• Juchés en équilibre, sur un socle trop haut.

    Juchés en équilibre, sur un socle trop haut.
    Merci à Jack pour son illustration parfaite de l'illusion d'égalité socleuse.

    Socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Déjà, rien que le titre, on sent l'arnaque à plein nez...
    Commun ? À l'heure où on nous serine à longueur de temps qu'il faut individualiser les parcours ?
    Ah voui, mais vous comprenez, justement, c'est ça l'idée... Un socle... commun... vous voyez ?
    NAN. Je ne vois pas. Ou alors, pas comme vous...

    Juchés en équilibre, sur un socle trop haut.

    Déjà Connaissances... Ça ne vous ferait rien de dresser une liste précise, par année scolaire ? Parce que là, le flou artistique, ça peut se traduire par un manque flagrant d'ambitions. Quand on en arrive à se demander s'il faut mettre l'attribut du sujet dans le socle commun, ça devient ennuyeux, non ?

    Juchés en équilibre, sur un socle trop haut.
    Merci à Wistan, CE1.

    Pour la culture, ce serait bien aussi, d'ailleurs. Parce que les classes qui perdent un trimestre ou plus à apprendre des chansons dont le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elles ne sont pas estampillées "passeront à la postérité", ça va un moment, surtout quand on parle de socle commun... Et celles qui découpent des bouteilles en plastique au lieu d'écrire des rédactions, de résoudre des problèmes ou de découvrir l'histoire, la géographie ou les sciences, ça décrédibilise toute l'Institution et ça le fait passer pour une douce niaiserie votre socle commun !

    Juchés en équilibre, sur un socle trop haut.

    Après compétences... Alors là, excusez-moi, mais voilà...  Fournir une éducation générale, je veux bien. Nous, les instituteurs de Primaire, nous y avons toujours contribué, de la Toute Petite Section de Maternelle au Cours Moyen 2e année.
    C'était "en prime", en plus des acquisitions scolaires, de ce qu'on appelle habituellement les contenus des Programmes.
    Quand j'étais petite, j'ai encore vu les derniers "prix de camaraderie", donnés aux élèves particulièrement altruistes, mais ce n'était pas la liste interminable des items pour lesquels notre action est plus que limitée.
    Et puis, je pense que nos instituteurs savaient bien que, même si le petit Patrick ou la petite Christine avaient bon fond, il leur arrivait bien de temps en temps de faire passer leur intérêt particulier avant l'intérêt général ou d'oublier que la culture de l'engagement prend appui sur l'importance de la promesse et du respect des contrats, ce qui les amenait de temps en temps à ne pas respecter les engagements qu'ils avaient pris envers eux-mêmes ou envers les autres.
    C'étaient des gosses, des gamins, des enfants... ou peut-être même tout simplement des êtres humains, avec leurs qualités, leurs défauts, leurs forces et leurs faiblesses.
    Aller évaluer ces êtres en perpétuelle croissance sur justement ce qui est le moins également accessible, le moins facile à obtenir de tous et tout le temps, le moins facile à étalonner, cela ne relève-t-il pas de l'imposture pure et simple ?

    Juchés en équilibre, sur un socle trop haut.

    Une imposture qui viserait à cacher la poussière sous le tapis, par exemple.
    On enseigne de moins en moins de connaissances (l'attribut du sujet, franchement, comme le plus-que-parfait se retiennent très bien dès le CE2 ou le CM1, du moment où les programmes scolaires sont clairs et progressifs).
    On les répertorie de manière de plus en plus vague (qui peut se vanter à 15 ans de Maîtriser la langue française ? Et nous, comment savons-nous que l'élève a pris goût à l'écriture ?...).
    On les mêle avec les compétences (qu'est-ce que vient faire l'épanouissement de la personnalité  dans les connaissances nécessaires à l'expression et à la communication ?).

    Ou encore plus simplement une imposture qui mènerait à changer la structure de l'école en la chargeant d'une mission d'une ambition folle : l'accomplissement total de chacun des sujets qui la fréquentent...

    Je ne sais pas trop. Un peu des deux certainement. L'avenir nous le dira... ou le passé, par exemple...

    Extrait de De l'école (Jean-Claude Milner, Éd. du Seuil, 1984) :

    Les réformes pieuses de l'école, ..., sont donc l'illustration particulière d'une structure générale. Elles consistent en tout et pour tout à mettre l'institution scolaire dans son ensemble et chaque enseignant en particulier hors d'état d'opérer le moindre effet. L'échec de tous est programmé, sinon qu'il est partout présenté comme l'accomplissement d'une mission suprême. L'école pourrait tout simplement se proposer pour fin d'instruire; ce serait là une tâche parfaitement définissable, qui demanderait seulement qu'on s'accordât sur des contenus et des critères. Quels sont les contenus souhaités par une société équitable et éclairée, quels sont les critères recevables distinguant le savoir de l'ignorance, ce sont des questions non triviales, mais il est possible de les traiter par des voies rationnelles. Or, voilà, aux yeux des cœurs pieux, le plus mauvais point de vue : justement parce que l'entreprise serait rationnelle et accessible aux forces humaines, elle se révélerait manquer le point idéal - nécessairement irrationnel et inaccessible. Aussi l'instruction doit-elle être blâmée: on lui préférera, à tout coup, l'éducation.

    Or, il serait temps de se demander ce que c'est que l'éducation. Manifestement, il s'agit là d'une de ces notions idéales auxquelles on ne peut donner de contenu qu'en passant d'emblée à la limite ultime. L'éducation, c'est le processus par lequel un sujet est censé s'accomplir entièrement: une perfection absolue dans tous les domaines importants. Montrez-moi une qualité désirable, dit l'éducateur à la société, et j'avouerai que je dois la susciter chez l'éduqué et la susciter sous la forme la plus achevée possible. Nulle exclusion n'est ici légitime et nulle insuffisance ne saurait être tolérée. Aussi en vient-on toujours, quand on veut décrire des contenus éducatifs particuliers, à un à la fois: un sujet qui soit à la fois sain de corps et sain d'esprit, à la fois intelligent et généreux de cœur, à la fois amoureux, passionné; et époux attentif, à la fois modeste et brillant, et de plus habile de ses mains, etc. ; voilà le résultat que doit viser tout véritable éducateur: en bref, l'homme total, dont le cavalier français et le gentleman anglais, autrefois, l'instituteur syndiqué, bricoleur et sportif, aujourd'hui, sont les illustrations conjoncturelles. Il va de soi que la tâche est infinie et indéterminée: nul ne peut être sûr d'avoir parachevé son éducation (à vrai dire, elle devrait se poursuivre toute la vie) ; nul ne devrait être sûr qu'il a participé efficacement et dignement à l'éducation d'un autre; nul ne devrait croire que l'éducation soit un métier : c'est bien plutôt une mission, où, n'est-ce pas, sont convoqués tous les hommes de bonne volonté, mais que seuls sauront mener à bien quelques saints. L'éducation invalide donc tout enseignant ordinaire : qui, en effet, peut se persuader d'être un saint ; qui du reste doit désirer d'en être un ? Elle est aussi ce qui rend l'école impossible, parce qu'elle est impossible elle-même. Si les réformateurs la placent au centre de leurs projets, ce n'est pas qu'ils ignorent ce détail. Bien au contraire, c'est parce qu'ils la croient impossible qu'ils la proposent comme fin à ce qui doit être réformé.

    Ayant mesuré l'institution à cette aune, ils peuvent librement la condamner dans sa forme présente et à venir; ils peuvent aisément donner mauvaise conscience à ceux qui en font partie..."

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Mercredi 8 Octobre 2014 à 19:45

    Que j'aime cette saine colère...

    2
    Philann
    Jeudi 9 Octobre 2014 à 15:00

    Merci!!!

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