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Cahier de mathématiques en GS
Merci à Sophie Borgnet pour son travail d'illustration.Une collègue me demande :
Bonjour,
je me permets de vous contacter car j'aurai des GS à la rentrée après plusieurs années en CP et je me questionne sur le cahier de maths en GS. Je suis preneuse de vos bons conseils.
Par avance, merci,
C.Ma réponse :
Bonjour C,
Autrefois, la question ne se posait pas. La GS était une classe dans laquelle les petits enfants de 5 à 6 ans jouaient, continuaient à apprendre à parler, dialoguer et écouter parler, à vivre ensemble et à se servir de leur corps, et particulièrement de leurs mains, pour s'exprimer et communiquer, même à distance.Dans ce cadre-là, en PS et MS, ils avaient déjà utilisé la trace laissée par un crayon pour coder toutes sortes de choses, soit spontanément (dessiner une flèche ou une croix dans un catalogue de jouets pour dire celui qu'ils voulaient que le père Noël leur apporte, barbouiller de rouge un trait qu'aurait fait un voisin sur "leur dessin", ...), soit avec une consigne venue d'en haut (colorie en rouge tous les poissons, fais une croix sur les objets qui ne servent pas pour se laver les dents, etc.).
En revanche, comme on considérait que leurs sens étaient encore trop immatures pour cela, ils n'avaient été entraînés ni à reconnaître les lettres et les chiffres (parfois 1, 2, 3 avaient tout de même été vus en fin de MS), ni, surtout, à les écrire, car on craignait que se fixent les mauvaises habitudes prises en raison de l'immaturité de leur motricité fine.
Comme tous ces apprentissages étaient bien entamés, en GS, on commençait, au rythme des enfants, à leur faire découvrir les avantages d'un code écrit universel et ceux des apprentissages structurés. Et, pour les aider à se structurer et à mémoriser ce code écrit (lettres mais aussi chiffres), on leur donnait, toujours progressivement, quelques courtes tâches écrites. Pour qu'ils en comprennent et que leurs parents comprennent la nécessité d'un apprentissage structuré, ces tâches étaient souvent rangées dans un cahier, plutôt que proposées sur des feuilles volantes (si c'était le cas – comme dans les fichiers auto-correctifs des techniques Freinet – l'ordre d'exécution des tâches était rendu immuable grâce à leur numérotation).
Les enfants de GS avaient donc un cahier pour les mathématiques dans lequel ils faisaient de courtes tâches d'écriture et de calcul, dessinaient, coloriaient et comparaient des figures géométriques, rangeaient dans l'ordre des nombres, etc.
Ce n'était pas "du CP", c'était une classe à part entière, dans laquelle le jeune enfant consolidait ses acquis antérieurs, en acquérait de nouveaux qu'il maîtrisait en fin d'année et commençait à avoir quelques lueurs sur d'autres, plus structurés encore, qu'il maîtriserait plus tard.
Actuellement, après les 20 à 30 ans d'Internet et de partages de fiches dont le thème était plus important que les acquis qu'elles se proposaient de travailler, les travaux écrits programmés, de type « fiches », « fichiers », « cahiers » ont mauvaise presse en maternelle, et ce de la TPS à la GS... Les fiches téléchargées sur le Net vivent donc leurs dernières heures, remplacées par des « méthodes », j'ai même entendu dire « des manuels », aux prix exorbitants, où les « situations d'apprentissage » sont toujours prévues pour 5 ou 6 enfants seulement et dans lesquelles l'habillage, c'est-à-dire le thème, prend, au moins dans certaines classes, le pas sur les apprentissages réellement importants.
Peut-être serait-il temps de retrouver la raison et de comparer ce qui est comparable ? Pour moi, il est aussi idiot d'imposer un cahier de mathématiques en GS que de l'interdire.
En revanche, il me semble intéressant de conseiller aux PE de faire découvrir à leurs élèves l'intérêt d'un petit temps quotidien où, grâce à un exercice ciblé qu'ils pourront conserver et « relire », ils s'arrêtent un moment sur ce qu'ils viennent d'apprendre ou de conscientiser.Et, dans un premier temps, il serait peut-être intéressant que ces tâches soient fixées par la progression d'un cahier d'exercices très simple, voire minimaliste, juste pour éviter tant les jeux à vide des années 2020 avec la maîtresse et 5 copains, sur une situation déjà vue mais sans les petits lapins en pâte à sel que la maîtresse a dû modeler chez elle, le soir, à la veillée, que le bouffe-fiches des années 1990/2010 où on téléchargeait tous azimuts des "fiches de poissons" parce que notre thème était la mer ou des "fiches de dinosaures" parce que le projet de l'école se basait sur la Préhistoire, sans se soucier de ce que proposaient ces fiches (généralement, c'était "compte et entoure le nombre qui convient")...
Ensuite, nous pouvons rêver... , lorsque la raison aura repris ses droits, et que les marchands auront compris que la maternelle n'est plus la vache à lait qu'ils traient chaque année au moment des commandes, on pourra sans doute rouvrir la porte à la liberté pédagogique et laisser chaque PE maître de la situation dans sa classe, du moment où ses élèves, dans leur immense majorité, arrivent au CP avec un niveau équivalent à celui des élèves de leur génération.Conclusion : Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse. Les enfants de GS doivent avoir un programme de mathématiques structuré et commencer à comprendre la valeur de la trace écrite qui permet la conservation dans le temps et l'espace de l'information, voilà l'important. Le reste, cahier, fiches, et peut-être même jeux plastifiés, mais là, je suis moins sûre, car rien ne reste dans les affaires personnelles de chaque élève, tout se vaut.
J'espère avoir répondu à votre question et vous souhaite une bonne fin de vacances.
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