• La copie, ça s'apprend.

    Un excellent article sur le blog écritureparis sur l'apprentissage des stratégies de copie.

    À part le mot "déterminant" que je n'emploie pas, je partage à 100 % !


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  • Au Cycle 2, ils ont le temps d'apprendre...
    Merci à Jack Koch de danger école à qui j'emprunte ce dessin.

    Lecture du préambule des programmes de cycle 2, publiés par le Café Pédagogique, en avant-première, comme d'habitude. On s'y propose de nous exposer les spécificités du Cycle des Apprentissages Fondamentaux.

    Excellente initiative ! Parce que prendre des enfants de 5 à 8 ans... ah zut, 6 à 9 ans, c'est vrai que les gosses de maintenant étant moins ouverts socialement, culturellement et intellectuellement que leurs camarades des décennies précédentes, il a fallu repousser le processus d'instruction primaire, comme on disait autrefois, à une date ultérieure ! Donc, reprenons... Parce que prendre des enfants de 6 à 9 ans – brrrr, que ça fait bizarre – de la même manière que leurs petits frères de 2 à 5, non 6 ans, et pire comme s'ils étaient semblables à leurs aînés de 9 à 18 ans, ça a été l'une des erreurs majeures de l'école des quinze à vingt dernières années !

    Alors, ça, c'est bien ! Allons-y pour les spécificités... Et là, gros choc ! Au secours, mes petits copains de Grande Section qui ne rêvez qu'apprentissages, grande école, cartables, stylos, cahiers, livres... CP, quoi !
    Heureusement que vous ne savez pas lire, parce que la première spécificité du cycle dans lequel vous entrerez en septembre prochain  fendrait votre petit cœur d'enfant fier d'être en passe de devenir un vrai grand, élève de CP !

    Au secours, les grands du CP et les géants du CE1, fiers de vos savoirs, de vos super-pouvoirs qui vous permettent désormais d'écrire à vos copains,à votre famille, à votre instit, même, et de lire leurs courriers ! Vous qui vous réjouissez de découvrir chaque jour de nouvelles facettes de ces magies de grands ! Vous qui êtes si contents de votre autonomie dans les actes de la vie quotidienne...
    Cette autonomie qui vous rend capables de calculer combien d'images Pokémon© vous allez pouvoir vous acheter avec le billet de 5 euros que la petite souris vous a apporté, de lire tout de suite le magazine trouvé dans votre boîte aux lettres, et ce avant même qu'un adulte trouve enfin le temps de vous aider – les adultes n'ont jamais le temps, demandez au Petit Prince !
    Et les recettes de gâteaux, pesage des ingrédients compris, et les blagues de Toto écrites en tout petit sous les pots de yaourts et à l'intérieur des papiers de carambars ? Tous ces petits riens qui vous ont fait passer dans la cour des grands... Si vous saviez ce qu'ils en font, les faux-gentils, de tous ces trophées que vous portez haut, tels des couronnes de lauriers.

    Heureusement que vous ne lisez jamais les verbiages des maîtresses d'école. Au moins, vous n'apprendrez la nouvelle qu'à la rentrée prochaine lorsqu'elle vous sera communiquée par votre professeur des écoles, sermonné sans doute par son IEN, lui-même chaudement encouragé par son DASEN qui aura reçu cette mission de son Recteur, ce dernier ayant été chapitré en réunion plénière par sa sémillante Ministre, qui, pour avoir laissé écrire cela, ne doit pas souvent dialoguer avec ses propres enfants, élèves de CE1, si je ne m'abuse.

    Les précautions concernant les âmes sensibles ayant été prises, et celles-ci ayant été écartées des écrans, voici LA spécificité fondamentale et première des années de Cycle 2 (CP, CE1, CE2) :

    Hein ? Quoi ? Les élèves ont le temps d'apprendre ?
    Qu'il y a des méchantes personnes qui tuent sans regarder, comme ça, pour le plaisir ou presque et se font exploser ensuite ? Ça oui, sans aucun doute, ils ont le temps ! D'ailleurs, ils l'apprennent sans l'apprendre, si l'on en croit à la fois le dessin de Jack, les élèves du CP d'Anne et ma propre expérience. Bien trop difficile pour eux et il convient de les protéger de ce genre de savoirs qui les dépassent.

    En revanche, je suis désolée, et je suis sûre que leurs parents et eux-mêmes aussi, pour les fondamentaux (écriture, lecture, calcul, réflexion, culture et vie sociale), il est plus que largement temps !
    D'ailleurs, ce sont eux, les enfants, qui le demandent pour peu qu'on leur fasse confiance et qu'on leur apporte ces savoirs sous une forme qui leur convient, c'est-à-dire pas à pas, à un rythme calme et régulier et sans leur demander sans arrêt de descendre de vélo pour se regarder pédaler et contrôler eux-mêmes leur façon d'avancer !

    Je suis sûre même que pour assurer l'accès à ces savoirs de tous les déshérités, laissés pour compte et autres élèves victimes d'une fausse bienveillance coupable, entachée de relents de gros sous et d'immense mépris, on devrait commencer une année plus tôt. 
    Hélas, le paragraphe consacré à cette affreuse première spécificité préfère égrainer ces élèves-là comme autant de petits cailloux dans la chaussure d'une école qui ne cherche plus qu'à dispenser à chacun « une formation générale qui lui permettra d'acquérir, au meilleur niveau de maîtrise possible - comprendre : pas bien haut pour certains - le socle commun de compétences, de connaissances et de culture.  »

    D'abord on nous explique que...

    « ... les enfants qui arrivent au cycle 2 sont très différents entre eux. Ils ont grandi et ont appris dans des contextes familiaux et scolaires divers qui influencent fortement les apprentissages et leur vitesse.»

     Comme s'il ne tenait pas qu'à l'école de les aplanir, ces différences-là ! C'est même le rôle fondamental de l'École Maternelle, la raison pour laquelle on lui a fait remplacer les Salles d'Asile du XIXe siècle !
    Vous venez de publier de nouveaux programmes de maternelle et vous n'avez pas pensé à inscrire cette mission fondamentale dans le préambule bien avant tous ses autres rôles ? Accueillir les enfants dans leurs différences, c'est bien, mais s'employer à atténuer, amoindrir et même résorber ces inégalités devant l'école, c'est plus noble, non ?

    Et puis, après avoir décliné tout ce qu'il convient de mettre en place pour mettre en place une ambiance de classe au travail, à se demander s'il ne s'agit pas d'une erreur de copié-collé, on propose d'emblée de laisser se creuser les écarts, ...

    « La classe s’organise donc autour de reprises constantes des connaissances en cours d’acquisition et si les élèves apprennent ensemble, c’est de façon progressive et chacun à son rythme. »

    Varier les entrées, faire des reprises constantes, considérer que tout est encore en cours d'acquisition pour continuer à apprendre ensemble, de façon progressive, cent fois, mille fois oui. Mais, si l'on prévoit dès le préambule des programme qu'il faudra plusieurs rythmes, c'est, à part cas très exceptionnels, parce qu'on n'a pas assez étudié le programme et ses méthodes d'application. Et ce n'est certainement pas comme ça qu'on pourra permettre à nos élèves d'apprendre ensemble.

    Passons aux ratons-laveurs... Car l'école est remplie de ratons-laveurs, il faut le savoir. C'est même en leur nom, les pauvres, qu'on s'excuse1 de ne surtout rien pouvoir apprendre de façon sûre et certaine à tous les élèves de cycle 2.

    « Il s’agit de prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de certains élèves (élèves allophones nouvellement arrivés, en situation de handicap, éprouvant des difficultés importantes à entrer dans l’écrit, entrant nouvellement à l’école, etc.) qui nécessitent des aménagements pédagogiques appropriés. »

    Premiers ratons-laveurs, les étrangers de pas-d'ici... arrivés en France le jour de leur rentrée au CP ! " Ils viennent jusque dans nos bras...", air connu...
    Comme je préférais la remarque de M. Fosse, IDEN de Nyons, Drôme, entre 1976 et 1980, à peu près : " Pardon ? Vous dites que vous avez des non-francophones dans vos classes ? Depuis quand sont-ils là ? Depuis peu ? Faites-leur confiance, ils apprendront plus vite notre langue que vous la leur ! Depuis longtemps ? Alors là, ne vous en prenez qu'à vous-mêmes car, que je sache, c'était à vous de leur apprendre..." 
    Un peu dur, peut-être, mais tellement plus encourageant que de dire "N'apprenez rien à personne pour ne pas stigmatiser les élèves allophones"...
    Ce qui n'empêche pas, dans les écoles où le problème est très important et ne peut être balayé d'un revers de main par une réplique d'IDEN d'autrefois, il y a peut-être une autre solution, non ? La CLIN, ça vous dit quelque chose ? Un truc un peu comme en Finlande, plus onéreux que l'école en chaussettes, mais plus efficace aussi... Quand un enfant strictement allophone arrive dans une école, on le scolarise temporairement mais aussi longtemps qu'il en aura besoin dans une classe à tout petit effectif, au personnel formé, et on lui apprend à parler le français, en même temps que quelques rudiments de culture scolaire appropriée à son âge ! Tout bête comme idée... et qui peut rapporter gros...

    Deuxièmes ratons-laveurs... les handicapés. Fastoche ! Si, au lieu de les doter au mieux, après de longues luttes, d'AVS non formés, éjectés après cinq ans de bons et loyaux services, avant de les bazarder dans les classes avec des PE sans formation et 25 à 30 petits camarades, on étudiait au cas par cas, en accord avec la famille et les médecins spécialisés, la meilleure solution pour chacun d'entre eux, on ne serait peut-être pas obligé d'en faire les brebis galeuses qui ont provoqué la naissance d'une école qui a peur d'apprendre !

    Troisièmes ratons-laveurs... les futurs dyslexiques, bien sûr ! On ne va pas revenir sur des méthodes d'apprentissage du langage écrit qui, malgré une bonne trentaine d'années de test, ne marchent toujours pas, quand même ! C'est tellement plus simple d'accuser de pauvres gosses sans défense !
    Battre sa coulpe sur tout ce qui se fait dans le domaine de l'écrit de la TPS au CP, des Oralbums aux méthodes chambres à part, en passant par tout ce qu'on lit à longueur de pages en presse et en librairie, et oser dire qu'on s'était trompés, qu'on efface tout et qu'on recommence, ça a moins d'allure que de singulariser des enfants en leur créant des troubles en veux-tu en voilà !

    En terme de ratons-laveurs, ils vont même jusqu'à exhumer une denrée très rare... puisque déjà, lorsque j'ai débuté en 1975, 100 % des enfants de 5 à 6 ans étaient scolarisés, en maternelle ou en classe enfantine... l'enfant nouvellement inscrit ! 
    Ils l'ont trouvé où, celui-là ? Dans leurs rêves de destruction de l'École Maternelle ? Même Claude Thélot n'avait pas osé et pensait rendre l'école obligatoire de 5 à 16 ans...

    À moins que... tout ça... le décalage d'un an vers l'aval... le temps d'apprendre... ce serait... pour permettre de mieux installer une EPSC allégée, débarrassée de sa maternelle, confiée aux bons vouloirs des territoires et du secteur marchand ?... Tais-toi, Cassandre, tu m'énerves ! J'aime mieux quand tu donnes des pistes pour sortir du gouffre...

    Des pistes... Bof... Vous les connaissez, non ? Allez, juste une fois alors :

    De deux à cinq ans :
    Apprendre à parler, à se servir de ses sens, à délier ses gestes et à vivre à l'école, avec tous ses camarades, pour y partager des jeux, des histoires, des chants, des danses, des constructions plastiques... Toute une vie d'enfant, riche et harmonieuse.

    De cinq à sept ans :
    Continuer sur cette lancée, en ajoutant l'écrit qui permettra d'approfondir, de multiplier, de croiser tous les apprentissages. De la lecture au calcul, du dessin à la musique, de l'éducation physique et sportive aux sciences, de l'écriture manuscrite à la géographie, de la littérature à l'histoire des temps passés !

    De deux à seize ans :
    Donner à chacun ce dont il a besoin, même si cela coûte plus cher à la société qu'un bon pour une assistance à la survie en milieu scolaire non protégé, et lui permettre d'être un enfant heureux, épanoui, fourmillant d'idées et de projets, qui, comme tous les enfants, ne prend jamais le temps d'attendre parce que, lui, son rêve, son but, sa spécificité première, ce pourquoi il est programmé, c'est APPRENDRE !
    C'est d'ailleurs pourquoi, déjà à six ans, le socle, on marche dessus !

    Au Cycle 2, ils ont le temps d'apprendre...

    Notes :

    1 À moins qu'on ne les accuse finalement ?... de précipiter notre École dans le gouffre ?... Oh non, quand même, ce serait trop bas !


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  • Qu'importe le flacon !

    Tranche de vie

    Mollement étendue sur ma serviette, derrière les vitres du solarium de la piscine, je profite des rayons du soleil de novembre quand mes oreilles d'instit m'alertent : « Attention, discussion pédagogique de grand intérêt dans les parages ! »
    En effet, juste à côté de moi, cinq jeunes femmes discutent... Sont-elles mères, sont-elles instits, sont-elles les deux ?... je ne saurais le dire. En tout cas, heureusement qu'elles sont amies, parce que dites donc, sinon, cela pourrait tourner au vinaigre !

    Mécontente
    Madame Sergent-Major est très remontée... Son fils ne travaille à  l'école que sur des monceaux de fiches, les unes bien rangées dans un classeur et les autres dûment reliées en un cahier d'exercices. Cela prouve qu'il étudie, d'accord... mais sur des fiches quand même ! Comme s'ils ne pouvaient pas les faire écrire !  Bien sûr, l'enfant est ravi, tu parles, dès lors qu'il s'agit de flemmarder, ils sont toujours partants !
    On ne peut cependant pas dire qu'il flemmarde vraiment. L'enseignement reçu est même très complet et couvre largement tout le programme. Pour vous dire, leur institutrice trouve le temps de faire chaque semaine de l'anglais, sur fichier hélas, de la musique, des arts visuels et plusieurs séances d'éducation physique et sportive. Ils lisent énormément, font des dictées, des rédactions... Mais tout de même, ces fiches, cela ne peut pas être sérieux !

    Inquiète
    Son amie, Madame Stylo-Bic lui coupe la parole. Elle aimerait tant que sa fille rapporte à la maison au moins ces témoignages d'un apprentissage structuré, progressif et efficace ! Mais hélas, rien de tout cela pour Plumette...
    Lorsqu'on ouvre le cartable de la petite, il n'y a rien ou pas grand-chose. Parfois, une ou deux feuilles photocopiées à moitié chiffonnées et mal découpées dont on ne sait pas trop à quoi elles correspondent. D'autres fois, une série de trois ou quatre fiches A5 d'opérations ou d'exercices à trous d'orthographe à rendre finies pour le lendemain, ce qui mobilise la famille entière jusqu'à des heures indues pour n'en entendre plus jamais parler ensuite.
    Pas de livres, pas de cahiers, pas de fichiers reliés non plus. Juste un énorme classeur à levier qui reste en classe, un agenda qui balade souvent pour rien entre l'école et la maison et l'indispensable cahier de liaisons où sont collés à la va-comme-je-te-pousse les mots de la directrice... Quand on demande à la petite ce qu'elle a fait à l'école aujourd'hui, elle répond : « On a discuté et puis on a fait des activités » et on n'en tire pas un mot de plus.

    Dégoûtée
    C'est alors que Madame Trop-Cool intervient : « Wouaaaah ! Ne te plains pas... Au moins, ta fille, elle vit sa scolarité au jour le jour ce qui lui permet d'investir pleinement ses apprentissages. Et toi, Sergent-Major, tu devrais plutôt le plaindre, ton gamin ! Il est aux travaux forcés, le pauvre... Son classeur bien rangé, qui en a décidé le rangement ? Qui a jugé de l'intérêt du travail proposé ? Qui a décidé qu'il devait suivre les pages de ses fichiers l'une après l'autre sans jamais en sauter aucune ? Pas lui, sûrement, vu ce que tu nous racontes !
    Et puis, pour qu'ils aient le temps de faire autant de choses, c'est bien qu'ils sont poussés, dans sa classe ! Ce qui, tout le monde le sait, est très mauvais. Un enfant, ça doit être un peu brouillon, ça doit avancer à son rythme, sinon, ça veut dire qu'on l'a bloqué, traumatisé, inhibé... Malgré ses fiches et ses fichiers, il vit le même drame que mes jumeaux cette année, tiens !
    Figure-toi qu'ils ont hérité d'un jeune maître complètement has been... Le premier jour, ils sont revenus de l'école avec des porte-vues que je trouvais déjà vraiment très lourds. Pas étonnant, ils étaient pleins ! Pleins de feuilles imprimées recto-verso... C'étaient des LIVRES, cachés sous l'apparence d'un fichier, mais vraiment des LIVRES, en fait ! Des « manuels scolaires » comme nous a dit le faux-jeune à la réunion de parents ! Il les a téléchargés sur internet, imprimés et mis sous pochettes, dans le porte-vue. Des LIVRES, vous vous rendez compte ! Dans toutes les matières ou presque ! Je suis sûre que si les manuels scolaires de gym existaient, ils en auraient un ! C'est même pas des fichiers où on écrit dedans, hein ! Alors il leur a refilé des cahiers comme on avait nous, avec un protège-cahier en plastique de couleur, et ils copient, ils copient, ils copient... Comme au bon vieux temps, quoi.
    Et le pire, c'est que les gosses en redemandent ! Avec leur père, on est écœurés par leur conformisme. Heureusement qu'ils vont bientôt changer d'école. Parce que là, question épanouissement, c'est vraiment pas le top ! »

    Résignée
    «Ah bon ? Je ne savais pas que ce modèle-là existait encore, intervient alors la quatrième, Madame Tout-Venant. Mes enfants, les trois, ont des livres aussi et dans la plupart des matières. Des vrais livres, imprimés dans une imprimerie, avec une couverture en carton.
    L'aîné, au CM2, ne les ouvre jamais ou presque. Leur maître leur fait sauter des chapitres entiers, revient en arrière de temps en temps sans qu'on y trouve de logique, prend des leçons dans d'autres livres qu'ils n'ont pas, leur donne à lire seuls à la maison des leçons entières d'histoire sur des photocopies venues d'ici et là et les évalue ensuite en classe sur ce qu'ils ont retenu.
    La seconde au CE2 les suit dans l'ordre mais je n'arrive pas à comprendre comment fonctionne sa maîtresse. Un jour, on s'y met et on doit finir à la maison tous les exercices de la page. Ensuite, plus rien pendant plusieurs jours parce qu'on a un « projet » à terminer d'urgence en Arts Visuels ou en Éducation Civique et Morale... Et puis à nouveau, gros coup de collier pour rattraper le retard pris, on fait plusieurs pages à la va-vite, on finit des exercices à la maison le week-end, on ne va plus en EPS... Du coup, la petite angoisse dès qu'elle ouvre un livre de classe.
    Quant au dernier, au CP, vous savez ce que je pense du superbe livre de lecture en papier glacé et des magnifiques albums parfaitement reliés de sa méthode de lecture ! Je vous assure qu'avec son père, nous regrettons tous les deux les fiches polycopiées écrites à l'encre violette et collées, pas toujours bien droit, dans nos cahiers d'écoliers de CP... Elles n'étaient peut-être pas terribles esthétiquement parlant mais qu'est-ce qu'elles nous ont bien enseigné la lecture ! Là, quand on voit notre Petitou galérer sur ce truc qui peut servir à tout sauf à apprendre à lire, ça a beau être un livre relié et tout et tout, vous ne pouvez pas savoir comme on les regrette... »

    Marginale
    Pendant tout ce temps, Madame Poucette les regardait toutes d'un œil narquois... Pfff, quelles ringardes, ces quatre-là... Comme elle avait bien fait d'inscrire les jumelles au cours privé interactif Tape-Sur-Ta-Tablette. Elles échappaient ainsi aux activités sclérosantes de l'école ! Elle expliqua aux autres que ses filles n'allaient plus à l'école, qu'à l'aide de leur tablette numérique, elles se connectaient quand elles le souhaitaient à leur profil numérique et que là, à leur gré, elles apprenaient à lire, à s'exprimer et à compter...
    « L'écriture cursive, c'est démodé, ça ne servira à rien dans le monde de demain. Alors, il y a des cours de connaissance du clavier et elles font tout sur leur écran tactile. Et puis, c'est très cadré, comme projet. Mon mari et moi avons une application sur notre Smartphone grâce à laquelle nous pouvons suivre pas à pas les allers et venus de Googline et Appleïa aussi bien IRL que sur le Net. Rien ne nous échappe. Tout est contrôlé même en notre absence. Nous savons à la seconde près si l'une d'elle ouvre la porte du réfrigérateur et pouvons alors envoyer sur leur tablette et dans leur casque audio des slogans spécialement conçus pour leur faire acquérir les réflexes d'une alimentation saine et équilibrée, aussi bien en français qu'en anglais ou en mandarin. C'est vraiment bien fait, vous savez.
    Nous ne regrettons absolument pas l'investissement car il faut bien avouer que ça a un coût, n'est-ce pas... Mais, nous avons fait le choix d'avoir des enfants, à nous d'assumer cette fantaisie, maintenant. »

    ♣ ♣ ♣ ♣ ♣

    Si, manquant de recul, je ne me donne pas le droit de juger les méthodes qui instruiront Googline et Appleïa, j'ai en revanche quelques remarques, éclaircissements et compléments à formuler sur les différents flacons propres à contenir ce qui procurera (ou pas) l'ivresse de l'étude et de la connaissance aux élèves d'aujourd'hui.
    Nous parlerons donc aujourd'hui des fiches, fichiers, manuels numériques ou non, de ce qu'ils contiennent et de ce qu'ils peuvent apporter aux élèves lorsqu'ils sont bien utilisés. 

    La fiche individuelle d'exercice

    C'est ainsi qu'elle se présente :

    Qu'importe le flacon !

    Où se la procurer ?
    Le professeur est allé la chercher sur internet grâce à un moteur de recherche, l'a téléchargée sur son ordinateur après avoir commandé un fichier ou, comme dans le cas illustré ci-dessus, a acheté une méthode d'enseignement vendue avec un CDrom sur lequel il peut, à loisir, sélectionner les fiches qui l'intéressent et les donner à ses élèves dans l'ordre qui lui semble le plus adapté à leur façon de comprendre et d'apprendre.

    La fiche individuelle d'exercice peut amener au meilleur comme au pire.

    Comment s'en servir ?
    Sélectionnée avec soin en fonction de l'âge et des connaissances des élèves, intégrée à une progression, expliquée et corrigée soigneusement puis enfin archivée en respectant un ordre chronologique dans un porte-vue (ou collée dans un cahier, mais j'aime moins... les pauvres arbres
    et les produits chimiques qui servent à fabriquer des cahiers méritent d'être réservés à un usage plus noble), elle permettra à l'enseignant de maternelle (plutôt fin de MS et GS entière) et à celui de CP de varier les exercices, de proposer un produit fini agréable à l'œil, d'habituer élèves et parents à la nécessité de l'exercice fréquent pour arriver à la maîtrise d'une connaissance.
    Quant à celui d'élémentaire, il pourra de manière ponctuelle ou plus ritualisée, utiliser ce médium pour programmer des exercices d'entraînement ciblé de calcul mental, d'orthographe ou de conjugaison (un peu comme la maîtresse de Plumette Stylo-Bic mais en moins aléatoire quand même). Il pourra aussi, toujours grâce à ce matériel, faire étudier à ses élèves un roman particulier, un thème de sciences, d'histoire ou de géographie, découvrir un peintre, un musicien ou un auteur sans passer de longues heures à compiler des documents et à tout réinventer lui-même.

    Mais, au contraire, elle deviendra une catastrophe si elle est piochée presque à l'aveugle sur la Toile, juste parce qu'elle s'est affichée la première sur l'écran, après avoir tapé "phono GS écrire des mots". Et elle ne servira à rien sauf à dégoûter les élèves du plaisir d'apprendre si, comme je l'ai vu l'année des Jeux Olympiques d'hiver à Sotchi, cette sélection à l'aveugle après avoir tapé "La Russie, école, fiches", sans lire le résultat et le comparer aux capacités actuelles des élèves de la classe,  entraîne des élèves de CP vers des connaissances qui les dépassent complètement.
    On voit aussi malheureusement, dans certains cahiers, des fiches qui entrent en contradiction méthodologiques avec celles qu'on a fait remplir les jours précédents, des classeurs où rien n'est suivi, rien n'est archivé ou dans lesquels la progression ne correspond aucunement à une acquisition pas à pas de connaissances qui devraient s'enchaîner les unes aux autres dans un ordre rigoureux.

    D'où l'intérêt d'avoir accès à de "bonnes fiches", étalonnées en fonction de l'âge, présentées avec une progression sérieuse, éprouvées dans des classes, revues et corrigées en fonction des besoins soulignés par les usagers.

    À l'école maternelle et au CP
    C
    hez les petits, comme elles sont censées accompagner et renforcer une notion qui est avant tout travaillée à l'oral, il vaut mieux qu'elles ne soient pas reliées en fichier afin que l'enseignant puisse, tout en étant sérieux et efficace, juger de l'utilité et de la faisabilité de chacune.
    C'est pourquoi, quand j'étais au GRIP, nous avions choisi de proposer ce type de fiches pour la classe de Grande Section aussi bien en écriture-lecture qu'en repérage-comptage-calcul. Le maître suit le livre du maître page à page et choisit, en fonction du profil de sa classe, de conclure la séance par la fiche d'exercice ou pas.

    Ainsi, dans mes classes, je n'ai jamais utilisé les fiches A, B, C et G du CDrom vendu avec De l'écoute des sons à la lecture et je ne conservais parmi les fiches D, E et F que celles qui ne nécessitaient pas impérativement ma présence afin de rendre ce fichier compatible avec son usage en classe à plusieurs niveaux. En fin d'année, plutôt que de passer aux fiches de la série G, je préférais télécharger sur le site de La Petite Souris, quelques-unes des fiches d'étude des sons complexes.
    De même, selon les années scolaires, en fonction des besoins de mes élèves, j'imprimais ou n'imprimais tout ou partie des fiches des périodes 1 et 5 de la méthode Se repérer, compter, et calculer en GS

    En élémentaire
    Chez les plus grands, c'est en raison du côté « utilisation ponctuelle, en complément du
    livre relié ou du fichier d'exercices », que la présentation en fichier ne leur est pas adaptée.
    Il y aura, par exemple, des années où seuls les trois exercices écrits du manuel scolaire de la classe permettront à chaque élève de maîtriser la liste des 7 noms en ou qui font leur pluriel en X. Cette année-là, nul besoin d'aller écumer le net à la recherche de fiches de renforcement !
    Une autre année au contraire, l'enseignant se rendra compte que sans dix minutes quotidiennes consacrées à compléter à la chaîne des résultats de tables de multiplication, ses élèves de CM1 ne les connaîtront jamais... Quel plaisir alors et quel soulagement de trouver, tout faits, sur un site bien connu, des challenges visant à les faire mémoriser !
    Enfin, quand il s'agit d'étudier un roman, de faire lire à des apprentis-lecteurs une histoire adaptée à leurs connaissances actuelles ou d'explorer ensemble un thème de sciences par exemple, quel gain de temps de trouver sur internet un matériel éprouvé, issu du travail de collègues qui
    cherchent à être sérieux et compétents et
    se sont appuyés pour ce faire sur des méthodes qui ont démontré leur efficacité.
    On peut même grâce à ce matériel très souple programmer un apprentissage accéléré d'une notion jusqu'alors négligée, comme l'analyse grammaticale ou l'usage et la technique de la division, et mettre à niveau une classe entière ou quelques élèves, ce qui leur permettra ainsi de suivre un programme plus ambitieux que celui auquel ils ont été soumis jusqu'alors...

    CONCLUSION : Choisie avec soin et utilisée à bon escient, la fiche individuelle d'exercices, héritière des fichiers scolaires coopératifs et des fichiers auto-correctifs de grammaire et de calcul mis en place par Célestin Freinet dès les premières années de son expérience, grâce à sa souplesse, rend bien des services et permet de compléter efficacement l'enseignement dispensé par d'autres voies.

    Le fichier relié à usage unique

    C'est ainsi qu'il se présente (en cliquant sur l'image vous aurez accès à quelques vues des pages intérieures, scannées par Zaubette dont je vous conseille chaleureusement le blog) :

    Qu'importe le flacon !

    Petit historique
    Apparu certainement très tôt dans les classes de maternelle ou de CP, il a peu à peu conquis les classes élémentaires et de collège où on le trouve depuis bien des années, associé aux méthodes de langues vivantes ou mortes.
    Il nous suffira de faire un petit effort d'imagination pour comprendre combien ont été soulagés l'instituteur de « primaire » ou sa collègue de maternelle, penchés tous les soirs sur les cahiers d'écriture de leurs quarante à quarante-cinq élèves, le porte-plume à la main, pour y calligraphier qui ses majuscules et qui ses bâtons, ses cannes et ses boucles, lorsqu'ils ont vu arriver sur le marché ces cahiers tout prêts de modèles d'écriture !

    Qu'importe le flacon !

    Quel acquis pour nos collègues des temps anciens ! Et sans que leurs élèves pâtissent de leur fainéantise, de plus... Une progression « rigoureuse », adaptée à l'écriture à la plume, une présentation parfaite, un rendu uniforme sur tous les cahiers sans risque de pâté, de plume qui tout à coup crache ou dérape !
    Dans le secondaire, la disparition des heures de demi-groupes en LVE, pour les classes de 6e et 5e, ont sans doute poussé les professeurs à rédiger, éditer et employer ces « cahiers d'exercices » qui se mirent à accompagner les méthodes de langues des élèves arrivés au collège dans les années 1970. Pour rappel, ma génération, admise au collège en septembre 1967, profitait d'une à deux heures de demi-groupe par semaine pour copier et réaliser sur cahier d'écolier, sous la houlette de leurs professeurs, les nombreux exercices contenus dans leur livre de classe.

    Nous comprendrons fort bien que ces premiers essais de fichiers reliés à usage unique ont été vite copiés, réutilisés par tous ceux qui voulaient gagner du temps et en faire gagner à leurs élèves sans pour cela réduire leurs prétentions à une instruction complète et fournie.
    En fouillant les brocantes et les sites consacrés aux méthodes scolaires d'autrefois, on tombe sur ces ancêtres de nos splendides fichiers en quadrichromie. Comme ils nous paraissent sobres et modestes en comparaison de cette débauche de couleurs, de dessins, d'activités ludiques à laquelle renvoie souvent l'évocation de ce véhicule du savoir scolaire !

    Vous vous doutez bien qu'une fois conquis cet espace de liberté, les enseignants n'allaient pas revenir en arrière et se passer, surtout pour les petites classes, de ces cahiers tout prêts, qu'on les nomme fichiers, cahiers d'activités ou fascicules, que même les écoles réputées les plus exigeantes utilisent pour leurs propres élèves !

    En Primaire, c'est sans doute autant le passage aux 27 heures de classe que la réforme de 1975, et tous les chamboulements pédagogiques qu'elle a mis en marche, qui a encouragé puis généralisé l'usage du fichier relié à usage unique.
    Lorsque j'ai débuté, en 1975 justement, les maisons d'éditions commençaient à en proposer dans toutes les matières : écriture - lecture, étude du français, mathématiques, histoire, géographie, sciences...
    Pensant légitimement qu'il vaut mieux s'exercer que copier, les institutrices et instituteurs de l'époque, convaincus de la maxime « La répétition fixe la notion » mais pressés par le temps qui manquait, les ont adoptés en même temps qu'ils abandonnaient les porte-plume.

    Les fichiers d'aujourd'hui
    En quarante ans, pour les élèves de CP, ils sont devenus incontournables en mathématiques. La plupart des méthodes de lecture en adjoignent un consacré aux exercices d'étude des sons, d'orthographe et de compréhension et, jusqu'à la fin de l'utilisation du manuel, dispensant ainsi les élèves de recopier dans un cahier de classe des exercices proposés dans leur livre de lecture, comme il était courant de le voir encore jusqu'aux années 1990
    Souvent, ces fichiers à usage unique sont encore utilisés au CE1 et même au CE2, surtout en mathématiques, mais aussi en grammaire-conjugaison et en orthographe. 

    L'inconvénient majeur du fichier à usage unique, utilisé systématiquement dans toutes les matières, est évidemment d'exercer insuffisamment l'écriture cursive manuelle des élèves. On peut néanmoins pallier facilement cet inconvénient en concevant ou choisissant des fichiers dans lesquels la part d'écriture de l'élève augmente régulièrement, dans de bonnes conditions, sur des plages quadrillées exactement semblables à celles d'un cahier d'écolier.
    Les autres inconvénients sont les mêmes que pour les fiches individuelles d'exercices ou les manuels : mauvaise adaptation au niveau des élèves, exercices pas toujours bien conçus, mauvaise progression, usage aléatoire sans aucune progression, méthodes d'enseignement laissant trop d'élèves sur le bas-côté, manque d'ambition et d'efficacité.

    Une mise en place simple qui profite à tous
    Les avantages, nous en avons déjà parlé du point de vue de l'enseignant : gain de temps, présentation agréable et toujours semblable visant à donner des habitudes de soin et d'application aux élèves. Bien choisi, le fichier d'exercices à usage unique permet au professeur des écoles, comme dans la classe du fils Sergent-Major, de mettre en place une dynamique de travail et de pallier par une utilisation raisonnable et raisonnée de fichiers d'exercices à usage unique le manque chronique de temps scolaire, amplifié ces dernières années par le passage aux semaines de 24 heures.
    Imaginons par exemple la course de vitesse à laquelle sont soumis les élèves inscrits dans ces écoles qui vaquent maintenant deux pleins après-midis par semaine ! Si leur maître, soucieux d'avancer pas à pas, souhaite finir dans la matinée le travail de français et de mathématiques, il me semble qu'il a tout intérêt à concentrer ses élèves sur l'essentiel et, pour cela, à utiliser leur temps plutôt à l'exercice qu'à la copie des énoncés...
    Pensons aussi aux autres matières enseignées à l'école primaire. Ne vaut-il pas mieux un fichier d'histoire, de géographie ou de sciences plutôt que pas du tout d'histoire, de géographie ou de sciences, surtout les jours où, après une courte heure et demie de classe en début d'après-midi, les animateurs du périscolaire viennent récupérer les élèves pour qu'ils jouent et se distraient ?

    Quant à nos élèves, souvent malmenés par des méthodes élucubrantes qui ne leur ont appris ni à lire ni à écrire, parallèlement à un nécessaire travail d'accession à ces acquisitions fondamentales, quel sera leur soulagement, et celui de leur famille, de voir qu'ils peuvent continuer à progresser en mathématiques parce que leur fichier d'exercices à usage unique leur simplifie la tâche en attendant qu'ils récupèrent des capacités en rapport avec leur niveau de compréhension !
    Accompagné de l'indispensable travail d'apprentissage de l'habileté manuelle en général, des gestes d'écriture en particulier  et de l'organisation de l'espace qui aurait dû être le fond de leurs activités scolaires en maternelle, il permettra à nos élèves taxés à tort ou à raison de dyspraxie de suivre aussi bien que leurs camarades le programme d'acquisition naturel à leur classe d'âge.

    Autres bénéficiaires de ces fichiers, les familles et les associations d'aide et de soutien scolaire, qui récupèrent après une journée de classe ou pendant les vacances scolaires des enfants souvent bien fatigués, même si leurs journées d'école ont été plus fertiles en amusements de toutes sortes qu'en acquisitions scolaires de qualité !
    Pour ces personnes, souvent peu au fait des programmes et méthodes scolaires, bien démunies devant un manuel parfois organisé en domaines qu'il convient de traiter en parallèle selon un ordre précis, pouvoir se procurer des fichiers bien faits, exigeants sur le plan des contenus, à l'organisation chronologique simple, et respectueux d'une progression pas à pas est une garantie de compléter tant que faire se peut le régime de famine imposé à ces enfants par des programmes scolaires et des injonctions méthodologiques de plus en plus discriminantes.

    CONCLUSION : Choisi avec soin et utilisé à bon escient, le fichier d'exercices à usage unique, héritier des cahiers et fascicules d'apprentissage ou d'entraînement employés depuis bien longtemps, y compris dans les écoles les plus réputées, grâce au temps scolaire qu'il dégage, rend bien des services et permet de compléter efficacement l'enseignement dispensé par d'autres voies.

    Le manuel scolaire

    C'est ainsi qu'il se présente depuis Gutenberg :

    Qu'importe le flacon !

    Mais on peut désormais le trouver ainsi sur internet :

    L'un ou l'autre correspondent à ce que nous avons tous connu ou presque pendant notre scolarité. L'édition au format .pdf, outre le fait qu'elle puisse circuler dans le monde entier sans subir les frais de port exorbitants qui affectent la circulation des éditions traditionnelles, peut permettre, au moins pour l'utilisation familiale mais aussi en classe, lorsque les élèves sont équipés, d'être consultée par écran interposé, déchargeant ainsi les cartables d'un poids parfois effrayant en comparaison avec le poids des enfants qui les portent.

    Ces trente dernières années, des manuels dénigrés ou adorés
    Une abondante littérature institutionnelle ou plus personnelle a largement recensé ces dernières décennies les avantages et les inconvénients du manuel scolaire. L'éventail est large lorsqu'il va d'un Célestin Freinet qui rejeta violemment ces instruments du pouvoir visant à embrigader la jeunesse3 à nos nouveaux Don Quichotte des temps modernes qui cherchent désespérément dans les oripeaux visibles de l'école traditionnelle, porte-plume, encre violette, blouses grises et vieux manuels jaunis imprimés en noir et blanc, la raison des succès d'une école qui savait utiliser et adapter les outils que l'époque lui donnait et s'en bâtir de nouveaux, dès qu'une avancée technique ou technologique s'avérait utile aux progrès de ses jeunes usagers...
    Tous n'ont pas vraiment tort et aucun n'a totalement raison.

    On peut tout aussi bien utiliser en classe un très mauvais livre qu'un excellent. Comme dans le cas du fichier à usage unique, le fait que ce livre soit relié n'implique absolument pas qu'il sera utilisé entièrement, de manière linéaire, et qu'on n'ira pas piocher une page au hasard, en dehors de toute progression. Cela est même encore plus facile qu'avec un fichier dans lequel l'élève écrit puisque, dans ce cas, aucune absence de trace ne matérialise le fait que certaines de ses pages ont été laissées de côté !
    Le livre papier est pérenne et peut être consulté partout mais il est rare que l'école fasse acheter les manuels aux familles. L'enfant ne le conserve donc pas après l'avoir utilisé. Par ailleurs, un petit être humain en croissance se détache très vite de ce qu'il considère désormais comme des « affaires de bébé » ridicules et trop petites pour lui !
    Le manuel scolaire papier est plus abouti, mieux fini qu'un fichier, il est aussi plus lourd et moins maniable.
    Nos quatre amies nageuses nous ont démontré ci-dessus que l'usage de livres n'implique en aucun cas que les élèves écriront plus ou moins que dans une classe qui utilisera les fiches individuelles d'entraînement ou des fichiers d'exercices à usage unique. Tout dépendra du contenu de ces différents outils, de la fréquence et du mode d'utilisation choisis par l'enseignant, des à-côtés mis en place pour accompagner la pratique scolaire d'entraînement (dictées, rédactions, compte-rendus, résumés, résolution de problèmes, etc.). 

    Quelques avantages incontestables
    Le premier avantage incontestable du manuel scolaire sur le fichier d'exercices à usage unique est son rapport usage/prix ! Un manuel, contrairement à un fichier publié sur papier4, est acheté une fois pour toute et réutilisable à l'infini ou presque. Bon plan pour les mairies, les conseils généraux et les régions chargés d'équiper les établissements scolaires publics de leurs secteurs respectifs ! Bon plan aussi pour les collègues qui peuvent ainsi garder une partie plus importante de leur subvention pour l'achat de matériel pédagogique de toutes sortes ! Bon plan par ricochet pour les élèves dont les écoles sont mieux équipées et leur offrent tout le matériel pédagogique et sportif dont on peut rêver...
    Son deuxième avantage est sa solidité. Le livre peut être trimballé dans un cartable, laissé ouvert à l'envers plusieurs heures, manipulé par des papattes maladroites sans grands risques pour sa survie, tout au moins quand l'imprimeur chargé de son impression n'a pas cherché avant tout son bénéfice et mégoté autant que possible sur la qualité des matériaux employés !
    Par ailleurs, on ne peut pas nier que c'est le livre qui sera le meilleur outil pour apprendre aux élèves à s'organiser sur un cahier d'exercices et à copier intelligemment, en faisant du sens tout en écrivant. Puisqu'il n'est pas modifiable, contrairement au tableau mural sur lequel le maître écrit à la craie ou au feutre effaçable, il habitue l'élève à prendre des repères, observer attentivement, revenir en arrière pour vérifier son travail... C'est parfois malheureusement aussi une souffrance pour certains de nos élèves, affectés de difficultés visuelles ou de graves problèmes moteurs. D'où l'intérêt de pouvoir combiner l'usage du livre et celui du fichier en fonction des circonstances.
    Enfin, c'est grâce au livre qu'ils prendront l'habitude de consulter un sommaire, un index ou une table des matières et qu'ils découvriront le plaisir de feuilleter leur livre de lecture, de géographie, d'histoire, de science ou de mathématiques... juste parce qu'ils en ont envie !
    Encore faudrait-il pour cela que l'Institution arrête d'enlever des heures de classe aux enfants et leur laisse le temps de lire, d'écrire, d'étudier, de s'entraîner, de se cultiver et de rêver en contemplant les trésors que leur offre l'École.

    CONCLUSION : Choisi avec soin et utilisé à bon escient, le manuel scolaire, imprimé ou informatisé, rend bien des services et permet de compléter efficacement l'enseignement dispensé par d'autres voies. La qualité visuelle du produit fini rend cet outil très attirant et sa solidité permet un usage long qui lui confère une rentabilité bien supérieure à celle des autres outils scolaires. 

    Alors, que choisir ?  

    Et pourquoi donc vouloir choisir ? Nous venons de voir que l'important est plus dans le contenu que sur le contenant. Rien n'est pire que ces activités scolaires mises en place en fonction d'un dogme universel décrété d'en-haut par des conseilleurs ne s'appuyant parfois même pas sur une expérience de terrain.
    Il en est de même pour les outils de l'écolier. Tout est fonction de l'âge des élèves, de leur aisance, de l'effectif et de la structure de la classe dans laquelle on exerce.
    Pourquoi interdire à un jeune collègue débutant ou à une famille de tester, juste pour voir, l'apprentissage d'une matière ou même d'une notion particulière en utilisant pour ce faire une série de fiches téléchargées sur la Toile ?
    Pourquoi refuser à un autre l'usage d'un fichier à usage unique pour ses grands élèves, lui qui, dans sa classe à plusieurs niveaux, réussit l'incroyable équation qui consiste à fournir trois, quatre, cinq programmes scolaires complets ou même parfois plus dans le même temps que celui que prend son collègue d'ailleurs pour n'en enseigner qu'un ?
    Pourquoi empêcher l'usage de manuels scolaires à un troisième parce que, dans sa circonscription, on teste sur des cobayes humains mineurs une « nouvelle pédagogie » vieille de bientôt cent ans, vidée pour la circonstance de toute sa substance ?

    Soyons souples et réactifs, abandonnons les vieux réflexes qui consistent à dire que jamais nous ne boirons l'eau de telle fontaine et, dans notre recherche d'une meilleure instruction pour nos élèves et nos enfants, regardons dans le flacon et choisissons en fonction des circonstances celui propre à leur procurer le meilleur des nectars !

    Notes :
    3… pour les remplacer très rapidement par les outils scolaires édités par la CEL puis l'ICEM !
    4… mais cela n'est plus valable en cas de fichier téléchargeable. Le coût d'achat est très vite amorti et le prix des ramettes de papier et des cartouches d'encre nécessaires à sa reproduction n'équivaut jamais à celui auquel reviendrait l'achat annuel d'autant de fichiers papier qu'il y a d'élèves dans la classe !


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  • De la belle ouvrage !
    Merci aux parents de cette belle enfant que nous appellerons Petite Fille.

    Dans le salon familial, Petite Fille est très occupée. Du haut de ses deux ans frais du jour, elle utilise au mieux les outils mis à sa disposition et fait ce que, de bon droit, elle a à faire. Elle s'applique de son mieux et son geste est affirmé. Ce n'est pas mon amie Laurence Pierson qui me contredira en voyant la tenue du crayon, la position des deux bras sur la table ainsi que celle du cahier ! Seule est à réprouver la technique du balayage, mais l'enfant est jeune, admettons ce petit défaut bien excusable.

    Dans quelques minutes, Petite Fille posera ses crayons, fermera son cahier de coloriage, fière de son travail. Ça, c'est de la belle ouvrage, pensera-t-elle et peut-être l'exprimera-t-elle par un "Ooooooooh" modulé, un "Que beau l'a fait Tit'Fi !" ou un "Tu as vu comme il est beau mon dessin ?" selon son avancement dans l'art de la conversation.
    La famille assemblée pour l'événement s'extasiera comme il se doit, à part peut-être le grand cousin de cinq ans qui n'a pas encore compris la politesse et qui se moquera du "grabouillage de bébé" produit par cette intruse qui lui a volé la vedette il y a deux ans exactement... Ça ne fait rien, Petite Fille, il faut bien connaître quelques chenilles si l'on veut pouvoir apprécier les papillons !

    Le souci, ce serait qu'il y ait dans l'assemblée un professeur des écoles adepte de l'évaluation par compétences... Là, il y aurait des lèvres pincées, du non-acquis et de la remédiation dans l'air ! Il faudrait voir à prévoir une progression un peu mieux ciblée garantissant à Petite Fille une acquisition parfaite du coloriage de la girafe, du soleil et du je-ne-sais-trop-quoi ! Il faudrait d'ailleurs peut-être la faire précéder d'une acquisition du nom des couleurs dont on fixerait la mémorisation par une trace écrite de ce genre (le fait qu'elle ne sache pas encore lire ne rentre pas en ligne de compte puisque ce n'est pas la même compétence) :

    De la belle ouvrage !

    Là, Petite Fille aurait peut-être l'affreux sentiment de passer de la liberté d'exécution d'un jeu gratuit avec tout ce qu'il permet de découverte intuitive, de tâtonnement expérimental, d'éducation sensorielle librement consentie à l'étude scientifique et rationnelle du coloriage normé à la manière de l'École Maternelle déboussolée par des années de théories mal comprises à base d'ergonomie de l'apprentissage, de didactique des sciences de l'éducation, de métacognition et de maximes de base du genre "L'enfant est un adulte comme les autres", "Une  seule école de la maternelle à l'université" et autres "Il ne faut pas confondre les objectifs et les compétences"...

    Heureuse Petite Fille à qui personne n'a retiré des mains cahier et crayons qu'elle utilisait mal ! Heureuse Petite Fille qui peut continuer à jouer avec un matériel que son développement sensoriel et cognitif ne lui permet pas de maîtriser, loin s'en faut ! 

    Parce que, selon moi, quoi que puisse en dire la super Conseillère Pédagogique venue casser inspecter conseiller les jeunes collègues débutants et leur expliquer les vertus d'un apprentissage différencié mais programmé du coloriage en TPS, avec plans de travail individuels complétés tous les lundis dans le cadre de l'atelier de métacognition1, Petite Fille est super bonne en utilisation rationnelle du cahier de coloriage et des instruments scripteurs !

    Pour en arriver à cette conclusion, il faut se détacher une fois pour toute de la maxime "L'enfant est un adulte comme les autres" et se rappeler que, le jour de son deuxième anniversaire, on a encore une façon d'analyser les problèmes très proche du grand rien du tout originel, il faut bien le dire.

    Là, en gros, cela pourrait donner : "Crayons, gestes saccadés, traces... feuille de papier, traces déjà présentes, couvrir traces inconnues par traces personnelles. "

    Ou, en français de grands :
    "Voici des crayons. Je sais qu'en les prenant bien en main puis en agitant spasmodiquement le bras, ils vont produire une trace. Et là, c'est une feuille de papier. Tiens, quelqu'un y a déjà laissé ses traces !
    Mon rôle est donc de faire disparaître ces traces venues d'ailleurs par mes propres traces. Ainsi je m'approprierai l'objet-livre en lui montrant ma capacité à le dominer grâce à ma maîtrise quasi parfaite, puisque répondant à mes attentes, de l'instrument scripteur."

    Ce qui ne veut bien entendu pas dire que le rôle de l'adulte et de laisser Petite Fille arriver au CP en continuant à croire que le jeu consiste à cacher les traces exogènes par ses propres traces. Ça, c'est un comportement courant chez les blaireaux, les fouines, les renards, les chiens, les chats, les coucous... L'humain est capable d'un autre type de marquage de son territoire.
     
    Le mieux, à l'école j'entends, ce serait de ne pas faire de coloriages en TPS et en PS... La poule ne peut pas savoir élever un poussin avant d'avoir pondu un œuf.
    En PS :
    - On "dessine", on barbouille, sur du papier blanc. 
    - On fait des encastrements puis des puzzles.
    - On colle des morceaux de papier de couleur dont on découvre petit à petit qu'on peut les poser côte à côte, en se chevauchant, en se superposant, sans que les morceaux se touchent, etc. 
    - On modèle des matériaux (argile, pâte à modeler, pâte à sel, à bois, etc.) qu'on étale au rouleau pour déterminer une surface informe d'abord puis de formes déterminées grâce à des emporte-pièces ou des "couteaux".
    - On apprend à marcher sur une ligne et à faire le tour d'un espace, ou à jouer à l'intérieur de cet espace. 
    - On dispose des tissus au sol ou sur une table, bien comme il faut, en les étalant bien.
    - On fait des pavages avec des briques Lego® sur une plaque verte, des planchettes Kapla® posées les unes à côté des autres...
    - On se rend compte qu'avec des disques, des cerceaux, des anneaux, ça ne marche pas...
    - On décrit des images, des tableaux, des photos et on vient montrer avec le doigt où il y a du rouge, du vert, du bleu, du jaune, en balayant bien toute la surface concernée.
    - Ensuite, on suit son contour comme on suit le tracé de la route, celui de la rivière, de la voie ferrée.
    Et, après tout ça, quand l'enfant lui-même commence à colorier ses propres productions (dessins, peinture), l'enseignant peut envisager de lui faire découvrir le coloriage...

    Ou alors, en effet, on fait comme les collègues qui prennent les enfants un par un et on leur "tient la main", au moins par la force de la parole. On affiche dans le couloir des œuvres merveilleusement bien coloriées et on coche tout fier la case "Utilise des outils scripteurs adaptés pour emplir entièrement et régulièrement une surface clairement délimitée".
    J'y repense, tiens... Montessori... Elle avait fait faire des cadres métalliques évidés. Un peu comme des pochoirs. Et le coloriage consistait à poser le cadre sur la feuille de papier, prendre un crayon de couleur et un seul, et crayonner à l'intérieur de la partie évidée jusqu'à ce qu'elle soit entièrement recouverte.
    C'est le seul travail de coloriage qui devrait exister en PS, selon moi.
     
    Car ce qui m'ennuie avec ce coloriage démarré trop tôt (je parle de l'école, la maison, c'est pour jouer, pas pour apprendre), c'est que ça ait le même effet que la lecture commencée trop tôt et mal.

    De la belle ouvrage !

    On fait croire à l'enfant que colorier, c'est barbouillasser n'importe quelle couleur, n'importe comment, sur les traces exogènes, sans même lui faire remarquer que ces traces représentent quelque chose qu'il connaît, dont il sait déterminer les zones et les couleurs parce qu'on sait aussi qu'il est encore trop petit pour relever le challenge.
    Ou alors, nouvelle mode après des années de "Chacun fait fait c'qui lui plaît, plaît, plaît", désorganisé et sans ambitions, on l'assiste complètement et on en fait un exécutant passif qui obéit au doigt et à l'œil sans rien comprendre à ce qu'il fait.

    Et c'est ainsi qu'arrivé en GS ou même au CP, on voit parfois nos élèves non seulement prendre n'importe quelle couleur mais en plus ne même pas être capables de rester à l'intérieur de chaque surface. Avec un peu de chance, ils ne dépassent plus de la forme extérieure mais semblent ne pas voir qu'elle est divisée en plusieurs formes intérieures qui ont leur raison d'être.

    De la belle ouvrage !

    C'est un peu comme ces gamins à qui on apprend à entourer "dinosaure", "tricératops", "brachiosaure" et "tyrannosaure" en septembre, puis "citrouille", "sorcière", "Halloween", "chaudron", "mort-vivant" en octobre, et ainsi de suite, mais à qui on n'apprend jamais qu'en prenant un peu de peine, non seulement on pourrait arriver à lire et écrire "Le mort-vivant tue le tyrannosaure à coups de chaudron" mais en plus n'importe quel autre mot, sans répertoires ni affichages, simplement en analysant chacun de ces mots en syllabes puis en lettres et en recomposant tout cela différemment...
     
    De plus, comme ils ont toujours fait comme ça et qu'on ne leur a jamais dit que ce qu'ils faisaient ne correspondait pas à leurs capacités intellectuelles d'analyse et de synthèse, ils offrent une résistance terrible lorsqu'on leur dit qu'on ne veut pas un enfant avec la moitié du visage violet et l'autre bleue mais qui déborde sur le cou et un tiers de la chevelure dont le reste est vert comme les 5/6 de la manche droite du pull...
    C'est exactement ce que décrivent S. Garcia et A.C. Oller dans leur bouquin. Elles expliquent que, la première année, leur remédiation n'a pas servi à grand-chose parce que, en classe, les élèves faisaient exactement le contraire de ce qu'elles leur faisaient faire. C'était "devinette à partir de la première lettre" d'un côté alors que de l'autre, on leur disait de procéder par syllabes, jusqu'à la dernière.
    C'est comme ces élèves de cycle 3 à qui on demande d'écrire un texte "comme ils veulent" et à qui on apprend après qu'ils vont devoir le réécrire parce que là, c'est tellement mal écrit que personne n'y comprend rien. Et puis, quand ils l'ont réécrit, on leur dit que finalement, ils vont le réécrire encore une fois parce que maintenant que ça tient à peu près debout, il va falloir se munir d'un dictionnaire pour corriger toutes les fautes d'orthographe lexicale. Et puis, quand ils l'ont réécrit, on leur dit qu'ils vont faire un peu d'analyse grammaticale parce qu'il conviendrait de corriger toutes les fautes d'accord qui émaillent la page.
    Pour moi, il aurait mieux valu leur faire écrire une phrase, correcte, sans fautes, ni lexicales ni grammaticales.
    Comme il aurait mieux valu donner un pochoir métallique dont le trou de forme géométrique simple (disque, carré, rectangle, triangle quelconque, etc) serait suffisamment petit pour éviter le balayage et favoriser le travail des doigts au bébé de deux à trois ans et demi en lui demandant de mettre du rouge et encore du rouge et encore plus de rouge dedans et attendre qu'il ait dépassé ce stade du barbouillage pour lui faire colorier la citrouille d'Halloween... Parce que passer du temps à l'école pour colorier la citrouille d'Halloween dessinée par quelqu'un d'autre quand on ne sait pas dessiner soi-même et qu'on n'a pas encore vraiment pris conscience que le monde avait des couleurs, ce n'est pas vraiment utile et formateur...
     
    À deux, trois ou tout juste quatre ans, l'activité "coloriage" n'apprend rien que le dessin libre n'apprend déjà. C'est du temps perdu que ce temps passé à barbouiller seul la page de garde du cahier de vie pour le mois de novembre tout autant que l'est celui passé près de la maîtresse ou de l'ATSEM qui propose le crayon à utiliser, donne les consignes seconde après seconde, décompose à l'action près le travail, inhibe tout trait malencontreux.
    Ce temps perdu serait mille fois mieux employé à permettre à l'élève de découvrir intuitivement la notion de surface fermée, celles de couleurs, de pavages et les savoir-faire y afférant.
    C'est par les nombreuses actions pratiquées quotidiennement, telles qu'elles ont été décrites plus haut, que l'enfant commentera puis reproduira seul parce qu'il les aura intuitivement intégrées, qu'aux alentours de quatre ans, il commencera à colorier de lui-même ses dessins représentatifs et prendra plaisir à le faire en respectant les couleurs. Et c'est un peu plus tard, vers quatre ans et demi ou cinq ans qu'il prendra plaisir à paver l'espace de sa feuille de formes géométriques qu'il cherchera à colorier en harmonisant les couleurs.  
     
    Et après ? Si l'on respecte certaines conditions et qu'on n'en fait pas l'activité FMLP2 par excellence, le coloriage sera au dessin libre de création ou d'observation, ce que l'exercice de grammaire ou d'orthographe est à la rédaction-production-d'écrit-expression-écrite : une étape intermédiaire plus simple parce que débarrassée du travail de recherche et de production. Il pourra même permettre à l'activité reine, le dessin, de s'enrichir et de se perfectionner de tous les détails emmagasinés en coloriant l'œuvre des autres.
    Cependant, il conviendra, comme pour l'exercice d'automatisation des règles de grammaire ou d'orthographe, de ne pas en faire le seul travail d'acquisition, ni même l'exercice dominant sous peine de voir des enfants souffrant de l'angoisse de la feuille blanche ou de courir le risque que ses élèves préfèrent la facilité du coloriage mécanique à l'effort créatif du dessin d'imagination.
     
    Pour que le coloriage joue son rôle pédagogique, il faudra bien sûr l'accompagner d'"observation réfléchie" de l'environnement réel ou représenté. On s'attachera à apprendre aux enfants à regarder autour d'eux, commenter ce qu'ils voient, en analyser les différentes caractéristiques, chercher à le traduire par le geste graphique.
    Il serait bon d'y adjoindre des "dictées" de synthèse. Les enfants s'attacheront à représenter le plus exactement possible ce que le maître leur a demandé, coloriage et détails compris.
    Quant à la tâche complexe finale, celle qui traduit l'acquisition du geste et la prise d'autonomie, en toute confiance et estime de soi, elle sera observée par le maître dans les dessins libres de ses élèves et dans leur envie d'en réaliser.
     
    Il pourra alors s'autoévaluer en comparant dessins libres, dessins imposés et coloriages et moduler son action en classe en fonction du décalage pouvant exister entre l'une et l'autre des activités, comme il le ferait en mathématiques s'il constatait que ses élèves calculaient très bien mais ne savaient pas résoudre un problème, en musique s'il les voyait solfier en clé de sol, de fa et d'ut mais incapables de chanter, en français s'il les entendait s'exprimer comme des livres mais qu'il constatait qu'ils étaient incapables d'écrire trois mots sans faute. 
     
    Ci-dessous, par exemple, deux enfants ayant beaucoup pratiqué le coloriage mais ayant été insuffisamment accompagnés dans leur découverte du dessin.
    Nota bene : Il s'agit de travail autonome sans intervention de l'adulte et hors du cadre de l'école.
     
    Enfant 4 ans 5 mois :

    De la belle ouvrage !

    De la belle ouvrage !

    Enfant 5 ans 4 mois :

    De la belle ouvrage !

    De la belle ouvrage !
    Un arbre avec des guirlandes parce que c'est Noël...

    Au sujet du dessin et de son importance dans la construction mentale de nos élèves quelques articles sur ce blog :

    Enseigner le dessin, plus que jamais

    Dessiner pour devenir intelligent

    Dessiner pour s'exprimer

    Merci à Pierre Jacolino et Sophie Borgnet pour leurs articles.  

     

    1 Célestin, ne lis pas, s'il te plaît. Ils sont juste devenus fous !

    2 « Fiche-moi la paix », pour rester correcte et bien élevée.

     

     

     


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  • Question de peinture...

    Puisque je n'ai plus d'élèves et que la croissance de cette rubrique s'en ressent, toujours le même, Joey, cinq ans tout juste  :

    " Tu as vu, je me suis fait mal, là, au poignet. Mais c'est pas très grave, ça a juste enlevé un peu le beige."

    Merci à nos collègues de maternelle qui ont fait remarquer aux petits enfants que non, les personnes d'origine européenne n'ont pas la peau rose jambon industriel et aux fabricants de feutres et de crayons de couleur qui ont ajouté la couleur beige rosé à leur catalogue !


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