• Amertume

    Les jours se suivent et ne se ressemblent pas. Hier, j'apprenais le matin que la syllabe se mourait, ce qui était plutôt une excellent chose pour l'enseignement de nos plus petits, et aujourd'hui, cet article du Monde me jette dans la désespérance.

    Fermer deux à trois cents classes rurales, Monsieur le Ministre, c'est mettre au minimum deux à trois mille enfants de plus sur les routes, matin et soir. Alors même que, finalement, les petites lignes SNCF ne fermeront pas et que ces passages à niveaux mal entretenus par des années de disette économique resteront là, tels des statues du commandeur, rappelant inlassablement à l'État que déshabiller Pierre pour habiller Paul de ses oripeaux les moins onéreux (les autres, on les vend à l'encan), ça comporte des risques.

    Les risques de ces fermetures de classes en milieu rural, encore bien plus que ces levers aux aurores et ces couchers tardifs, ces journées ponctuées de 30 à 45 minutes de car matin et soir, ces risques inhérents aux dangers d'une circulation routière toujours plus importante, cette pollution de l'air engendrée par ces déplacements de populations qu'on pourrait éviter, ce sont les RPI concentrés, ceux qui regrouperont à terme en un même lieu treize classes ou plus d'enfants de deux à onze ans – ah non, c'est vrai, plutôt trois ou même quatre ans, puisqu'il paraît que pour « surveiller des couches et changer des siestes », les personnels municipaux sont mieux formés que les professeurs des écoles.

    Un RPI concentré, c'est ce qui permettra de mettre enfin en place un rêve libéral vieux de vingt ans.
    C'est le germe d'une future EPEP, magnifique machine à déconcentrer les services publics en remplaçant l'État par un conseil d'administration autonome, recrutant à terme ses enseignants, fixant son budget et même, on peut toujours rêver, ses programmes et méthodes, histoire de pouvoir faire jouer la concurrence entre établissements pseudo-publics et privés, dans le plus pur fantasme du Grand Marché de l'Éducation, cher à l'esprit d'un de nos anciens ministres de l'Éducation Nationale. 

    Avantage non négligeable du milieu rural, c'est que sa population est clairsemée, ce qui rend moins visibles et moins effrayants les blocages, manifestations et autres occupations de locaux.

    On ajoute à cela des conseils municipaux souvent peu au fait des innovations politico-économiques, encore bien souvent persuadés que l'École de la République ne peut pas mourir et parfois même tiraillés entre le miroir aux alouettes de l'aménagement numérique des écoles et le coût prohibitif de cet équipement pour la classe de leur village.

    Enfin, pour parachever cette entreprise de démolition – et là, je reconnais frôler de près la théorie du complot – il suffit de finir de décorer le gâteau par la cerise de la formation des enseignants, à qui l'on n'enseigne plus la manière d'enseigner dans une classe à niveaux multiples, le cédrat des programmes scolaires qui font que maintenant, certains parents affirment sans broncher qu'ils ne voient pas pourquoi ils envoient leurs enfants à l'école puisqu'ils y font chaque année la même chose sans jamais rien retenir, et le petit poussin en sucre jaune des rythmes scolaires et des horaires de classe sans cesse allégés, qui font que l'école semble de moins en moins obligatoire et porteuse d'une mission alliant instruction et éducation.

    Grâce à tout cela, les jours où il ne neige pas, où il n'y a pas de brouillards givrants ou d'épisode cévenol annoncés par la météo, où les rivières ne sont pas en crue, où les routiers ne bloquent pas les accès aux grandes villes, où les trains ne passent pas aux moments où les passages à niveau sont relevés, des milliers et des milliers d'enfants supplémentaires iront rejoindre, grâce aux transports scolaires, les écoles de ville à la campagne, à moins que ce ne soient les écoles de campagne à la ville, ce nouveau concept qui les transformera en pion n° 390-13 ou 275-12, là où ils étaient jusqu'à maintenant Noah, Emma, Manon, Maxime, Nathan, Léa et Chloé, élèves de l'école de Trifouilly les Oies, canton de Trou-Paumé-des-Forêts, département de la Garonne-Inférieure.

    Que l'enseignement qu'ils y recevront y soit meilleur, ce n'est pas sûr, mais qu'il coûte moins cher et soit plus avantageux en terme de PIB, ça, c'est évident !

    Et puis,  de toute façon, si, perdus dans l'univers impitoyable d'une école trop impersonnelle pour qu'ils y trouvent leurs repères, ils tombent dans la délinquance, pas de souci, le ministre a promis de créer des internats à taille humaine à la campagne... on aura de quoi les rééduquer !


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  • « Tous les jours, j'apprends un peu... »
    Clara, 5 ans 3 mois, Grande Section, Mars 2015

    Ce matin, sur France Inter, j'ai écouté Stanislas Dehaene, nouveau président du nouveau « Conseil scientifique pluridisciplinaire pour l'école ». 

    Il a dit beaucoup de choses intéressantes (et d'autres moins, mais nous aurons sans doute d'autres occasions pour en parler). J'en retiens deux pour le moment, dans la série des « intéressantes ».

    Tout d'abord, je le remercie d'avoir tenté d'expliquer au journaliste que le débat sur la lecture ne se résumait pas à l'opposition « globale/syllabique ». Ça n'a servi à rien, mais c'était méritoire.
    Je retiendrai le qualificatif de « phonique », puisque c'est celui qui a la préférence de M. le Président de ce nouveau conseil.
    Les méthodes phoniques donnent de meilleurs résultats que les autres dans l'apprentissage de la lecture. Voilà, c'est dit. On le savait déjà, mais c'est bien d'insister.

    Ensuite, interpellé sur la semaine de quatre jours, puis sur les manuels scolaires, il a eu cette phrase que les lecteurs de ce blog connaissent bien : « Tous les jours, l'enfant apprend un peu ». Tous les jours. Un peu.
    Après, il y a eu les pirouettes d'usage pour ne vexer ni les tenants de la semaine de quatre jours – au passage, encore petit effort méritoire sur le « tout dépend ce qu'on y fait, pendant ces 4,5 jours de présence », hélas vite évacué par le journaliste chargé de l'interroger – et, bien heureusement, ni la nécessité de laisser aux professeurs des écoles le choix des outils qu'ils souhaitent utiliser dans leurs classes, tout en les formant et les informant.

    Revenons donc à ce « Tous les jours, j'apprends un peu » que devrait connaître, métacognition oblige, tous les petits élèves de France, qu'ils aient deux, trois, cinq, sept ou dix ans...
    S'il avait pu ajouter un complément à ce « un peu », ç'aurait été parfait !

    « Tous les jours, j'apprends un peu... de tout ! »

    • Cela nous aurait évité les manuels « chambres à part » qui prétendent apprendre à lire à sans doute aux environs de 90 % des élèves français.
    • Cela aurait peut-être décidé l'école maternelle et élémentaire à se débarrasser de ces thèmes interminables qui, pendant six semaines ou même plus, privent les élèves de tout ce qui sort du cadre.
    • Cela aurait favorisé les méthodes de mathématiques qui mènent de front numération, calcul, mesures, résolution de problèmes et géométrie.

    Mais enfin ne boudons pas notre plaisir, et saluons l'entrée dans le monde de la pédagogie officielle, scientifique qui plus est, de la méthode des petits pas, celle qui, tous les jours, fait avancer d'un pas sur le chemin de tous les savoirs :

    • savoir lire, c'est-à-dire à comprendre ce que l'on déchiffre (ou décrypte, comme a dit M. Dehaene),
    • savoir compter, calculer, mesurer, se repérer dans l'espace et le temps, construire des raisonnements mathématiques pour résoudre des problèmes
    • savoir parler, se mouvoir, utiliser ses sens pour mieux appréhender le monde qui nous entoure
    • savoir cultiver sa curiosité, son envie d'apprendre, ses capacités attentionnelles,sa confiance en soi
    • savoir enrichir son vocabulaire par l'action, la découverte, la recherche tous azimuts à tous moments de sa vie de classe

    Tout ce que je défends, depuis plus de quatre ans maintenant, sur ce blog et dans les manuels scolaires et de formation pédagogique que j'ai écrits ou co-écrits :

    • Pour une maternelle du XXIe siècle : un guide pratique de l'enseignant en école maternelle, école de l'épanouissement et du langage,
    • La classe multi-âges : un guide pratique de l'enseignement dans une classe à plusieurs niveaux, du simple double niveau à la classe unique de village regroupant tous les enfants de la TPS au CM2 (en cours de rédaction)
    • Du langage oral à la symbolisation : une méthode « clé en main » pour acquérir un vocabulaire riche et passer en douceur du mot oral au plus « savant » de tous les symboles : la lettre
    • Se repérer, compter, calculer en Grande Section : une méthode de mathématiques liant numération, calcul, mesures, géométrie et résolution de problèmes. Elle part du jeu sportif et passe par la manipulation concrète pour arriver à l'écriture mathématique. 
    • Écrire et Lire au CP : une méthode phonique dans laquelle le son sert à faire du sens et le sens est découvert grâce au son qu'on a déchiffré seul. Comme le suggérait M. Dehaene ce matin, elle s'adapte tout au long de l'année aux capacités des jeunes lecteurs, insistant plus sur le son en début d'année (3 à 4 graphies par semaine dans la première moitié du premier livret)  et travaillant plus le vocabulaire et la compréhension fine au fur et à mesure des acquis. Elle débouche, dès la fin du premier livret, sur la découverte réelle, puisque lue par les élèves et non racontée par l'adulte, du patrimoine littéraire bien connu des enfants (contes, récits, extraits de romans).
    • Lecture et expression au CE : Grande sœur de la précédente, elle cherche toujours un éditeur. Le sens, le vocabulaire et une révision rigoureuse du code amènent rapidement et sûrement les élèves vers la lecture courante fluide. Comme au CP, la découverte de la Littérature est intégrée à la méthode et non plaquée à côté, comme dans les méthodes « chambres à part ». 
    • Des dictées pour apprendre l'orthographe : une méthode associée à la lecture et au programme d'étude de la langue des élèves.
    • Questionner le monde au Cycle 2 : des leçons, toujours « clés en main » pour enrichir son vocabulaire, découvrir la méthode scientifique, apprendre à observer, analyser, expérimenter, raisonner et conclure.
    • Fichiers et manuels de Mathématiques en élémentaire : Dans la droite ligne de la méthode de Grande Section, des méthodes « à petits pas », liant dès le CE1, l'apprentissage de la numération, des quatre opérations, des mesures, de la géométrie et de la résolution de problèmes.
    • Fichiers et manuels d'Étude de la langue en élémentaire : une « grammaire » simple, servant tout aussi bien à apprendre à écrire qu'à comprendre ce qu'on lit, en s'appuyant sur la nomenclature « classique » parce qu'on ne connaît bien que ce que l'on peut nommer.
    • Leçons de Sciences en Cycle 3 : Quelques leçons de sciences, utilisant la démarche scientifique de manière guidée pour qu'à chaque leçon, grâce à l'observation, l'expérimentation, le raisonnement, la réflexion, l'élève ait avancé de quelques petits pas très sûrs et puisse désormais graver dans sa mémoire quelques notions essentielles. 

    Alors, ce nouveau Conseil, même s'il risque de ne pas faire le poids par rapport aux exigences de Bercy, s'il pouvait au moins donner envie à quelques collègues d'essayer d'innover hors des circuits réservés aux poids lourds de l'édition scolaire et de tenter les méthodes à petits pas de votre servante, finalement, ça ne serait pas si mal...

    Si toutefois cela l'intéressait, j'enverrais volontiers à M. Dehaene un exemplaire des ouvrages édités.
    Et pour toute personne qui souhaite recevoir ces mêmes ouvrages au prix public, sachez que je prends en charge les frais de port en lettre verte (4,80 €) pour tout envoi en France métropolitaine. Il suffit de me contacter à l'adresse suivante : Contact.


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  • En recul de 30 % !

    Je suis dépitée, ravagée, désespérée... Tels les écoliers français qui ont été testés par PIRLS, je suis en baisse de 30 %...
    Enfin, pas moi, mais les manuels scolaires que j'ai écrits... Mais c'est pareil. Surtout que, contrairement à l'année antérieure, je pouvais désormais compter sur les droits d'auteur supplémentaires que me procurerait Pour une Maternelle du XXIe Siècle.
    Celui-là, si j'ai bien compté, il s'en est vendu 245... en deux ans... la honte... la loose totale ! L'électricienne du cœur en vend des milliers en trois mois pendant que mes copines[1] et moi, nous n'arrivons péniblement qu'à un petit quart de mille en deux ans !

    Pour les autres, et tout particulièrement mes chouchous, Écrire et Lire au CP et Se Repérer, Compter, Calculer en GS, je n'ai pas encore reçu le décompte. Mais je crains le pire...

    Ce n'est pas tant pour l'argent que je ne toucherai pas que cela me tracasse à ce point. J'ai reçu tout de même juste assez pour contribuer à aider une famille pendant tout l'hiver. J'aurais bien sûr aimé pouvoir faire plus mais tant pis, c'est déjà ça.

    Ce n'est pas non plus d'avoir bûché, de m'être décarcassée pour aller au plus pratique, au plus efficace, d'avoir donné du temps, de la sueur et même des larmes pour défendre mon point de vue et tenter de rendre accessible un savoir, une expertise, des connaissances, appelez ça comme vous voulez...

    Non, ce qui m'attriste le plus dans l'histoire, c'est de voir que ces dix années d'efforts n'ont servi à rien... ou si peu... et que nos petits CP, nos jeunes CE1, sans parler des CE2 et des CM vivent toujours les mêmes expériences... Tout comme leurs petits frères et sœurs de maternelle, d'ailleurs.

    Ce qui me peine, c'est qu'il existe toujours des petits enfants qui, dès l'âge de deux ou trois ans, sont priés de reconnaître les lettres de l'alphabet, dont ils ne découvriront l'usage magique que trois ou quatre ans plus tard, s'ils l'apprennent jamais...
    C'est qu'ils aient toujours des professeurs qui ont besoin d'un « outil » particulier, d'un créneau inscrit à leur emploi du temps et d'une grille d'objectifs à atteindre quasiment tel jour à telle heure, pour leur faire « pratiquer la narration et la compréhension ».

    Ce qui me couvre de honte, c'est qu'il existe toujours des classes de GS où l'on exerce séparément les compétences phonologiques, la reconnaissance des lettres en majuscules, leur écriture, toujours en majuscules, et la compréhension orale et écrite, sans jamais proposer aux enfants de les associer entre elles ni leur faire découvrir l'extraordinaire conquête que cette mise en synergie offre sur un plateau...  

    Ce qui me fait bondir, c'est qu'il y ait encore une majorité de classes de CP où l'on continue, avec le succès que l'on sait, à psalmodier des syllabes une à deux fois par semaine et à écouter lire les adultes le reste du temps... C'est aussi que, dans les autres classes de CP, ce soit la psalmodie de syllabes qui tienne le haut de l'affiche et que les enfants n'aient accès à la lecture compréhensive qu'en récompense, après, s'il reste du temps...

    Ce qui me fait hurler de rage, c'est que, dans certains CE1, on puisse encore trouver jusqu'à un quart ou un tiers de non-lecteurs à la rentrée des classes. Que dans d'autres, un petit garçon mignon m'apprenne qu'« on ne lit pas d'histoires parce que c'est pour les CP » et que le travail de lecture se résume à la lecture, hebdomadaire, d'un « tableau de son » sans aucun intérêt narratif.
    Que dans ceux où on lit, on en soit encore et toujours à quatre ou cinq petits albums par an, parce qu'on est plus préoccupé à « faire trouver une thématique » aux enfants qu'à leur assurer un accès à la lecture rapide et immédiatement compréhensive.

    Et enfin, ce qui me désespère, c'est qu'après ces cinq à six années de gâchis, on n'ait toujours pas redressé la barre, que des élèves de huit à neuf ans (CE2) « étudient » en classe Roule Galette ou Le loup qui voulait changer de couleur, comme leurs petits frères et sœurs de maternelle, sans doute parce que, parmi eux, il y a de si faibles lecteurs que l'enseignant ne peut pas prétendre à plus.
    Ce qui m'horripile c'est que les remèdes proposés pour « guérir » les élèves des troubles que les méthodes préconisées ont causés sont toujours les mêmes, que de « fluence » en « enseignement de la compréhension », mes collègues continuent à atomiser les compétences de leurs élèves, persuadés qu'ils sont par leur hiérarchie, leurs formateurs et leurs maîtres es-pédagogie-de-la-lecture; qu'il n'est pas possible de procéder autrement.

    Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé d'agir sur les forums, les réseaux sociaux, ce blog, quelques journaux, mais non, rien, aucune ouverture.
    J'ai sans doute souvent joué le mauvais cheval, j'ai très certainement été trop cassante avec certains, je n'ai sûrement pas été assez prête à courber la tête quand on me le demandait. Cela m'a valu encore récemment des exclusions, des portes fermées. Cela me vaut surtout cette invisibilité, ce peu d'audience, cette absence de retours...

    C'est tellement rageant d'avoir la certitude de détenir non pas la panacée, mais tout de même des solutions pratiques et fiables et de ne pas parvenir à les diffuser, même quand on les donne[2]...

    Si le cœur vous en dit :

    Pour vos cadeaux de Noël, n'oubliez pas :

    Y aura-t-il de la pédagogie pour Noël ?

    CP : Mon enfant ne déchiffre pas

    Notes :

    [1] Françoise Svel, la correctrice, et Sophie Borgnet, l’illustratrice.

    [2] Je propose toujours un outil « révolutionnaire » en lecture pour la classe de CE1, ou même CE2. Je l’offre à qui le veut et je suis prête à dialoguer avec un éditeur sérieux, capable de lui donner une audience normale, pour une éventuelle édition papier.


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  • Y aura-t-il de la pédagogie pour Noël ?

    L’an dernier à la même époque, le monde scolaire et parascolaire (c’est-à-dire, en vrac, les réseaux sociaux, la presse, la radio, la télévision, les librairies et même les rayons des supermarchés) s’enthousiasmait pour un « produit nouveau », totalement révolutionnaire selon leurs dires et donc indispensable à tout éducateur qui se veut innovant.

    De cet engouement découlèrent mille conséquences toutes plus extraordinaires les unes que les autres.

    La plus importante de toutes fut de faire connaître au grand public l’une des pédagogies qui permirent à nos ancêtres du tournant du XIXe siècle d’aider les familles en difficulté – et par là même, leur Patrie – à éduquer les jeunes enfants. Ce qui est dommage, c'est qu'elle éclipsa toutes les autres, dont de fort valables... Mais nous y reviendrons.

    La plus amusante, ou la plus opportuniste penserait sans doute « l’illustrissima dottoressa », ce fut de voir les marchands du Temple se précipiter dans la faille et qualifier de « Montessori » tout jouet fabriqué en Chine pourvu qu’il fut en bois et ait de belles couleurs !

    La plus époustouflante, ce fut sans contestation possible que tant de monde soit convaincu sur la foi d’une seule personne ayant mené en un seul lieu, dans des conditions matérielles très favorables et pour tout dire exceptionnelles, une expérience unique, de très courte durée, ne concernant qu’une cohorte d’une petite trentaine de sujets !

    Et la plus triste, ce fut que, de câblage électrique en étalage de guimauve sirupeuse, certains en déduisirent qu’il fallait tuer l’Éducation Nationale, cet animal préhistorique incapable, sur la foi de ce témoignage hautement scientifique, de tout chambouler en deux semaines pour se décider enfin à aider « l'être humain à révéler sa belle et lumineuse nature »...

     Toutefois et quoi qu’on en pense, cette petite opération marketing a atteint son but et, au soir de Noël, du bas en haut de l’échelle sociale, de la modeste charentaise de simples PES[1] à la Richelieu en cuir pleine peau de directeurs de think tank, ce furent plus de deux centaines de milliers de petits souliers que le Père Noël garnit de l’ouvrage né des constatations d’une toute jeune professeur des écoles à la vocation d’électricienne au cœur rempli d’amour.

    C’est bien. Tout est bien. Un peu excessif sans doute. Mais c’est bien.

    Seulement voilà. La mode, il faut que ça bouge. Beaucoup. Et vite. Vous n’allez pas pouvoir refaire le coup des Lois naturelles de l’enfant cette année. Enfin, je ne pense pas. Il va falloir vous creuser la cervelle...

    Heureusement, il existe d’autres auteurs, ayant écrit d’autres livres, à partir d’autres expériences. J’oserais même dire que certains ont attendu bien plus longtemps avant de considérer qu’ils pouvaient désormais transmettre un savoir-faire éclairé par trente-cinq années de pratique dans des dizaines de classes, les ayant amenés à côtoyer plusieurs centaines d’enfants.

    Alors, cette année, puisque c’est bientôt Noël, si vous avez dans votre entourage des PES, des PE, des journalistes, des libraires, des directeurs de supermarchés, des Inspecteurs, des Recteurs, des Directeurs de Cabinet ou des Ministres de l’Éducation Nationale, et même, pourquoi pas, des concepteurs de réseaux sociaux, offrez-leur Pour une Maternelle du XXIe Siècle, le livre qu’il faut avoir lu !

    Son auteur, votre humble servante, « fuyant les débats simplificateurs et les pétitions de principes, vous y livre, en plus d’une argumentation solide, une suite de conseils pratiques, sous forme de recommandations, d’exemples de programmation, et surtout d’une multitude de petites saynètes vivantes, auxquelles le style et les illustrations de Sophie Borgnet apportent la force de l’évidence[2] ».

    Si vous hésitez encore, pour de plus amples renseignements, vous pourrez consulter sur ce blog le sommaire de cet ouvrage ainsi que quelques extraits :  Utile ou inutile ? ; ABCD de l'égalité  ; Trop petits pour être obligés... ; Deux ans et déjà à l'école ?

    Alors, n’attendez plus, lancez la mode et commandez dès aujourd’hui Pour une Maternelle du XXIe Siècle, soit directement chez l’éditeur, soit ici même en me joignant grâce à l’onglet Contact ; je me ferai un plaisir de vous faire grâce des frais de port.

    Y aura-t-il de la pédagogie pour Noël ?

    Et, si la Maternelle vous intéresse peu, mais que vous aimez l’École, la vraie, celle dont les enseignants continuent année après année, malgré les difficultés, celle qu'ils racontent au jour le jour, par petites touches, offrez-vous Trop classe !  et L’école du peuple, deux ouvrages écrits par Véronique Decker[3], cela vous changera du chacun pour soi de la pédagogie par câblages neuronaux et vous fera toucher du doigt le vrai quotidien, parfois désespérant mais toujours engagé, des vrais instituteurs dans de vraies écoles, bientôt 140 ans après la fondation de l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire...

    Y aura-t-il de la pédagogie pour Noël ?

    Notes :

    [1] Professeur des Écoles Stagiaire : jeune élève-professeur en attente de titularisation.

    [2] Extrait de la quatrième de couverture. Merci à P. JACOLINO, professeur agrégé de Français et père d’enfants scolarisés en Maternelle.

    [3] Institutrice depuis plus de trente ans, directrice à Bobigny (93) d’une école élémentaire publique Freinet « où, dans les règles du service public, l’équipe enseignante pratique une pédagogie active, fondée sur la coopération ».  

    Pour vos cadeaux de Noël :

    N'oubliez pas :

    Y aura-t-il de la pédagogie pour Noël ?

    CP : Mon enfant ne déchiffre pas


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  • Bonne conscience et amalgames

    Là, c'est la grosse colère ! J'en ai plus qu'assez d'être sans arrêt renvoyée à la droite réactionnaire, toutes les fois qu'un événement se produit dans le petit monde de l'Éducation Nationale. Marre, carrément marre !

    J'aimerais enfin savoir pourquoi permettre à un enfant de parler une langue riche et choisie, ce serait de droite, et le laisser croupir dans un gloubiboulga incompréhensible et « marqué socialement », ce serait de gauche.

    J'aimerais comprendre pourquoi donner à copier à l'élève de 5 à 7 ans des textes qu'il ne peut déchiffrer seul, ce serait de gauche alors que lui apprendre patiemment à déjouer un à un les pièges qui permettent de savoir que ce sont « les poules du monastère » qui sont en train de couver[1], ce serait de droite.

    J'aimerais savoir pourquoi le but à atteindre si on est de gauche bon teint, c'est de retarder une population scolaire d'une année au moins, de considérer qu'il est normal d'avoir 10 non-lecteurs à la rentrée dans sa classe de CE1 et de conspuer ceux qui disent que, dans leurs classes, même les petits enfants défavorisés lisent en comprenant des textes adaptés à leur niveau, .

    J'aimerais savoir en quoi être capable d'écrire à 6 ans, avec l'aide d'un adulte patient, que la situation de partage de 20 billes entre 4 enfants s'écrit « 20 : 4 = 5 », c'est de droite, alors que celle qui consiste à apprendre par cœur la liste des doubles et des moitiés, c'est de gauche.

    J'aimerais savoir pourquoi amener un élève à reconnaître et savoir nommer un COD, un COI et un Complément d'Attribution, c'est de droite, extrême pour le troisième, alors que le laisser dans un brouillard, même aristotélicien, c'est de gauche, archi gauche.

    J'aimerais savoir pourquoi dicter « prends de la peinture rouge et dessine une maison » pendant le cours d'arts plastiques, c'est de gauche, alors qu'aider un élève à s'en sortir honorablement dans le maquis des accords grammaticaux, des temps verbaux et des régularités lexicales, c'est une marque infamante de droititude exacerbée.

    J'aimerais savoir pourquoi connaître toutes les personnes du passé simple, c'est de droite, et pourquoi il convient de priver les élèves de la joie d'écrire «vous pûtes» en gloussant comme des gosses de 10 ans heureux de jouer un bon tour aux adultes, si on ne veut pas être taxé de crypto-réactionnaire.

    Pourtant, leur grand maître, homme de gauche s'il en est, Célestin Freinet, apprenait à écrire et à lire à ses élèves de GS en s'appuyant sur les caractères de plomb de sa petite imprimerie scolaire et aurait sans doute trouvé inadmissible que son travail n'aboutisse pas rapidement à l'autonomie réelle de ses jeunes apprenants.

    Bonne conscience et amalgames

    Pourtant, les écrits que lui et ses camarades (au sens politique du terme) publiaient dans La Gerbe ou dans la Bibliothèque de Travail montraient que leurs élèves maîtrisaient l'orthographe, y compris grammaticale, et n'hésitaient pas à écrire au passé simple.

    Pourtant, dans sa grammaire en quatre pages, destinée à fixer chez les élèves les règles vues et revues grâce à l'écriture quotidienne de textes fouillés, bourrés de phrases complexes à l'analyse logique impeccable, l'infâme crypto-je-ne-sais-quoi n'hésitait pas à appeler les chats (et les mots) par leurs noms, que je sache.

    Pourtant, dans les classes Freinet, les petits réfugiés venus d'ailleurs, après avoir subi la guerre, les passeurs, le froid des montagnes et l'angoisse de l'inconnu, écrivaient le français sans faute et s'en enorgueillissaient (enorgueillir, 2e groupe, na !...). Et pour se raconter, ils employaient même le passé simple, à la 1re personne du pluriel, eux !

    Alors, flûte de zut de merde de b... de d...,

    • j'ai toujours appris à tous mes élèves, quelles que soient leurs origines, à parler un français choisi, dès la Petite Section (2 à 4 ans),
    • je leur ai toujours appris à écrire en écriture liée en respectant les normes en vigueur,
    • je leur ai enseigné la lecture et leur ai permis d'être capable de lire, et vraiment lire, « La Chèvre de Monsieur Seguin » en fin de CP,
    • dès que j'en ai eu le courage, après la quatrième ou cinquième réforme « de gauche » qui diminuait encore les contenus j'ai remis au goût du jour dans mes classes l'apprentissage des mathématiques et du français tel qu'il se faisait à l'époque où les enfants sortaient de l'école primaire en maîtrisant les quatre opérations et la lecture[2],
    • j'ai toujours emmené mes élèves, tous, le plus loin possible sur le chemin de l'autonomie lexicale, orthographique, grammaticale et mathématique sans jamais négliger ni les arts, ni le sport, ni les connaissances encyclopédiques (sciences, histoire, géographie, éducation civique), ni le débat,
    • je n'ai jamais laissé sur le bord de la route 10 élèves non-lecteurs à la fin de l'année de CP,
    • mes élèves, tous, même ceux issus de milieux moins favorisés ou arrivés en France depuis peu, sont toujours entrés en 6e en maîtrisant les quatre opérations, en connaissant les formules de calcul de périmètre, d'aire et de volume, en sachant conjuguer à tous les modes et presque tous les temps, les verbes des 1er et 2e groupes ainsi qu'un certain nombre de ceux du 3e groupe, en se repérant à peu près dans l'espace, le temps, le vivant et la matière. 

    Et pourtant, ...

    je suis de gauche,

    bordel !

    Notes :

    [1] Allusion à la célèbre phrase « Les poules du couvent couvent » qui serait paraît-il indéchiffrable par un pauvre bambin soumis par des fascistes notoires à l’apprentissage alphabétique de la langue (méthode dite « syllabique » par les mal-comprenants).

    [2] Et ne me dites pas que c’est faux, j’en ai connu trop autour de moi pour que ce ne soit qu’un concours de circonstances : de ma grand-mère qui a quitté l’école à douze ans et qui se régalait à lire Zola, à mon compagnon qui calcule de tête des proportions compliquées pour réussir des alliages, des mélanges et ne commander que ce qui lui sera nécessaire de ferraille, de sable, de chaux, de ciment ou d’engrais bio pour ses 10 ha 24 a et 2 ca de terre labourable, en passant par le voisin de 85 ans qui lisait son Dauphiné Libéré tous les jours et son Nouvel Observateur chaque semaine, sans compter les romans et les articles scientifiques du Vigneron, je les compte par centaines, ces vieux de la vieille école qui en avaient tiré profit et qui n'avaient pas été laissés pour solde de tout compte par une école qui ne se serait intéressée qu'à l'élite.


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