me fait un peu penser, mais alors un tout petit peu à cette phrase célèbre, incipit de Du côté de chez Swann (1913), premier tome du roman À la recherche du temps perdu de l'écrivain français Marcel Proust, « Longtemps, je me suis couché de bonne heure.» Même construction grammaticale, même côté banal... Sans doute une influence littéraire involontaire.

     

    ♣ Je comprends donc que Doublecasquette vient de me balader pendant sept mots et un point de suspension pour juste me déclarer que j'étais en train de faire ce que j'étais en train de faire ! Allez hop,la suite, ça suffit maintenant !

    Vous l'avez certainement lue assez vite

    ... quitte à y revenir ensuite si toutefois cette lecture se révélait trop rapide.

    En effet, vous savez que la Doublecasquette a une propension à s'étaler dans ses discours et vous n'avez pas que ça à faire.

    Vous avez donc usé raisonnablement de la fluence dont on nous rebat les oreilles depuis quelques courtes années (avant ça s'appelait « lecture courante » ou « lecture fluide », mais ça sous-entendait beaucoup, beaucoup plus de choses que cette fluence qu'on la travaille avec Giganotosaurus, Trabosaurus ou Acrocanthosaurus).

    En conclusion :

    Pour lire, nous usons en même temps :

    → de notre connaissance du code

    → de notre capacité à comprendre le discours

    → capacité hautement renforcée par notre connaissance du lexique et de la construction grammaticale de notre langue

    → de l'automatisation conjointe de toutes ces compétences pour lire vite ce qui est facile à comprendre, quitte à y revenir si le besoin s'en faisait sentir.

    Apprenons à nos élèves à pédaler !

    A) Le code :

    Au CP,

    ... nos élèves, les vôtres, ont appris à décoder et encoder. Normalement. Ce n'est pas encore parfait mais, normalement, ils ont appris.

    Ils auraient aussi dû apprendre à comprendre ce qu'ils lisaient. Normalement. Ce n'est pas encore parfait mais, normalement, ils ont appris.

    Mais tout cela reste encore très primaire.Ce qui est normal, surtout cette année où, pour certains, le CP n'a duré qu'à peine 6 mois et demi, au lieu des 10 réglementaires !

    Petit a parte en direction des collègues de CP :

    Pour ceux chez qui ce serait encore beaucoup trop primaire au niveau du code, je rappelle aux collègues de CP qui promèneraient par ici que l'apprentissage de celui-ci aurait dû commencer le 1er septembre de l'année dernière pour être mené tambour battant de manière à n'avoir plus besoin que de quelques finitions après le 16 mars.

    À se rappeler cette année, chaque fois qu'on interrompt l'étude du code pour la semaine du goût, la lecture de l'album de Noël, la préparation de la visite à la bibliothèque municipale, le rallye lecture de la circo, la séance de grammaire à l'aide d'un outil clé en main dans lequel chaque séance est parfaitement détaillée ou l'écriture inventée dans le cahier de l'écrivain :

    Au CP l'étude du code est la base indispensable
    sur laquelle se greffent toutes les autres activités.
    Il y va de l'avenir de lecteurs de tous mes élèves,
    même ceux qui sont désavantagés
    par leur milieu familial et social.

    Donc, le code, c'est primaire, mais c'est réglé. Si hélas, en ce début de CE1, ça ne l'est pas, voir ici :  CE1 : Non-lecteurs à la rentrée ? et  là : CE1 : Lecture, rentrée 2020.

    Pour les autres, ceux qui sont des CE1, CE2, CM1 ou CM2 lambdas,

    Le code, c'est un petit rappel de temps en temps, parce qu'Enzo a lu [Rã-aR]au lieu de [RœnaR], que Léna a dit [ʒɑʀɑʒ] au lieu de [ɡɑʀɑʒ] ou qu'Alix a lu [ʃœʀ] au lieu de [kœR].

    C'est pourquoi dans Lecture et Expression au CE, il y a presque dans chaque double page (une journée de travail) ce petit paragraphe « Nous savons lire » :

    Après le CP, la lecture...

     C'est un paragraphe à faire lire, tronçon par tronçon, par 5 élèves successifs, puis tous en chœur pourquoi pas, de manière à faire revenir à la surface un souvenir précis de cette année de CP, celle du jour où le titre de la leçon de code était justement : le son ouille.

    Après le CE1 et parfois le CE2, dans une classe de CM on peut s'en inspirer et faire lire très vite, cinq ou six mots rappelant à Léna que la lettre g suivie de a se prononce [gɑ] et non [ʒɑ] ou à Alix que la graphie ch se prononce parfois [k] dans certains mots, souvent savants, issus du grec ancien.

    On fait donc du code, mais jamais seul.
    C'est du code pour comprendre, obligatoirement.
    Sinon, on ne donne aux élèves que le pédalier,
    sans la chaîne, ni les roues, ni la selle, ni le cadre.

    B) La compréhension

    Au CP,

    ... nos élèves, les vôtres, ont aussi dû apprendre à comprendre ce qu'ils lisaient. Normalement. Ce n'est pas encore parfait mais, normalement, ils ont appris.

    Ça a commencé petitement, avec des phrases d'une nullité affligeante du style « Lola a salé la salade. », « L'âne Coco a rué. » et autres « Lassé, Issa s'assit. »

    Normalement leur enseignant les ont rendues un peu moins imbuvables ces phrases en laissant leurs petits élèves s'exprimer un peu et donner leur point de vue sur ces déclarations tout aussi passionnantes que « Longtemps, je me suis couché de bonne heure ».

    – C'est Lola, eh ben, elle a mis du sel.

    – Ouais, elle a salé la salade. Paske elle était pas bonne.

    C'est pas bon la salade quand c'est pas salé.

    – Ma mamie, elle a dit que le sel, c'est pas bon pour la santé.

    – Pfff ! N'importe quoi, l'autre ! Bah si, y faut en mettre du sel dans la salade. Tu vas pas mettre du sucre, non ?

    – Oui mais ma mamie, elle a dit qu'y faut pas en mettre trop. Hein maîtresse, qu'y faut pas en mettre trop, du sel, dans la salade ?

    – Ouais, c'est vrai d'abord. Y le disent à la télé. Y faut pas manger trop de chips paske c'est trop gras, trop salé, trop sucré. Y l'ont dit, d'abord !

    Si ça n'a pas été fait et que le décodage a servi à décoder et puis c'est tout, et que la compréhension a été pratiquée sur d'autres textes, certes beaucoup moins primaires, mais aussi beaucoup plus éloignés des capacités de lecture de l'enfant, tels que (septembre CP) :

    Ce matin, c’est la rentrée. Pauline s’est réveillée la première.

    Elle se lève et elle va secouer sa maman qui dort encore.

    Elle lui dit:

    - Réveille-toi, Maman! Allons, c’est l’heure, on va être en retard à l’école!

    Mais sa maman s’enfonce le visage dans son oreiller et elle répond:

    - Non, non et non. Je ne veux pas. Pas déjà! Il est trop tôt. Et puis j’ai encore envie de me promener avec toi, d’aller nager et de jouer avec ton papa. Non, non et non. Je ne veux pas aller à l’école.

    Pauline dit doucement:

    - Voyons, maman, sois raisonnable. Allez, lève-toi! Tu es grande tout de même. Tu sais très

    bien que l’été ne peut pas durer toujours. Et après l’été, qu’est ce que c’est ? C’est l’automne! Et à l’automne, qu’est ce qu’il y a? La rentrée! Voilà. C’est tout! C’est comme ça!

    Alors, la maman se lève en ronchonnant. Elle laisse au placard le short rouge, son maillot de

    bain vert, ses sandales blanches et son sac de plage en plastique. Elle enfile sa jupe grise. Elle s’énerve un peu parce qu’elle n’arrive pas à l’agrafer:

    - S’il te plaît, aide-moi, Pauline. Et cherche mon sac et mes clés.

    Elle enfile son imper et ses bottes et elle prend son sac que Pauline a trouvé.

    Elle dit d’un air boudeur:

    - Je suis prête.

    Et les voilà parties.

    Et qu'en fin d'année, ils continuaient à lire d'un côté des « L'écureuil s'est caché sous les feuilles. - La grenouille se mouille. - Il y a un fauteuil dans le fond du cercueil. - Le cerfeuil a protégé le bouvreuil qui avait trop d'orgueil. » et de l'autre à ne chercher à comprendre que des textes lus par un tiers, il va très certainement falloir insister pour que ça devienne automatique et qu'ils bronchent, tels que nous quand nous leur donnerons à lire des horreurs dans lesquels des fauteuils traînent au fond des cercueils !

    Mais ce qu'il y a de bien, par rapport au code, c'est que ça peut venir très vite, dès la première lecture de l'année, le premier jour de l'année.

    Parce que, pour les CE1, CE2, CM1 ou CM2 lambdas,

    La compréhension, c'est la grande affaire de toute l'année !

    On ne lit que pour comprendre et tout ce qu'on lit, depuis la page de lecture du jour (allez, deux, quand on est au CM, écrites petit, en Verdana 8 ou 9, sur du A4) jusqu'à la liste du travail à faire le soir à la maison qu'on recopie sur son agenda, en passant par les consignes des exercices écrits, en français et en mathématiques, les textes qu'on lit en histoire, en géographie, en sciences, en EMC, les paroles des chants et des poésies qu'on apprend, les règles du jeu que nous allons pratiqué en EPS et même les affichages qui recouvrent les panneaux d'affichage en classe, dans les couloir, sous le préau, dans les toilettes et devant le portail !

    Et cette compréhension est enrichie jour après jour

    ♥ Par tout le lexique que nous accumulons au cours des ces dizaines d'occasion d'acculturation qui donnent à l'école sa raison d'être.

    ♥ Par tout le travail que nous faisons autour de ce lexique, tout ce qui nous mène à analyser chaque mot pour déterminer :

    ⇒ sa famille, et le mot racine qui détermine son radical,

    ⇒ l'éventuelle présence de préfixe ou de suffixe, lexicaux ou grammaticaux,

    ⇒ ses éventuels homonymes et leur orthographe qui nous permet de les distinguer,

    ⇒ ses synonymes et leur potentielle variation de registre ou d'intensité...

    ♥ Par les remarques orthographiques que cela nous a amenés à approfondir, dégageant ainsi des règles que nous retrouvons, avec d'autres mots, au cours d'autres lectures,

    ♥ Par les marques grammaticales audibles ou simplement visibles que nous engrangeons sans même nous en rendre compte, lecture après lecture, et que l'enseignant peut pointer de temps en temps pour enrichir l'expression orale et écrite.

    Petit a parte grammatical,

    Les élèves des années 2000 étudient le passé simple au CM2, uniquement quand c'est possible, et multiplient les pataquès jusque très tard... Pourquoi ? Parce que la littérature de jeunesse est la seule survivante des occasions de lecture des enfants à l'école. Et qu'elle utilise très peu le passé simple.
    Redonnons aux enfants des textes écrits au passé simple, en plus de la littérature de jeunesse, depuis le CP, et nous aurons à nouveau des élèves de CM1 qui maîtriseront l'écriture des formes verbales du passé simple.

    La grammaire comme l'orthographe font partie de notre langue. Apprendre à la lire, c'est aussi apprendre à prêter attention aux petits signes grammaticaux et aux régularités orthographiques qui nous permettent de comprendre, même si on ne connaît pas le mot, qu'un plaqueminier qu'on trouve au bord d'un jardin a de grandes chances d'être, en raison du suffixe -ier, soit un arbre, soit un ouvrier chargé d'une tâche précise et qu'il va s'agir d'être attentif aux indices si on veut s'éviter d'avoir à chercher sa définition dans un énorme bouquin d'un millier de pages ou de perdre cinq précieuses minutes à naviguer sur Internet pour faire la même recherche.

    On fait donc de la compréhension tout le temps,
    chaque fois qu'on lit
    sur tous les textes qu'on lit.
    Pas plus besoin d'avoir un manuel de compréhension
    que d'avoir un manuel de code.

    Et ce travail sur la compréhension
    doit nécessairement nous amener
    à faire des observations lexicales,
    orthographiques et grammaticales,
    puis un entraînement spécifique court
    pendant la séance de lecture.

    C) La fluence

    Ou plutôt la lecture fluide ou lecture courante est le résultat de la combinaison des deux précédentes composantes.

    Il en découle qu'on ne devrait pas faire travailler la fluence à part, que ce soit sur des syllabes, des mots, des phrases ou des textes.

    Le risque est grand qu'un enfant, et sa famille, croie qu'il y a une troisième attitude à adopter, en plus des deux que les méthodes récentes ont parfois installées dans son esprit.

    Et même s'il est le seul exemplaire dans la classe, c'est encore un exemplaire de trop.

    Comme nous, tout à l'heure, avec notre phrase d'en-tête, notre enfant aura à cœur de lire de plus en plus vite s'il sait que tous les jours, nous allons lire en classe de grandes quantités d'écrit : la double page de lecture, parfois la triple chez les CM plus tout le reste, en français, en mathématiques, en histoire, sciences, géographie et EMC, et parfois même en sport, en musique et en arts plastiques !

    Et il lira de plus en plus vite :

    → parce que nous l'avons encouragé et aidé à compléter sa connaissance du code souvent, sur du signifiant qui lui sert de viatique (c'est le [k] de "chœur", c'est le [ga] de "garage", ...),

    → parce que nous lui avons inculqué que tout signe écrit, toute mot, toute phrase sont là pour être lus, analysés, rapprochés de notions connus... compris en somme,

    → parce que nous l'avons aidé à s'y retrouver dans le maquis du lexique, de l'orthographe et de la grammaire de notre langue et que ses repères y sont de plus en plus précis et efficients.

    Et c'est ainsi que nous avons fabriqué
    un enfant lecteur,
    qui, comme nous, constate
    en se regardant pédaler
    que pour faire du vélo,
    il faut un vélo entier
    et non des objets en kit
    qu'on ne sait pas forcément
    assembler.


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