• Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (2)

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (2)

    II. De cinq à sept ans :

    1) Écrire, de l’apprentissage du geste à l’expression écrite normée :

    a) L’année de Grande Section :

    Quand les élèves arrivent en Grande Section, ils savent quels avantages ils gagneront à savoir écrire. Ils ont vu depuis deux à trois ans comment s’y prennent les adultes et à quoi ressemblent les traces qu’ils laissent sur le papier lorsqu’ils écrivent à la main.

    Leurs gestes, déliés par leurs années de « patouille » puis d’activités manuelles conscientes, sont sûrs… ou presque. Les activités manuelles et l’éducation motrice quotidiennes, qui vont continuer tout au long de ces deux années, contribueront à leur faire acquérir cette sûreté du geste en même temps que se dérouleront les activités spécifiques d’apprentissage de l’écriture.

    Si leur enseignant s’emploie à consacrer un petit quart d’heure quotidien au geste d’écriture, ils auront tôt fait, après quelques semaines de relance[1], de réamorcer leurs acquis antérieurs (tous ces graphismes décoratifs liés ou répétitifs[2] qui anticipaient les différents gestes nécessaires à l’écriture liée). Ils sont maintenant aptes à continuer sur leur lancée en ajoutant à l’apprentissage du geste les premières bases de la transcription du code.

    C’est en ce début d’année de GS qu’ils commencent à apprendre à écrire, en écriture cursive,selon une progression établie à l’avance, réfléchie et cohérente.

    Il en existe plusieurs. Le critère de choix nécessaire (et suffisant à mon avis, mais c’est mon avis et je n’oblige personne à le partager), c’est l’appui sur le caractère lié de l’écriture cursive. Une méthode qui apprend dès le début à ne lever le crayon que lorsque c’est indispensable[3] est une bonne méthode. Une méthode qui décompose chaque lettre en plusieurs petits morceaux effectués l’un après l’autre est une mauvaise méthode qui ne servira pas l’élève lorsqu’il aura à se servir de l’écriture pour s’exprimer.

    Une fois choisie une méthode, et la bonne, il faut la mettre en œuvre. Dans une classe de GS de vingt enfants et plus, il peut être judicieux de constituer deux ou trois groupes hétérogènes les premières semaines, ne serait-ce que pour apporter une aide allant jusqu’à tenir la main, au sens propre du terme, à l’enfant à la dextérité manuelle encore insuffisante. On occupera deux de ces groupes à des activités psychomotrices fines pendant qu’on prendra le troisième à l’atelier d’écriture. Cependant, il faudra faire en sorte que chacun des trois groupes ait eu accès à cet atelier tous les jours !

    La méthode que j’utilise[4] fait la part belle aux activités motrices en général, en salle de sport d’abord, puis sur grande feuille, à la peinture ou grâce à des jeux d’orientation spatiale (indispensable pour éviter ensuite les confusions p, b, d, q ou f, t ou encore m, n) avant d’arriver à l’activité d’entraînement individuel au geste d’écriture.
    Dans ce cas-là, seule la dernière partie doit être pratiquée en atelier. Cela libère du temps pour le reste auquel tout le monde a droit, en présence de son enseignant et non livré à lui-même pendant que le répétiteur, pardon le professeur s’occupe d’un petit groupe.

    Lorsqu’on en arrive à l’écriture proprement dite, vers les vacances de Toussaint, nous nous mettons à parler de lettres. Selon les méthodes, ce sont les lettres e et l qui commencent la danse. Selon d’autres, on voit i, u et t ou encore m, n, suivies de i, u, t.
    Il s’agit alors d’appeler un chat, un chat et de ne pas cacher ni le nom de la lettre ni le son qu’elle produit. Généralement, la progression de lecture (voir paragraphes 2 et 3) contribue à ce que ce palier soit franchi facilement par tous les élèves. Cela est plus commode si, à ce moment-là, les « leçons d’écriture » peuvent devenir collectives et si c’est à la classe entière qu’on montre la nouvelle lettre. Les échanges se faisant en présence de tous les enfants, ils sont plus divers, plus variés et aident les moins assurés à comprendre ce nouvel apport :

    « Cette lettre s’appelle « èm ». Quelqu’un sait-il quel son elle fait le plus souvent ?
    - Elle fait èmmmmmm !
    - Non, pas èèèèèmmm ! Elle fait Mmmmmm !
    - Comme dans mon nom ! Mmmmattéo ! Mais il s’écrit pas avec trois ponts le mien de èmmm…
    - Moi oui, le mien, il s’écrit avec trois ponts, mais on l’entend pas ! Fffffatima, on l’entend pas.
    - Bah si ! Fa- ti- mmmmma ! On l’entend !
    - Ah oui. J’avais pas vu !...
    - Moi, j’en ai deux mais on en entend qu’un. E-mmmmmma ! On l’entend qu’une fois…
    - Moi, je l’ai aussi, mais on l’entend pas. Keeeee-viiiiin !
    - Non, le tien, il a que deux ponts. C’est pas un èmmm, c’est un ènnnnn, comme l’autre jour !
    (ad libitum… c’est souvent le maître qui craque le premier, un œil sur l’horloge, et l’autre sur son emploi du temps !) »

    De jour en jour, de lettre en lettre, les connaissances s’affinent. On passe là aussi des gazouillis du bébé aux Dzoey mal prononcés pour arriver, en fin de GS, à des élèves copiant, en cursive, dans les lignes du cahier de courtes phrases qu’ils savent décoder ensemble (et parfois seuls, mais le maître ne l’exige pas et, surtout, ne l’évalue pas).
    Cette semaine par exemple (du 12/05 au 16/05), mes élèves ont écrit successivement mardi et vendredi, les phrases « Yasmine a un sac solide. » et  « Lisa a une petite balle bleue. » qu’ils ont déchiffrées ensemble, copiées sous le modèle et illustrées en tenant compte de ce qu’elles leur racontaient.

    Certains iront sans doute un peu plus loin et on verra leurs dessins s’orner de phrases cabalistiques que seul un adulte averti peut traduire : Manonladépokémone sémakopinlmaprêt (Manon, elle a des Pokémon, c’est ma copine, elle m’en prête), le ha èmoté sulabr ilamajé lazo (Le chat est monté sur l’arbre, il a mangé l’oiseau).

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (2)
    Élève de GS n'ayant pas appris à écrire en écriture cursive (fin avril).
    En bas on peut "lire" : Noémie a perdu sa dent mais elle l'a perdue.

    Je vous laisse le soin de deviner comment s'appellent les parents de l'enfant,
    ce sont les deux premiers mots en haut à gauche.

    Leur enseignant, sans exagérer ni dans un sens ni dans l’autre, félicitera l’auteur tout en lui expliquant que les mots ont une orthographe. Il écrira alors la phrase correcte en oralisant chaque mot, lentement, afin que l’enfant voie et entende en même temps ce qu’il est en train de transcrire.
    Une fois la phrase finie, il la relira à nouveau à voix haute, en faisant avancer son index (ou celui de l’enfant) lentement sous les mots au fur et à mesure de leur oralisation.

    b) L’année de Cours Préparatoire :

    Lorsqu’ils entrent au CP où, afin de permettre la réadaptation, le maître va reprendre le tracé de chaque lettre et son attache à celles qui l’environnent lorsqu’on écrit des mots. Désormais, ces lettres qu’ils savent écrire vont leur permettre de faire un nouveau progrès dans le domaine de la langue écrite.

    Il n’est plus possible maintenant de laisser certains d'entre eux écrire mamali1mokelamétrèsadoné[5] car c’est bien en français que l’enfant doit, dès le départ apprendre à écrire. Il n'est pas question non plus d'attendre qu'un éventuel déclic pousse tous nos élèves à avoir envie de produire seuls des écrits signifiants...
    Afin que cela se passe bien, après les balbutiements libres et choisis de l’année de Grande Section, il s’agit d’installer maintenant chez tous les élèves, et de façon normée, les premières règles d’écriture.

    Le maître jumelle cela avec l’apprentissage du code. Chaque jour, les élèves s’adonnent à trois tâches écrites indispensables :
    - la copie de syllabes, de mots ou de phrases lus et compris au préalable,
    - l’écriture sous dictée de syllabes, de mots ou de phrases énoncés par le maître et composés uniquement de lettres déjà étudiées et revues au CP,
    - l’écriture autonome de syllabes, de mots ou de phrases pour commenter une illustration.

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (2)
    Élève de CP apprenant à lire avec La Planète des Alphas (fin décembre)
    (le fond artistique est l'œuvre de son frère, 3 ans)

    Chacun de ces exercices est préparé et commenté. Il est ensuite amélioré par l’enfant lui-même, avec l’aide de l’adulte qui est là pour faire comprendre et apprendre et non pour corriger et évaluer. Les enfants en difficulté sont soutenus plus et plus longtemps que les autres. L’aide du RASED, quand il existe encore, est sollicitée. La différenciation se trouve dans l’accompagnement qu’ils reçoivent et non dans une quantité et une qualité inférieures des exercices qu’on leur propose.

    De quelques mots très simples en tout début d’année (le, la, du, il a lu, il a vu, un ami, le lit, …) dont les lettres muettes sont données pour éviter toute surcharge de la mémoire, on évoluera tout au long de l’année pour arriver en fin de Cours Préparatoire à des dictées de phrases comportant des accords en genre et en nombre, des règles d’orthographe lexicale simples (m avant m, b, p ; s entre deux voyelles ; valeur des lettres g et c, rôle de la lettre u et de la cédille ; masculin et féminin des noms en ail, eil, euil, ouil ; …). Quelques régularités ayant trait à la conjugaison des verbes du 1er groupe, ainsi qu’à celle des verbes avoir et être auront été vues et revues et commenceront à devenir utilisables sans rappel du maître chez certains.

    Aucun mot n’aura été donné à apprendre à la maison avant que toutes ses correspondances phonème-graphème n’aient été étudiées avec l’enseignant et fixées durablement. On s’attachera à ce qu’au préalable les élèves l’aient lu et écrit de très nombreuses fois en classe, avec leur maître. Avant de programmer l’apprentissage par cœur en autonomie, celui-ci leur apprend d’abord à mobiliser leurs capacités à transcrire un mot en se servant des connaissances acquises en combinatoire et ensuite à rendre fonctionnelle leur mémoire à long terme qui leur permet de retrouver les lettres muettes ou la transcription graphémique qui convient (maîtresse ou mètraice ? olivié, auliviez ou olivier ?)…

    De même, les règles d’orthographe grammaticale sont abordées et révisées en classe et ne donnent lieu ni à un apprentissage par cœur de formules toutes faites, ni à une évaluation normée. Tout au long de l’année de CP, le maître montre, rabâche, reprend, répète et sollicite. Il rappelle à chaque correction et encourage et félicite l’élève qui a su écrire et accorder convenablement les mots mais ne sanctionne ni ne dévalorise celui qui n’y a pas pensé. Il se contente de rappeler et de demander à l’élève de se corriger lui-même. Les quantités d’écrit doivent rester limitées afin que cette correction autonome ne demande pas d’effort insurmontable.

    Ce ne sera que plus tard, au CE et au CM, que ces capacités orthographiques devront devenir automatiques. Pour le moment, on s’exerce et on apprend.

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (2)
    Élève de CE1, début d'année scolaire.

    Pour lire le reste de l'article :

     Apprendre à lire, c'est vraiment simple (1) !

    ...

     Apprendre à lire, c'est vraiment simple (3) !

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple (4) !

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple (5) !

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple (6)

    Notes :

    [1] Quand j’étais jeune débutante, on nous expliquait que la période allant du 15 septembre au 25 octobre devait être consacrée aux « révisions », c’est-à-dire à la reprise progressive mais accélérée de tous les acquis de l’année antérieure.
    En démarrant comme maintenant 15 jours plus tôt, mais en ayant trois heures de classe en moins par semaine, nous devons aussi pouvoir considérer que les vacances de Toussaint constituent le jalon qui annonce la fin de la période de « révision ».

    [2] Boucles, « ponts », « pointes » mais aussi cercles, traits verticaux et obliques, vagues…

    [3] Soit pour commencer les lettres a, o, c, q, d, g ainsi que pour la deuxième partie de la lettre x et après la lettre s.

    [4] Du graphisme à l’écriture, L. Baron, Magnard.

    [5] Alors ? Tout le monde a compris ? « Maman lit un mot que la maîtresse a donné. » Bravo !


  • Commentaires

    1
    Mercredi 21 Mai 2014 à 16:06

    Une faute : "illustrer" au lieu d'"illustrées".

    2
    Mercredi 21 Mai 2014 à 16:13

    Merci.

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    3
    françoise svel
    Mercredi 21 Mai 2014 à 20:39

    J'ai lu plein de "mémée", je suis contente!!!

     

    4
    Mercredi 21 Mai 2014 à 20:43

    Il y a un "mémé" et deux "mémette" ! Mais le premier a été un peu avalé par le bord de l'enveloppe et dans le deuxième les lettres se sont un peu catapultées...

    5
    françoise svel
    Mercredi 21 Mai 2014 à 21:04

    Franchement, ce texte: "Élève de CE1, début d'année scolaire."(en turquoise) me semble excellent. Il indique une vraie notion de l'écriture et ne demande qu'à être amélioré avec le temps... Si tous les gamins de cet âge pouvaient écrire comme çà!!!

     

    6
    Mercredi 21 Mai 2014 à 21:11

    C'est le seul écrit que j'ai de cette enfant. Il y a encore beaucoup de fautes mais on sent qu'en effet, il y a du potentiel.

    7
    françoise svel
    Mercredi 21 Mai 2014 à 21:22

    Ce sont des fautes "normales" qui ne demandent que des explications et justifient les "leçons de grammaire" ! J'aurais aimé que tous mes élèves de collège ne fassent QUE ce genre de fautes en entrant en sixième... C'est encourageant car on voit ce qu'il est nécessaire de faire pour améliorer, le pire pour moi étant quand tout est tellement confus qu'on ne sait par où commencer pour "remédier"!!!

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