• Les programmes 2016, c'est bien...

    Les programmes 2016, c'est bien...

    Nota bene : Cet article n’est que le premier épisode d’une série de quatre. Ne manquez pas les suivants, déjà sur ce blog :
    - Les points négatifs
    - Interrogations et incompréhensions
    - Conclusion

    Voilà, j’ai fait mon boulot. Et un pas drôle, croyez-moi. Figurez-vous qu’au GRIP, on m’a suggéré de lire, in extenso, la proposition de programme de français pour le cycle 3 qui est parue le 18 septembre 2015.
    Euh, j'avoue que j'ai triché un peu. Je n'ai pas lu les tableaux pour les "instits aux pieds nus", recrutés à Pôle Emploi qui, faute d'une formation riche et ambitieuse, ont besoin d' « exemples de situations, d'activités et de ressources pour l'élève » pour pouvoir enseigner au jour le jour dans leur classe. J'espère que ces kits de survie n'entrent pas en contradiction avec le corps des programmes sinon on va encore m'accuser d'être partiale...  

    Alors, j’ai lu… et j’ai pris des notes… et j’ai commenté… Points positifs, points négatifs, interrogations et incompréhensions, ressenti. C’est un peu long … alors je préfère vous résumer cela en épisodes, en triant un peu.
    Et parce que je ne suis pas chienne et qu’il y en a, à tous seigneurs, tous honneurs, voici...

    Les points positifs !

    Le premier se trouve dans ce que nous pourrions intituler OBJECTIF GÉNÉRAL, en page 96 du document : « Assurer une autonomie suffisante en lecture et écriture à l’entrée au Cycle 4 » .
    Vous me direz, c’est heureux, à douze ans révolus, de savoir enfin lire et écrire !... Bah oui, mais, hélas, vous verrez qu’ensuite, cela se gâte et que cette autonomie est un vœu, laïque sans doute, mais un vœu quand même.

    Les programmes 2016, c'est bien...  
    Texte libre d'une élève de 12, in La méthode naturelle, L'apprentissage de la langue, C. Freinet, 1968.

    Les points positifs suivants passent un peu inaperçus au cours des différents chapitres du document parce qu’ils sont tellement logiques et font tellement partie du paysage de l’École Primaire depuis ses débuts qu’on se demande un peu pourquoi les présenter comme des nouveautés…
    Disons qu’ils sont là pour réaffirmer la mission première de l’École qui est, encore et toujours un petit peu, l’instruction générale des enfants.

    Ainsi, en LANGAGE ORAL, dans les Attendus de fin de cycle, on trouve « dire de mémoire un texte à haute voix » ou encore « interagir de façon constructive avec d’autres élèves dans un groupe pour confronter des réactions ou des points de vue ».
    C’est bien de le réaffirmer, surtout quand on change tant de choses par ailleurs. Mais bon, quel professeur des écoles ou professeur de collège, puisque le Cycle 3 démarre au CM1 et se termine en fin de 6e, ne fait pas réciter au moins un texte par mois à ses élèves ? Lequel ne profite pas des lectures qu’il donne pour conforter l’habitude de confronter réactions et points de vue ?

    Puis en LECTURE ET COMPRÉHENSION DE L’ÉCRIT, les rédacteurs ont l’excellente idée de réaffirmer que « les situations de lecture sont nombreuses et régulières ». Dommage qu’ils ne soient pas allés jusqu’à remplacer régulières par quotidiennes, au moins pour les deux années de CM ! Ce n’est que par la pratique quotidienne de la lecture, à haute voix pour que tous en profitent, même les enfants essentiellement auditifs, que nos élèves « développeront leur bagage linguistique, leurs connaissances et leur culture, nourriront leur imagination et se découvriront de nouveaux intérêts ».

    Les rédacteurs des programmes persistent et signent en continuant à penser après tous leurs prédécesseurs depuis 1881 que « les activités de lecture relèvent également de l’oral, qu’il s’agisse […] de préparer une lecture expressive, de présenter un livre oralement, de partager des impressions de lecture ou de débattre de l’interprétation de certains textes » ou encore que « lecture et étude de la langue doivent être constamment articulées tant en ce qui concerne l’appropriation du lexique que l’observation du fonctionnement des phrases et des textes, en particulier les reprises pronominales et le choix des temps verbaux » et ils vont même jusqu’à souligner l’importance de la «  lecture à voix haute », page 106.

    Cela ne sera sans doute pas suffisant pour redresser la barre mais c’est déjà ça ! Au moins, nous n’en sommes pas revenus aux notices de montage d’appareils ménagers et autres pages d’annuaire, en vogue dans les années 1980, ni aux rituels du type « un mot par jour » conseillés par ci par là dans les années 2000. Et c’est heureux.
    On propose juste, d’année en année, de lire de plus en plus d’œuvres classiques et de moins en moins de littérature de jeunesse contemporaine (  CM1 : 5 « jeunesse » et 2 « classiques » ; CM2 : 4 « jeunesse » et 3 classiques ; 6e : 3 « jeunesse » et 3 « classiques »). Forcément in extenso, hélas. Mais nous y reviendrons plus tard.
    Les classes à double niveau d’élémentaire sont même prises en compte puisqu’on suggère de ne pas différencier les textes de lecture tout en variant le niveau d’exigence et de compréhension selon l’âge des élèves auxquels on s’adresse.

    Puis vient la partie consacrée à l’ÉCRITURE qui mélange allègrement toute la « fonction graphique », de «  l’acte graphomoteur » lui-même à la «  conduite de projets d’écriture » en passant par «  l’écriture créative » et les «  écrits de travail et de synthèse ».

    - On y réaffirme l’importance de l’écriture cursive qui doit être «  automatisée pour être rapide et fluide », ce qui est bien.
    - On y demande à ce que les élèves «  écrivent beaucoup, à toutes les étapes de l’apprentissage », ce qui est très bien.
    - On y encourage les professeurs à exercer la «  vigilance orthographique » de leurs apprenants, ce qui est indispensable.

    Dommage cependant que ce dernier encouragement ne soit conseillé que pendant l'étape ultime, celle de la relecture !... Il est tellement plus simple pour des enfants de bâtir droit que de devoir reprendre ce qu’ils considèrent comme leurs chefs-d’œuvre ! Voir sans arrêt retoqués des textes écrits avec les tripes, et ce quels que soient les efforts qu’on a mis à leur construction, ce n’est pas drôle du tout, qu’on ait neuf, dix ou onze ans. L'estime de soi en prend un coup, je vous assure. Pire qu'avec une gommette rouge, un bonhomme qui fait la tronche ou une note en-dessous de la moyenne ! Ça a de ces susceptibilités, à cet âge-là... Bien malin l'adulte qui les comprend et les respecte.
    Je suis sûre que la plupart de ces enfants-là préféreraient nettement qu’on leur apprenne à construire d’emblée « un texte organisé et cohérent, à la graphie lisible et respectant les régularités orthographiques étudiées au cours du cycle » !

    Les programmes 2016, c'est bien...
    Exemple d'exercice de rédaction court, loin de l'usine à gaz de certains "projets d'écriture", mais qui gagnerait à être étayé plus précisément par un questionnaire relatif à chaque image, par exemple... Je remercie la personne qui a partagé cet exercice sur internet.

    Pour ce faire, dans la partie Repères de progressivité«  l'étayage pendant l’étape prérédactionnelle », conseillé en début de CM1, me semble excellent et tout à fait propre à libérer la parole des élèves ! Il gagnerait cependant à être conservé plus longtemps afin de permettre à tous les élèves, même les plus lents, de se sentir à l’aise lorsqu’on leur demande d’écrire.

    Enfin, relégué en avant-dernière position, voici le chapitre ÉTUDE DE LA LANGUE. Cela commence très fort avec l’affirmation de souhaiter «  assurer des savoirs solides en grammaire autour de notions centrales » et «  susciter l’intérêt des élèves pour l’étude de la langue ». Chouette alors !
    Cela continue avec un apprentissage de l’orthographe lexicale basée sur les «  régularités graphiques ». Nous aurait-on entendus, au GRIP, avec nos leçons sur les noms en -ier, les noms féminins en -ie, la formation des adverbes en -ment, … ? Finies les listes de mots interminables et les cahiers de sons avec lesquels on apprend mécaniquement sans jamais mettre en mots ce qui serait si facile à retenir, sans par cœur imbécile, une fois qu’on aurait compris ? Espérons !
    Les Attendus de fin de cycle sont on ne peut plus modestes. Mais ils sont nécessaires, en effet. On va dire que ce sont les fondations du soubassement du socle sur lequel on pourra construire la capacité à s’exprimer par écrit en 140 signes sur un réseau social bien connu !
    Il ne faut toutefois pas s'amuser à placer des pronoms compléments au féminin pluriel avant un verbe conjugué à un temps composé, ni alambiquer ses phrases à coups de subordonnées conjonctives introduites par que, mais bon... C’est quand même déjà ça puisqu’on dépasse de beaucoup les lol, mdr, ptdr et autres TKC du langage SMS…  

    Ceci nous amène tout naturellement au manque général d’ambition de ce programme, émaillé de ci de là d'envolées démesurées vers des projets pharaoniques bien éloignés des capacités et des aspirations personnelles d'un enfant de neuf à douze ans, le tout assaisonné d’une propension à imposer une méthode et une seule pour atteindre les objectifs notionnels requis...
    Mais patience, ceci sera l’objet de notre second chapitre…


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  • Commentaires

    1
    Vendredi 2 Octobre 2015 à 13:42

    Merci Catherine. La forme par épisode est une très bonne idée, de même que celle de commencer par le positif.

    Tout est très clair.

    Tu ne mettrais pas une légende sous l'illustration à la cigogne, histoire qu'on voit d'où ça vient et quel est le rapport avec ton texte (l'étayage préalable, c'est ça ?)

    2
    Vendredi 2 Octobre 2015 à 14:12

    C'est-à-dire que c'est juste un truc que j'ai trouvé grâce au moteur de recherche Lilo en demandant des images correspondant à l'expression "rédaction CM2"... J'ai pris celle-ci parce qu'elle était "actuelle", toujours pour ne pas qu'on nous colle systématiquement l'étiquette "passéiste", que nous rejetons tous deux. Tu me vois donc bien ennuyée pour expliquer... Mais cela pourrait faire l'objet d'un article, un jour. 

    3
    Vendredi 2 Octobre 2015 à 16:02

    Marrant. Je trouvais le style très années 50. Avec la cigogne d'Alsace et al référence au Maghreb, ça sent bon le vieux manuel. 

    4
    Vendredi 2 Octobre 2015 à 16:12

    Ça doit être un truc recopié à partir de vieux manuels... Comme il n'y a rien d'à la fois valable et pratique actuellement, beaucoup de collègues font cela.

    J'en profite pour signaler aux éventuels lecteurs que, sur le site de Zaubette, il y a un excellent travail de ce type . C'est utilisable au CE1 mais aussi au CE2, si les élèves n'ont jamais pratiqué la rédaction :

    http://www.zaubette.fr/expression-ecrite-ce1-a94659268

    5
    Lolo
    Vendredi 2 Octobre 2015 à 17:03
    Moi je travaille là dessus justement et c est super ce fichier!
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