• Le petit livre rouge ! (1)

    Le petit livre rouge !

    Le petit livre rouge, petit frère du petit livre orange, et non descendant de son homologue chinois, est paru ! On ne va pas attendre qu’il arrive dans les écoles bien beau bien relié car, à mon avis, on peut l’attendre longtemps.

    Si j’ai laissé passer le grand frère, je ne vais pas laisser passer celui-là. Je vous propose ci-dessous la première partie des réflexions nées à sa lecture.

    Vous verrez que pour ce qui est de cette première partie tout du moins, je suis d’accord avec beaucoup de choses. Dans ce cas, je me suis contentée de copier-coller ce que je lisais, en en soulignant quelques phrases ou segments de phrases qui me paraissaient de la plus haute importance et, de temps en temps, en ajoutant mon petit grain de sel, en italique, sous les instructions données dans cet opuscule.

    Parfois, cependant, je m’inscris en faux. J’ai alors repassé en rouge ce qu’on peut lire dans cet ouvrage et j’ai expliqué, en italique, comment je voyais les choses.

    À vous maintenant de commenter !

    Le petit livre rouge

    Quelles consolidations des acquis en fluence, au CE1 ?

    a) Déchiffrage et compréhension

    Dans toute lecture, le décodage et la compréhension ont partie liée d’une façon indissociable.

    Ce lien entre le décodage et la compréhension met en évidence l’importance du travail à conduire sur la maîtrise du langage oral, l’enrichissement du vocabulaire dans les divers domaines disciplinaires et culturels. Mais il indique aussi la nécessité d’un travail sur le déchiffrage, à même de créer les conditions pour que les élèves puissent s’engager dans la lecture compréhensive.

    Il est également important de ne pas confondre le travail de la compréhension de l’écrit sur des textes lus, et donc bien déchiffrés par les élèves eux-mêmes, avec celui fait sur des textes entendus, lus par le professeur. Il n’est pas interdit, bien sûr, de continuer au CE1 à offrir aux élèves des textes qu’ils entendent, afin de mobiliser leurs connaissances et leur imaginaire, et d’entretenir leur désir de savoir bien lire pour être autonome. Mais cela ne saurait se faire au détriment d’un travail soutenu sur des textes lus par les élèves eux-mêmes.

    Proposer des textes qui méritent d’être interrogés, discutés, suppose de ne pas renoncer à la richesse du vocabulaire et donc, de ne pas craindre de proposer des mots que les élèves sont susceptibles de ne pas connaître. L’enjeu de la connaissance de mots nouveaux s’inscrit dans celui des compétences intellectuelles que l’École a pour mission de construire, car c’est dans les mots que toute forme de pensée s’élabore.

    b) Les correspondances graphèmes-phonèmes

    Le principe alphabétique de la langue a été étudié au CP, au travers d’un travail progressif, systématique et explicite des correspondances entre les graphèmes et les phonèmes.

    Toutefois, un nombre parfois non négligeable d’élèves ne peuvent aller jusqu’à une maîtrise suffisante de ces correspondances pour atteindre un déchiffrage efficace. Il est donc indispensable, dès le début du CE1, de consolider les acquis du CP, en faisant un retour sur les graphèmes complexes dont la connaissance et la fluidité de décodage doivent être renforcées.

    Lorsqu’on utilise des méthodes graphémiques de qualité, en utilisant des techniques qui ont fait leurs preuves (écriture-lecture, travail sur la compréhension), cette maîtrise très insuffisante ne se produit quasiment jamais, sauf pour une infime proportion d’enfants qui, le plus souvent, ont aussi de graves difficultés dans les autres domaines. La meilleure solution pour ces enfants-là reste le redoublement ou l’enseignement spécialisé dans une structure à petit effectif intégré dans l’école.

    → Au CE1, beaucoup de nos collègues se plaignent de recevoir dans leurs classes des proportions parfois très importantes d’enfants qui n’ont pas appris à lire. Dans ce cas, en effet, il convient de revoir les graphies (simples et) complexes.

    → Pour les autres, ceux qui tout simplement « appris à lire au CP », la lecture quotidienne de textes « qui méritent d’être interrogés, discutés » suffit largement à finir d’automatiser les ien, ay, oy, tion et autres gn, ph, euil, ouil, eil... Tout au plus l’enseignant doit-il, pendant la première période de l’année (septembre-octobre) répéter aussi souvent que nécessaire : « A.I.L, cela se lit [aj]... I.E.N, c’est [j ɛ̃] comme dans chien, bien, mien, rien... »

    c) L’automatisation

    Pouvoir lire tous les mots sans en avoir appris aucun fait partie de l’apprentissage de la lecture, ce qui signifie qu’il convient de s’abstraire de toute forme de reconnaissance globale. La voie directe que l’on obtient lorsque l’automatisation est en place permet d’entrer directement dans le sens des mots grâce au repérage, rapide et devenu familier, de leur orthographe et de leur sens. Lorsque l’on est surentraîné, on a l’impression d’une reconnaissance globale des mots, mais cette illusion est trompeuse : les lettres sont traitées en parallèle, mais il n’en reste pas moins qu’elles sont toutes traitées.

    Pouvoir se concentrer sur le sens nécessite donc que les élèves aient pleinement transformé en routine le déchiffrage. C’est la condition pour qu’ils deviennent des lecteurs efficaces.

    → Avoir transformé en routine le déchiffrage est pour une part non-négligeable de nos élèves l’enjeu du CE1. Même si certains, rares, y arrivent dès la rentrée (sur un texte inconnu, j’entends, pas sur un texte préparé à l’avance et relu plusieurs fois, chronomètre en main), la plupart n’y arriveront que vers la fin du premier trimestre et les derniers auront besoin de deux trimestres pour arriver à dire, à la vitesse de la parole, en découvrant le texte : « Il était une fois une petite fille de village, la plus jolie qu’on eut su voir ; sa mère en était folle, et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge qui lui seyait si bien, que partout on l’appelait le petit Chaperon rouge. »

    Par la lecture, les élèves ont une meilleure conscience de l’organisation de la langue. Ils visualisent des lettres muettes qui leur donnent des clés de l’orthographe...

                Pas tous. Les visuels, sans doute, les autres, parfois non... Cela passera par l’écriture pour les kinesthésiques et par le langage et les explications orales.

    lorsqu’ils ont appris des accords de genre comme dans grand/grande ; fort/forte. Ils prennent conscience de l’importance des marqueurs morphologiques qui ne s’entendent pas à l’oral, mais qui participent de la construction du sens : Petit/petits ; bleu/bleue ; ami/amie/amies ; je lis/il lit ; etc. Leur étude explicite en lien avec le déchiffrage est indispensable pour installer la compréhension de l’écrit par la prise de conscience du rôle essentiel qu’ils jouent dans tout texte.

    → Voilà : l’étude explicite est fondamentale. Donc : langage et explications orales. Et écriture !!!

    d) Copie et dictée

    Il est nécessaire de conjuguer les activités de lecture et d’écriture. Dans les moments de consolidation du déchiffrage habile de graphèmes complexes, ce sont dans un premier temps la copie et la dictée qui sont prioritairement concernées.

    → La copie c’est bien, quand l’élève ne se contente pas de recopier des suites de lettres sans les lire ! Dans bien des cas, il faudra d’abord leur apprendre à copier avant de compter sur la copie pour qu’elle consolide les graphèmes complexes.

    → Et c’est pareil pour la dictée. Quand au CP, on a appris des mots et des syllabes par cœur, avant d’apprendre à les coder et décoder soi-même, par la simple combinaison des consonnes et des voyelles qui les composent, on a souvent bien de la peine à se servir de ce qu’on fait en dictée pour consolider le déchiffrage habile des graphèmes complexes ! Et, même sans graphème complexe, on écrit facilement « navre » pour « navire » quand, comme nous l’a appris notre enseignant,  on se fie à sa vue et à l’écriture dans l’air ou sur le dos de son voisin de classe pour en mémoriser « l’image »...

    Dans ces cas-là, pendant qu’on « répare » les outils qui ont été utilisés de manière défectueuse, il vaut mieux faire confiance à d’autres outils :

    ◊ L’exercice à trous du type « Je copie les mots en les complétant par eil ou euil : le sol... ; un écur... ; un faut... ; un cons... ; un rév... ; un bouvr... ».

    ◊ L’exercice de remise en ordre des lettres d’un mot données « en vrac » du type : « J’écris les mots dont les lettres ont été mélangées : Je jouerai avec mes amis pendant la r.c.r.t.n.i.o.é.é.a ; Je cherchela t.l.n.s.o.u.i.o du problème. »

    ◊ L’exercice de « conscience phonologique » associée à la production d’écrit (appelé aussi « exercice d’encodage ») du type : « Je complète les phrases par des noms féminins qui se terminent par la graphie aille : Le général dirige la ... . À la fin de la compétition, nous avons tous reçu une ... . Le premier petit cochon avait construit une maison de ... . »

    ◊ L’exercice de vocabulaire du type : « Je construis les mots selon le modèle : L’arbre qui porte des prunes est un prunier. L’arbre qui porte des pommes est un pomm... . L’arbre qui porte des poires est un ... . L’arbre qui porte des cerises est un ... . »  

    ◊  Et j’en oublie certainement...

    1. e) Les erreurs

    Tout engagement dans l’activité accompagné d’un retour sans délai sur les erreurs, permet de prendre conscience de ce qui n’était pas maîtrisé, et de gagner dans l’approfondissement de sa compréhension. C’est pourquoi, loin d’être une faute, l’erreur doit être un objet de travail constamment accueilli et traité avec toute la bienveillance nécessaire.

     → D’où les « a.i.l, ça se lit [aj] », les « Je copie les mots en les complétant par eil ou euil » et autres aides bienveillantes qui, de tous temps, ont fait partie de la panoplie de l’instituteur puis du professeur des écoles.

     → D’où ― parce que je ne comprends pas du tout comment ceux qui d’un côté écrivent cela peuvent continuer sur le chemin tracé depuis 30 ans exactement  ― mon exigence d’un arrêt total des évaluations normatives passées à grande aria nationale !

     → Que ces évaluations soient inspirées par les neurosciences ne changent rien à la pression qu’elles exercent sur les enseignants, les parents, la société civile, pression qui se répercute multipliée par cent ou mille sur les enfants qui, comme le dit pourtant le petit livre rouge quelques lignes plus bas :

    ... ont besoin de consolider certains acquis fragiles en lecture, [...] et peuvent avoir le sentiment de manifester un retard dont ils pourraient se sentir coupables. Il est donc indispensable de leur permettre d’aborder cette consolidation sans appréhension, afin que, progressivement, ils puissent se hisser au niveau requis pour entrer pleinement dans les apprentissages du CE

     → Les évaluations sont faciles à faire en classe, sans aucune pression d’aucune sorte, en rassurant les élèves inquiets de leur pseudo retard, sur le matériel de travail choisi par l’enseignant.

     → Il lui suffit de faire lire tous les jours ses élèves à voix haute. À la fin de la première semaine (car parfois, il faut un peu de temps pour que « ça revienne ») il aura détecté les non-lecteurs ; à la fin de la deuxième, il saura presque toujours quelles graphies manquent à quels élèves ; à la fin de la troisième, il aura une idée précise des exercices « qui marchent » (copie et dictée comprises) et ceux pour lesquels les enfants ont adopté des stratégies de contournement de la difficulté (voir ci-dessus pour la copie) ou peinent à sortir des « fausses pistes » dans lesquelles ils ont été engagé antérieurement (voir ci-dessus pour la dictée).

    Pour la suite, c'est ici :

    Le petit livre rouge (2)Le petit livre rouge (3) ; Le petit livre rouge (4) ; Le petit livre rouge (5)Le petit livre rouge (6)  Le petit livre rouge (7)Le petit livre rouge (8)  ; Le petit livre rouge (9)Le petit livre rouge (10)Le petit livre rouge (11)  ; Le petit livre rouge (12)Le petit livre rouge (13)Le petit livre rouge (14)


  • Commentaires

    1
    Dimanche 15 Septembre 2019 à 12:13

    Comme toujours... un article plein de bon sens.

    2
    Dimanche 15 Septembre 2019 à 12:19

    Bon article  auquel j'adhère complètement, ou presque. Tu parles à un moment d'élèves visuel/kinestésique/... Cela n'existe pas, c'est un neuromythe. ;)

      • Dimanche 15 Septembre 2019 à 12:56

        C'est un neuromythe sans doute. Mais il n'empêche que certains élèves retiennent mieux ce qu'ils écrivent que ce qu'ils lisent ou ce qu'ils entendent, et ainsi de suite.

        Nous l'avons tous remarqué même avant que le neuromythe apparaisse.

      • Dimanche 15 Septembre 2019 à 13:06

        En fait, on apprend mieux si on multiplie les entrées, si on fait visuel+kinesthésique+auditif+... qui si on utilise une seule entrée soi-disant préférentiel. car en vrai, il n'y a pas de canal préférentiel, c'est une vue de l'esprit.

         

      • Lundi 16 Septembre 2019 à 10:04

        OK. Je dois être et avoir été un cas exceptionnel, moi qui, avant même l'invention du neuromythe, ai toujours lu à voix haute (ou dit à voix haute) ce que je voulais retenir. Et c'était sans doute par pur hasard s'il suffisait que j'écoute la petite voix intérieure pour me souvenir de ce que mes yeux n'arrivaient absolument pas à voir...

        Et ma copine Y, qui faisait fiches sur fiches, en me disant que comme ça, sa main se rappelait de ce qu'elle avait écrire, a sans doute eu son bac avec mention TB (en 1974, c'était très rare) comme ça, par chance...

        Ceci dit, je suis d'accord avec toi, il faut les trois, tout d'abord parce qu'il est très rare que nous ne privilégiions une seule entrée, et ensuite parce que l'école est le lieu où l'on cultive, jusqu'à le rendre efficient, ce qui ne nous est pas naturel a priori.

    3
    Dimanche 15 Septembre 2019 à 23:12
    Laure

    Merci pour cet article fort intéressant. Je rebondis sur les propos de maîtressepatate : effectivement cette notion de canal d'apprentissage est un neuromythe très répandu.

    J'ai fait des recherches à ce propos et j'en expose les résultats ici : http://apreslaclasse.net/index.php/2017/09/12/non-nos-eleves-ne-sont-pas-des-auditifs-des-visuels-ou-des-kinesthesiques/

      • Lundi 16 Septembre 2019 à 10:10

        Profondément ancré, non. Sa vulgarisation, pour les instituteurs et institutrices, date des années 1980 je dirais. À mes débuts, et dans les vieux manuels de pédagogie, on n'en parle jamais...

        Des préférences, voilà, c'est ce que j'ai répondu ci-dessus à Maîtressepatate.

        D'accord avec Steve Masson, pour les raisons ci-dessus. Les collègues qui font "photographier" un mot entier en le répétant à voix haute, puis demande à l'élève de le "voir dans leur tête", avant de le "dessiner dans l'air" ou "sur le dos d'un copain", malgré leur attachement à "agir sur les trois leviers" feraient mieux de leur apprendre à lire et à écrire ils perdraient moins de temps et seraient plus efficaces !

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :