• Musique et expression en maternelle

    Écoute musicale et expression corporelle en maternelle
    Merci à Sophie Borgnet pour son illustration

    M. Blanquer, Ministre de l'Éducation Nationales, réaffirme l'importance de la musique et du chant à l'école primaire et souhaite réactiver l'un des nombreux plans nationaux, régionaux ou départementaux que j'ai connus au cours de ma carrière visant à favoriser la création de chorales dans les écoles.

    Certains collègues pointent cependant sur les réseaux sociaux l'absence totale de formation des enseignants en ce domaine et le peu d'appui qu'ils trouvent dans leurs circonscriptions.
    En effet, il y a bien longtemps que la plupart des postes de CPEM (conseillers pédagogiques en éducation musicale) ont disparu, comme ont disparu les animations pédagogiques ou les stages départementaux ayant pour thème la musique et particulièrement le chant.

    Ce qui fait qu'il n'y a de chorales que dans les écoles où quelques professeurs des écoles, en exercice ou retraités, animent de leur propre chef ce type de structure. À moins que ce ne soient les mairies qui, pour faire vivre leurs écoles de musique et conservatoires municipaux, envoient des professeurs de musique chargés de ces enseignements pendant le temps scolaires (de plus en plus rare depuis que les TAP obligatoires ont contraint les conseils municipaux à des dépenses supplémentaires importantes).

    Ce projet de chorale est extrêmement formateur et permet tant des apprentissages musicaux que des apprentissages sociaux et comportementaux.

    En Maternelle et au CP, c'est par le chant et l'écoute musicale que passe le plus souvent la prise de conscience phonologique tout comme c'est par le rythme que s'installent les capacités à dénombrer et calculer.

    Je contribue donc à l'effort national en faveur du chant choral en vous offrant le chapitre XIII de Pour une Maternelle du XXIe Siècle, consacré plus largement à l'apprentissage musical en général.
    L'une de ses annexes (Comment leur apprendre à chanter) est tout aussi valable pour les grandes classes de l'Élémentaire que pour les petites.

    J'espère que ces quelques conseils permettront à mes jeunes collègues d'oser se lancer et de regrouper deux ou trois classes et même plus pour créer un chœur d'enfants au sein de leur école.

    Nota Bene : Cet article avait déjà été publié en décembre  2016 mais je trouve judicieux de le remettre en « tête de gondole » aujourd'hui.
    À signaler aussi : Musique chez les petits et Encore musique qui racontent tous deux une séance de musique en classe de cycle I (maternelle + CP).

    XIII - L’enseignement du chant

    Le chant, base éducatrice dans de nombreux pays - La musique, un art à haute portée éducatrice. - Il faudrait des instruments dans toutes les écoles. - Pour que les enfants chantent. - Pourquoi les enfants doivent chanter : paroles et musique. - Les PE ne sont pas tous musiciens. - Une lacune de la formation des maîtres.

    ANNEXES : Comment leur enseigner à chanter. De l’écoute musicale à l’expression corporelle.

    Dans de nombreux pays[1], il existe une longue tradition d’enseignement musical basé sur le chant dès le plus jeune âge. Cet apprentissage est souvent accompagné de pratique instrumentale grâce à un instrumentarium simple. C’est pour eux une des bases fondamentales de l’éducation enfantine. Des méthodes actives[2] y ont été appliquées dès la première moitié du XXe siècle. Les élèves apprennent à écouter, chanter et bouger pour découvrir intuitivement des notions qu’ils apprendront ensuite à noter.

    La prise de contact privilégie les exercices sensoriels. On utilise la voix, le langage et toutes ses déclinaisons : les cris, les onomatopées. On introduit le chant grâce à des mélodies élémentaires, des rythmes courts facilement mémorisables. C’est par lui que l’oreille s’affine, que l’on apprend à moduler sa voix, à enrichir l’expression orale.  

    L’éducation motrice et la découverte du schéma corporel s’articulent autour d’exercices d’expression, de danses folkloriques traditionnelles, d’écoute active. Les élèves élaborent avec l’aide de leur professeur des chorégraphies traduisant cette écoute en gestes.

    La percussion corporelle est souvent le premier instrument de la musique élémentaire. On y ajoute rapidement les instruments à percussion, d’abord très simples[3]  puis plus complexes[4], car ils complètent la notion intuitive de durée par celle de hauteur.

    Le rythme, dénominateur commun des activités liées au mouvement, au langage et à la musique en est un élément primordial. La pratique des instruments permet, quant à elle, d’élargir le champ des expérimentations. Les notions intuitives de hauteur, durée, intensité et timbre sont ensuite consolidées par des jeux, des mouvements, des chansons, des exercices...  

    La musique permet de développer l'écoute, le sens rythmique, la motricité, la mémoire et la concentration de l'enfant de manière ludique et agréable. Toutes ces capacités le serviront ensuite dans tous les domaines au cours de sa scolarité. En programmant chaque jour un moment de chant et un moment d’expression corporelle, la Classe des Petits a pu rendre nos élèves réceptifs à nos exercices.

    Ils peuvent maintenant se contenter d’une ou deux séances hebdomadaires longues, au cours desquelles ils approfondiront leurs connaissances intuitives. Ils pourront alors chercher à s’observer et à observer le groupe pour affiner leur production, leur interprétation, leur écoute. L’une de ces séances sera consacrée au chant et au rythme et l’autre au rythme et à l’expression corporelle.

     Pour qu’un enfant chante bien et aime chanter, il faut lui proposer un répertoire à sa mesure. Comme en littérature, ce n’est pas en commençant par la fin qu’on obtiendra que tous accèdent à un niveau correct d’interprétation. C’est en visant au plus simple qu’on accompagnera le plaisir de chanter de l’envie d’apprendre de nouvelles choses. La méthode Kodaly[5] base l’apprentissage de la musique sur le chant. Elle prend pour point de départ le chant folklorique, choisi pour ses qualités de simplicité rythmique et vocale[6]. Cette méthode a été adaptée au répertoire français[7]. Même sans grande culture musicale, on peut y suivre une progression qui ne mettra pas les trois quarts de nos élèves sur la touche en visant trop haut tant rythmiquement que vocalement.

    Les enfants enrichiront leur vocabulaire au fil des thèmes et des chansons. Ils découvriront et utiliseront des tournures de phrases plus recherchées, des temps verbaux rares. Ils expérimenteront et compléteront d’eux-mêmes des jeux de langage (rimes, allitérations, …).

    Pour ce faire, ils seront aidés par la mélodie et le rythme qui fixent un cadre et soutiennent l’effort de mémorisation. Leurs sens s’affineront et ils discrimineront plus aisément les sons[8]. Ils reproduiront des formules rythmiques et acquerront une maîtrise corporelle et un rythme intérieur qui les rendront capable d’agir posément, sans précipitation.

    Malheureusement, les études musicales sont peu développées chez nous. De plus, elles sont de moins en moins basées sur une instruction musicale simple et concrète. Le désir d’aller toujours plus loin et d’offrir un tremplin aux recherches contemporaines a parfois tué chez les professeurs de musique le besoin de démarrer par des bases solides.

    Celles-ci permettaient pourtant à tout futur professeur des écoles de se servir de sa voix ou d’un instrument de musique pour déchiffrer une partition. Il savait juger si le niveau mélodique et rythmique correspondait aux capacités vocales de ses élèves. Il pouvait même, parfois, trouver seul un accompagnement instrumental qui favoriserait chez ses élèves de nouvelles acquisitions. Il était ainsi capable d’établir une progression dans les acquisitions vocales et rythmiques de ses classes.

    C’est pourquoi des méthodes simples, proposant une progression claire et éprouvée, sont précieuses. La meilleure évaluation de la méthode que nous utiliserons, ce seront nos élèves qui nous la fourniront. Nous vérifierons que tous chantent, de plus en plus juste, pendant la séance de chant, et même seuls, pour le plaisir. Nous nous assurerons qu’ils progressent tous dans les activités rythmiques. Nous noterons qu’ils écoutent attentivement les extraits musicaux que nous leur proposons et qu’ils sont ensuite capables de les analyser en phrases musicales qu’ils repèrent seuls. Si de plus, ils proposent et savent reproduire un jeu chorégraphique, la méthode est bonne !

    ANNEXES

    I) Comment leur enseigner à chanter[9]

    Il est tout d’abord nécessaire de prendre en considération les possibilités vocales et rythmiques des enfants:

    - l’enfant ne peut chanter ni trop grave, ni trop aigu. Il nous faut donc veiller à situer l’étendue du chant dans les limites de ces intervalles (de ré à si en PS, de do à do en MS, de do à ré en GS)

    - l’enfant ne peut chanter ni trop lentement, ni trop vite. Son tempo naturel, lié à son rythme cardiaque, est vif, il est plus rapide que celui de l’adulte. On évoluera de 80 pulsations par minute en PS à 92 à 108 pulsations par minute en GS

    - l’enfant dispose d’une capacité respiratoire encore réduite. Sa respiration est abdominale.

    Les chants à choisir sont ceux qui développeront les capacités vocales en amenant les élèves à s’écouter chanter. Ils apprendront à :

    -  varier l’intensité,

    - reconnaître un chant à sa mélodie,

    - le chanter sans les paroles,

    - le chanter en changeant la hauteur de la note de départ, tout en restant dans le cadre des possibilités vocales d’enfants de cinq à sept ans.

    On veillera à ce que le tempo corresponde aussi à leurs capacités et on travaillera leur développement par des jeux chantés s’appuyant sur une pulsation frappée, plus ou moins rapide. Ces exercices pourront s’accompagner de marches, de trots, de galops, de courses, de sautillés qui aideront les élèves à percevoir et reproduire les différents rythmes.

    Les frappés de mains et l’utilisation d’un petit instrumentarium aideront aussi à percevoir et reproduire ces rythmes. De la même manière qu’on peut faire reconnaître un chant à sa mélodie, il est possible de le faire reconnaître à son rythme. Les élèves peuvent aussi être entraînés à le jouer sans les paroles, simplement en en frappant le rythme.

    Les élèves de maternelle apprennent les chansons par audition. Ils écoutent une comptine ou une chanson interprétée plusieurs fois par l’enseignant puis ils en reproduisent chaque phrase l’une après l’autre en imitant l’adulte. Lorsque deux phrases sont acquises, ils les chantent à la suite. On y ajoute la troisième avant de reprendre le tout et ainsi de suite jusqu’à ce que tout le premier couplet soit acquis.

    On veille toujours à la qualité du chant : sa justesse, la clarté des voix, l’intensité, la prononciation correcte des paroles.

    Un certain nombre de jeux soutiennent l’intérêt pour le chant et permettent d’en améliorer la qualité en exerçant la voix :

    - chant en écho de formules mélodiques simples, extraites de la chanson en cours d’apprentissage, chantées sur la, la, la, la… ;

    - chant dialogué en deux groupes : le premier chante la question, l’autre groupe chante la réponse ;

    - chant en relais : un premier groupe chante la première phrase, le second chante la deuxième, le premier enchaîne avec la troisième, etc. ;

    - chant avec variations, dans des limites raisonnables : de l’intensité (fort et doucement), du tempo (vite et lentement), de la tonalité (grave ou aigu).

    Les chants dialogués et es chants en relais obligent à suivre tout le chant dans sa tête, que l’on chante ou que l’on ne chante pas. Ils exercent l’audition intérieure. On peut prolonger ce travail par des exercices qui consistent à :

    - chanter un chant de plus en plus doucement,

    - commencer un chant en frappant doucement la pulsation, se taire progressivement puis chanter le dernier mot,

    - chanter un chant sur des la la la, c’est-à-dire en n’en gardant que la mélodie,

    - chanter un chant bouche fermée,

    - frapper doucement la pulsation d’un chant en chantant la première phrase, en effaçant le son des phrases suivantes, et en chantant la dernière phrase,

    -reconnaître un chant à sa mélodie chantée en entier sur la la la, ou bouche fermée, jouée sur un instrument. Lorsque les élèves sont bien entraînés, ils savent dire à quel mot de la chanson s’est arrêté l’interprète.

    Des jeux vocaux basés sur la hauteur des sons, à l’aide de la voix et d’instruments mélodiques (flûte à coulisse, carillons, métallophones, xylophones) aident les élèves à prendre conscience des notions de grave, d’aigu, de graduations du grave vers l’aigu ou de l’aigu vers le grave. En accompagnant ces jeux de déplacement de la main vers le haut ou vers le bas, ils commencent à intérioriser une notation qui s’apparente à celle réalisée à l’aide d’une portée musicale.

    Appliqués aux chants appris, ces exercices entraînent les élèves dans la direction d’un meilleur contrôle de leur voix et d’un repérage de formules mélodiques communes à plusieurs chants.

    II) De l’écoute musicale à l’expression corporelle

    A l’aide de musiques choisies pour leurs caractéristiques rythmiques marquées, on fera écouter un morceau court (deux à trois minutes) sur lequel les enfants évolueront ensuite librement. On variera le rôle de chaque groupe d’enfants au cours de la séance : ils seront alternativement danseurs et spectateurs. Entre chaque prestation, un moment sera consacré à la verbalisation expliquée ci-dessus. Ce même morceau sera réutilisé au cours de plusieurs séances consécutives :

    • Séance 1 :

    - Écoute ; danse libre (groupe classe).

    - Nouvelle écoute : un groupe danseurs / un groupe spectateurs ; commentaires ; échange des groupes ; nouveaux commentaires.

    - Nouvelle écoute précédée d’une consigne : chercher « dans sa tête » des mouvements adaptés au rythme de la mélodie.

    - La séance se terminera par la reprise d’un morceau travaillé précédemment et, au besoin, par un moment de relaxation.

    • Séance 2 :

    - Écoute ; un groupe danseurs / un groupe spectateurs ; commentaires.

    - Échange des groupes ; commentaires : l’enseignant dégage une ou deux bonnes idées.

    -Relaxation.

    • Séances 3, 4, 5... :

    - Écoute ; groupes danseurs / spectateurs.

    On dirigera un travail par segments corporels :

    - faire travailler les bras : enfants assis dans des cerceaux, avec un foulard dans chaque main

    -  danser sur place : carrés de 1 m x 1 m tracés au sol 

    - etc.

    On s’attachera à ce que chacun perçoive le rythme ou les ruptures de rythmes :

    - jeu du chef d’orchestre : la classe choisit un geste différent par phrase musicale 

    - danse libre sur le même morceau, l’enseignant se contentant de rappeler aux « étourdis » (ceux qui se laissent gagner par le plaisir du mouvement pour le mouvement) de « bien écouter si ça change »...

    • Objectif final :

    - Petit à petit, se dégagera une danse commune à tout le groupe, elle sera alors intégrée au répertoire de la classe et pourra servir, si les habitudes de l’école le réclament, au spectacle de fin d’année.

    Si en Moyenne Section, il vaut mieux choisir des morceaux où l’on reste dans le même rythme pour commencer, en Grande Section, on évoluera progressivement vers des extraits plus complexes. En fin d’année, puis l’année suivante, au Cours Préparatoire, les enfants seront capables d’élaborer puis de respecter une chorégraphie beaucoup plus travaillée avec reprises, ruptures de rythme, en en détectant les caractéristiques. Ils commenceront à reconnaître les familles d’instruments à leur timbre. On pourra prolonger ce travail par l’utilisation de la vidéo de façon à ce que les élèves voient la musique se jouer.

    Le répertoire sera varié : folklore, musique classique, contemporaine, musiques du monde[10]. Il serait bon d’éviter les chants (tout du moins en français) qui mènent le plus souvent au mime de leurs paroles.

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    Notes :

    [1] Allemagne, Suisse, Royaume Uni, Belgique, Hongrie, …

    [2] Méthodes Willems, Orff, Kodaly, …

    [3] Claves, maracas, woodblocks, tambourins, guiros, grelots, triangles…

    [4]  Xylophones, carillons, métallophones ou même claviers, violons…

    [5] http://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9thode_Kod%C3%A1ly

    [6] « Par l’étendue vocale réduite qu’ils emploient, par l’allure générale des mélodies et par le choix des intervalles et des rythmes utilisés, par leur phrasé, par leur sujet, leur vocabulaire et leur style poétiques, par les moyens moteurs qu’ils mettent en œuvre, par les ressorts d’intérêt qu’ils contiennent, ces jeux sont en effet si parfaitement adaptés à l’enfance, qu’ils sous imposent cette évidence : seuls les enfants eux-mêmes peuvent les avoir aussi bien forgés - ou reforgés - à la mesure de leurs goûts et de leurs moyens », in Les jeux enfantins du folklore français (W. Lemit, cité dans Éducation Musicale à l’école maternelle, CRDP de Poitiers)

    [7] J. Ribière-Raverlat

    [8] Voir le parti que l’on peut tirer d’une éducation musicale complète dans la première partie de la méthode De l’écoute des sons à la lecture (op. cité).

    [9] D’après Éducation Musicale à l’École Maternelle (op. cité).

    [10] Attention, au début, certaines provoquent l’hilarité générale...Leur étude, prolongée dans toute la scolarité maternelle puis élémentaire, appuyée de leçons de géographie portant  sur la diversité des cultures humaines, fera, à mon humble avis, beaucoup plus pour l’éducation à la tolérance que toutes les « Journées contre le racisme » saupoudrées par ci par là...


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  • Commentaires

    1
    Samedi 14 Janvier 2017 à 14:12
    Sébastien

    Ce livre a l'air en effet très intéressant. Du point de vue musical en tout cas, les bases sont bien posées. Reste à appliquer concrètement en classe et à tester le plus de choses possibles et leurs résultats.

    Merci pour le partage :)

      • Samedi 14 Janvier 2017 à 14:48

        Merci. J'ai essayé de poser les bases de la même manière pour tous les domaines de l'éducation préélémentaire.

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