• Au Cycle 2, ils ont le temps...

    Au Cycle 2, ils ont le temps d'apprendre...
    Merci à Jack Koch de danger école à qui j'emprunte ce dessin.

    Lecture du préambule des programmes de cycle 2, publiés par le Café Pédagogique, en avant-première, comme d'habitude. On s'y propose de nous exposer les spécificités du Cycle des Apprentissages Fondamentaux.

    Excellente initiative ! Parce que prendre des enfants de 5 à 8 ans... ah zut, 6 à 9 ans, c'est vrai que les gosses de maintenant étant moins ouverts socialement, culturellement et intellectuellement que leurs camarades des décennies précédentes, il a fallu repousser le processus d'instruction primaire, comme on disait autrefois, à une date ultérieure ! Donc, reprenons... Parce que prendre des enfants de 6 à 9 ans – brrrr, que ça fait bizarre – de la même manière que leurs petits frères de 2 à 5, non 6 ans, et pire comme s'ils étaient semblables à leurs aînés de 9 à 18 ans, ça a été l'une des erreurs majeures de l'école des quinze à vingt dernières années !

    Alors, ça, c'est bien ! Allons-y pour les spécificités... Et là, gros choc ! Au secours, mes petits copains de Grande Section qui ne rêvez qu'apprentissages, grande école, cartables, stylos, cahiers, livres... CP, quoi !
    Heureusement que vous ne savez pas lire, parce que la première spécificité du cycle dans lequel vous entrerez en septembre prochain  fendrait votre petit cœur d'enfant fier d'être en passe de devenir un vrai grand, élève de CP !

    Au secours, les grands du CP et les géants du CE1, fiers de vos savoirs, de vos super-pouvoirs qui vous permettent désormais d'écrire à vos copains,à votre famille, à votre instit, même, et de lire leurs courriers ! Vous qui vous réjouissez de découvrir chaque jour de nouvelles facettes de ces magies de grands ! Vous qui êtes si contents de votre autonomie dans les actes de la vie quotidienne...
    Cette autonomie qui vous rend capables de calculer combien d'images Pokémon© vous allez pouvoir vous acheter avec le billet de 5 euros que la petite souris vous a apporté, de lire tout de suite le magazine trouvé dans votre boîte aux lettres, et ce avant même qu'un adulte trouve enfin le temps de vous aider – les adultes n'ont jamais le temps, demandez au Petit Prince !
    Et les recettes de gâteaux, pesage des ingrédients compris, et les blagues de Toto écrites en tout petit sous les pots de yaourts et à l'intérieur des papiers de carambars ? Tous ces petits riens qui vous ont fait passer dans la cour des grands... Si vous saviez ce qu'ils en font, les faux-gentils, de tous ces trophées que vous portez haut, tels des couronnes de lauriers.

    Heureusement que vous ne lisez jamais les verbiages des maîtresses d'école. Au moins, vous n'apprendrez la nouvelle qu'à la rentrée prochaine lorsqu'elle vous sera communiquée par votre professeur des écoles, sermonné sans doute par son IEN, lui-même chaudement encouragé par son DASEN qui aura reçu cette mission de son Recteur, ce dernier ayant été chapitré en réunion plénière par sa sémillante Ministre, qui, pour avoir laissé écrire cela, ne doit pas souvent dialoguer avec ses propres enfants, élèves de CE1, si je ne m'abuse.

    Les précautions concernant les âmes sensibles ayant été prises, et celles-ci ayant été écartées des écrans, voici LA spécificité fondamentale et première des années de Cycle 2 (CP, CE1, CE2) :

    Hein ? Quoi ? Les élèves ont le temps d'apprendre ?
    Qu'il y a des méchantes personnes qui tuent sans regarder, comme ça, pour le plaisir ou presque et se font exploser ensuite ? Ça oui, sans aucun doute, ils ont le temps ! D'ailleurs, ils l'apprennent sans l'apprendre, si l'on en croit à la fois le dessin de Jack, les élèves du CP d'Anne et ma propre expérience. Bien trop difficile pour eux et il convient de les protéger de ce genre de savoirs qui les dépassent.

    En revanche, je suis désolée, et je suis sûre que leurs parents et eux-mêmes aussi, pour les fondamentaux (écriture, lecture, calcul, réflexion, culture et vie sociale), il est plus que largement temps !
    D'ailleurs, ce sont eux, les enfants, qui le demandent pour peu qu'on leur fasse confiance et qu'on leur apporte ces savoirs sous une forme qui leur convient, c'est-à-dire pas à pas, à un rythme calme et régulier et sans leur demander sans arrêt de descendre de vélo pour se regarder pédaler et contrôler eux-mêmes leur façon d'avancer !

    Je suis sûre même que pour assurer l'accès à ces savoirs de tous les déshérités, laissés pour compte et autres élèves victimes d'une fausse bienveillance coupable, entachée de relents de gros sous et d'immense mépris, on devrait commencer une année plus tôt. 
    Hélas, le paragraphe consacré à cette affreuse première spécificité préfère égrainer ces élèves-là comme autant de petits cailloux dans la chaussure d'une école qui ne cherche plus qu'à dispenser à chacun « une formation générale qui lui permettra d'acquérir, au meilleur niveau de maîtrise possible - comprendre : pas bien haut pour certains - le socle commun de compétences, de connaissances et de culture.  »

    D'abord on nous explique que...

    « ... les enfants qui arrivent au cycle 2 sont très différents entre eux. Ils ont grandi et ont appris dans des contextes familiaux et scolaires divers qui influencent fortement les apprentissages et leur vitesse.»

     Comme s'il ne tenait pas qu'à l'école de les aplanir, ces différences-là ! C'est même le rôle fondamental de l'École Maternelle, la raison pour laquelle on lui a fait remplacer les Salles d'Asile du XIXe siècle !
    Vous venez de publier de nouveaux programmes de maternelle et vous n'avez pas pensé à inscrire cette mission fondamentale dans le préambule bien avant tous ses autres rôles ? Accueillir les enfants dans leurs différences, c'est bien, mais s'employer à atténuer, amoindrir et même résorber ces inégalités devant l'école, c'est plus noble, non ?

    Et puis, après avoir décliné tout ce qu'il convient de mettre en place pour mettre en place une ambiance de classe au travail, à se demander s'il ne s'agit pas d'une erreur de copié-collé, on propose d'emblée de laisser se creuser les écarts, ...

    « La classe s’organise donc autour de reprises constantes des connaissances en cours d’acquisition et si les élèves apprennent ensemble, c’est de façon progressive et chacun à son rythme. »

    Varier les entrées, faire des reprises constantes, considérer que tout est encore en cours d'acquisition pour continuer à apprendre ensemble, de façon progressive, cent fois, mille fois oui. Mais, si l'on prévoit dès le préambule des programme qu'il faudra plusieurs rythmes, c'est, à part cas très exceptionnels, parce qu'on n'a pas assez étudié le programme et ses méthodes d'application. Et ce n'est certainement pas comme ça qu'on pourra permettre à nos élèves d'apprendre ensemble.

    Passons aux ratons-laveurs... Car l'école est remplie de ratons-laveurs, il faut le savoir. C'est même en leur nom, les pauvres, qu'on s'excuse1 de ne surtout rien pouvoir apprendre de façon sûre et certaine à tous les élèves de cycle 2.

    « Il s’agit de prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de certains élèves (élèves allophones nouvellement arrivés, en situation de handicap, éprouvant des difficultés importantes à entrer dans l’écrit, entrant nouvellement à l’école, etc.) qui nécessitent des aménagements pédagogiques appropriés. »

    Premiers ratons-laveurs, les étrangers de pas-d'ici... arrivés en France le jour de leur rentrée au CP ! " Ils viennent jusque dans nos bras...", air connu...
    Comme je préférais la remarque de M. Fosse, IDEN de Nyons, Drôme, entre 1976 et 1980, à peu près : " Pardon ? Vous dites que vous avez des non-francophones dans vos classes ? Depuis quand sont-ils là ? Depuis peu ? Faites-leur confiance, ils apprendront plus vite notre langue que vous la leur ! Depuis longtemps ? Alors là, ne vous en prenez qu'à vous-mêmes car, que je sache, c'était à vous de leur apprendre..." 
    Un peu dur, peut-être, mais tellement plus encourageant que de dire "N'apprenez rien à personne pour ne pas stigmatiser les élèves allophones"...
    Ce qui n'empêche pas, dans les écoles où le problème est très important et ne peut être balayé d'un revers de main par une réplique d'IDEN d'autrefois, il y a peut-être une autre solution, non ? La CLIN, ça vous dit quelque chose ? Un truc un peu comme en Finlande, plus onéreux que l'école en chaussettes, mais plus efficace aussi... Quand un enfant strictement allophone arrive dans une école, on le scolarise temporairement mais aussi longtemps qu'il en aura besoin dans une classe à tout petit effectif, au personnel formé, et on lui apprend à parler le français, en même temps que quelques rudiments de culture scolaire appropriée à son âge ! Tout bête comme idée... et qui peut rapporter gros...

    Deuxièmes ratons-laveurs... les handicapés. Fastoche ! Si, au lieu de les doter au mieux, après de longues luttes, d'AVS non formés, éjectés après cinq ans de bons et loyaux services, avant de les bazarder dans les classes avec des PE sans formation et 25 à 30 petits camarades, on étudiait au cas par cas, en accord avec la famille et les médecins spécialisés, la meilleure solution pour chacun d'entre eux, on ne serait peut-être pas obligé d'en faire les brebis galeuses qui ont provoqué la naissance d'une école qui a peur d'apprendre !

    Troisièmes ratons-laveurs... les futurs dyslexiques, bien sûr ! On ne va pas revenir sur des méthodes d'apprentissage du langage écrit qui, malgré une bonne trentaine d'années de test, ne marchent toujours pas, quand même ! C'est tellement plus simple d'accuser de pauvres gosses sans défense !
    Battre sa coulpe sur tout ce qui se fait dans le domaine de l'écrit de la TPS au CP, des Oralbums aux méthodes chambres à part, en passant par tout ce qu'on lit à longueur de pages en presse et en librairie, et oser dire qu'on s'était trompés, qu'on efface tout et qu'on recommence, ça a moins d'allure que de singulariser des enfants en leur créant des troubles en veux-tu en voilà !

    En terme de ratons-laveurs, ils vont même jusqu'à exhumer une denrée très rare... puisque déjà, lorsque j'ai débuté en 1975, 100 % des enfants de 5 à 6 ans étaient scolarisés, en maternelle ou en classe enfantine... l'enfant nouvellement inscrit ! 
    Ils l'ont trouvé où, celui-là ? Dans leurs rêves de destruction de l'École Maternelle ? Même Claude Thélot n'avait pas osé et pensait rendre l'école obligatoire de 5 à 16 ans...

    À moins que... tout ça... le décalage d'un an vers l'aval... le temps d'apprendre... ce serait... pour permettre de mieux installer une EPSC allégée, débarrassée de sa maternelle, confiée aux bons vouloirs des territoires et du secteur marchand ?... Tais-toi, Cassandre, tu m'énerves ! J'aime mieux quand tu donnes des pistes pour sortir du gouffre...

    Des pistes... Bof... Vous les connaissez, non ? Allez, juste une fois alors :

    De deux à cinq ans :
    Apprendre à parler, à se servir de ses sens, à délier ses gestes et à vivre à l'école, avec tous ses camarades, pour y partager des jeux, des histoires, des chants, des danses, des constructions plastiques... Toute une vie d'enfant, riche et harmonieuse.

    De cinq à sept ans :
    Continuer sur cette lancée, en ajoutant l'écrit qui permettra d'approfondir, de multiplier, de croiser tous les apprentissages. De la lecture au calcul, du dessin à la musique, de l'éducation physique et sportive aux sciences, de l'écriture manuscrite à la géographie, de la littérature à l'histoire des temps passés !

    De deux à seize ans :
    Donner à chacun ce dont il a besoin, même si cela coûte plus cher à la société qu'un bon pour une assistance à la survie en milieu scolaire non protégé, et lui permettre d'être un enfant heureux, épanoui, fourmillant d'idées et de projets, qui, comme tous les enfants, ne prend jamais le temps d'attendre parce que, lui, son rêve, son but, sa spécificité première, ce pourquoi il est programmé, c'est APPRENDRE !
    C'est d'ailleurs pourquoi, déjà à six ans, le socle, on marche dessus !

    Au Cycle 2, ils ont le temps d'apprendre...

    Notes :

    1 À moins qu'on ne les accuse finalement ?... de précipiter notre École dans le gouffre ?... Oh non, quand même, ce serait trop bas !


    Tags Tags : , , , , ,
  • Commentaires

    1
    fraisedesbois
    Mercredi 25 Novembre 2015 à 19:25

    merci pour cette lecture édifiante. abominable sur le fond. mais soies bien certaine qu'accompagnés de ton analyse, on se sent moins seuls, tout paralysés qu'on demeure sur le fond.

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :