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     Maths en stock

    L'Ours, le Renard et le pot de miel[1]

    Les CE1 lisent aux GS et aux CP :

    L'Ours s'est endormi, le museau sur les pattes.
    "Toc ! Toc ! (Le Renard frappe le plancher avec sa queue.)
    - Qui est là ? demande l'Ours. Qui a frappé ?
    - Ce sont mes amis qui viennent me chercher pour aller à un baptême, répond le Renard.
    - Eh bien, vas-y, compère, dit l'Ours qui se rendort."
    Le Renard sort, grimpe au grenier, se gorge de miel et revient se coucher.
    "Compère, eh ! compère ! comment avez-vous baptisé le nouveau-né ? demande l'Ours.
    - Quart-de-pot, réponde le Renard.
    - C'est un drôle de nom, grogne l'Ours ; mais après tout, pourquoi pas ?"

    Après quelques explications sur le baptême, religieux ou républicain, nous voici en train d'expliquer le prénom du nouveau-né. J'ai sorti la boîte de jeu où une sphère et un cube sont fractionnés en parts égales (moitiés, tiers, quarts et unité entière, si mes souvenirs sont bons). Chaque part renferme un aimant, ce qui permet partages et reconstitutions faciles.

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    - Le renard, il a mangé tout le miel de l'ours.
    - Non, pas tout, la moitié !
    - Il a mangé du miel et il est revenu se coucher.
    - Comment a-t-il dit que le nouveau-né s'appelait. Quel nom lui a-t-on donné à son baptême ?
    - Ils l'ont appelé Quart-de-Pot.
    - Qu'est-ce que cela signifie Quart de pot ?
    - Ça veut dire la moitié.
    - Les grands, êtes-vous d'accord ? Est-ce qu'un quart, c'est pareil qu'une moitié ? Qui peut expliquer aux petits ?
    - Un quart, c'est la moitié de la moitié.
    - C'est quand on coupe en quatre. On l'entend qua-qua-qua-quart, qua-qua-qua-quatre.
    - Voilà, très bien. Un quart, c'est quand on coupe en quatre parts égales. Regardez ce cube. Il se partage en quatre parties : une... encore une... encore une... encore une. Quatre quarts. Celui-là, c'est un quart du cube ; celui-ci, un autre quart, celui-là, encore un quart ; et voici le quatrième quart.
    - Le renard, il en a mangé qu'un, de quart, alors il en reste trois. Trois quarts, il reste. - Oui, très bien, c'est ça. Il a mangé ce quart-là, et il reste les trois autres quarts dans le pot de miel. Vous avez très bien compris, nous pouvons continuer l'histoire de l'Ours et du Renard...

    La nuit suivante, les deux amis se couchent de nouveau. Et de nouveau, toc ! toc ! le renard frappe le sol avec sa queue...
    "Compère Ours, compère Ours, mes amis viennent me chercher pour un autre baptême...
    - Eh bien ! vas-y, compère, vas-y, répond l'Ours."
    Le Renard retourne au grenier, vide le pot de miel  jusqu'à la moitié, puis revient se coucher[2]
    .
    "Compère, eh ! compère ! comment l'avez-vous baptisé, celui-là ? demande l'Ours.
    - Demi-Pot, répond le Renard.
    - Demi-pot ? C'est encore un drôle de nom... Mais pourquoi pas, après tout", grogne l'Ours. Et il se rendort.

    - Il en a mangé la moitié ! Il a mangé la moitié du pot de miel maintenant !
    - Ah bon ? Comment sais-tu ça ?
    - Un demi, c'est la moitié. Demi-pot, ça veut dire la moitié du pot de miel.
    - Il faut que tu enlèves encore du miel à ton cube.
    - Oui, il faut qu'il reste que la moitié. Enlève encore un truc.
    - Un quartier, tu enlèves !
    - Un quart. Ça s'appelle un quart. L'autre bébé, il s'appelle Quart-de-Pot, alors, c'est un quart.
    - Voilà. Tu as enlevé deux quarts et il reste deux quarts.
    - T'as vu, maîtresse, c'est rigolo : deux quarts et la moitié, c'est pareil. Deux quarts, une moitié. Encore deux quarts, encore une moitié.
    - Oui. C'est pas la même couleur mais c'est la même taille.
    - Le cube entier, c'est deux moitiés, alors c'est quatre quarts. Parce que deux et encore deux, ça fait quatre.

    Fin de la lecture du jour après un dernier paragraphe indiquant que le Renard allait remonter une troisième fois au grenier, tout en sachant qu'il devait se dépêcher car l'Ours avait envie de préparer des crêpes au miel... Les hypothèses vont bon train, le Renard va-t-il manger un troisième quart et laisser le dernier pour garnir les crêpes ou dévorera-t-il la deuxième moitié, ne laissant rien pour les crêpes ?
    Le suspense est assez prenant pour que, le lendemain matin, malgré une journée bien remplie et une nuit agréable, les sept enfants de Grande Section se rappellent encore les termes quart et demi et les réemploient à bon escient dans des phrases.

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    Problèmes de maths CE1 :

    n° 9. Un boulanger prépare 20 pains de 3 kilogrammes chacun et 40 pains de 2 kilogrammes chacun. Quelle est la masse totale de ces pains ?

    n° 10. Un chef d'entreprise a acheté une machine 2 200 euros et 3 autres machines 1 750 euros l'une. Combien a-t-il payé ?

    P'tit Lolo et Loulou sont coincés. Tim-le-Sérieux est perplexe, il ne sait pas comment présenter la solution...
    Leurs deux camarades, Monsieur Plus et Grand Lolo, leur expliquent : "Il faut faire plusieurs opérations avant de répondre à la question qu'on nous pose..."
    J'approuve en expliquant qu'on appelle ce type de problème, un problème à étapes intermédiaires. Au CE2, ils en auront plus souvent et au CM et au collège de plus en plus souvent. Tim se rassérène. Il a compris.
    En revanche, dans les yeux de P'tit Lolo et de Loulou, on voit passer les tracteurs... Mais qu'est-ce qu'elle est encore allé nous inventer ?...
    Midi sonne. Nous sortons.

    L'après-midi, au tableau, il y a deux horribles crobards tels que seule Doublecasquette en est capable sans honte (enfin pas trop) ! Comme je ne les ai pas photographiés, je vous les reproduis ci-dessous !

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    Ils sont ravissants, n'est-ce pas ?

    - Les CP, P'tit Lolo et Loulou, nous allons commencer ces deux problèmes ensemble. Comme ça les grands seront rassurés et ils verront qu'ils savent faire même si, ce matin, ils n'ont pas compris ce qu'on leur demandait.
    Pour résoudre un problème, rappelez-vous qu'il faut se faire une image dans la tête. Regardez le cahier de mathématiques des CP. Pour chaque problème, on a dessiné quatre schémas pour que les enfants apprennent à choisir celui qui correspond à l'histoire.
    Comme vous aviez de la peine à vous faire cette image dans votre tête, et que ce serait trop dur pour les CP si elle n'y était pas, je vous l'ai dessinée au tableau. Écoutez bien l'histoire... Je vous montrerai sur mon schéma en même temps.

    Un boulanger prépare 20 pains de 3 kilogrammes chacun et 40 pains de 2 kilogrammes chacun. Quelle est la masse totale de ces pains ?

    - On ne peut pas tout compter d'un coup...
    -
    Non, tu as raison. Combien de calculs doit-on faire ?
    - Deux... Non. Trois !
    - Oui, c'est trois calculs.
    -
    Lesquels ?
    - D'abord le poids de  la première corbeille où il y a tous les pains de 3 kilogrammes.
    -
    Comment faites-vous ? Quelqu'un a une idée ?...
    - Vingt fois 3 kilogrammes.
    - On écrit 3 kilogrammes multiplié par 20.
    -
    Tout le monde est d'accord ?
    - Oui !
    - Ensuite, il faut faire pareil pour l'autre corbeille.

    - Oui. Deux kilogrammes multiplié par 40.
    - Et après, quand tu as compté, tu fais le poids de la première corbeille et encore le poids de la deuxième corbeille et tu sais le total. Il faut le poser comme tu nous as appris, le plus grand en haut et le plus petit en-dessous.
    -
    C'est bon, les deux grands ? Vous êtes d'accord ?... Très bien, nous continuons avec le second schéma.

    Un chef d'entreprise a acheté une machine 2 200 euros et 3 autres machines 1 750 euros l'une. Combien a-t-il payé ?

    - Il y a trois calculs aussi !
    - Non ! Que deux !...
    - Ah oui, que deux. D'abord, le prix des trois machines pareilles. Et après le total.
    -
    Pour les trois machines pareilles, comment allez-vous faire ?
    - Le prix de celle-là, plus le prix de celle-là, plus le prix de celle-là...

    - Ou alors... je ne sais pas si ça marche quand c'est des nombres grands comme ça... mais on pourrait faire "fois", peut-être ?...
    - Ah ouais !... Tu mets ce prix-là, cent mille machin-chose, et tu dis "Cent mille machin-truc euros multiplié par 3" !  On peut ?...
    -
    P'tit Lolo ? Loulou ? Vous leur dites ? Peut-on compter 1 750 € x 3 ?... Vous voyez, ils savent faire. Bravo, les grands. Le problème sera fini lorsqu'ils l'auront fait ?
    - Ah non ! Il faudra encore compter ce prix-là avec celui de la boîte  verte[4]
    . Là, il faut poser le grand en haut et le petit en-dessous et dire "plus".
    - C'est bon, les grands, vous êtes rassurés ? Vous voyez, vous saviez faire, vous aussi. Il fallait juste vous faire les bonnes images dans la tête. Alors, au travail !

    Cinq à dix minutes après, les deux problèmes étaient finis et les cahiers rangés.

    Et alors ?

    Et alors... Alors... à plusieurs, on est plus fort. Alors... le GRAND DÉCLIC n'existe peut-être pas et les stades du développement ne sont peut-être pas constitués de pièces étanches sans portes ni fenêtres s'ouvrant sur l'avenir ou sur le passé.
    Et puis enfin, alors... peut-être que modestement, mais sûrement, l'environnement, et surtout l'environnement humain adulte, peut aider le jeune apprenant à grappiller, butiner, récolter quelques grains pour subsister jusqu'à la saison nouvelle ou allumer quelques petites lueurs, mathématiques, grammaticales ou culturelles, comme ça, incidemment, au détour d'une phrase de lecture, d'un exercice de mathématiques ou d'un jeu d'éducation physique et sportive.
    Ces milliers de gouttelettes de savoir, amassées jour après jour, mois après mois, année après année, sans évaluation forcément normative, sans progression forcément définie, ni d'âge forcément limite inférieure ou supérieure, finissent par créer des ruisseaux qui, de confluent en confluent, s'assemblent et se renforcent.
    Si bien qu'un jour, un professeur de mathématiques, de français, d'éducation morale et civique, d'arts plastiques peut apprendre à ses élèves à y puiser un seau et un seul, à en mettre le contenu sous un microscope, à l'analyser molécule par molécule, de manière à ce que chaque notion, chaque concept, chaque savoir-faire se retrouve alors clairement répertorié dans leur cerveau. Ce grand tout indéfini, fait de bric et de broc, prend alors le statut de savoirs disciplinaires bien définis,
    dégagés de leur gangue de pots de miel, de pains dans des corbeilles et de machines à courber les bananes, transférables et réutilisables à l'infini, en tout lieu et en tout temps.

    Enfin moi, je vois ça comme ça... Après, vous en faites ce que vous voulez, n'est-ce pas.

    [1] Natha Caputo, Contes des quatre Vents, in L’Oiseau-Lyre CE1 (Hachette, 1977)

    [2] Phrase choisie pour la leçon de grammaire suivant immédiatement la lecture : Un sujet, plusieurs verbes. Comment ? Vous avez dit « Interdisciplinarité » ? Mais ce n’est pas possible, voyons, puisque je ne suis pas innovante !

    [4] Remarquez au passage comme l’auteur de ces lignes a réinvesti l’excellente idée de Saint-Exupéry… Quand on ne sait pas dessiner des machines ou des moutons, on griffonne des caisses ! Comme ça, on est tranquille !

     


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