• Maternelle : Projet « classe vivante » (2)

    Maternelle : Projet « classe vivante » (2)
    Merci à Sophie Borgnet pour cette illustration tirée de Pour une Maternelle du XXIe Siècle

    Aujourd'hui, dans ce deuxième volet, nous partagerons une journée de classe en Petite Section, plutôt vers la fin de l'année scolaire, à l'époque où les grenouilles se font entendre dans toutes les mares et étangs, qu'ils soient situés en ville, dans des parcs, ou à la campagne, dans la nature.

    Dans le texte, pour satisfaire les CPC et les IEN les plus exigeants, j'ai pris soin de faire apparaître les compétences et capacités exercées par les élèves et les objectifs visés par les adultes de la classe (PE et Atsem). De façon à ce que ceci apparaisse mieux, j'ai adopté un code couleur : violet pour les attendus extraits des Programmes pour l'école maternelle de 2015, bleu pour les attendus extraits de la Note de Service pour la rentrée 2019 et vert pour les attendus fondamentaux qui ont été oubliés dans ces deux derniers avatars des Programmes de l'École Maternelle.

    Cent projets par jour,

    c’est le but à atteindre à trois ans !

    C’est le matin, dix minutes avant l’heure d’entrée en classe. L’accueil a lieu dans la cour[1]. L’enseignante est présente ; l’Atsem, qui vient de lui amener les élèves qui étaient à l’accueil périscolaire du matin, accueille maintenant, dans le hall d’entrée, les familles qui ont besoin d’un renseignement ou d’une inscription à la cantine ou à la garderie périscolaire.

    Déjà, les dix enfants qui sont arrivés plus tôt se précipitent sur les jeux, chacun avec son projet ponctuel.

    Lola et Victoria, les deux copines, s’installent chacune d’un côté de la balançoire, bien décidées à Agir dans l’espace, dans la durée et sur les objets et à Adapter [leurs] équilibres et [leurs]  déplacements à des environnements ou des contraintes variés, et prêtes pour cela à Collaborer, coopérer, s’opposer de manière à rendre le jeu possible.

    Mathis, Tom et Adil se précipitent sur les trotteurs. Eux aussi voudraient Agir dans l’espace, dans la durée et sur les objets et Adapter [leurs]  équilibres et [leurs]  déplacements à des environnements ou des contraintes variés, mais les plus grands sont déjà passés par là et nos trois compères sont amenés à Évaluer et comparer des collections d’objets avec des procédures numériques ou non numériques. Et, hélas, le verdict est sans appel : le nombres d’objets de la collection A est inférieur au nombre de personnes de la collection B ! Il va falloir Apprendre en réfléchissant et en résolvant des problèmes...

    Un petit coup d’œil circulaire leur permet de remarquer que Fatoumata a été plus rapide qu’eux et que là-bas, près du toboggan, juchée sur une trottinette, elle [Agit] dans l’espace, dans la durée et sur les objets et [Adapte]  ses équilibres et ses  déplacements à des environnements ou des contraintes variés...

    Ils ont appris à Avoir confiance dans [leur] propre pouvoir d’agir et de penser, et savent que cette petite fille a du mal à Trouver sa place dans le groupe, se faire reconnaître comme une personne à part entière et qu’il est facile de lui faire Éprouver (douloureusement) le rôle des autres dans la construction des apprentissages ! Les voilà donc partis, prêts à Collaborer, coopérer, s’opposer pour arriver à leur but : réaliser une collection de quantité égale à la collection proposée !

    Hélas pour eux, la maîtresse veille... Et la voilà en train de Guider la réflexion collective pour que chacun puisse élargir sa propre manière de voir ou de penser. À la fin de l’échange, Fatoumata retourne Agir dans l’espace, dans la durée et sur les objets et Adapter ses équilibres et ses  déplacements à des environnements ou des contraintes variés et Adil, Tom et Mathis résolvent à la manière du renard de la fable ce contretemps fâcheux : « Ces trotteurs sont trop nuls et bons pour des bébés ! »

    Après tout, le toboggan est lui aussi un moyen d’Agir dans l’espace, dans la durée et sur les objets et d’Adapter ses équilibres et ses  déplacements à des environnements ou des contraintes variés...

    Maintenant, d’autres enfants ont investi la cour ; parmi eux, certains se joignent au petit groupe qui gravite autour des maîtresses, ils Osent entrer en communication et nouent le dialogue avec elles, prouvant ainsi qu’ils commencent à Agir volontairement sur autrui par le langage et à se représenter l’effet qu’une parole peut provoquer. Leurs paroles révèlent d’ailleurs souvent qu’ils sont bien en train de [Se construire] une première sensibilité aux expériences morales (sentiment d’empathie, expression du juste et de l’injuste, questionnement des stéréotypes…).

    D’autres courent en tous sens, criant comme une volée de moineaux, exerçant leurs capacités à Manipuler volontairement les sons et à les identifier à l’oreille, tout en [Explorant] leurs possibilités physiques, [Développant] leur sens de la coopération, et [Établissant] des rapports constructifs à l’autre.

    Quelques enfants, encore trop fatigués ou tout simplement plus calmes, semblent sommeiller à moitié, assis sur les bancs de la cour. Un des enseignants s’approche d’eux, leur dit quelques mots de bienvenue et leur propose de se mêler aux activités du groupe, sans les contraindre pour autant. Il Accompagne la transition vécue par ces enfants en leur laissant le temps de s’intégrer à l’activité remuante qui convient aux autres.

    Bientôt, les enseignants frappent dans les mains et se dirigent vers le point de ralliement dévolu à leur classe. Adieu les projets d’extérieur. Les élèves de Petite Section doivent désormais faire leur le projet de leur maîtresse, prouvant ainsi qu’ils sont désormais aptes à Comprendre la fonction de l’école et son fonctionnement.

    Toute la classe se regroupe près de la maîtresse et de l’Atsem qui vient de les rejoindre... Quelques mots s’échangent entre enfants ; les adultes se mêlent aux échanges, conscients qu’ils sont là pour Stimuler et structurer le langage oral. Ils organisent la mise en rang, le déplacement et le déshabillage des élèves avant l’entrée en classe ; puis ils coordonnent l’entrée en classe et l’installation au coin de regroupement, n’hésitant pas à répéter presque individuellement les consignes afin de Développer la compréhension de messages [...] entendus. Pendant tout ce temps, les enfants ont fait leur les projets des adultes, apprenant à Collaborer, coopérer, Coordonner [leurs] gestes et [leurs] déplacements avec ceux des autres ;  au cours de ces déplacements, ils ont pu continuer, comme chaque jour, à Élaborer des repères spatiaux.

    La classe peut commencer. Pour satisfaire au projet « classe vivante » où chaque individu connaît et reconnaît les autres membres du groupe, de manière à pouvoir, avec eux, mener des projets communs, la demi-journée commence par un moment collectif, où chacun apprend à Trouver sa place dans le groupe, Se faire reconnaître comme une personne à part entière et éprouver le rôle des autres dans la construction des apprentissages.

    Pendant 10 à 15 minutes, l’enseignante va faire en sorte de Stimuler et structurer le langage oral, Développer la compréhension de messages [...] entendus et, si possible, de Développer et entraîner la conscience phonologique. Pour cela, elle a récupéré, dans son vivarium, la grenouille que sa collègue a présenté à ses élèves de TPS hier.

    Très vite, Adil a pour projet personnel d’Explorer le monde du vivant de manière sensorielle ; il se précipite sur le vivarium, montrant combien il est déjà capable d’Ajuster et enchaîner ses actions et ses déplacements en fonction d’obstacles à franchir ! Mais, ayant à cœur de lui faire Comprendre la fonction de l’école et son fonctionnement, l’Atsem y met bon ordre, récupérant Adil calmement et l’incitant à se rassoir au milieu de ses camarades.

    L’enseignante organise les échanges, de manière à Stimuler et structurer le langage oral de chacun mais aussi à Développer la compréhension de messages entendus. Aujourd’hui, comme souvent, une bonne surprise l’attend qui va lui permettre de Développer et entraîner la conscience phonologique de ses jeunes apprenants...

    Chaque élève, sollicité au moyen d’un bâton de parole, parlera à son tour (je vous laisse trouver tout seuls le projet de chacun au moment où il parle) ; les autres, rappelés au besoin à l’ordre par les adultes qui cherchent à leur faire Comprendre la fonction de l’école et son fonctionnement, l’écouteront et, quand ils le pourront, rebondiront sur ses propos.

    [é = Élève ; E = Enseignante]

    é1 : C’est une bête... une grenouille...

    é2 : Oui. La gronouille, a dort.

    é3 : Pas groooo...nouille, greeeee...nouille.

    é4 : Reeeenouille. Reeenouille...

    é3 : Ggggrenouille, on dit. Cette bête, c’est une gre-nouille !

    E : Oui, é3 a raison. Cet animal est une greeee... nou... ille ! U-ne gre-nou-ille. Essayez de répéter après moi : gre...

    é : GRE...

    E : nou...

    é : NOU...

    E : ille...

    é : ILLE...

    E : gre... nou...ille

    é : GRE... NOU... ILLE !

    E : Parfait... é5, tu n’avais encore rien dit.

    é5 : La grenouille, elle est petite. Elle est toute petite.

    é6 : Est verte... Est ‘ne verte gronouille.

    E : Oui, tu as, raison, elle est verte, c’est une greeeenouille verte. Tu peux répéter, é6 ? Une greeenouille verte.

    é6 : Une gro... greeenouille verte.

    é7 : Les ronouilles... eh beh...

    E : Comment dis-tu, é7 ? Attention, on dit « les greeenouilles »...

    é7 : Les grenouilles, eh beh, c’est dans l’eau.

    é8 : Oui, c’est dans l’eau, les grenouilles. Y nagent. Comme ça...

    E : Oui, très bien. Vous avez entendu, les autres ? É3, é 4, regardez un peu par ici... É7 et é8 nous disent que les grenouilles vivent dans l’eau et qu’elles nagent. Vous le saviez, ça ?

    é9 : A pas d’eau, là. A pas d’eau, la grenouille. A veut de l’eau ?

    E : Tu as raison. Ici, dans le vivarium, il n’y a pas d’eau. Alors, é7 et é8 ?

    é9 : Y z’aiment l’eau, les grenouilles.

    é8 : Y z’habitent... euh... y’a de l’eau... C’est où y’a de l’eau, y z’habitent.

    E : Je crois que j’ai compris. Vous voulez nous dire que les grenouilles habitent, enfin vivent, près de l’eau parce qu’elles aiment l’eau.

    é9 : Oui, y z’aiment l’eau. Y restent là y’a de l’eau.

    é10 : Moi n’en a vu des grenouilles. N’en a vu au parc... Là où y’a l’eau. Y sont dans l’herbe et hop ! dans l’eau ! Je cours et hop ! dans l’eau !

    E : Oh ! Formidable ! Toi, é10, tu as déjà vu des grenouilles au parc, près de l’étang ? Vous entendez ça, les copains et les copines. Près de l’étang, au parc, les grenouilles vivent dans l’herbe et quand é10 est arrivé, elles ont sauté dans l’eau. C’est ça, é10 ?

    é10 : Ouais. Et è nagent. Hop, hop, hop, è nagent, è nagent... On voit plus... È sont parties loin !

    é11 : Elles ont peur. Les grenouilles, elles ont peur de nous. On est grands et elles sont petits.

    E : Tu penses que nous leur faisons peur car elles sont toutes petites par rapport à nous qui sommes très grands.

    é12 : Ouais ! Nous sommes très grands ! Et forts ! Comme Batman ! Les ronouilles, a sont trop petits pour nous. On va les tuer !

    é13 : Les tuer ! Écrasées, les ronouilles ! Tchak !

    E : Eh bien... Et pourquoi donc ? Vous aimeriez que Nanou et moi, nous vous écrasions et nous vous tuions parce que vous êtes petits et que nous sommes grandes ? Ça vous ferait plaisir, ça ?

    é : NOOOOON !

    é14 : C’est pas gentil. Y faut pas écraser les grenouilles. C’est pas gentil.

    é15 : A sont petites. Faut être gentil. A sont toutes petites.

    é16 : Il a peur, la grenouille. Y fait comme ça, à son cou... Là, on voit.

    é17 : Ah oui, il bouge, son cou... y fait ghooou ghooou ghooou !

    é18 : Ouais. Elle a peur. Ça tape, à son cou. Comme ça (il se frappe la poitrine) : ghooou ! ghooou ! ghooou !

    é19 : Moi aussi, ça tape à mon cou. Là. Ça tape...

    é20 : Moi non, j’a pas peur !

    é21 : J’ai pas peur. Moi, j’ai jamais peur. Paske... j’ai pas peur.

    E : C’est son cœur qui bat. Nous avons tous un cœur qui bat, là, dans la poitrine. Si nous posons la main sur notre gorge, comme ça, sans appuyer et sans parler, nous pouvons le sentir... Tap... tap... tap... Vous sentez ?

    é : Oui... Tap... tap... tap...

    é22[2] : La grenouille, elle a un cœur ? Comme nous ?

    E : Oui, la grenouille a un cœur qui bat, comme le nôtre. Si son cœur arrête de battre, elle meurt. C’est comme ça. Nous en reparlerons bientôt. Pour le moment, nous allons aller aux toilettes, puis nous prendrons les cahiers de dessin. Levez-vous en silence, comme la grenouille qui n’a rien dit depuis tout à l’heure et suivez Nanou.

    Le projet « passage aux toilettes et boisson » n’est pas répertorié dans les programmes de l’école maternelle qui a oublié son rôle de passeur entre la maison et l’école. Pourtant ce sont des lieux et des activités de choix pour Passer de règles collectives données et justifiées par l'enseignant qui signifie à l'enfant les droits (s’exprimer, jouer, apprendre, faire des erreurs, être aidé et protégé…) et les obligations dans la collectivité scolaire (attendre son tour, partager les objets, ranger, respecter le matériel...) à une appropriation passant par la répétition d'activités rituelles et une première réflexion sur leur application. Ce projet permettra que Progressivement, les enfants soient conduits à participer à une élaboration collective de règles de vie adaptées à l’environnement local.

    Il est immédiatement suivi du projet, de l’adulte encore, qui consistera à Dessiner librement, dans un espace aménagé où sont disponibles les outils et supports nécessaires. Ce projet s’imbriquera étroitement avec un projet Stimuler et structurer le langage oral  ainsi qu’avec de fortes visées menant à Guider l'apprentissage des gestes graphiques, ce dernier projet émanant cette fois uniquement de l’adulte et restant encore totalement occulte...

    Les projets des enfants sont plus simples, allant de Laisser une trace aléatoire sur le papier et s’émerveiller du résultat obtenu à Représenter ou illustrer, en étant fidèle au réel ou à un modèle, ou en inventant ou à Réaliser une composition personnelle en reproduisant des graphismes et Créer des graphismes nouveaux.

    Pendant ce court moment, les deux adultes s’activent, tout à leur projet personnel : Stimuler et structurer le langage oral et Guider l'apprentissage des gestes graphiques. Un stylo à la main, elles notent en quelques mots ce que les enfants produisent avant de le leur relire, leur permettant ainsi, de manière totalement intuitive, de  Comprendre que l'écriture transcrit la parole et que cette transcription suppose une segmentation en différents types d'unités ; c'est aussi un moment où chaque enfant est amené individuellement à Participer verbalement à la production d’un écrit et à Savoir qu’on n’écrit pas comme on parle.

    Les projets des enfants sont divers et variés : Communiquer avec les adultes et avec les autres enfants par le langage, en se faisant comprendre, S’exprimer dans un langage syntaxiquement correct et précis, Reformuler pour se faire mieux comprendre, Pratiquer divers usages du langage oral : raconter, décrire, évoquer, expliquer, questionner, proposer des solutions, discuter un point de vue, Manifester de la curiosité par rapport à l’écrit jusqu’à pour certains tenter (mais échouer à rendre cet essai intelligible par tous, faute de connaissance dans le domaine de l’écriture graphémique) de produire Des essais d’écriture de mots !

    Maternelle : Projet « classe vivante » (2)

    La matinée continue avec les ateliers de libre choix. Dans une classe vivante, il n’y a ni inscriptions, ni obligations de participer à son tour à chacune des activités proposées car l’enseignant pense que les chemins sont nombreux pour arriver à un même but et que ce qui conviendra à l’un ne satisfera pas l’autre et le retardera plutôt que de le faire avancer.

    Il les laisse donc agir à leur guise, se contentant de Stimuler et structurer le langage oral, et de saisir toute occasion pour faire découvrir, entraîner, stimuler, encourager tous les comportements qui amèneront les enfants à dominer les diverses compétences des cinq domaines en jeu à l’école maternelle : Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions ; Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique (ici, il s’agira avant tout de motricité fine) ; Agir, s’exprimer, comprendre à travers les activités artistiques (arts visuels et univers sonore s’il y a un coin écoute) ; Construire les premiers outils pour structurer sa pensée et Explorer le monde (à hauteur d’enfant et non d’adulte féru de voyages lointains dans le temps et l’espace).

    Il n’y a pas non plus d’activités factices où l’on a isolé une compétence, une capacité, une notion de manière à ce que l’enfant sache se servir, au choix, d’une pince à cornichons et d’une boule de cotillon, d’un chiffon à poussière et d’un vieux chandelier, d’une pince à linge et d’un boulon de 8 !

    En lieu et place de tout cela, il y a des espaces où l’on peut pratiquer :

    → des activités de « patouille[3] » : peinture, modelage, découpage/collage dans un espace à deux dimensions, agencement/collage/vissage/attachage dans un espace à trois dimensions ; fils à tricoter et tissus

     → des activités d’imitation : cuisine ; chambre de poupées ; « blanchisserie » ; garage et piste routière ; ferme ; zoo ; atelier bricolage ; coin orchestre

    → des activités de structuration de la pensée : jeux de construction ; encastrements et puzzles ; fils et perles ; objets de tri ; images séquentielles à ordonner ; table d’exposition où ont été déposés livres et objets se rapportant aux grenouilles ; coin bibliothèque

    Chaque enfant vaque à ses projets longs ou courts. La plupart en mèneront trois larges, , certains plus, certains moins. Ces « grands projets », si on les observe attentivement, seront pour la plupart scindés en multiples micro-projets (au coin-orchestre, par exemple, écouter, jouer, moduler, jeter, ramasser, augmenter le niveau sonore, le baisser brutalement, imiter, ...).

    Inutile de répertorier les points du programme qu’ils traiteront, il faudrait recopier le BOEN in extenso en y ajoutant la note de rentrée 2019 qui vient de sortir récemment.

    Tous participeront ensuite, en compagnie des adultes, au rangement et au nettoyage de ces espaces. Et là encore, projets et points du programmes traités s'aggloméreront à l'envi.

    Les adultes mèneront les leurs, répertoriés au BOEN eux aussi. Les principaux se situeront dans la première partie du programme 2015 :

    Une école qui s’adapte aux jeunes enfants : Accueillir les enfants ; Accompagne les transitions ; Tenir compte du développement de l’enfant ; Pratiquer une évaluation positive

    Une école qui organise des modalités spécifiques d’apprentissage : Apprendre en jouant ; Apprendre en réfléchissant et en résolvant des problèmes ; Apprendre en s’exerçant ; Apprendre en se remémorant et en mémorisant

    Une école où les enfants vont apprendre ensemble et vivre ensemble : Comprendre la fonction de l’école

    Cette interdisciplinarité continuera ensuite pendant les 30 minutes de récréation.

    Les élèves y mèneront leurs projets, moteurs, sensoriels, langagiers, numériques, spatiaux, temporels, et enfin sociaux, validés ou non par les enseignants qui persévéreront dans la gestion des leurs, très différents mais pourtant compatibles avec ceux des enfants.

    Après la récréation et le petit moment social d’organisation d’un déplacement collectif, et de passage aux toilettes, c’est vers la salle de motricité que se dirigera la classe de Petite Section, pour la séance du matin. Là, un mélange de projet collectif mené par l’adulte et de projets personnels voulus et vécus par les enfants créera la dynamique motrice de la séance.

    Le projet de l’adulte est aujourd’hui basé sur les objectifs suivants Stimuler et structurer le langage oral ; Développer la compréhension de messages entendus ; Échanger et réfléchir avec les autres ; Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique ; Adapter ses équilibres et ses déplacements à des environnements ou des contraintes variés ; Jouer avec sa voix ; utiliser les sonorités du corps ; Affiner son écoute ; Stabiliser la connaissance des petits nombres ; Explorer des grandeurs ; Situer des objets par rapport à soi, entre eux, par rapport à des objets repères ; Se situer par rapport à d’autres, par rapport à des objets repères ; Découvrir le monde vivant

    Ceux des enfants vont consister à Se rappeler ou apprendre comment se déplace une grenouille et l’évoquer dans un langage compréhensible de tous ; Sauter comme une grenouille en coassant : a) sur le sol de la salle – b) sur des surfaces molles évoquant la boue de la mare – c) en coassant doucement, plus fort, très fort, très doucement ; Remarquer le bruit que font les « pattes  des grenouilles » en se réceptionnant sur le sol ; Chercher à faire varier ce bruit ; Fermer les yeux et chercher d’où vient le bruit de « pattes » dans la salle ; Bondir : a) 1 seule fois – b) 2 fois – c) 3 fois ; Faire des bonds de plus en plus longs, de plus en plus hauts, de plus en plus courts, de plus en plus bas ; Suivre un parcours allant de la mare à l’abri sous les roseaux, de l’abri sous les roseaux à la feuille de nénuphar, de la feuille de nénuphar à la mare, de la mare au petit trou dans la boue où ils se détendront au son de la chanson de Steve Waring.

    Lorsque la musique s’arrêtera, aidés par l’Atsem et l’enseignante, ils iront s’installer sur les bancs et raconteront ce qu’ils ont fait quand ils étaient des grenouilles, travaillant ainsi à Stimuler et structurer le langage oral et à Développer la compréhension de messages entendus.  L’enseignante profitera de l’évocation du langage des grenouilles pour travailler à nouveau la compétence Jouer avec sa voix ; en leur faisant articuler très lentement des « Coâ, coâ, coâ... », elle les encouragera à Développer et entraîner leur conscience phonologique. Puis viendra un moment de chant avec Il pleut, il mouille au cours duquel, pendant que les enfants mettent à exécution leurs projets de Mémoriser un répertoire varié de comptines et de chansons et les interpréter de manière expressive et de Jouer avec leur voix pour explorer des variantes de timbre, d’intensité, de hauteur, de nuance, sans rien en dire à personne, l’enseignante continuera, grâce aux rimes sur lesquelles elle insiste en chantant, à Développer et entraîner la conscience phonologique de ses jeunes élèves.

    Mais déjà la matinée s’achève, les enfants mangeant à la cantine adoptent le projet de l’Atsem et partent avec elle se laver les mains avant de passer à table ; quant aux enfants qui ont la chance de rentrer chez eux pour manger, ils restent encore quelques minutes avec leur maîtresse qui profite du petit nombre pour organiser un Quoi de neuf ? impromptu pendant lequel chacun s’emploie à Stimuler et structurer le langage oral et à Développer la compréhension de messages entendus.

    Cet après-midi, certains reviendront et d’autres resteront chez eux car le projet pédagogique de l’équipe tient compte du développement de l’enfant, accompagne les transitions vécues par les enfants, accueille les enfants et leurs parents dans le souci du bien-être et d’une première scolarisation réussie des enfants et en portant attention à la diversité des familles.

    Ceux qui reviendront seront aussi accueillis dans le souci de leur bien-être, en tenant compte de leur développement. C’est pourquoi le début de l’après-midi, après un très court accueil en classe, au coin de regroupement, pendant lequel, doudou en main et sucette au bec pour certains, ils écouteront calmement Steve Waring faire chanter tout doucement ses Grenouilles... Des projets, l’enseignante en a beaucoup, ils sont surtout éducatifs : faire entrer chacun dans un rythme collectif qui l’oblige à renoncer à ses désirs immédiats ; acquisition de premiers savoirs et savoir-faire relatifs à une hygiène de vie saine... Les enfants, chacun avec sa personnalité propre, mènent les leurs qui vont de Résister stoïquement au sommeil et le prouver par sa mauvaise humeur à Se laisser bercer par le rythme de la musique et commencer à s’assoupir.

    L’enseignante, accompagnée de l’Atsem, qui a quitté quelques instants les demi-pensionnaires déjà endormis depuis un moment, les entraîne successivement vers les toilettes puis vers la salle de sieste où ils vont tous prendre un temps de repos adapté à leurs rythmes personnels.

    L’enseignante revient en classe, range quelques affaires laissées un peu en vrac le matin, classe les travaux de « Patouille », en affiche certains et archive les autres dans les trieurs des élèves. Un petit groupe d’élèves de Grande Section arrive ; les enfants savent que « les Petits » accueillent une grenouille pour la journée. Les questions fusent, ils veulent voir, toucher, comprendre... L’enseignante quitte ses projets d’adulte et adopte les leurs : Stimuler et structurer le langage oral et à Développer la compréhension de messages entendus. Elle ajoute même un détail à ce deuxième projet : Développer la compréhension de messages et de textes entendus !

    Elle récupère donc le livre documentaire sur les grenouilles qu’elle avait placé sur la table d’exposition, s’installe au milieu d’eux et les laisse commenter les photos, comprendre ce qu’elles expliquent, les conduisant ainsi à Observer les différentes manifestations de la vie animale.

    Le cycle que constituent la naissance, la croissance, la reproduction de ces batraciens passionne tout particulièrement les enfants. Cela permet à l’enseignante de leur lire et de leur faire commenter la description des étapes de la vie d’une grenouille, se donnant une occasion supplémentaire de Développer la compréhension de messages et de textes entendus, d’Utiliser des marqueurs temporels adaptés (puis, pendant, avant, après…) dans des récits, descriptions ou explications, d’Ordonner une suite de photographies ou d’images, pour rendre compte d’une situation vécue ou d’un récit fictif entendu, en marquant de manière exacte succession et simultanéité.

    Pendant ce temps, quelques-uns de ses élèves, ayant assouvi leur besoin de sommeil, se sont levés et sont venus les rejoindre. Certains choisissent de regarder les images avec les grands, d’autres préfèrent se diriger vers les coins-jeux d’imitation et jeux de structuration de la pensée, d’autres enfin s’approchent de la table d’observation et contemplent la grenouille dans son vivarium et les reproductions d’œuvres d’art représentant des grenouilles.

    L’Atsem des grands vient récupérer le groupe et l’enseignante reste seule avec ses quelques élèves. C’est un moment privilégié de langage pendant lequel se mêlent inextricablement les objectifs prévus par les programmes de 2015 et ceux de la note de service de 2019 : Stimuler et structurer leur langage oral ; Développer la compréhension de messages et de textes entendus ; Communiquer avec les adultes et avec les autres enfants par le langage, en se faisant comprendre ; S’exprimer dans un langage syntaxiquement correct et précis ; Reformuler pour se faire mieux comprendre ; Pratiquer divers usages du langage oral : raconter, décrire, évoquer, expliquer, questionner, proposer des solutions, discuter un point de vue ; Manifester de la curiosité par rapport à l’écrit ; Découvrir différentes formes d’expression artistique ; Vivre et exprimer des émotions, formuler des choix ; Utiliser les nombres ; Explorer des formes, des grandeurs ; Explorer le monde du vivant, des objets et de la matière et j’en oublie certainement.

    Peu à peu, d’autres enfants de la classe arrivent, certains de la salle de sieste, d’autres de leur domicile ; ils se mêlent à ceux qui jouent déjà. Bientôt, il est temps de les regrouper un moment autour d’un projet commun. Aujourd’hui, c’est celui d’associer les photos de plusieurs animaux de la mare à leur silhouette présentée en noir, à la même échelle que les animaux photographiés.

    Pour quelle raison ? dans quel but ? me direz-vous... Mais pour les faire parler, encore et toujours, Stimuler et structurer le langage oral... et puis pour les Conduire vers la compréhension et l’utilisation de symboles représentatifs abstraits d’ « objets » concrets. C’est, en quelque sorte, une toute première étape vers les attendus des programmes suivants : Découvrir la fonction de l’écrit et Découvrir le principe alphabétique. Les enfants sont amenés à Observer le vivant, mais aussi le décrire, évoquer, expliquer, questionner, proposer des solutions, discuter un point de vue. Des détails visuels pertinents sont découverts, ils amènent à distinguer le crapaud de la grenouille, la carpe du brochet, le moustique de l’araignée...

    Dans ce travail, difficile pour des Petits, l’enseignante est le garant du langage de référence qui se doit d'être lexicalement précis et syntaxiquement correct en toute situation. Sollicités et stimulés par la professeur qui a à leur égard une exigence adaptée, les élèves affinent leur capacité à parler et à comprendre, dans une situations de jeu, d'action, d'exploration et de vie quotidienne au sein de la classe.

    Une fois l’appariement obtenu, l’heure de la récréation sonne. N’y vont que les élèves déjà bien réveillés qui sont prêts à jouer... pardon...  à mener leurs projets divers et variés, comme le matin. Les autres restent dans la classe avec l'Atsem qui prendra sa pause après.

    Puis ce sera le temps social du déplacement et du passage aux toilettes, avant un moment d’expression corporelle dans la salle de motricité. Les enfants, rejoints désormais par les derniers dormeurs, écoutent à nouveau la comptine Il pleut, il mouille, ils développent leur écoute, leur sensibilité, leur discrimination et leur mémoire auditive ; le morceau, choisi pour sa notoriété, sa simplicité et son rythme adapté à des petits, pose les bases de premières références culturelles.

    Après cette nouvelle écoute, l’enseignante encourage les enfants, même les plus timides, à « se promener sous la pluie », comme la grenouille de la chanson.

    C’est une approche de la Communication avec les autres au travers d’actions à visée expressive ou artistique que réclame à juste titre les programmes scolaires pendant laquelle chaque enfant s’emploie à Découvrir et d’affirmer ses propres possibilités d’improvisation, d’invention et de création en utilisant son corps.

    Puis, après avoir regroupé ses élèves autour d’elle, l’enseignante constitue des petites rondes de 5 ou 6 enfants. Pour leur simplifier la tâche, elle trace au sol un cercle, la mare, dans lequel « les petites grenouilles qui dansent ne devront pas tomber ». Les petites rondes vont tourner quelques instants au son de la musique, apprenant aux élèves à Coordonner [leurs] gestes et [leurs] déplacements avec ceux des autres, lors de rondes et jeux chantés.

    Mais l’excitation gagne, il est temps d’arrêter le projet de certains, tout à leur envie de sortir des cadres pendant lesquels ils sont contraints à Comprendre la fonction de l’école et son fonctionnement. Les enfants retournent en classe, dirigés par leur enseignante et leur Atsem, et s’assoient sur les bancs du coin-regroupement.

    C’est avec cérémonie, en surjouant la situation, que l’enseignante, prête une dernière fois à Stimuler et structurer le langage oral et à Développer la compréhension de messages et de textes entendus, va leur faire découvrir un petit garçon, un décor de mare et une série de grenouilles de toutes tailles, destinées à mimer et jouer l’histoire des Grenouilles de Steve Waring... Elle commence, imitant l’intonation du chanteur et promenant son petit garçon sur le décor dessiné au tableau :

    « Il était une fois un petit garçon qui aimait se promener dans la campagne... Un bel après-midi, il arriva dans les marécages...

    Les voilà, les marécages, ici, un marécage, c'est de l’eau, des plantes et de la boue... Souvent, dans les marécages, il y a beaucoup de grenouilles.

    Un bel après-midi, il arriva dans les marécages... là où le saule pleure sur la terre...

    Le voici, le saule qui pleure sur la terre... c’est un arbre avec ses branches qui tombent, comme ça, comme s’il était très triste et qu’il pleurait... comme ça... faites-moi vous aussi le saule qui pleure sur la terre : « Bouh ouh ouh, je suis le saule et je pleure... Bouh ouh ouh, mes branches pendent... ma tête pend, mes bras pendent, comme les branches du saule... »...

    Un bel après-midi, il arriva dans les marécages, là où le saule pleure sur la terre et l’herbe est toute mouillée...

    Eh oui, pourquoi est-elle mouillée, l’herbe ? Qui le sait ? Rappelez-vous... Qui le sait ? É2 ?

    é2 : L’a de l’eau... À le ma... à le macarage... là !

    é3 : Le marécage ! Elle a dit la maîtresse, y va à le marécage, le petit garçon.

    E : Très bien, é2 et é3, le ma... ré...ca...ge... C’est un mot très difficile. Dans un ma-ré-ca-ge, il y a de l’eau. C’est pourquoi l’herbe est mouillée. Je reprends l’histoire ?...

    é : OUIIIIIII !

    E : Alors regardez bien...

    Il était une fois un petit garçon qui aimait se promener dans la campagne... Un bel après-midi, il arriva dans les marécages... là où le saule pleure sur la terre... et l’herbe est toute mouillée... et la mousse qui descend des cyprès...

    Ici... les grands cyprès et là, la mousse qui pend de leurs branches...

    et la mousse qui descend des cyprès... ressemble à un monstre à l’œil maussade...

    Là, regardez, dans la mousse, on voit les yeux du monstre... Ouh ! Ça fait peur ! Il est courageux, ce petit garçon !

    Continuons son histoire :

    Juste à l’endroit où vivent les grenouilles !...

    Ah ah ah, voilà nos grenouilles ! Qui les voit, cachées dans l’image ?... Il y en a beaucoup... Toi, é4 ?

    é4 : Là...

    E : Où ? Explique-nous. Non, non, sans te lever, juste avec des mots...

    é4 : Là... côté... là... après... sur... non, pas là ! Là ! côté l’eau...

    é5 : Y dit, c’est là, à côté de l’eau. Hein é4, tu dis ça ?

    é4 : Ouais. Côté l’eau.

    E : Ah oui, celle-là... Celle qui est juste à côté d’une flaque d’eau, près du saule qui pleure sur la terre... Je vois...

    Ah mais, je vois autre chose aussi ! Nanou a ouvert la porte, elle vient chercher les enfants qui vont à la garderie... Vous allez vous lever, les enfants de la garderie, quand Nanou appellera votre prénom, et vous partirez avec elle.

    Ah, et puis Adil et Tom s’en vont aussi, ils vont rejoindre leurs mamans, bonjour mesdames et au revoir, à bientôt.

    Le dernier projet de l’enseignante est alors de diriger dans le calme ses élèves encore présents à la recherche des grenouilles (elle les déplacera une fois les enfants sortis pour pouvoir continuer l'histoire le lendemain avec des élèves tous au même point de connaissance du « terrain d'expérimentation sensorielle »), tout en envoyant les autres, un par un ou par paquets, rejoindre les responsables légaux qui prendront le relais et emmèneront à leur tour les enfants vers tous les projets que ces derniers compteront mener jusqu’à demain matin, 8 h 50...

    Notes :

    [1] Je sais, ce n’est pas courant, mais cet accueil moins « scolaire » sert la cause de la classe vivante qui cherche à tirer profit des intérêts, des envies et des projets des enfants pour installer les compétences motrices, sensorielles, sociales et « intellectuelles » dont ils ont besoin pour progresser. On peut toutefois transférer l’organisation à une salle de classe agencée en « espaces » ou « coins ».

    [2] Je triche un peu parce que, dans mon rêve de classe vivante, il n’y a pas de classes de 30 en maternelle. Mais s’il y avait 30 enfants, il faudrait passer quelques minutes de plus assis à écouter les 8 derniers exprimer leurs constatations grenouillères...

    [3] J’aurais dû faire breveter le terme le jour où je l’ai employé la première, sur le forum EDP ! Je serais millionnaire peut-être maintenant ?

    Dans la même série :

    Maternelle : Projet « classe vivante » (1) ; ... ; 

    Maternelles : Projet classe vivante (3)

    Pour mieux cerner le projet « Classe vivante » :

    Je vous suggère la lecture de cet ouvrage : Pour une Maternelle du XXIe Siècle : Sommaire

    Comme j'en ai commandé huit d'un coup à l'éditeur, j'ai bénéficié d'une ristourne de 15 %, ce qui fait passer le prix de l'ouvrage de 23 € à 19,55 €, ce dont j'entends faire profiter d'éventuels acheteurs (auxquels il faudra hélas ajouter 5,28 € de timbres).

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