• III. 2. E. Mise en route - Élém. sans CP (3)

    2. Mise en route

    D)  Classe élémentaire : trois niveaux sans CP

    (3e partie)

    Premier jour de classe 

    Après-midi :

    1) Lecture documentaire.

    Le maître a prévu ce temps de lecture collectif pour permettre à chacun de ses élèves d’avoir lu au moins une fois par jour à haute voix. Seule la quantité variera, selon l’âge des enfants. Par ailleurs, ce temps de lecture s’ajoutant au temps de Culture Humaniste, Scientifique ou Technique qui lui succède, lui permettra de l’étoffer tout en conduisant un apprentissage le rattachant directement à l’étude du Français écrit.

    Selon le domaine travaillé ensuite, il fera lire à ses élèves, en instaurant un débat portant sur le sens de ce qu’ils lisent. Ainsi, le lundi, la lecture portera sur un chapitre de roman ou des extraits d’articles ou de documentaires ayant trait à la Préhistoire ; le mardi et le vendredi, ce seront des documentaires scientifiques, des protocoles expérimentaux à préparer ou des comptes-rendus d’expériences ; et le jeudi, les élèves liront des romans d’aventure, des comptes-rendus de voyages et d’exploration, des documentaires ayant trait à l’espace et à sa représentation...

    L’extrait que chacun lira correspondra à ses capacités de lecteur : une courte phrase pour les plus faibles et de quelques lignes à un paragraphe entier pour ceux qui sont les plus rapides. Éventuellement, s’il constate que l’intérêt se dilue du fait des hésitations des uns et des autres, après que chacun en aura lu une part, il finira lui-même la lecture oralisée du passage prévu.

    Après celle du matin, plus directement adaptée au niveau de chaque groupe, cette lecture collective constitue le deuxième temps permettant de travailler toutes les compétences de lecture en même temps. Le maître veillera donc tant à la fluidité de la lecture qu’à la compréhension du lexique, des inférences, de l’enchaînement des idées, de l’implicite. Le côté documentaire lui permettra par ailleurs d’amener au plaisir de lire ceux de ses élèves dont le tempérament ne les conduit pas vers l’imaginaire et l’introspection psychologique que proposent les lectures romanesques ou les contes... 

    2) Culture humaniste, scientifique ou technologique

    De cette lecture, largement expliquée, commentée et enrichie de matériel concret et de documents, découleront les activités mises en place pour la « leçon » du jour. Celle-ci pourra se borner à réaliser l’expérience dont on aura lu le protocole et à en vérifier les effets, ou, encore plus simplement, à rédiger ensemble et copier phrase après phrase la trace écrite qui conclura la séance déjà largement expliquée (et comprise) par les élèves eux-mêmes grâce à la lecture commentée et au débat auxquels ils viennent de participer[1].

    S’il reste du temps, chaque élève illustrera la trace écrite qu’il vient de copier. Sinon, il sait qu’il pourra le faire pendant ses temps libres, à moins que cette illustration ne tienne lieu de travail écrit lors de la prochaine séance de Culture humaniste, scientifique ou technologique.

    Un dernier coup d’œil à l’agenda et au cartable et le matériel scolaire est fini d’être rangé pour la journée.

    3) LVE ; Arts Visuels ou Musique

    Une fois le matériel rangé, le maître présente à tous le matériel qu’il utilisera en LVE, à moins qu’il n’ait choisi de débuter l’année scolaire en musique ou en expression plastique. La séance est courte mais, puisque la récréation sera suivie par une séance d’EPS, elle peut éventuellement être écourtée de manière à laisser plus de temps à l’expression orale et la créativité.

    Du fait de la structure de sa classe, le maître a choisi une méthode de LVE de type « spiralaire », basée sur l’oral pour les plus jeunes et débouchant sur l’écrit pour les plus âgés. En cette première séance, il répertorie avec la classe entière le matériel de l’écolier et en profite pour réviser avec les aînés les couleurs et la conjugaison du verbe avoir aux différentes personnes du présent. C’est tout naturellement que les plus jeunes s’imprègnent des structures et commencent à les mémoriser rendant ainsi plus faciles leurs prochains apprentissages.

    En Arts visuels ou en Musique, il s’appuie aussi sur les compétences et connaissances des aînés pour entraîner les cadets dans leur sillage. Comme au sein d’une grande famille, les échanges enrichissent tout le monde et permettent à chacun de se réaliser.

    4) Récréation et EPS

    Après quelques minutes de repos, boisson et passage aux toilettes, la journée se termine par une séance de sport. Avant de commencer des apprentissages sportifs plus pointus, tels qu’ils sont référencés dans le BOEN spécial du 26 novembre 2015, le maître a choisi de mener une séance visant à la cohésion du groupe et à l’organisation de l’espace et du temps par l’intermédiaire de Jeux de colo ou de patronage, simples et ludiques. Désireux de participer ainsi à l’acquisition des valeurs de partage, de solidarité, d’échange, de camaraderie, pas toujours perceptibles dans le sport associatif encouragé de toute part à produire des champions, il cherche à faire revivre la marque de fabrique de l’école républicaine et des grands mouvements d’éducation populaire. Cette « signature » donnait l’occasion aux élèves à l’intelligence plus pratique de briller face à leurs camarades plus à l’aise dans les domaines intellectuels et permettait cette première compréhension concrète de l’espace et du temps, vécue corporellement et intégrée sans même s’en rendre compte.

    Un petit échauffement tout simple qui servira aussi à fixer la latéralisation de certains, à enrichir le vocabulaire d’autres, à en calmer et concentrer quelques-uns[2]. Un jeu collectif, avec ou sans ballon[3], héritier des fameux jeux de colo ou de patronage. Un exercice plus dirigé qui permettra, lorsque son apprentissage sera intégré par tous, de progresser dans le grand jeu. Enfin, un retour au calme, assis en rond, pour un dernier jeu d’attention visuelle[4] ou auditive et le tour est joué.

    Les enfants sont ravis de leur journée, le maître est satisfait de sa classe, l’année scolaire a commencé sur un bon pied et est prête à se dérouler, pas à pas, sans grandes fioritures sans doute, mais sans risques ni angoisses.

    Premières semaines

    Les jours suivants, le maître continue à donner forme à sa classe, de manière à ce que les enfants sachent qu’ils sont là pour apprendre et réfléchir ensemble, aidés par un adulte bienveillant qui leur consacrera tout son temps.  

    Lecture et littérature, intimement entremêlées, sont le point de départ de la journée de classe. Les élèves savent que l’aisance qu’ils acquerront dans ce domaine sera le garant de leur réussite scolaire, au moins pendant toutes leurs années d’école élémentaire. Le vocabulaire, la syntaxe, l’orthographe, travaillés pendant les deux tiers de chaque matinée, leur assurent une compréhension de plus en plus fine de la langue et de son code écrit qui leur servira toute la journée, au cours de chaque activité : compter, calculer, réfléchir et raisonner, découvrir des mondes, des cultures, des phénomènes naturels, des constructions de l’homme, se réjouir au contact d’une œuvre d’art, s’exprimer, affiner ses gestes, exercer ses jeunes forces, tout cela devient plus simple lorsqu’on a les mots pour le dire et le comprendre !

    Les élèves, confortés dans leurs capacités, prennent leur autonomie. La cohésion du groupe installe l’envie d’apprendre. Les enfants prennent plaisir aux activités que le maître organise et où chacun a sa place, au milieu de tous ses camarades. Ils savent que les activités collectives sont toutes chargées d’une dimension instructive.
    Chaque jour, chaque élève sait qu’au cours des moments institutionnalisés il s’exercera avec ses camarades de classe à prendre des repères de plus en plus fins dans le monde des savoirs savants.

    Chacun sait où il va, confiant dans ses capacités car épaulé par son maître et ses camarades de classe qui avancent avec lui, sur le même chemin.

    Dans la même série :

     Tous les chapitres déjà mis en ligne sont répertoriés dans la Table des matières   évolutive que vous trouverez dans la partie Sommaires.

    Pour la partie présente 

    I. Idées reçues  ; III.1. Trois niveaux dans la même classe ; III. 2. E. Mise en route - Élém. sans CP (1) ; III. 2. E. Mise en route - Élém. sans CP (2) ; III. 2. E. Mise en route - Élém. sans CP (3)

    Notes : 

    [1] Pour ceux qui ne connaîtraient pas, je ne saurai trop conseiller d’aller écouter la conférence de Pierre Péroz au sujet du langage oral et de l’écoute à l’école. Il explique, pour la maternelle, mais c’est très largement généralisable à l’école élémentaire en y ajoutant le langage écrit, comment sortir du jeu des « questions-réponses » pour aller vers la compréhension collective grâce aux échanges et interactions entre enfants et adulte sans questionnaire préétabli.

    [2] « Touchez du ... », « Jacques a dit », « Il est minuit dans la bergerie », ...

    [3] « Béret », « Gendarmes et voleurs », « Sorciers », « Queue du diable », « Chandelle », « Épervier », ...

    [4] « Chef d’orchestre », « Furet », « Kim vue », ...


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  • CP : Mon enfant ne déchiffre pas

    État des lieux :

    Nous voici arrivés au milieu du premier trimestre. Pour les enfants de 6 à 7 ans, c'est une étape importante, celle où, tout à coup, ils se rendent compte qu'ils commencent à maîtriser un nouveau super-pouvoir !

    Alors, pour célébrer cette découverte, les voilà qui en usent et en abusent. Partout. Que ce soit le matin au petit déjeuner devant le pot de confiture ou le paquet de céréales ou dans la rue, devant les enseignes et les panneaux indicateurs, que ce soit sur les couvertures de magazine, les notices de médicaments, les catalogues de jouets de Noël qui commencent à arriver dans les boîtes aux lettres, ils dé...chif...frent... !

    Sans doute péniblement, avec encore beaucoup d'approximations, mais ils déchiffrent et leur yeux s'illuminent quand ils arrivent à saisir une bribe de compréhension après leurs essais : « Il y a écrit É-co-le Jac-ques Pré-veu-re  ! Mais ça se lit École Jacques Prévert ! C'est mon école. Tu as vu ? Je sais lire ! Je sais lire ! »

    Enfin, ça, c'est dans l'idéal... Hélas, souvent, à ce que je vois ici ou là, ce n'est pas comme ça que cela se passe en bien des endroits. Et cela inquiète certaines familles. On va même jusqu'à agiter, déjà, le spectre de la dyslexie... Ou d'autres troubles, comportementaux, neurologiques ou cognitifs, qui empêcheraient l'enfant, la chair de sa chair, d'apprendre à lire « comme tout le monde ».

    Avant de s'affoler et d'aller consulter, peut-être serait-il profitable de jeter un œil sur la méthode employée dans la classe de son enfant.
    Si l'on constate :

    • qu'au fil des pages, il en y a plus qui sont lues par l'adulte (enseignant ou parent) que par l'enfant ;
    • que les phrases données à lire à l'enfant comportent chaque fois bien plus de mots inconnus que de mots connus ;
    • que les mots lus dans les phrases précédentes ne sont pas réemployés ensuite ;
    • que les pages travaillant la relation entre une lettre et un son ne reviennent qu'au rythme d'une par semaine ;
    • que les découvertes faites au cours de ces pages « lettre et son » ne sont toujours pas utilisées pour lire de plus en plus de mots entiers (moins il y a de lettres apprises et moins c'est facile) ;
    • qu'on demande très souvent à l'enfant d'apprendre à écrire « par cœur » des mots qui n'ont pas encore été déchiffrés lettre à lettre...

    ... on peut d'ores et déjà remballer, au moins provisoirement, son soupçon de trouble de l'apprentissage !
    Il n'a rien, cet enfant, si ce n'est que, pour le moment, personne n'a encore envisagé qu'il est capable de beaucoup, beaucoup plus et qu'à âge égal, dans d'autres écoles, les enfants commencent à pouvoir se servir de la lecture en autonomie, sans un adulte derrière pour leur dire ce qu'ils doivent lire ... ou plutôt réciter, parfois les yeux fermés... On ne sait pas bien.

    Le secret de ces classes, situées parfois dans des quartiers très défavorisés, avec un public dont le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il est nécessairement son propre recours, tant son environnement social et familial est loin du monde de la lecture, c'est l'emploi d'une méthode de lecture à dominante alphabétique, souvent qualifiée, à tort, de « méthode syllabique ».

    Il y en a de deux sortes : 

    • La méthode synthétique, c'est celle qui met l'enfant en présence d'une lettre, puis une autre, puis une autre, sans aucun habillage autour. Au bout de quelques jours, ces lettres sont associées entre elles, en syllabes, puis en mots.
      Au bout de quelques semaines, on associe suffisamment de lettres entre elles pour que l'enfant déchiffre une courte phrase, puis deux, puis quelques-unes.
      Aux alentours des vacances de printemps, parfois un peu avant, les enfants sont autonomes et peuvent alors lire des textes bien plus longs, en comprenant ce qu'ils lisent.
    • La méthode analytico-synthétique, c'est celle qui part d'une phrase composée de mots courts et très utilisés que les enfants apprennent à reconnaître un à un jusqu'à les analyser en syllabes puis en lettres qui serviront immédiatement à reconstruire de nouveaux mots et de nouvelles phrases.
      Au bout de quelques semaines, l'enfant déchiffre des phrases formant déjà des textes de plusieurs lignes, dont le sens est au cœur de son projet de lecteur.
      Aux alentours du mois de janvier ou février, l'enfant est assez à l'aise dans la lecture pour que le processus s'inverse et que ce soit le texte qui serve de terrain d'exploration pour découvrir de nouvelles associations de lettres permettant de coder et décoder de nouveaux « sons ».
      En fin d'année, il lit, couramment ou presque, des textes déjà longs. Ses capacités de décodage lui permettent de déchiffrer des mots dont il ne connaît pas encore le sens. Et comme il a toujours lu pour comprendre, il sait le déduire du contexte (il comprend l'implicite, comme dit son enseignante) et enrichit son lexique en apprenant à l'utiliser.

    C'est de cette deuxième méthode dont je veux vous parler. Vous en avez un exemple ici. Elle est d'un usage simple et tout parent peut l'utiliser à la maison, à condition d'y consacrer chaque jour entre 15 et 30 minutes[1].

    Si l'abondance relative de mots forcément indéchiffrables vous affole, je vous encourage à utiliser d'abord le petit livret que mon amie Sophie Borgnet a illustré et que vous trouverez sur ce blog dans l'article « Cinq ans et demi, c'est le bon âge ».

    Pour ceux qui pensent que leur enfant est capable de mémoriser 7 assemblages de lettres différents et de les associer, provisoirement, à 7 mots français très courants, voici une méthode simplifiée que vous pourrez utiliser sans difficulté chez vous.

    Recette :

    Règle d'or : Une page par jour, pas plus ... mais aussi pas moins !

    Premier jour, la page 2 :

    CP : Mon enfant ne déchiffre pas

    Observation de l'image (5 minutes):

    Dialoguer avec l'enfant de manière à lui faire raconter l'image.

    La phrase (5 minutes) :

    • S'il ne sait pas du tout déchiffrer, lui lire la phrase, mot à mot, en pointant chaque mot (ou signe) du doigt, à plusieurs reprises. Dire « point d'interrogation » et « point » en montrant le signe au cours de la lecture. 
      Recommencer avec la phrase en cursive (lettres attachées, écriture du cahier).
      S'il sait déjà un petit peu déchiffrer, demandez-lui de vous aider dès le départ.
    • Demander à l'enfant de vous aider au bout de deux ou trois lectures : « Lisons ensemble », « Lisons un mot chacun »...
    • Finir en demandant à l'enfant de montrer tel mot, puis tel autre, puis encore tel autre, dans le désordre. L'aider s'il se trompe en lui montrant comment faire : « Regarde, le, c'est le quatrième mot : Tu... 1... as... 2... vu... 3... le... 4. Il commence par une grande barre, la lettre L qui fait « llll », et une petite boucle, la lettre E. qui fait « eeee». »
      Faire montrer « le chat » et « il chasse » en dernier car ils seront réutilisés dans la partie ci-dessous.

    Analyser des mots (5 minutes) :

    • Montrer les mots « le chat » et « il chasse » écrits sous la phrase. Montrer qu'ils contiennent une partie commune : C.H.A et qu'on entend « chhhhhhaaaaa » (prolonger bien chacun des deux sons). Faire lire l'enfant en lui demandant d'insister sur « chhhhaaaa » de cette manière : « le... chhhhhaaaat... il.... chhhhaaaaa...sse ».

    CP : Mon enfant ne déchiffre pas

    • Faire observer les syllabes écrites de 2 couleurs en interrompant de manière insensible le son entre chhhh et aaaaa. Les faire lire à plusieurs reprises.

    CP : Mon enfant ne déchiffre pas

    • Montrer alors les lettres séparées par la flèche et scinder franchement la prononciation des deux sons : « chhhhh....... aaaaaaaa » 
      Faire répéter plusieurs fois à l'enfant.

    CP : Mon enfant ne déchiffre pas

    • Finir en lui demandant de montrer, dans le désordre « cha », « ch », « a »... à plusieurs reprises. 

    Un super-pouvoir (2 minutes) :

    Montrer alors à l'enfant qu'il sait lire tout seul en pointant une à une les lettres et suites de lettres proposées en bas de page. Ne pas souffler mais montrer les lignes lues précédemment pour qu'il se souvienne.

    CP : Mon enfant ne déchiffre pas

    Petit conseil en plus :

    Ne pas s'affoler si l'enfant semble avoir oublié certaines choses, ça va venir. La lettre A produisant le son « A » et la suite de lettres CH produisant le son « chhhh » font toutes deux partie du groupe des lettres les plus présentes dans l'écriture de la langue française[2], votre enfant les reverra un nombre de fois incalculable dans les mois à venir.

    Deuxième jour, la page 3 :

    CP : Mon enfant ne déchiffre pas

     Un autre super pouvoir (5 minutes) :

    • Après avoir demandé à l'enfant de relire la phrase sous le dessin, dans les deux écritures, lui faire lire les deux premières ligne en haut de la page. Recommencer l'exercice de la veille : « Montre-moi le... montre-moi chasse... montre-moi le point... montre-moi tu... etc. »
    • Présenter alors la ligne suivante sans la lire soi-même : « Nouveau super-pouvoir : tu sais reconnaître les mots de la phrase un par un ! »
    • La première ligne est simple puisque les mots sont dans l'ordre.

    CP : Mon enfant ne déchiffre pas

    • La deuxième ligne est plus difficile car l'enfant ne peut plus se servir uniquement de sa mémoire auditive pour réussir. Il doit y associer la mémoire visuelle.
      Si l'enfant hésite, lui montrer comment retrouver les mots dans la phrase en s'aidant de leurs lettres : « Regarde, ce mot commence par un T, c'est un peu difficile parce qu'il est en minuscule. Après, il y a la lettre U, comme ici (montrer Tu) et ici (montrer vu). Lequel de ces deux mots commence par T ?... Oui, c'est le premier. Tu te souviens de quel mot il s'agit ?... Très bien ! »

    CP : Mon enfant ne déchiffre pas

    Troisième super-pouvoir (10 minutes)

    • Montrer les phrases numérotées à l'enfant en lui disant : « Regarde. Ce sont des phrases que tu sais lire tout seul. Chacune est comme une petite histoire qui raconte quelque chose qui se passe ou qui s'est passé ou même quelque chose d'inventé. Tu vas me les lire l'une après l'autre et nous allons essayer de comprendre l'histoire que l'auteur a voulu nous raconter. »
      Remarque : dans ces phrases, il y a le mot a. Rassurer l'enfant hésitant : la lettre a constitue le mot a. C'est tout bête mais ça déroute les enfants, surtout quand, à l'école, on lit de manière totalement séparée des pages de textes et des pages de code.
    • Faire lire la première phrase. Demander si c'est vrai, si l'enfant a bien vu le chat. Faire décrire ce chat rapidement en cachant l'image.

    CP : Mon enfant ne déchiffre pas

    • Faire lire la deuxième phrase. Demander si c'est vrai, si le chat de l'histoire chasse. Faire rappeler ce qu'il chasse. Demander si, dans la réalité, les chats chassent aussi. Faire citer quelques animaux que les chats chassent.

    CP : Mon enfant ne déchiffre pas

    • Continuer avec les phrases suivantes en posant les questions de compréhension ci-dessous :

    - Phrase 3 : « Qui peut bien être ce « il » qui a vu le chat ?... » Faire trouver plusieurs solutions ( l'oiseau, le papa de la fillette, son frère, un ami, un chien, ... )

    - Phrase 4 : « Où le chat peut-il avoir vu un autre chat ?... » Faire trouver plusieurs solutions : dans le jardin, sur le mur, dans la rue, dans un miroir, sur un livre...

    - Phrase 5 : « Qui est ce tu qui chasse ? » ; « Les enfants peuvent-ils chasser ? » ; « Que pourrions-nous chasser ? » ... Faire trouver plusieurs solutions dont certaines amusantes : la mouche sur la tartine de Nutella, le chat qui boit le lait dans le bol du petit déjeuner, la guêpe qui tourne autour de la table, la sorcière d'Halloween qui vient frapper à la porte et qui nous fait peur, ...

    - Phrase 6 : « Qui peut être ce tu ? » ; « Pourquoi pouvons-nous avoir envie de chasser le chat ? »

    Petits conseils en plus :

    • Ne pas s'affoler. Tout vient à point à qui sait attendre.
    • Ne pas surinvestir le par cœur, surtout pour les mots que l'enfant ne sait pour le moment pas déchiffrer.
      Il s'agit juste d'apprendre à l'œil à analyser ce qu'il voit de plus en plus finement ; c'est pourquoi j'ai choisi de présenter tu/vu, il/le, chat/chasse qui nécessitent qu'on y jette plus qu'un simple coup d'œil.
    • Ne pas hésiter à revenir en arrière aussi souvent que nécessaire. C'est en assurant ces bases qu'on aide l'enfant à acquérir des réflexes qui lui serviront toute sa vie de lecteur : toujours s'assurer de déchiffrer très exactement, toujours chercher à comprendre ce que raconte ce qu'on est en train de lire.

    Troisième jour :

     Un choix s'offre à chaque utilisateur :

    • On peut s'octroyer une pause et réutiliser les lettres, la syllabe et les mots dans un autre contexte :

    - Oralement, chercher des mots qui commencent par le son « A », le son « chhh », la syllabe « cha».

    - Écrire en copiant les lettres apprises ; les écrire sous la dictée dès qu'on sait les écrire sans modèle.

    - Écrire en copiant uniquement les mots que l'on connaît. Les copier un à un pour écrire une phrase. Ne jamais les faire écrire de mémoire tant qu'ils ne sont pas totalement déchiffrables et donc ne jamais les donner à apprendre par cœur (pour les courageux, voir : Écrire et Lire au CP : apprendre l'orthographe).

    - Lire d'autres phrases composées de ces mots et des mots que l'enfant connaît (son prénom, les noms par lesquels il nomme ses parents : papa, maman, prénom, etc.).

    • Passer à la page 4. Comme elle est construite exactement sur le même schéma que la page 2, se reporter ci-dessus pour mener l'apprentissage. Deux petites différences néanmoins :

    - Les mots le et chat sont réutilisés[3]. Les faire reconnaître à l'enfant avant de lui lire la phrase. À partir de maintenant et jusqu'à la page 16, toujours procéder ainsi.

    -  Désormais l'enfant connaît deux voyelles et deux « sons-consonnes », ils vont pouvoir commencer à déchiffrer des mots pour les comprendre : rat, rit, riz, Riri, rira, chat, chichi. C'est souvent par l'écriture que l'enfant prend conscience de ce quatrième super-pouvoir en le faisant écrire sur l'ardoise : « Tu sais écrire la syllabe ri alors tu peux écrire le mot riz, il a une lettre muette mais je te montrerai le modèle. Tu peux aussi écrire Marie rit si tu copies Marie dans le livre et que je te montre le modèle de la lettre muette. »

    Les jours suivants :

    Continuer sur la lancée.

    • Pour certains enfants, on peut accélérer jusqu'à une double page par jour. Si le quart d'heure n'est pas fini, je conseille de lire d'autres choses mais de ne jamais dépasser ce rythme d'une double page sauf lors des Intermèdes de lecture courante.
    • Pour d'autres, il convient au contraire de multiplier les pauses, en passant ainsi trois jours sur la double page. Certains peuvent avoir besoin de l'aide des Alphas, ces petits personnage sympathiques qu'on trouve facilement à télécharger sur internet. Il y a une police Alpha à enregistrer gratuitement. On peut fabriquer des pense-bêtes qu'on réactualise régulièrement en supprimant les lettres connues et en rajoutant les nouvelles dont la mémorisation est encore fragile.
      Ici, vous trouverez un pense-bête pour aider votre enfant à distinguer les lettres b et d qu'ils confondent souvent jusqu'à la fin du CP, sans que ce soit pourtant un signe avant-coureur de dyslexie : Marque-page "d ou b ?"

    Petits conseils en plus :

    • Rester toujours positif et bienveillant. Ces moments doivent être des moments de calme et de partage pas de crises de larmes et d'angoisse.
    • Rester régulier. Ne jamais interrompre l'apprentissage plus de deux jours de suite dans les trois à quatre premières semaines.
      Quand vous sentirez que l'enfant est lancé (il lit les étiquettes, les panneaux dans la rue, etc.), vous pourrez sans crainte laisser le livret de côté de temps en temps.
    • Rester humble, il y en a pour un bon trimestre avant que l'enfant ânonne moins. Les lectures s'étofferont peu à peu ; pour le moment, c'est très peu exaltant pour l'adulte et pour les enfants habitués à ce qu'on leur lise des livres longs et compliqués (il faudra sans doute rassurer et beaucoup encourager).
    • Quand l'enfant ne se souvient plus d'un mot vu dans les phrases de départ sous l'illustration, le faire observer attentivement et revenir à la phrase où il est apparu pour la première fois et la faire relire mot à mot jusqu'à ce que le mot soit retrouvé.
      Par expérience, les enfants confondent souvent : chat/chasse ; arrive/crie ; il/le. Ils ont souvent de la peine à retenir le mot préfère. Ne me demandez pas pourquoi mais c'est courant.
      Ces mots n'étant pas destinés à être retenus bien longtemps, ne pas hésiter à carrément les donner à l'enfant : « Celui-ci, c'est préfère, tu sais, tu l'oublies souvent. Bientôt, tu connaîtras toutes les lettres et tu ne pourras plus te tromper : ce sera bien plus facile. »
    • Dès qu'un mot devient déchiffrable en entier, ne plus le faire retrouver en relisant les phrases de base mais en déchiffrant les lettres.
      À partir de la page 16, tous les mots de la phrase de base sont déchiffrables sauf ceux qui apportent le nouveau son.
      Il en sera de même jusqu'à la fin de la méthode (sauf, dans le premier livret, les mots surlignés en jaune - un peu vert, hélas, je suis désolée - et, dans le deuxième livret, les mots ou segments de mots écrits en rouge).

    Comment se procurer la méthode ?

    On peut la commander sur le site de l'éditeur. Chaque livret coûte 6,50 €. Les frais de port s'élèvent à 8,14 €. 

    On peut aussi me contacter directement à doublecasquette@gmail.com. Je la commande en grande quantité pour réduire l'effet des frais de port

    Cela me permet de vous demander uniquement le prix auquel j'ai payé les livres et ce que la Poste me facture (5,28 € en lettre verte), en France Métropolitaine[4], les livres que j'ai écrits (celui-ci et Pour une Maternelle du XXIe Siècle).
    Dès que j'ai reçu la somme, j'envoie la commande à l'adresse qu'on m'indique dans les plus brefs délais.

    C'est bientôt Noël, un pré-cadeau joignant l'utile à l'agréable, ça peut être une bonne idée !

    CP : Mon enfant ne déchiffre pas

     

    Notes :

    [1] On peut très bien ne faire que 15 minutes les jours de classe et deux fois 15 minutes pendant les vacances et les week-ends.

    [2] Le son « a » est au 1er rang de fréquence et le son « ch » au 7e.

    [3] Les mots tu, as, vu, il et chasse réapparaîtront dès la page 5.

    [4] Pour les envois par avion, le plus simple est de me contacter.


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  • CE1 : Fichier de Mathématiques (5)

    Nota bene :

    Cette version du travail reste consultable et téléchargeable en ligne. Néanmoins, je tiens à vous préciser qu'une nouvelle version du fichier élève et du guide pédagogique, remis en page par Marion Cruz, que je remercie, est consultable et téléchargeable ici :

    Maths au CE1 - Nouvelle édition

    Quatre opérations au CE1 :

    Et voilà ! Un fichier de plus pour élargir le choix des méthodes qui osent nommer, faire pratiquer et même poser les « quatre opérations » au CE1 !

    Une méthode de plus, cela fait une chance de plus que quelques collègues, quelques familles et peut-être même quelques écoles ou circonscriptions tentent l'aventure.

    Une méthode de plus, cela permet à un responsable qui passerait par là de remarquer que l'offre étant plurielle, toutes les sensibilités d'enseignants peuvent trouver une méthode qui leur convienne.
    Tant ceux qui partent d'une « présentation » faite à un seul enfant, alors en période sensible, que ceux qui préfèrent s'adresser à la classe entière ou faire travailler des « groupes de pairs » en autonomie.
    Aussi bien ceux qui utilisent un matériel précis, correspondant à leur méthode, à utiliser selon un protocole rigoureux, que ceux qui se souviennent que le mot calcul vient d'un mot latin signifiant petits cailloux et qui font feu de tout bois. Autant ceux qui pensent que le travail sur fichier est moins rigoureux que celui fourni grâce à l'utilisation d'un manuel que ceux qui trouvent que recopier une consigne sur un cahier du jour, cela ne fait pas plus partie du temps de réflexion mathématique que la copie de leçons sur un cahier du soir.
    Enfin, cela convient à ceux dont l'école bénéficie d'un budget qui leur permet l'achat d'une série de manuels scolaires comme à ceux qui n'ont d'autre solution que de bidouiller sur internet pour imprimer, souvent à leurs frais, le matériel que leurs élèves utiliseront en classe.

    Une chose trop oubliée :

    Ces quatre opérations au CP et au CE1, seuls les ont connues pour eux-mêmes les parents (ou plutôt grands-parents) et professeurs des écoles nés avant le 1er janvier 1965 : ce sont les modifications faites aux programmes en 1970 qui les ont supprimées pour les remplacer par ce qu'il est convenu d'appeler « les mathématiques modernes ».
    Vous conviendrez qu'il est parfaitement normal que, d'une part, leur enseignement inquiète, et que, d'autre part, les risque-tout qui s'y lancent se tournent vers des contrées et des méthodes qui n'en ont jamais abandonné l'étude auprès des plus jeunes.

    Si nous souhaitons vraiment que divisions, multiplications, soustractions et additions trouvent à égalité le même droit de cité dans les classes, il est indispensable de rassurer les enseignants et les personnes chargées de leur formation initiale et continue.
    Quoi de mieux pour les rassurer qu'une offre de méthodes très élargie par rapport à l'offre actuelle ? Ce sera la preuve qu'on peut s'y risquer sans crainte puisque d'autres le font, et certains depuis plusieurs années (les programmes 2008 le suggéraient), et que leurs élèves réussissent.

    Il n'y aura alors plus qu'à franchir le premier pas, après avoir consulté les spécimens et les guides pédagogiques qui les accompagnent[1].

    Chacun choisira alors selon sa sensibilité.

     Et la liberté pédagogique sera respectée...

    • Les uns privilégieront sans doute les méthodes aérées, à l'aspect agréable, pensant qu'ainsi ils capteront mieux l'intérêt de leurs élèves.
    • D'autres se baseront sur ce qui leur semble faisable, choisissant alors des contenus limités ou au contraire étoffés.
    • Certains, se basant sur leur notion de ce qu'aime un enfant de 7 à 8 ans, chercheront les méthodes qui amusent et présentent leurs contenus de manière ludique.
    • Il s'en trouvera qui chercheront du sérieux, du garanti indemne d'innovation progressiste ; ils porteront leurs regards du côté du sobre, sans ces images qui détournent l'attention de l'effort et du goût du labeur.
    • Il y en aura très certainement aussi qui voudront du numérique, à installer sur leur TNI et les tablettes de leurs élèves.
    • Nombreux seront évidemment ceux qui chercheront la caution d'un « grand nom de la pédagogie » jusqu'alors farouchement opposé à cet enseignement, afin de profiter de son retournement de veste pour se rassurer d'avoir ainsi à tourner casaque.
    • Quelques originaux enfin décideront qu'ils picoreront de ci de là au gré des projets qu'ils mèneront en classe...

    Comme d'habitude, quoi...

    L'important sera qu'ils essaient et qu'ils acceptent de prendre rendez-vous au point d'orgue, en fin de CE1, sans se cacher derrière la forêt des bonnes raisons d'échouer que l'on nous sert habituellement...

    CE1 : Fichier de Mathématiques (5)

    ... puis qu'ils remettent éventuellement en question leurs choix si vraiment il s'avère que le terrain ne risque pas de s'alléger ni les sangliers de se nourrir convenablement tant qu'ils tenteront l'aventure de cette manière.

    Et maintenant que nous avons bien papoté, voici le dernier fichier de Mathématiques CE1, avec, entre autres, de vrais gros bouts de division  dedans[2]  ! 

    Dernière édition, le 07/02/2022 (pour coquilles diverses).

    Télécharger « Les Mathématiques CE1 - période 5.pdf »

    Notes :

     [1] C'est ce que nous, les vieux de la vieille, avons fait quand, en 1995, après 20 ans d'enseignement se bornant à l'addition,  on nous a chargés d'aborder la soustraction dès le CP ! Nous n'en menions pas large... On nous avait tellement dit que c'était impossible et qu'un enfant de moins de 7 à 8 ans ne pouvait supporter le choc psychologique du concept de soustraction. Dire que, maintenant, plus personne n'ose ne serait-ce que penser qu'à 6 ans, un enfant n'est pas capable de concevoir que s'il a 8 bonbons et qu'il en mange 2, il n'en aura plus que 6.

    [2] Mais pas que... Il y a aussi du ludique à mener pendant les séances d’EPS ou d’Arts plastiques, des activités coopératives parce que seul, on va plus vite, mais qu’à plusieurs, on est plus fort, des tables de multiplication à comprendre plutôt qu’à seriner tel un Pater Noster laïque, de la résolution de problèmes à toutes les pages ou presque, de la géométrie, des mesures qui étaient la compréhension de la numération décimale et rendent concrets les problèmes arithmétiques mais pas de raton laveur, parce que ça ne servirait à rien. 

    Dans la même série :

    Français :

    Pour le CE1 :

    CE1 : Fichier d'Étude de la Langue (1)

    CE1 : Fichier d'Étude de la Langue (3)

    CE1 : Fichier d'Étude de la Langue (4)

    CE1 : Fichier d'Étude de la Langue (5)

    Livre du maître :

    CE1-CE2 : Étude de la langue - LDM (1) ;

    CE1-CE2 : Étude de la langue - LDM (2)

    CE1-CE2 : Étude de la langue - LDM (3)

    CE1-CE2 : Étude de la langue - LDM (4)

    CE1-CE2 : Étude de la langue - LDM (5)

    Pour le CE2 :

    CE2 : Fichier d'Étude de la Langue (1)

    CE2 : Fichier d'Étude de la Langue (2)

    CE2 : Fichier d'Étude de la Langue (3)

    CE2 : Fichier d'Étude de la Langue (4)

    CE2 : Fichier d'Étude de la Langue (5)

    Livre du maître :

    CE1-CE2 : Étude de la langue - LDM (1) ;

    CE1-CE2 : Étude de la langue - LDM (2)

    CE1-CE2 : Étude de la langue - LDM (3)

    CE1-CE2 : Étude de la langue - LDM (4)

    CE1-CE2 : Étude de la langue - LDM (5)

    Pour le CM1 :

    CM1 : Étude de la langue (1)

    CM1 : Étude de la langue (2)

    CM1 : Étude de la langue (3)

    Pour le CM2 (en cours de rédaction) :

    CM2 : Mathématiques et Étude de la langue

    Mathématiques :

    Pour le CE1 :

     CE1 : Fichier de Mathématiques (1)

    CE1 : Fichier de Mathématiques (2)

    CE1 : Fichier de Mathématiques (3)

    CE1 : Fichier de Mathématiques (4)

    Pour le CE2 :

    CE2 : Fichier de Mathématiques (1)

    CE2 : Fichier de mathématiques (2)

    CE2 : Fichier de mathématiques (3)

    CE2 : Fichier de mathématiques (4)

    CE2 : Fichier de Mathématiques (5)

    Pour le CM1:

    CM1 : Mathématiques (1)

    CM1 : Mathématiques (2)

    CM1 : Mathématiques (3)

    Pour le CM2 :

     CM2 : Mathématiques et Étude de la langue


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  • III. 2. E. Mise en route - Élém. sans CP (2)

    2. Mise en route

    D)  Classe élémentaire : trois niveaux sans CP

    (2e partie)

    Premier jour de classe 

    Les élèves arrivent à l’école après presque deux mois de vacances. Ils rêvent de réussite scolaire, de beaux cahiers bien écrits à l’aide d’un matériel tout neuf, d’activités communes avec leurs camarades, de grands jeux de cour et de découvertes étonnantes. Cela tombe bien, c’est exactement le programme de leur première journée de classe… et des suivantes.

    Le matériel est prêt pour leur épargner ce qu’ils n’aiment pas : la programmation, la répétition à l’identique, tout ce qu’ils apparentent à un travail à vide qui n’avance à rien et a un goût de reculade devant l’obstacle. Cahiers et classeurs sont déjà prêts et étiquetés ; leurs pages de garde sont complétées, leurs intercalaires ordonnés. Les livres de classe sont triés, posés sur les bureaux et ils n’ont plus qu’à être placés dans les casiers.

    L’emploi du temps est affiché en grand format près du tableau et chaque élève en découvre un, plastifié, sur son bureau. Après l’appel et les présentations d’usage, la classe peut commencer.

    Matinée :

    Rappel :

    N1 correspond au niveau des élèves les plus jeunes, N2, au niveau intermédiaire, N3, à celui des élèves les plus âgés.

    1) N1 : Lecture orale - N2/N3 : Lecture en autonomie

    Les trois groupes reçoivent leur matériel de lecture. Après quelques courtes minutes d’explication, dès le premier jour, c’est à un « vrai travail » que les élèves vont s’atteler : une lecture oralisée pour le groupe des plus jeunes[1] qui restent près du maître et un travail en autonomie pour les deux groupes suivants.

    Les deux jours suivants, ce sont les « moyens » (N2) puis les « grands » (N3) qui auront à lire à voix haute près de leur enseignant pendant que les deux autres groupes mèneront leur tâche en autonomie.

    Le maître a pris soin d’opter pour un matériel[2] qui permet de travailler toutes les compétences de lecture en même temps de manière à ce que chaque élève sache qu’il n’est pas possible de lire sans comprendre ni de comprendre sans déchiffrer. La lecture en autonomie est toujours accompagnée de courtes tâches écrites qui permettront de vérifier qu’elle a été effectuée avec le sérieux qui s’impose. En fin de séance, lorsque le travail du groupe du jour est fini, le maître vérifie rapidement le travail produit par les élèves en autonomie.

    2) Régulation : Grammaire / Conjugaison / Rédaction / Orthographe / Vocabulaire

    Les premiers jours, le maître n’aura rien à réguler. Tout au plus pourra-t-il, surtout chez les plus jeunes, commencer à installer la première notion d’étude de la langue qu’il va leur donner à étudier. S’il utilise des manuels conçus dans une idée de progression dite « spiralaire », ce sont les trois groupes qu’il va réunir, pour quelques minutes autour du tableau, le premier chapitre de chaque groupe découlant en droite ligne de celui du niveau inférieur.

    À partir d’un matériau commun, deux ou trois phrases constituant un court paragraphe, il amène ses élèves à analyser rapidement le point qu’il souhaite leur voir découvrir ou réactiver. Vite, deux ou trois exercices oraux, pendant lesquels chacun est sollicité à son niveau et place à l’exercice écrit, toujours plus efficace pour la mémorisation que la copie d'une « leçon » à apprendre par cœur !

    3) N1 : Dictée ; N2/N3 : Travail programmé.

    Dans l’idéal, lorsque la classe sera lancée, le travail programmé, donné à l’avance pour la semaine, pourra être organisé comme bon lui semble par chaque élève. En ce début d’année, il vaudra sans doute mieux que le maître reste plus modeste et annonce à ses « grands » qu’il souhaite qu’ils travaillent sur les exercices ayant trait à la notion vue pendant la séance de régulation afin qu’ils en mémorisent les points essentiels.

    Pendant que ses grands sont occupés, le maître se consacre à l’un des exercices-phares de sa méthode d’orthographe : la dictée quotidienne des petits. Comme c’est une dictée d’apprentissage, pas question de noter autre chose que le taux de réussite à l’exercice du jour ; ce taux ne sera même pas gardé en mémoire et n’entrera pas dans une moyenne hebdomadaire, mensuelle, trimestrielle ou annuelle. Cette dictée peut d’ailleurs même être corrigée en direct, segment de phrase par segment de phrase, selon les difficultés constatées par le maître en regardant par-dessus l’épaule de son petit groupe d’élèves.
    Ce taux de réussite pourra tout aussi bien être noté par un pourcentage ascendant ou descendant ou par une note sur 10 ou sur 20, obtenue elle aussi par calcul ascendant ou descendant. L'important étant que les élèves progressent et se sentent pris au sérieux, il choisira en revanche impérativement de « tout compter » quitte à écrire au tableau les segments de mots ou de phrases qui lui semblent dépasser de loin les compétences de son groupe d'élèves.

    Et comme nous sommes en début d’année, il a choisi un « matériau » simple visant à encourager plutôt qu’à décourager tout ou partie des enfants : lettres et syllabes pour un CE1 très faible ; syllabes et mots simples pour un CE1 moyen ; courte phrase pour un CE1 fort ou un CE2 faible ; deux ou trois phrases dont les idées s’enchaînent, seulement s’il sait avoir à faire à un excellent CE2.

    4) N... : Dictée ; N1/N... : Travail Programmé

    Lorsque la dictée des premiers est finie, le maître interrompt le travail du groupe de « grands » avec lequel il va travailler l’orthographe ce jour-là. S’il a choisi d’alterner les groupes sur deux jours, c’est pour pouvoir rapidement augmenter les quantités de mots et de phrases dictées afin d’installer plus durablement et plus profondément les réflexes orthographiques. En ce début d’année, ce ne serait pas nécessaire, surtout s’il n’a pas de CM2, mais comme il souhaite installer au plus vite une routine pour ne plus avoir à assister sans arrêt ses élèves dans leur organisation, il s’en tient à ce modèle, même s’il n’est pas encore vraiment utile.

    La méthode est la même qu’avec les plus petits. Elle tient compte des acquis des années antérieures, quitte à être réduite s’il constate, toujours en corrigeant « en direct », qu’il a été trop ambitieux et qu’il vaut mieux raboter très sensiblement les exigences.
    Il n’est pas inquiet car il sait qu’en maintenant le cap du « tout compte » en dictée et celui du « zéro faute dans tous les écrits », que ce soient ceux de français, de mathématiques, d’histoire, de géographie, de sciences ou de vie quotidienne (cahier de texte, mots aux familles, affichettes à placarder au portail de l’école, ...), il obtiendra peu à peu l’attention orthographique qui manque pour le moment à la plupart de ses élèves.

    Pendant ce temps, les deux autres groupes s’activent sur leur travail programmé puis, dès qu’ils l’ont fini, choisissent une activité libre qu’ils pratiqueront jusqu’à l’heure de la « régulation » précédant la récréation[3].

    5) Régulation de français.

    Pendant les minutes qui restent, le maître appelle près de lui ses élèves ou s’installe près d’eux et reprend, avec chacun d’entre eux ou avec chaque petit groupe, le travail effectué en autonomie. Il en renvoie certains à leur place pour effectuer quelques corrections qu’il leur a signalées, réexplique au besoin un détail qui semble leur avoir échappé. Après cette remise sur le métier de l’ouvrage, si l’élève semble encore dépassé, c’est près de lui qu’il finira l’exercice, avec son aide[4].

    6) Récréation

    Normalement, l’âge des élèves dispensera le maître de leur rappeler qu’il serait bon qu’ils profitent de la récréation pour passer aux toilettes, boire et se restaurer éventuellement. En ces tout premiers jours, cela peut cependant se révéler utile pour certains.

    En rural, le plus souvent, les maîtres participent tous à la surveillance de la cour, chacun étant responsable de tous les enfants présents. Une cour de récréation trop petite ou mal aménagée ou bien quelques enfants très difficiles faisant régner le chaos peuvent cependant nécessiter que les classes s’y succèdent. La récréation faisant partie du temps de travail des professeurs des écoles, rien ne s’oppose à ce que nous soyons tous « de service » tous les jours, à toutes les récréations.

    7) Mathématiques : découverte ; travail programmé ; régulation.

    Le système mis en place pour l’Étude de la Langue sera repris à l’identique pour la séance quotidienne de mathématiques : une découverte collective ou consacrée à un seul niveau quand le besoin s’en fait sentir ; un travail programmé rendu possible par une méthode de mathématiques réellement « spiralaire » et explicite ; des régulations, collectives, par niveaux niveau ou individuelles, le plus souvent pendant la correction du travail de la journée.

    En ce premier jour, la notion du jour étant très simple et chaque niveau traitant du même sujet[5], le maître commence par une courte activité commune. Il présente d’abord la situation de découverte des plus jeunes, continue en imbriquant celle destinée au groupe des moyens et termine par les compléments réservés à l’entraînement des plus grands. Cette méthode qui démarre toujours du centre de la spirale et l’élargit peu à peu va lui permettre, au bout de quelques semaines d’utilisation, d’avoir des élèves plus réactifs, car ayant déjà quelques lueurs dans le domaine qu’ils sont censés découvrir.

    La classe finit la matinée en avançant le travail programmé de mathématiques ; le maître quant à lui navigue parmi eux, corrigeant en direct les travaux de chacun selon la méthode déjà employée en Étude de la Langue et fournissant les appuis nécessaires à ceux qui les réclament.

    Une fois leur travail corrigé, les élèves peuvent à nouveau se diriger vers une activité libre de leur choix. La plupart d’entre eux prend alors le temps de mettre à jour l’agenda ou le cahier de texte pour le lendemain et de commencer la préparation du cartable.

    Dans la même série :

     Tous les chapitres déjà mis en ligne sont répertoriés dans la Table des matières   évolutive que vous trouverez dans la partie Sommaires.

    Pour la partie présente 

    I. Idées reçues  ; III.1. Trois niveaux dans la même classe ; III. 2. E. Mise en route - Élém. sans CP (1) ; III. 2. E. Mise en route - Élém. sans CP (2) ; III. 2. E. Mise en route - Élém. sans CP (3)

    Notes : 

    [1] S’il s’agit d’élèves de CE1 dont certains non-lecteurs ou très faibles lecteurs, le maître aura tout intérêt à procéder avec eux comme avec des élèves de CP : lecture à voix haute quotidienne, plusieurs fois par jour, avec un matériel adapté à leurs capacités réelles. Savoir perdre du temps sur les bases permettra sans contestation possible d’en gagner à l’avenir. Se reporter au chapitre précédent : classe élémentaire avec CP pour l’emploi du temps.

    [2] Et un seul ! Foin de ces « manuels d’apprentissage de la lecture » qui iront bientôt jusqu’à la préadolescence et qui proposent aux maîtres de corriger les difficultés que leur utilisation crée chez les enfants !

    [3] Plus tard dans l’année scolaire, certains choisiront de se mettre tout de suite au travail programmé de mathématiques afin d’être sûrs d’avoir fini à la fin de la matinée sans pour cela être obligés de se presser.

    [4] Toujours pour éviter cette impression de « train qui roule à vide » ou, plus parlant, cette « assiette de soupe froide » qu’on ressert jusqu’à l’écœurement. Mieux vaut de l’aide et des encouragements. D’autant qu’ayant déjà trois niveaux à mener de front, il serait judicieux de ne pas multiplier les difficultés en laissant dès le début les « canards boiteux » traîner loin derrière leurs petits camarades plus chanceux.

    [5] Quelle que soit la méthode employée, il s’agit souvent de l’usage des chiffres pour écrire des nombres et de la notion de nombre en général.


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  • Éduquer pour pouvoir instruire

    Un tableau noir, très noir

    Nota Bene : Ce tableau est un condensé des inquiétudes qui émanent, assez fréquemment, des échanges réels ou virtuels entre professeurs des écoles. On y retrouve, concentrées en quelques lignes, les nombreuses difficultés comportementales qui interfèrent avec la tâche d'instruction incombant (encore) à l'École.
    Cette situation n'est pas la même partout, n'allez pas croire que je suis en train de virer « vieille râleuse désespérée et désespérante ». Mon but est d'offrir quelques pistes pour aider les élèves à échapper à la malédiction qui semble avoir atteint une proportion non négligeable de 
    « petits enfants du XXIe siècle ». Cette aide ne réglera pas tout mais elle peut, surtout si les élèves sont encore jeunes, améliorer au moins modestement l'ambiance de la classe.

    « Ils sont très bavards, très difficiles à intéresser et ne savent pas travailler seuls »  se plaignent, avec raison, de nombreux collègues recevant des enfants dont les âges varient de deux à onze ans[1] .

    Sans doute le mode de vie des enfants du XXIe siècle, la nourriture qu'ils ingèrent et l'air qu'ils respirent contribuent-ils très largement à perturber leurs comportements individuels et sociaux jusqu'à retarder de plusieurs années leurs capacités à exercer un contrôle inhibiteur sur leurs propres actes ?
    Sans doute l'école n'est-elle pas la mieux placée pour les transformer radicalement en les accueillant
    , trop souvent dans de très mauvaises conditions qui plus est[2], 24 malheureuses heures par semaine, soit 864 heures par an, alors que le reste de leurs éducateurs – familles, services périscolaires, centres de loisirs, clubs sportifs, nounous, télévision, objets numériques connectés – valorisent d'autres priorités éducatives, pendant les 7 896 heures annuelles qui leur reviennent ?

    Il n'empêche que ce brouhaha constant, ces mouvements parasites perpétuels, ce désintérêt pour tout ce qui réclame le moindre effort ou le plus petit retard dans la satisfaction d'un désir sont parfois difficilement supportables, même et surtout pour eux, ...
    De ce fait, pour son propre confort, et bien qu'elle ne puisse pas tout, loin de là, l'École doit agir,
     au moins un peu, juste pour permettre aux élèves qu'elle accueille de pouvoir s'instruire, malgré tous ces réflexes involontaires qu'ils peinent à identifier puis à maîtriser.

    Une maîtrise très incomplète d'un corps dont ils n'ont tout simplement pas conscience

    C'est très souvent de cela qu'il s'agit.

    Leurs yeux voient sans regarder ; leurs oreilles peinent à définir l'origine de sons indistincts qu'elles entendent vaguement sans pour cela les écouter ; leurs muscles se contractent et se détendent, provoquant des gestes brusques, des balancements intempestifs ou des mollesses inexplicables dans la tenue d'un crayon ou d'une paire de ciseaux...
    Dès qu'ils savent parler, ils parlent... en continu... du moins pour ceux qui ne sont pas mutiques (vous savez, ceux qui peinent à se convaincre qu'à l'école, ils doivent mettre je ne sais quel non-désir dans leur poche, avec leur mouchoir par-dessus, et faire entendre le son de leur voix quand on les y invite).
    Dernier avatar de cet édifiant tableau[3], réservé pour le moment je crois à l'école maternelle[4], ils sont de plus en plus nombreux à ne pas être en mesure de maîtriser leurs sphincters et viennent à l'école les fesses emballées dans un change complet  de la marque « Ne crains rien
    , mon petit poussin : même mouillé, tu es sec».

    Ne connaissant pas leur propre corps, le laissant vivre une vie végétative sur laquelle ils n'ont aucune possibilité de contrôle, nous comprendrons aisément qu'ils ne peuvent reconnaître dans leurs camarades des alter ego avec lesquels ils pourraient interagir.
    C'est à côté d'eux qu'ils parlent comme des moulins, s'agitent comme des pantins mécaniques et suivent leur propres voix intérieures quand ces « objets vivants non identifiés » parlent, souvent en même temps qu'eux.

    N'ayant pas réellement conscience d'une possibilité d'action volontaire raisonnée, à satisfaction différée qui plus est, ils n'ont aucune idée des mécanismes à mettre en marche pour écouter l'individu plus grand que les autres qui s'agite devant eux et chercher à répondre par les actes ou par la voix à ses sollicitations lancées à la cantonade, même si elles sont ludiques ou revêtues d'un « habillage » censé « faire sens ».  

    Primo-scolarisés à vie

    Ce tableau bien noir de la situation a toujours été, plus ou moins, le quotidien des enseignants chargés d'accueillir des jeunes enfants pour leurs premières semaines de scolarisation.

    La mission de ces toutes premières années d'école était d'exercer leurs sens (vue, ouïe, toucher) et leurs capacités physiques (motricité, langage, chant, dessin), d'instaurer un commencement d'habitudes et de dispositions sur lesquelles l'école pourrait s'appuyer pour les instruire (empressement à voir, écouter, observer, imiter, questionner, répondre), développer le goût des images et des récits[5].

    Comme il n'y avait pas d'autres missions et qu'on ne demandait ni de faire manipuler des syllabes, ni de faire reconnaître les lettres de l'alphabet, ni de faire copier à l'aide d'un clavier, ni d'évaluer et consigner à l'aide de photos individuelles toutes ces activités qui ont peu à peu transformé l'école maternelle en école élémentaire, les maîtresses d'école maternelle consacraient leurs forces et leur temps à cette première éducation scolaire et leurs collègues avaient de moins en moins besoin d'y revenir.

    Ce qui nous étonne actuellement, c'est que cette attitude de primo-scolarisés perdure, année après année, comme si nos élèves restaient indéfiniment des post-bébés immatures.
    Pour résoudre ce problème, peut-être pourrions-nous inclure dans notre « offre éducative » ces contenus qui, installés avant, permettaient aux enfants d'acquérir cette maîtrise de soi, ce contrôle inhibiteur indispensable à la mise en place d'habitudes et de dispositions propres à les rendre aptes à s'instruire ?

    Sans doute cela ne fonctionnerait pas aussi bien que si toute la société s'y mettait[6], que si les familles appuyaient nos efforts, et que si, n'hésitons pas à battre notre propre coulpe plutôt que de nous contenter de conspuer les autres, nous avions résisté à ces programmes primarisés pour l'École Maternelle et avions réclamé de conserver sa spécificité première : l'éducation aux fondamentaux de la Petite Enfance.

    Éducation sensorielle, motricité large, connaissance de l'autre

    Ces fondamentaux, ce sont d'abord ces exercices sensoriels qu'il convient de faire pratiquer à nos élèves qui ne savent ni regarder, ni écouter, ni sentir du bout des doigts... Néanmoins, il ne s'agit pas d'instaurer un rituel de plus qui fera perdre encore un peu plus de temps aux apprentissages mais bien de tenter de rendre leurs sens opérationnels du matin au soir. Sachant que plus ils seront grands et moins les résultats seront rapides et notables.

    Si nous travaillons en Grande Section ou en Élémentaire, parce que le temps presse, nous leur apprendrons parallèlement  à connaître et perfectionner leurs capacités d'inhibition pour maîtriser leur corps : ses déplacements, ses manières de s'extérioriser (gestes, parole, attitudes) et d'interagir (coopération, opposition, communication).

    Les canaux privilégiés seront l'EPS, la Musique, les Arts Plastiques... Chez les plus grands, nous profiterons de l'enseignement des Sciences (étude du corps humain et des particularités des animaux) et de la Littérature, pour associer directement à l'éducation du corps et de ses réflexes archaïques, les connaissances, la créativité et les capacités mnésiques.

    Attention, il s'agit bien d'éduquer, pas de faire de la morale à deux balles du style : « Ah, vous voyez que c'est bien de se taire ! Si vous aviez fait du bruit, vous n'auriez pas entendu le voleur en train de vous voler votre trésor ! En classe aussi, maintenant, vous comprendrez qu'il faut vous taire, n'est-ce pas ? »

    EPS [7] :

    a) Vue :

    Elle peut être travaillée tous les jours, en début ou en fin de séance, pendant les périodes d'échauffement et de retour au calme : c'est grâce à un stimulus visuel, carte tendue à bout de bras par exemple, que les élèves sauront ce que Jacques a dit (2 couleurs selon que Jacques l'a dit ou non), quels numéros sont priés de s'emparer du Béret, d'aller voler le trésor du Roi du silence, quels actions sont demandées par le Chef d'Orchestre, etc.

    La prise de conscience de l'existence de ce sens peut être améliorée par des parcours à effectuer les yeux fermés, guidé par un camarade, comme dans l'Aveugle et son chien, des objets à découvrir dans la salle puis à reconnaître les yeux fermés, une partie de Colin Maillard, etc.

    b) Ouïe :

    L'exercice de ce sens peut aussi être travaillé pendant la mise en route et le retour au calme. Les jeux proposés ci-dessus sont alors accompagnés de stimuli auditifs de plus en plus difficiles à détecter (voix criée, puis parlée, puis chuchotée ; instruments de musique aux sons proches : claves, wood-blocks, tubes deux tons, etc. ou cloches de plusieurs tailles, ou notes jouées à la flute à bec, ...).
    On peut aussi programmer des parcours sonores où les élèves, yeux bandés, doivent se diriger au son d'un instrument qui les appelle.

    La prise de conscience de l'existence de ce sens peut être améliorée par des consignes mimées à comprendre, des exercices à effectuer après lecture sur les lèvres d'un enseignant prétendument aphone, etc.

    L'activité reine de l'éducation auditive en EPS, c'est bien entendu l'expression corporelle accompagnée d'une œuvre musicale[8]. Pour ceux qui ne savent pas mener ce genre de séance (une par semaine, toute l'année scolaire, c'est le bon rythme en élémentaire ; en maternelle, c'est tous les jours), je vous encourage à vous reporter à Pour une Maternelle du XXIe Siècle : le chapitre XIII, l'enseignement du chant, est doté d'une annexe intitulée : De l'écoute musicale à l'expression corporelle.

    c) Toucher :

    Les jeux de Colin Maillard, de reconnaissance d'objets, de parcours les yeux bandés, sont propres à développer le sens du toucher pendant la séance d’Éducation Physique et Sportive.

    Si l'âge des élèves et le temps disponible le permet, on pourra aussi installer, en classe, des boîtes d'activités Montessori permettant d'exercer ce sens : lotos tactiles, boîtes de paires, boîte mystère, ...

    Enfin, si nous comprenons l'éducation physique au sens large, les séances consacrées à l'observation et l'expérimentation scientifique permettront d'éduquer non seulement le sens du toucher mais aussi la vue, l'ouïe, le goût et l'olfaction.

    d) Maîtrise du corps :

    Toutes les séances d'éducation physique sont normalement dédiées à l'acquisition de cette maîtrise du corps et du geste.
    Le principal obstacle à cette règle d'or est constitué par le donner à voir qui, trop souvent, pollue les activités organisées par l'école : spectacle de fin d'année archi-léché, beau parcours propre à étonner les visiteurs dans la salle de motricité, utilisation de matériel sophistiqué acheté à grand prix pour son aspect esthétique, ...
    L'autre est l'idée reçue selon laquelle « ils doivent se défouler » d'où les séances de sport pendant lesquelles les enfants criaillent et se dispersent, les choix musicaux à faire hurler d'horreur n'importe quel parent un peu exigeant sur l'éducation musicale de ses enfants.

    La règle à suivre est de ne programmer que des activités évacuant ces deux idées reçues et, lorsque l'âge des élèves le permet, parallèlement aux activités scientifiques menées en classe sur le corps humain, la verbalisation des éléments de maîtrise corporelle travaillés lors de la séance, du jeu, de l'exercice. 

    On profitera de la mise en route et du retour au calme pour, chaque jour, tout au long de l'année, travailler la respiration ventrale, les étirements, lla relaxation, les exercices inspirés du yoga et de l'eurythmie.
    Ces exercices, qui peuvent prêter à rire, surtout chez les plus grands, seront très vite bien acceptés si nous savons les amener très progressivement, sans jamais chercher à heurter la sensibilité et les habitudes culturelles des élèves.

    e) Interagir

    Des grands jeux qui impliquent toute la classe aux jeux d'opposition où deux élèves s'affrontent face à face, les occasions sont nombreuses de s'entraîner à coopérer, s'opposer et communiquer.

    Dans les classes où des caractères déjà affirmés s'affrontent au plus mauvais sens du terme, on veillera à bannir provisoirement tout ce qui pourrait amener les élèves à extérioriser brutalement leur agressivité envers leurs camarades. Nous ne sommes hélas pas formés à encadrer certains types de difficultés relationnelles et il vaut mieux s'abstenir que risquer l'accident.
    On préférera les jeux de coopération, les épreuves d'athlétisme, toutes les activités où, tout en étant avec les autres, on n'entre pas en conflit ouvert avec eux.

    Musique[9] :

    a) Vue :

    Pendant le temps d'échauffement vocal, en début de séance, utiliser des stimuli visuels (cartes, gestes, mimes, ... ) pour donner les consignes ayant trait aux exercices respiratoires et vocaux qu'on souhaite faire travailler aux élèves.

    On peut aussi créer des partitions que les élèves exécuteront vocalement ou à l'aide d'instruments. Il ne s'agit pas d'apprendre à lire la musique (quoi que... ) mais d'apprendre à suivre, visuellement, des consignes écrites visant à exécuter, à plusieurs, un jeu rythmique ou vocal.

    Enfin, toujours grâce à l'expression corporelle, on peut habituer les élèves à prévoir leurs gestes en les regardant mentalement, yeux fermés. On les éduquera à l'observation en constituant plusieurs groupes qui évoluent les uns après les autres et en donnant aux spectateurs un rôle actif dans le processus de création.

    b) Ouïe : 

    La Musique est chez elle ! Toutes les séances d'éducation musicale sont normalement dédiées à l'éducation de ce sens : chanter, interpréter, écouter, comparer, commenter, explorer, imaginer, créer, échanger, partager, argumenter...

    Attention à ne pas oublier, dès les plus petites classes, l'éducation au silence dont on dit qu'il est déjà de la musique...  

    c) Toucher :

    L'éducation du toucher s'exercera pendant les séances dédiées aux instruments de musique à percussion. Là aussi, attention à la théorie du « défoulement » qui transforme l'école en vaste champ de foire quand ce n'est pas en ring de catch à 30 !

    Frapper, tapoter, griffer, caresser, effleurer la peau d'un tambourin, les rainures d'un guiro, les cordes d'un cymbalom, exerce tant le toucher que le contrôle inhibiteur ; et comme on a un contrôle auditif de ses actions, on peut moduler le résultat.

    Quant aux instruments, il en existe de très simples et très peu coûteux . Je me rappelle une classe de CP/CE1 qui m'horripilait toutes les fois que je distribuais des feuilles, quelles qu'elles soient. À peine les élèves avaient-ils reçu la leur qu'ils commençaient à l'agiter en la tenant par un angle. Et flap, et flap, et flap ! Arrêtez d'agiter ces feuilles, s'il vous plaît... Bons diables, ils arrêtaient... pour recommencer dix secondes plus tard !
    Jusqu'au jour où, excédée, je leur ai demandé d'agiter les feuilles pendant une quinzaine de secondes sans arrêter en écoutant bien le bruit produit. Puis de me produire un autre son, puis un autre et encore un autre...
    C'était une leçon d'éducation auditive qui ne coûtait presque rien et qui a eu des effets relativement rapides. En quelques séances comme celle-ci, plus personne n'agitait sa feuille quand il la recevait... Ils avaient appris à entendre un son qui les intriguait sans même qu'ils s'en rendent compte et ce simple fait leur avait permis de trouver un autre intérêt du papier que son utilisation comme instrument de musique !

    d) Maîtrise du corps :

    En musique, on apprend à maîtriser sa respiration, sa voix, parlée ou chantée, sa posture, ses gestes et ses déplacements.

    La séance commence nécessairement par un échauffement des organes phonatoires, poumons, cordes vocales et résonateurs. Le pouvoir calmant des exercices de respiration profonde est bien connu, de même que celui la pratique du chant.
    Bien respirer, c'est aussi bien se tenir, trouver un équilibre stable, détendre ses épaules et son cou, pratiquer la respiration ventrale.
    C'est de cette respiration profonde et de cette posture à la fois tonique et détendue que naît une voix claire et mélodieuse.

    L'écoute musicale permet quant à elle d'acquérir un rythme intérieur, loin des gesticulations que certains enfants (et adultes hélas) croient nécessaires lorsqu'on leur met de la musique. Assis confortablement, en tailleur, les mains posées sur les genoux, on profite tout aussi bien du rythme endiablé de certains morceaux, tout en concentrant son attention sur l'essentiel : ce qu'on entend.
    Et comme à l'école, on a tout intérêt à faire vivre la musique corporellement, c'est pendant la séance d'expression corporelle qui suit nécessairement celle d'écoute que le geste sera à l'honneur mais ce sera un geste réfléchi, pesé en fonction de l'effet qu'on veut lui donner : un geste éduqué.

    Nous ne reviendrons pas sur le geste visant à faire sonner un instrumentarium simple et varié dont nous avons déjà parlé plus haut. Là aussi, le but est de remplacer l'agitation brouillonne d'une activité brouillonne et sans but par l'exercice plein et conscient d'une liberté dégagée des obstacles qui empêchent le développement normal de la vie[10].

    e) Interagir

    Le chant choral, la pratique d'orchestre, même à base d'instruments de fortunes, l'expression corporelle sont l'occasion rêvée d'apprendre à coopérer et à communiquer.

     

    Arts Plastiques :

    a) Vue :

    Toutes les séances d'arts plastiques sont normalement dédiées à l'éducation de ce sens, même si, bizarrement, les programmes sont plus polarisés sur l'étude des matières et des matériaux que sur la capacité à voir plutôt qu'à simplement effleurer du regard pour saisir les effets du hasard

    Par ailleurs, encore plus que l'éducation physique et sportive, ce domaine est celui qui souffre le plus du donner à voir dans lequel l'école s'est lancée ces dernières années. La débauche de matières et matériaux coûteux qu'on n'ose gaspiller, la nécessité de mettre en œuvre des projets artistiques avant même d'avoir pu longuement éprouvé soi-même un usage de matériaux simples, le peu de temps laissé à l'expérimentation libre dans des classes où, dès le début, on doit reconnaître des mots, compter des personnes, calculer des dates, analyser les intentions d'un auteur, tout cela a certainement largement contribué à produire ces petits enfants de six ans qui ne savent pas dessiner un bonhomme, une voiture, une tortue ou un diplodocus !

    Remettre à l'honneur la pratique du dessin, quotidien jusqu'à la fin du CP, au moins hebdomadaire ensuite, ce sera déjà un grand pas dans l'éducation sensorielle de nos élèves.
    Le dessin remplace très avantageusement le coloriage, à nouveau beaucoup pratiqué, après avoir disparu des écoles en même temps que les tampons encreurs de nos grands-pères !
    Il peut être pratiqué sur un thème libre mais se prête bien aussi à un travail d'illustration d'un texte lu ou d'une notion découverte à retenir : c'est une trace écrite parfaite pour les leçons d'histoire, de géographie et de sciences à l'école élémentaire. Et elle se retient bien plus facilement que la récitation mécanique de quelques phrases, apprises par cœur (ou pas, hélas) à la maison.

    En y associant l'observation d'images, projetées ou affichées en grand format sur le tableau de classe, chaque fois que celles-ci peuvent éclairer une leçon quelle qu'elle soit, on obtiendra des élèves de plus en plus capables de se concentrer sur des détails, apprenant à s'écouter les uns les autres car associés dans un projet commun à leur mesure d'enfants.
    Les séances d'histoire, géographie et sciences et leurs petites sœurs, celles consacrées à l'exploration et au questionnement du monde des cycles 1 et 2, se prêtent tout particulièrement à l'usage de grandes illustrations, créées pour ce besoin ou tirées du patrimoine artistique mondial.
    On pourra aussi utiliser ces images fédératrices de l'intérêt lorsqu'on contera aux élèves des œuvres littéraires.

    À ces pratiques novatrices, peu employées dans nos classes,  on ajoutera celle dont on a l'habitude en faisant encore une fois très attention à ne pas confondre le but éducatif avec l'effet obtenu sur le public extérieur.

    b) Ouïe :

    À mes débuts, j'ai testé le graphisme en musique. On donne aux enfants de grandes feuilles de papier affiche et un feutre moyen ; on leur fait écouter un extrait musical et, lorsqu'ils pensent en avoir capté le rythme, ils se servent de leur crayon comme d'un patineur qui danserait sur la glace. Ça fonctionne. Et, si la musique est douce et mélodieuse, ça calme tout le monde. Attention toutefois à ne pas faire durer la séance et à ne pas être dans l'idée d'une belle production. On est vraiment dans l'exercice du geste et l'acquisition d'un rythme intérieur et non pas chez Pollock. 

    Une autre utilisation de l'ouïe, c'est le dessin dicté. Véritablement pour apprendre à écouter une consigne. Nous ne sommes plus vraiment dans le domaine de l'Art...

    Enfin, si nous considérons que les images animées font partie du programme d'Arts Plastiques, pour des petits, par imprégnation, et pour des plus grands, pour en discuter, il existe de magnifiques dessins animés musicaux, sans aucune paroles, où musique et formes s'assemblent et se complètent... De temps en temps, pour se défouler, comme disent certains collègues, mais intelligemment, avec un bien plus grand bénéfice culturel qu'avec la Danse des Canards ou celle des Sardines , on peut en prévoir la projection.

    c) Toucher :

    Là, nous sommes en plein dans les programmes scolaires actuels. Explorer matières et matériaux, fabrication d'objets et gestion de l'espace, matérialité de la production plastique.

    Le modelage, le collage de matériaux naturels ou issus de la production industrielle, la sculpture sur bois, résines, plâtre, ..., l'utilisation de craies, de peintures au doigt, de fusains, autant d'occasion de découvrir sous ses doigts des textures, des températures, des formes et des volumes.

    d) Maîtrise du corps :

    Du moment où l'adulte n'est plus attaché à ce qu'il va donner à voir à la communauté des adultes qui gravitent autour de sa classe, il va être beaucoup plus tolérant quant à la conformité des productions de ses élèves au modèle qu'il a en tête. C'est là que va commencer la véritable maîtrise du corps pour ses élèves qui ne seront plus contraints d'évoluer à l'intérieur de normes précises dictées d'avance. C'est là qu'ils vont commencer à pouvoir réellement apprécier formes, matières et matériaux et trouver leurs gestes et leurs techniques.
    À leur enseignant ensuite de détecter les trouvailles à exploiter et autres effets du hasard pour les faire passer, à leur rythme cette fois, de cette activité brouillonne et sans but dont nous avons parlé plus haut à l'exercice plein et conscient d'une liberté dégagée des obstacles

    Pratiquer les arts plastiques, c'est salissant et cela fait des déchets. L'éducation de nos élèves passe par la prise de conscience de l'espace qu'ils partagent et celle de son nécessaire entretien. Dès les plus petites classes, nous pouvons éduquer nos élèves au soin et leur faire pratiquer in real life les activités pratiques que les tenants d'une école Montessori new age placent habituellement sur de jolis petits plateaux rangés dans de ravissants petits placards achetés chez le géant suédois du mobilier.
    Nos élèves rangent, essuient, balaient, lavent tout ce qu'ils ont dérangé et sali. Encore faut-il pour cela que les classes soient équipées pour, qu'ils ne soient pas aussi serrés que les sardines évoquées plus haut et que cette éducation se fasse à petits pas, progressivement et régulièrement.

    e) Interagir

    On peut très facilement, lorsque le groupe est constitué, profiter de la séance d'Arts Plastiques pour exercer les élèves à la coopération et à la communication.

    Plutôt que la sempiternelle exposition des productions au tableau, suivie de l'incontournable confrontation des points de vue, pendant laquelle les phrases toutes faites s'opposent aux remarques désagréables et aux ricanements mesquins, c'est dans l'organisation du travail lui-même qu'on choisira de faire vivre coopération et communication.
    Pendant qu'une équipe installe les tables pour la peinture, une autre prépare les feuilles et la troisième distribue les pinceaux ; pendant qu'un groupe s'occupe de la tête du Bonhomme Carnaval, un autre s'attelle à la fabrication du corps, un troisième s'occupe des membres supérieurs, un quatrième des membres inférieurs et un cinquième prépare la perruque, les dents et les griffes qui orneront ses doigts...

    Et, le dessin étant et restant l'activité reine, de temps en temps, on remplace la règle du un enfant/une feuille par celle d'une feuille cinq fois plus grande pour un groupe de quatre enfants. À eux de coopérer et de communiquer pour transformer cette grande feuille en une fresque colorée sur laquelle chacun aura mis son coup de patte personnel.

    Sciences :

    Un enfant voit sans voir, entend sans entendre, bouge sans intention mûrement réfléchie et, sans éducation, son système nerveux confond largement dans le même exercice les mouvements volontaires et involontaires.
    En maternelle, nous considérerons que c'est normal. En revanche, dès le début de l'élémentaire, il aurait dû construire un système inhibiteur visant à rendre volontaire tout ce que son cerveau peut normalement contrôler.

    Si, à tout l'arsenal développé ci-dessus, nous ajoutons quelques leçons de sciences, adaptées à leur niveau, qui apprendront à nos élèves comment ils voient, entendent, palpent un objet, exécutent un mouvement ou articulent un son, nous les aiderons à s'observer, se comprendre et assumer en toute connaissance de cause leurs actes qu'ils ne pourront plus qualifier d'involontaires.
    Ces leçons doivent être courtes et précises. Il n'est pas besoin de monter un projet pharaonique et de déployer durant des semaines tout un arsenal digne de la faculté de médecine. Une ou deux séances de 30 à 45 minutes sur chaque notion, à l'aide d'expérimentations simples, d'observation de croquis et schémas et de lecture de courts textes informatifs suffisent.

    Ensuite, toujours sans moraline culpabilisatrice, il est simple de dire au petit Enzo qui grouille sur sa chaise qu'il devrait demander à ses muscles d'arrêter leurs mouvements spasmodiques ou la pétulante Emma qui pépie comme un oiseau au lieu de recopier sa poésie de rappeler à ses cordes vocales qu'elles ne sont pas censées vibrer et à son souffle qu'il peut interrompre sa production d'air à destination de l'émission de sons articulés.
    J'aime autant vous avertir, ça ne fonctionne pas les veilles de fête de Noël, ni les matins de neige, mais cela permet parfois de contribuer à l'accalmie momentanée d'un secteur de la classe atteint d'effervescence involontaire. 

    Littérature :

     Puisque nous étions dans la moraline, restons-y. Depuis une vingtaine d'années qu'on nous les sert, il est évident que les séries d'albums dignes héritières des Bécassine aux Armées et autres Vaillants Petits Pionniers ne fonctionnent pas vraiment dans le sens qu'on leur avait attribué.
    Bien au contraire, certains de nos élèves semblent s'acharner à s'identifier à leurs héros dans ce qu'ils ont de plus négatif : puisqu'il y a zizi sexuel, ils pensent avoir le droit d'être vulgaires et grossiers en classe, puisque Max et Lili ne font pas leurs devoirs, pourquoi feraient-ils les leurs, puisque Tchoupi et La Petite Princesse sont adorés malgré leurs bêtises et se font servir comme des rois par un entourage de larbins complaisants, pourquoi en serait-il autrement pour eux, à l'école et à la maison ? 

    L'école a toujours fait lire aux élèves une littérature morale destinée à développer chez eux les bons sentiments, la grandeur d'âme et l'altruisme. Lorsqu'elle l'a fait maladroitement, les enfants n'ont jamais été dupes et ils ne le sont pas plus maintenant.
    Lorsqu'elle a fait preuve d'intelligence dans le choix des œuvres et des mots, elle a pu, au moins avec certains élèves, influencer leurs choix de vie et contrebalancer, au moins un peu, le poids d'une éducation familiale défaillante.

    Comme en musique, soyons exigeants pour nos élèves. Méfions-nous des livres qui, sous prétexte de leur plaire, s'abaissent jusqu'à singer les moins policés d'entre eux, ceux qui exaltent les mauvais sentiments ou emploient une langue et un lexique à la limite de la correction.
    Cherchons au contraire une littérature, contemporaine ou plus ancienne, de qualité, bien écrite, illustrée avec talent, propre à les entraîner dans son sillage sans volonté d'embrigadement, dans quelque troupe que ce soit.

    Les contes pour enfants, issus de tous les continents, les albums illustrés, les romans même ne manquent pas. Nous pouvons y ajouter des extraits d'auteurs, adaptés ou non, et les œuvres simples empruntées aux plus grands poètes, pour commencer l'ouverture culturelle qui se poursuivra au collège et au lycée.
    Tous ces textes – un par jour, de la TPS au CM2, ça commence à faire – construiront peu à peu un réseau d'enseignement moral autour de nos élèves, de manière bien plus sûre que tous les messages clairs, toutes les fleurs du comportement, tous les permis à points que nous pouvons inventer pour les convaincre de se comporter comme des êtres humains civilisés.

    Le fait de la routine rendra plus simple l'écoute active et la compréhension fine. Le lexique s'enrichit, rendant la communication verbale plus aisée. L'intérêt naît de la diversité des textes qui s'enchaînent. 

    Nous pouvons raisonnablement  espérer en faire des élèves que nous pourrons mener plus haut, même si, comme je le dis et le répète depuis le début, la société ne nous aide pas à recevoir des enfants reposés, conscients de leur place, habitués à gérer en êtres civilisés les aléas et les contraintes de l'existence.

    Notes :

    [1] Et je crois savoir que cela continue au collège ou même au lycée !...

    [2] Trente élèves en maternelle et en élémentaire, c’est trop, beaucoup trop pour être efficace.

    [3] Dans lequel je n’arrive pas à me résoudre à voir des cohortes d’enfants irrémédiablement handicapés dont on devrait adapter la scolarité, faute d’espoir de remédiation.

    [4] Après des classes de Petite Section dont un tiers, ou même la moitié des enfants n’a pas encore acquis la maîtrise sphinctérienne, c’est d’un enfant de Moyenne Section dont j’ai récemment entendu parler.

    [5] D’après Programmes de l’École Maternelle, 1882

    [6] Oh, ces cantines bruyantes où les enfants hurlent et se bousculent ! Ces TAP où on l’appel se déroule dans un brouhaha indescriptible ! Ces enfants épuisés qu’on couche à des heures indues !...

    [7] Trois heures par semaine, non pas pour fabriquer des sportifs, mais pour éduquer le corps, c’est essentiel, même dans une école où il n’y a qu’une cour minable et très peu de matériel. Il suffit de regarder un nouveau-né pour s’en convaincre.

    [8] de qualité, je vous en supplie ! L’éducation scolaire devrait comprendre celle du bon goût et d’une certaine exigence. Nous devrions tous nous désoler quand on nous suggère ici ou ailleurs d’utiliser pour faire danser nos élèves un répertoire digne de l’apéro annuel de l’association « Beaufs et beaufettes qui assument avec fierté leur beaufitude » !

    [9] Une heure par semaine. Là où elle est prise en charge par un intervenant extérieur, on pourra toujours mener soi-même quelques activités en lien avec l’EPS, les Sciences, l’Histoire, la Littérature pour installer ce contrôle de l’ouïe nécessaire à notre temps de classe...

    [10] D’après M. Montessori, Pédagogie scientifique, Tome 1.


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