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    Selon le principe  développé par mon ami , Pierre Jacolino, mes petits élèves de Grande Section, de CP et de CE1 font de l’Histoire, avec un grand H.

    La semaine dernière, c’est sur une image foisonnante représentant un village gaulois, trop petite, trop ancienne, hélas, que j’ai mené ma séance d’observation. Nous manquons cruellement d’images modernes regroupant de nombreux éléments donnant à voir une tranche de vie la plus riche possible d’une époque donnée. Alors, je suis obligée, tout comme les collègues qui tentent l’Histoire chez les Petits, de me contenter de ces vieilles illustrations, terriblement séduisantes pour ceux qui sont nostalgiques d’une école d’arrière-grand-papa fantasmée, mais beaucoup moins quand on veut simplement faire bénéficier ses élèves d’une ouverture sur le monde qui s’étend au passé sans pour cela les dépasser.

    Heureusement, eux, ça ne les dérange pas du tout et ils ne saisissent pas le côté ringard des illustrations tout droit sorties des livres de classe de la IIIe République.

    Nous regardons donc attentivement les huttes aux toits de chaume et aux murs de bois ou de torchis, la fumée qui sort d’un trou ménagé à la cime du toit. Les objets posés au pied d’un arbre, poteries, orfèvrerie, armes et outils forgés, charrue attirent leur attention et cela me permet de demander aux CE1 s’ils connaissent les métiers des personnes qui les ont fabriqués. On parle d’artisans, de potiers, de forgerons, d’orfèvres et de laboureurs avant de passer aux tisserands qui ont vêtu les personnages du premier plan. 

    Je place le mot braies que ma Mafalda du marché de la Canebière retiendra car il correspond bien aux brailles que sa grand-mère lui demande de bien remonter pour ne pas en mouiller les jambes quand il pleut très fort. Ils ont retenu chaperon qu’ils ont vu dans l’histoire de la petite fille dont la mère et la grand-mère étaient folles et tunique qui redevient à la mode cette année.

    Et puis, les cheveux… Les hommes avaient les cheveux longs, très longs. Et une grande moustache.

    - C’est parce qu’ils n’avaient pas de coiffeurs ! Les coiffeurs, ça n’existait pas à l’époque ! crie mon petit Aimé-qui-aime-la-maîtresse, du haut de son bureau de CE1.

    - Non, c’est parce qu’ils faisaient peur à leurs ennemis grâce à ça. Les coiffeurs, ça existait, regarde les Romains à côté !

    - Ce Romain, moi, je le connais. Je sais comment il s’appelle. C’était le chef.

    - Oui, c’était le chef des Romains. Je l’ai vu à la télé.

    - C’était pas le vrai. Le vrai, il est mort. C’était il y a 20 siècles. Ça fait 2 000 ans. À 2 000 ans, on est mort.

    - Loubna nous a dit qu’elle savait son nom. Tu nous le dis, Loubna ?

    - Oui, c’est Jules Ses-Armes. Il s’appelait Jules Ses-Armes.

    - Non ! Cé… sar ! Jules César !

    - Ah bon ? C’est vrai, maîtresse ? Jules César ?

    - Oui, Loubna. Jules César. Comment sont ses cheveux ? Et son visage ?

    - Ses cheveux sont courts et son visage est rasé.

    - Si les Romains pouvaient se couper les cheveux et se raser la barbe, les Gaulois pouvaient le faire aussi.

    - C’étaient d’excellents forgerons, on a dit. Si on sait fait un couteau qui coupe vraiment bien, bien, bien…

    - On dit aiguisé. Un couteau très bien aiguisé.

    - Oui. Un couteau qui coupe, ça coupe aussi les cheveux et la barbe.

    - Dans le rasoir de mon papa, il y a des lames comme pour un couteau mais toutes petites. Un jour, je l’ai passé sur ma joue et je me suis coupé. Ça saignait sur ma joue.

    - Et moi, dans la baignoire, j’ai pris le rasoir de ma maman et je l’ai passé sur ma jambe. Eh ben, je me suis coupée aussi. Les rasoirs, c’est comme les couteaux, ça coupe.

    - Bon, les enfants… [sotto voce : Maintenant qu’on connaît le mode d’épilation de la maman de Loubna,] si on en revenait à nos Gaulois excellents forgerons ?

     

    Ce qui est extraordinaire, c'est qu'en plus de faire de l'Histoire avec mes P'tits de cinq à sept ans, ça m'a permis de constater que Loubna et Aimé-qui-aime-la-maîtresse avaient déjà validé leurs compétences à :

    1) pratiquer une démarche d'investigation : savoir observer, questionner

    2) manipuler et expérimenter, formuler une hypothèse et la tester

    3) mettre à l'essai plusieurs pistes de solutions

    et sont en cours de validation pour :

    1) mobiliser ses connaissances dans des contextes scientifiques différents et dans des activités de la vie courante

    2) exercer des habiletés manuelles, réaliser certains gestes techniques

    C'est dingue, non ? Ces petits bouts de cinq et sept ans ont déjà validé la moitié des compétences de culture scientifique et technologique du Palier 2 du S3C !

    Ça fait plus de cinq ans d'avance pour Loubna... Vous croyez qu'il faudrait que je mette en place un PAI pour précocité intellectuelle ?

     


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