• II. De cinq à sept ans :
    (Suite)

    4) Enrichir sa culture : de la transmission orale à l’accès autonome à l’écrit

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (6)

    b) L’année de Cours Préparatoire :

    En cette année de Cours Préparatoire, c’est encore par le biais de la transmission orale et de l’observation sensorielle que nos élèves acquièrent leur culture personnelle. L’écrit ne viendra qu’en cours d’année, de manière bridée par le manque d’agilité à manier les correspondances graphémiques, par une lecture linéaire encore hésitante, par l’incapacité oculomotrice[1] à balayer rapidement un texte.

    Même en toute fin d’année, c’est encore par l’oral qu’ils acquerront la véritable culture commune, celle qui fait qu’un enfant sait où il habite, d’où il vient, comment vit et meurt ce qui l’environne, comment les objets qu’il utilise sont fabriqués et fonctionnent et quelles références littéraires, musicales et plastiques font partie du patrimoine.

    C’est dans ce domaine particulier de l’acculturation sérieuse, progressive, organisée que nous devons le plus déplorer la perte d’heures de classe que nous avons subies à deux (et même trois) reprises.

    En effet, un travail d’aussi longue haleine, démarré avec nos tout-petits de maternelle et qui continuera au moins jusqu’à leur dernière année de Lycée réclame du temps. Lorsque le temps est compressé, réduit au plus juste, ce sont ces choses informelles, ces savoir-choisir et ces apprendre-à-apprécier qui passent à la trappe ! Surtout quand, en face des élèves, on installe des personnels dont la formation a été elle aussi réduite au plus pressé, au plus urgent…

    Et ce ne seront pas les heures du mercredi matin, consacrées au français et au calcul, nos ministres l’ont dit, qui remplaceront auprès de nos élèves les moins favorisés par la moulinette sociale les trois heures (et même six) d’observation, d’expérimentation, d’écoute, de vécu, de compréhension sensible, menées par un professeur des écoles à la formation exigeante et éclectique, auxquelles ils devraient pouvoir prétendre.

    La méthode d’acculturation à employer pour ces jeunes élèves d’élémentaire est la même qu’en maternelle. Elle repose sur l’expérimentation sensorielle en littérature, en musique, en arts visuels et en découverte du monde. Les élèves jouent, récitent, dansent et chantent les musiques et les textes pour les apprécier et les reconnaître. Ils observent attentivement les œuvres d’art[2], s’en inspirent, sans recopier, servilement et mal, et perfectionnent ainsi leurs propres productions[3].

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (6)
    Élève de CE1. Classe de S. Wiktor

    Le cercle des connaissances mobilisables s’élargit autour d’eux. En combinant observations sur le terrain, étude attentive d’illustrations, expérimentations, écoute compréhensive et dialogues à bâtons rompus, les savoirs, notions et concepts s’accumulent. Ils commencent à opérer des tris et des classements. Le maître les encourage à créer du lien entre les informations, à les croiser pour mieux comprendre. Il pratique l’interdisciplinarité intelligente, celle qui naît seule du désir de comprendre et non celle qu’on invente pour faire joli sur la belle fiche de préparation d’une des TACOS[4] que l’IEN nous impose pour faire bien sur le site de circonscription.

    Nous sommes bien loin du maître, professeur de français et de mathématiques, qui n’intervient que le matin et se débarrasse du surplus confié au monde de l’animation socioculturelle l’après-midi, au coup par coup, sans programmes ni exigences.

    Ce ne seront que quelques bribes de toutes ces références que leur maître commence patiemment à leur faire découvrir en direct. Après les quelques semaines du début de l’année scolaire (en gros, jusqu’aux vacances de Toussaint) où les connaissances graphémiques sont bien trop restreintes pour être utilisables en lecture autonome, il peut commencer à donner en conclusion des deux jours consacrés à chaque nouveau graphème de courts textes documentaires, quelques poèmes très simples, quelques extraits adaptés de grands textes de la littérature enfantine.

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (6)
    Écrire et Lire au CP, livret 1, GRIP Éditions.

    Les élèves apprennent à explorer méthodiquement les textes documentaires et à y chercher, sans tout lire, les renseignements qu’ils cherchaient. Le travail est guidé, le maître donne les codes et apprend à naviguer sur la page réelle ou virtuelle du document concerné. À ce travail réalisé pendant le temps de français s’ajoute celui effectué pendant le temps de découverte du monde. L’idéal est l’usage du manuel de classe prévu à cet usage et combinant documents iconographiques, textes courts dirigeant l’observation et l’expérimentation et texte long résumant les connaissances découvertes ensemble.

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (6)
    Ma Première Géographie Documentaire, D. Glad

    Ils apprennent à lire à voix haute, en contrôlant leur intonation, les œuvres que leur professeur leur donne à lire. Rien ne sert de les assommer à coups de grands textes horriblement longs à déchiffrer et plus récités que lus pour leur faire apprécier la littérature ! Bien au contraire, même. Ces longs textes, c’est encore au maître qu’il échoit de les lire et de les faire commenter et expliquer. Pour nos élèves débutants, nous préférons deux lignes, ou une version adaptée, toutes deux entièrement déchiffrables. Ils sont à l’âge de la prise de contact avec les œuvres littéraires. Il leur reste quatre longues années d’élémentaire, suivies de quatre de collège et deux de lycée pour savoir apprécier intelligemment l’œuvre d’un monstre sacré qui fait dialoguer les brins d’herbe avec les pierres tombales.

    Quant au contenu à développer, le choix est vaste. Cependant, il convient de bien cerner le but : égaliser les chances et fournir à tous le matériau lexical et culturel que Bon-Papa et Bonne-Maman offrent à Louis-Thaddée et Marie-Sixtine.

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (6)

    À mon humble avis, ce n’est ni en découpant des bouteilles en plastique pour faire des fleurs, ni en dansant du hip hop sur le bitume de la cour de récréation, ni en ne lisant que les œuvres complètes de Titeuf ou même de Geoffrey de Pennart que nous y arriverons. Nos élèves, de la maternelle au CM2, ont droit à plus si nous voulons que, dans dix ans, sur Twitter, ils aient, si cela leur chante, les bons arguments pour dégommer les vieilles barbes qui les ennuient.

    Paroles de Victor Hugo ; Musique : Jean Gauffriau.

    Pour lire le reste de l'article :

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple (1) !

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple (2)

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple (3) !

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple (4) !

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple (5) ! 

    Notes :

    [1] Parents qui lisez ce texte, ce n’est pas une grave maladie, c’est juste un reste de petite enfance. Faites lire vos enfants, apprenez-leur à ne pas décoller l’œil du texte quand c’est à votre tour de lire (lentement et intelligemment), montrez-leur même comment ils peuvent s’aider à suivre en oralisant dans leur tête les mots que vous prononcez et vous économiserez quelques heures de pied-de-grue dans la salle d’attente de l’orthoptiste !

    [2] Sans forcément se cantonner à la deuxième moitié du XXe siècle et au début du XXIe comme on nous le propose le plus souvent.

    [3] Voir : http://ouiphi.eklablog.com/ni-pastiches-ni-loisirs-creatifs-a108183104

    [4] Ça veut dire « tâches complexes » en pédagol socleux ! Un nouveau truc piqué au départ chez Freinet pour faire croire aux élèves qu’on n’attendait qu’eux et leur immense talent pour créer un prospectus sur la Baie de Somme ou un nouveau coussin pour les canapés des salons de l’Élysée… Conclusion : On tue Freinet dès qu’on le rend obligatoire. Deuxième conclusion : Le jour où nos ultralibéraux imposeront le travail des enfants sous prétexte qu’ils le valent bien et qu’aller pointer à l’usine, cela fait partie de leurs droits imprescriptibles, qui normalement devrait s’en mordre les doigts jusqu’à l’os ? Hein… qui ?


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  • Ou comment faire réussir tout le monde, même les enfants en grande difficulté :

    Les nouvelles exigences


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  • La Finlande du pauvre

    Trouvé sur le net, un article québécois (La Finlande, première de classe) décrivant l'école élémentaire finlandaise, tant prisée de nos décideurs en raison des bons résultats que certains élèves testés auraient eus à l'évaluation internationale dont le monde entier se demande depuis peu si l'opacité globale ne cache pas autre chose qu'une totale impartialité...

    L'article, illustré par une double page de cahier finlandais de première année d'élémentaire, nous explique que, du monde entier, on vient observer ce système pour le copier.
    En ce mois consacré aux examens nationaux, évaluons à notre tour nos copieurs nationaux et voyons s'ils ont su utiliser le travail du voisin de manière à récolter une meilleure note que lui au concours...

    Commençons par l'illustration. Le cahier français, piqué sur le Net, très prisé des IEN qui le "conseillent" bien souvent à leurs équipes montre un très net déficit de contenu. Là où l'élève de Finlande a l'occasion de mémoriser sans même s'en rendre compte la "table d'addition", simplement en s'exerçant, celui de France compte tout au plus quatre additions.
    Vous me direz que je fais ma PISAiola et que ce n'est pas sur une double page de manuel qu'on peut tirer des conclusions. Vous aurez raison, j'arrête.

    Continuons notre lecture québécoise...

    Or, la nation scandinave, toujours la seule en Occident à réellement rivaliser avec les « tigres asiatiques », compte les élèves parmi les moins stressés au monde : leur vie au jour le jour se trouve à des années-lumière de celle de trop d’enfants asiatiques, accablés par d’incessants tests et des heures supplémentaires de tutorat («Corée du Sud : l’enfer, c’est l’école !», L’actualité, décembre 2013). La réalité des élèves-ermites, très peu pour la Finlande…

    Là, nous sommes tranquilles. À force de fréquenter les forums, je sais que nos élèves d'école élémentaire ressemblent plus aux élèves de Finlande qu'à ceux de Corée du Sud. Le stress des résultats scolaires, ils ne connaissent pas !
    Le stress des cours de récréation, des cantines, des classes surchargées, des troubles comportementaux, des journées à rallonge passées en collectivité, oui, mais l'angoisse de la mauvaise note, les révisions infernales, les punitions pour travail non fait, la peur du redoublement ou l'envie de se surpasser, je vous rassure, c'est niet !
    Cools, les petits élèves de France... Faut pas se biler, hein !

    Et puis, si jamais la maîtresse voulait s'inquiéter un tantinet, elle serait vite rappelée à l'ordre...
    Par ses collègues qui lui expliqueraient que c'est parce qu'elle est trop exigeante et qu'on ne peut pas demander à tout le monde la même chose...
    Par sa hiérarchie qui lui demanderait de revoir ses exigences à la baisse, pour tous, puis de mettre en place un PPRE Passerelle, une différenciation, une équipe éducative, un soutien personnalisé, que sais-je encore, le tout sans aucun moyen, bien entendu (nous y reviendrons).
    Parfois, mais de plus en plus souvent car la propagande a bien fait son boulot, par les parents de l'enfant qui lui expliqueraient doctement que c'est parce qu'elle ne sait pas y faire que leur enfant est en difficulté chez elle alors qu'à la maison, tout va très bien.
    Enfin, dans les cas très graves, par les services sociaux et médicaux qui, le plus souvent sans avoir vu l'enfant évoluer dans le milieu scolaire, lui démontreraient par a + b que cet enfant va très bien et que ce dont il a besoin, c'est de plus de liberté et moins de stress scolaire !
    Finlande/ France : ex aequo sur le terrain du stress scolaire !

    « Pourquoi changer ce qui fonctionne bien ? » demande d’entrée de jeu Pasi Sahlberg, cadre au ministère de l’Éducation et de la Culture, ambassadeur international du système d’éducation finlandais et auteur de l’essai Finnish Lessons : What Can the World Learn From Educational Change in Finland ? « Le système d’éducation mis en place dans les années 1970, puis amélioré dans les décennies suivantes, est aujourd’hui simplement consolidé », dit-il.

    Euh... Joker ! Après la réforme de 1972, notre système d'éducation en école élémentaire n'a cessé de se rénover, refonder, réorienter... 1972... 1986... 1989... 1995... 2002... 2008... 2013, non 2014, non 2015, enfin, je ne sais plus... Pour le moment, les refondateurs partent les uns après les autres en claquant la porte ! On verra bien.
    Tous nous disent à chaque nouveau changement, que le système s'en trouve amélioré et mieux que simplement consolidé. Sœur Anne, elle, dit qu'elle tousse à cause du ciel qui poudroie de façon inquiétante et que, sous l'effet conjugué de la sécheresse et de la pollution atmosphérique, l'herbe jaunit sous les pieds des évaluateurs...
    Finlande/France : match annulé pour tricherie et langue de bois

    Situé à proximité de prestigieuses écoles de musique (héritage de la renommée mondiale du compositeur Jean Sibelius), l’établissement offre un programme de musique reconnu partout au pays. D’un point de vue nord-américain, on se croirait dans une école privée. Or, la Finlande a aboli les écoles privées dans les années 1970. « Si vous permettez l’existence de l’école privée, vous ne pouvez garantir l’égalité des chances, principe qui tient à cœur aux Finlandais et qui sous-tend tout notre système d’éducation », estime Pasi Sahlberg.

    Occasion loupée en 1984.

    La Finlande du pauvre

    Finlande : 1 ; France : 0

    Varpu Sivonen nous fait visiter plusieurs classes de son école : dans chacune, une vingtaine d’élèves sont supervisés par un professeur et un assistant, qui vont et viennent entre les rangées de pupitres. En sortant d’une des classes, la directrice baisse le ton comme pour me faire une confidence : « Un point pour moi fondamental, c’est la formation des enseignants. » Et elle rappelle que tous les professeurs et assistants du primaire ont une maîtrise en poche.

    Vingt élèves par classe ? En France, c'est : "Vite, on en ferme une ! Et hop, un poste de fonctionnaire récupéré ! C'est l'OCDE qui va être content !"

    Comment deux postes ? Ah oui ! Vite, vite, on copie... Mais en restant pragmatique, hein... Pas partout quand même.
    Et on invente le maître supplémentaire, poste à profil, obtenu de haute lutte par un syndicat majoritaire ! Des classes à trente élèves et plus d'un côté et un clampin, sur son poste à profil (plus inégalitaire d'accès, tu meurs) par ci par là qui joue les apprentis sorciers pour respecter le beau cahier des charges du PPPCPC (projet pondu par le conseiller pédagogique de circonscription) !
    On évaluera plus tard, qu'ils ont dit dans Fenêtre sur Cours... Ne me faites pas dire ce que ça veut dire, vous avez très bien compris !
    Finlande : 1, France : 0

    Ah ! Et puis le niveau Maîtrise ! Master 2, c'est ça ? C'est fait. C'était facile.
    Ma grand-mère, avec son Brevet Supérieur, aurait pu être institutrice si elle avait tenté et réussi le concours de l'École Normale d'Institutrices. Ma mère, après son Brevet, y est entrée et y a passé son Baccalauréat Sciences Expérimentales pour pouvoir continuer et devenir institutrice. Avec un Bac D, j'ai intégré par la petite porte l'Éducation Nationale, en 1975. Certains de mes collègues ont un DEUG, d'autres une Licence.
    Les plus jeunes ont ce fameux niveau Maîtrise... Dans l'Académie de Versailles, ils vont devenir Professeurs des Écoles avec une moyenne de 4/20 au concours d'admissibilité (Concours de l’enseignement : des notes inadmissibles pour être prof ?).
    Le niveau monte !
    Finlande/France : Ex aequo

    Ils seront nombreux à le souligner au cours de mon séjour en Finlande : l’enseignant, s’il n’est pas aussi bien rémunéré que le médecin ou l’avocat, bénéficie d’un prestige comparable à ces deux professions. « Voilà pourquoi les facultés d’éducation reçoivent parmi les meilleurs étudiants du pays », estime Kristiina Volmari, responsable de la collaboration internationale au Conseil national finlandais de l’éducation.

    Tonton, pourquoi tu tousses ?
    Chez nous, c'est la caissière, la référence : Il aurait été plus malin qu'ils soient en activité pédagogique", a déploré M. Raoult, estimant qu'a prévalu l'intérêt des profs qui refusaient une longue coupure. "Mais les enseignants sont là au service des enfants comme la caissière est là au service des clients"...
    Ceci dit, je n'ai rien contre les caissières, moi.
    Finlande : 1 ; France : 0

    Le Ministère impose le contenu des cours, mais les professeurs jouissent d’une très grande liberté dans le choix des méthodes d’enseignement employées. « Ils se sentent donc très valorisés. Et non surveillés, comme c’est malheureusement le cas dans certains pays », dit Kristiina Volmari.

    Encore joker ? Même pas. Laissons la parole à un ancien inspecteur de l'Éducation Nationale : La liberté pédagogique des enseignants, alibi des conservateurs, obstacle à la construction de l'Ecole du 21ème siècle. Pierre FRACKOWIAK Inspecteur de l'Education Nationale.
    Finlande : 1 ; France : 0

    Quand la sonnerie retentit, une marée d’enfants se déverse dans la cour de l’école. Cela se répète plusieurs fois au cours de ma visite. Entre chacune des cinq périodes de 45 minutes, les enfants enfilent leurs bottes et leur manteau pour aller jouer dans la neige. « On prend le jeu très au sérieux, en Finlande, dit Varpu Sivonen, sourire en coin. Ça améliore la concentration pendant les cours et ça fait aimer l’école aux enfants, surtout aux garçons. »

    En France, on réveille les enfants de maternelle pour qu'ils ne loupent pas la belle séance prévue par la maîtresse. En France, on prévoit des séquences pédagogiques composées de 15 séances d'une heure ou plus. En France, on fait longuement "explorer" le texte à des enfants qui ne savent pas lire pour qu'ils en tirent du sens... En France, ils ont 15 minutes de récréation par demi-journée, en théorie.
    En Finlande, on ne connaît pas la durée de ces coupures de jeux libres. En Finlande, on ne sait pas ce qu'ils font pendant les 5 périodes de 45 minutes.
    Finlande/France : match annulé en raison du manque de données.

    Dans un petit local au rez-de-chaussée de l’école Kaisaniemen, un professeur s’occupe de six enfants de différents niveaux. Ils ont pris un léger retard, alors ils y viennent une heure ou deux par jour pour le « soutien général » et ensuite retournent dans leurs classes respectives. « À mon avis, le secret de la réussite finlandaise, c’est la prévention, dit Varpu Sivonen. Dès que les résultats d’un élève baissent, nous réagissons très rapidement. Les professeurs se consultent, on prend rendez-vous avec les parents et, au besoin, on fait intervenir un spécialiste. L’idée est de ramener le plus vite possible l’élève vers la réussite. »

    Presque tous les enfants finlandais bénéficieront d’un « soutien » à un moment ou à un autre dans leur parcours scolaire, selon Pasi Sahlberg. « Il n’y a donc aucune honte à avoir obtenu de l’aide au primaire ou au secondaire. C’est le pari tenu par la Finlande : n’abandonner personne en chemin. »

    Depuis deux ans, le « soutien », avec ses trois niveaux (général, intensif et spécial), est devenu une norme nationale. Déjà très présent depuis une décennie, il a été systématisé, pour permettre aux écoles de l’appliquer avec encore plus d’efficacité. « Étant donné la nature très décentralisée de notre système d’éducation, qui laisse beaucoup de latitude aux écoles, il est normal que le Ministère insiste parfois a posteriori sur des façons de faire qui ont fait leurs preuves », explique Pasi Sahlberg.

    Là, ce n'est plus joker, ce sont juste grosses larmes qui roulent, hurlements de désespoir, tête couverte de cendres.
    Chez nous, les RASED disparaissent. Les MDPH ne voient que des enfants à inclure dans des classes de 30 élèves "normaux". Les IME, ITEP, CLIS, SEGPA, SESSAD sont réduits à la portion congrue.
    Le soutien, assuré par l'enseignant lui-même, en dehors du temps de classe, sans formation préalable, est passé de 60 heures annuelles à 36 heures et les parents peuvent le refuser s'ils jugent que leur enfant n'en a pas besoin, comme ils peuvent refuser toute mesure de redoublement ou d'orientation spécialisée.
    Finlande : 1, France : 0.

    Dans une classe où sont assis une quinzaine d’élèves de 8 à 10 ans originaires du Népal, du Kenya, du Bangladesh, trois professeurs enseignent les rudiments du finnois. L’objectif : en deux ou trois mois, les faire accéder aux classes normales. Ces enfants profitent même de cours payés par l’État, dans leur langue maternelle, afin que leur « développement cognitif » ne soit pas freiné, explique la directrice, Merja Kuosmanen. Mesure qui peut faire sourciller au Québec, mais qui est représentative du système d’éducation finlandais, où tout est centré sur l’enfant.

    « Au cours des cinq dernières années, le ministère de l’Éducation s’est donné comme priorité d’intégrer les immigrants », dit Kristiina Volmari, du Conseil national finlandais de l’éducation. Et pour cause. Depuis 2005, le flux annuel de la population immigrante a plus que doublé.

    Trois professeurs pour 10 à 15 élèves. A plein temps... Ça laisse rêveur.
    Finlande : 1 ; France : 0

    « Notre école est comme n’importe quel autre établissement scolaire », assure la directrice de Meri-Rastila. Comme dans toutes les écoles primaires du pays, les élèves commencent l’école à 8 h ; après le repas de midi, ils retournent pour la énième fois dehors, avant de suivre deux périodes de cours de 45 minutes en après-midi. Vers 14 h, les parents viennent les chercher. Ceux qui travaillent cueillent leur progéniture à 16 h ou 17 h, les enfants se livrant entre-temps à des activités sportives ou artistiques, payées par l’État, à l’école ou au centre communautaire.

    Ah mais voilà d'où ça vient ! On ne s'en serait pas douté... Peut-on réécrire tout simplement ce paragraphe en français de France ?
    C'est simple, le voici :« Dans les écoles primaires du pays, les élèves arrivent parfois à l’école à 7 h ; la classe commence entre 8 h et 9 h. Après le repas de midi, ils retournent dehors pour la pause méridienne. Cela doit durer au minimum 1 heure 30, on ne sait pas pourquoi. Ensuite, peuvent  suivre selon les PEdT locaux : rien, une période, deux périodes ou trois périodes de cours de 60 minutes en après-midi, avec ou sans coupure (récréation). Vers  15 h, 16 h, 16 h 30, les parents viennent les chercher. Ceux qui travaillent cueillent leur progéniture à 18 h, 19 h. Les enfants se livrent entre-temps à des activités sportives, artistiques, occupationnelles, ou à de la garderie type un berger pour 20/30/40/50 brebis. Le tout est payé par les mairies et se déroule à l’école avec du personnel recruté sans critères nationaux, régionaux ou départementaux.
    Finlande : 1 ; France : 0

    Conclusion : En France, c'est même pareil qu'en Finlande mais ça coûte beaucoup moins cher ! On est les meilleurs !

    La Finlande du pauvre


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  • Presque aussi bien que le Christ !

    Il y en a eu un qui multipliait les pains et les poissons avec autant d'aisance que vous quand vous arrivez à beurrer cinq tartines avec la bribe de beurre qui restait dans le frigo !

    Eh bien moi, je connais un groupe d'éminents scientifiques qui arrivent à timbrer 87 enveloppes avec les 8 carnets de 10 timbres qu'ils sont allés acheter à la poste la plus proche !
    Comment, ce n'est pas vrai ? Mais je le prouve... Comme eux essaient de prouver que, certainement, c'est parce qu'on a appris la division aux élèves de CE1 que, désormais, arrivés au CE2, ils n'arrivent plus à résoudre ce problème qu'ils trouvent simple.

    C'est ici : Maths à l'école primaire : Des scientifiques réagissent

    Pour les paresseux, je vous cite même in extenso les paragraphes consacrés à cette démonstration :

    La baisse importante de performance pour le problème cité par la DEPP (de 32 % à 18 %) peut-être analysé dans ce cadre. Rappelons son énoncé : « La directrice de l’école a 87 lettres à envoyer. Elle doit mettre un timbre sur chaque lettre. Les timbres sont vendus par carnets de dix timbres. Combien de carnets doit-elle acheter ? ». Si les carnets de timbres étaient de 8 et non de 10, ce problème serait considéré comme un problème de division, opération inaccessible à la majorité des élèves de début de CE2 (jusqu'en 2008 la division n’était pas enseignée au CE1 ; dans le dernier programme une "première approche" en est faite à ce niveau). Par contre, puisque les carnets sont de 10 timbres, une résolution efficace se situe dans le cadre de la numération décimale et consiste à lire 87 comme 8 dizaines et 7 unités puis à interpréter le mot dizaine comme « groupement de 10 » et, donc ici, comme « carnet de dix timbres ». Ce sont ces connaissances sur la numération que les élèves en début de CE2 sont censés pouvoir mobiliser. 

    Or, si on se reporte aux progressions pour le CP et le CE1 annexées au programme de 2008 et qui servent de référence aux enseignants, on constate que cet aspect de la numération décimale, pourtant le plus important, n’est même pas mentionné. Dans ce texte, connaître les nombres c’est « savoir les écrire et les nommer », comprendre la valeur des chiffres en fonction de leur rang n’y figure pas ! Si les élèves ne savent pas interpréter les chiffres de 87, il leur reste la possibilité de chercher, à l’aide de la multiplication ou de l’addition répétée, combien il y a de fois 10 dans 87. Mais pour cela, il faut avoir été habitué à prendre des initiatives, à chercher par soi-même, à essayer une solution, à la rejeter pour une autre ou l’adapter.

    Vous lisez bien comme moi ? Ces éminents scientifiques sont bien passés complètement à côté de la difficulté qui a fait échouer 68 % des enfants de 1999 et 82 % de ceux de 2013 ?

    Lorsque j'ai évoqué le même sujet, récemment (Tant va la cruche à l'eau !), dans les commentaires, nous en avions justement parlé avec ma copine abcdefgh. Selon nous, qui ne sommes d'éminentes scientifiques ni l'une, ni l'autre, c'était un problème qui n'avait rien à faire en début de CE2, tout simplement.
    Beaucoup trop difficile pour un petit enfant de huit ans à peine. Pensez donc ! Même d'éminents scientifiques y perdent leur logique. Timbrer 87 enveloppes avec le contenu de 8 carnets de 10 timbres... Nourrir mille personnes avec sept pains et sept poissons, pendant qu'on y est !

    En revanche, en fin de CE2, après une année de mathématiques consacrée, entre autres, à la consolidation de la notion de partage et de partition, ce devrait être faisable. Les élèves, plus aguerris, devraient être capables de réfléchir au statut qu'il convient d'accorder au reste de la division, que celle-ci soit par 10, par 100 ou par 1 000, et donc très simple à résoudre, ou par 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 ou 9... ou même plus dans certaines classes SLECC dans lesquelles les élèves commencent à savoir diviser par un nombre à 2 chiffres.

    Avant le CE2, de la Petite Section à la fin du CE1, ce qu'il convient de faire, c'est de préparer la réflexion.
    Chez les tout-petits, jusqu'à cinq ans, c'est en installant du matériel qui servira réellement qu'on peut procéder à ce travail autrement plus important que la récitation psalmodiée de mots-nombres en frappant rythmiquement une suite apparemment aléatoire de symboles abscons.
    On dispose les tapis sur lesquels s'installeront 3 élèves pour un jeu sportif... et on se rend compte qu'il faut un tapis supplémentaire pour Rayan et Salomé parce que sinon, ils ne pourront pas jouer.
    On installe six chaises autour des tables du goûter d'anniversaire... et on remarque qu'à la table du fond, il reste deux chaises vides et qu'il convient de ne mettre que quatre assiettes et quatre cuillères.
    On empile les cubes par cinq... et on n'arrive pas à finir la cinquième tour, ce qui nous contraint à ranger dans la caisse les trois cubes qui perturbent notre bel agencement.

    À partir de la Grande Section et jusqu'au CE1, à l'âge où on se met à dominer signes et symboles, soulageant ainsi notre mémoire de travail, c'est collectivement que nous résolvons les situations-problèmes qui amènent, de temps en temps, à traiter de ce genre de dilemme...
    Nous avons réfléchi à notre problème, posé et résolu notre division. Maintenant, que va-t-on faire du reste ? Convient-il de le laisser de côté parce qu'il perturberait notre idée de l'équité ou faut-il au contraire lui réserver une petite place supplémentaire au nom de cette équité ?

    L'histoire des timbres est bien peu passionnante pour des élèves de cinq à huit ans et je doute qu'elle fédère les énergies et fasse jaillir la lumière. Nous la réserverons aux plus grands qui doivent apprendre à raisonner sans avoir besoin de se sentir personnellement concernés par le problème qui est là juste pour faire avancer leurs capacités d'abstraction et de réflexion.
    En revanche, imaginons que la Mairie ait envoyé un courrier demandant combien de cartons de 10 Pères Noël en chocolat il convient d'envoyer pour chaque classe (GS ou CP) ou chaque école (CE1) de la commune.
    Là, vous verrez vos élèves s'activer et trouver rapidement que si on ne réclame que 8 cartons pour les 87 élèves de l'école, il y aura 7 pauvres malheureux qui regarderont les autres manger leurs chocolats !
    Ils ne se tromperont pas non plus s'il s'agit de distribuer 87 billes à 10 élèves et tous s'accorderont pour dire qu'il vaut mieux laisser 7 billes dans le pot commun afin qu'il n'y ait pas 3 élèves lésés n'ayant que 8 billes là où leurs camarades en ont 9.

    Au CE2, si l'on veut que la lumière soit pour tous nos élèves, c'est en guidant par la forme des questions qu'on peut, petit à petit, leur permettre de réfléchir avant d'agir et ne pas se retrouver le bec dans l'eau avec ses 7 enveloppes non timbrées et la Poste fermée !
    Dans un premier temps, juste une petite subordonnée conjonctive de plus et le problème devient beaucoup plus clair : " La directrice de l’école a 87 lettres à envoyer. Elle doit mettre un timbre sur chaque lettre. Les timbres sont vendus par carnets de dix timbres. Combien de carnets doit-elle acheter  si elle veut que toutes les enveloppes soient timbrées ? "
    On me reprochera sans doute de ne pas laisser les élèves construire seuls leur autonomie... Nos petits bambins seront sans doute traités d'ânes savants, réagissant automatiquement, sans réflexion, à des stimuli pavloviens. J'emprunterai alors un ma réponse à un éminent scientifique, Rudolf Bkouche : "Mais c'est au nom de l'autonomie de l'élève que l'enseignement se nourrit d'implicite, empêchant ainsi la compréhension. Où est l'élitisme ?"

    Et je finirai ma démonstration en citant ci-dessous quelques énoncés de problèmes tirés du manuel Compter Calculer au CE2  grâce auxquels nos élèves montrent qu'ils sont désormais réellement autonomes. Eux, ils ne se laissent plus avoir comme des bleus par un simple problème de logique, habilement caché sous un habillage de problème de numération et ils savent désormais gérer intelligemment le reste de leurs divisions.

    n° 11 p. 179 : Dans une usine pharmaceutique, une machine fabrique 1 250 comprimés en une heure. Chaque plaquette de comprimés contient 12 comprimés. Combien de plaquettes de 12 comprimés peut-on faire en une heure ?
    Chaque boîte contient 4 plaquettes. Combien de boîtes peut-on alors remplir ?

    n° 5 p. 194 : Un maraîcher expédie 1 568 kilogrammes de tomates par caisses de 25 kilogrammes. Combien de caisses expédie-t-il ?

    Nota bene : Vous avez sans doute remarqué que ces deux problèmes sont un tout petit peu plus difficiles que celui qui consiste à savoir combien de carnets de 8 timbres il convient d'acheter pour timbrer 87 enveloppes.
    Parce que, quand, en plus de leur difficulté à gérer convenablement le reste d'une division en fonction du contexte, nos éminents scientifiques nous affirment que c'est plus difficile de diviser 87 par 8 que par 10, j'avoue que je me pose des questions... Ce serait 77, je comprendrais. Mais 87 quand même...

    À croire qu'il devient extrêmement important de réaliser, pour l'enseignement des maths en primaire, un livre qui en présentera les bases et leurs petites subtilités.

     


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  • Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (5)

    II. De cinq à sept ans :
    (Suite)

    4) Enrichir sa culture : de la transmission orale à l’accès autonome à l’écrit

    a) L’année de Grande Section :

    Lorsqu’ils arrivent en Grande Section, nos élèves ont déjà deux à trois ans de culture commune. Celle-ci est basique mais suffisante pour aller plus loin.

    Pendant cette année scolaire, par le biais de la transmission orale, ils continuent à enrichir leur lexique. Ils écoutent des contes, des histoires, des récits lus par le maître, toujours expliqués, commentés, joués, mimés. Les chants, les comptines, et poèmes appris par cœur, l’observation collective d’objets, de plantes, d’animaux, d’illustrations,  l’action commentée et le jeu accompagné complètent à la fois leur lexique et leur connaissance du monde qui les entoure. Leur enseignant n’a qu’à continuer sur la lancée de ses prédécesseurs en intensifiant et structurant le processus.

    Des élèves habitués au beau langage, celui des contes et des histoires, engrangent facilement du vocabulaire supplémentaire. L'enseignant peut se risquer maintenant aux versions originales, toujours expliquées pas à pas, commentées, jouées et mimées. En fin d’année, les élèves sont prêts à recevoir des textes exigeants lus ou racontés par l’adulte sans avoir besoin du support des illustrations.

    Comme chez les « moins de cinq ans », des dizaines d’histoires lues par le maître lors d’un moment dédié de la journée[1] feront mieux et plus que des matinées entières consacrées à l’exploitation d’un album qui ne nous a rien fait et n’a surtout pas mérité de se transformer en pensum pour enfants !

    Les comptines disparaissent progressivement au profit des poèmes, appris en classe, après une phase de commentaires et d’explication. Les chants s’allongent, leur vocabulaire s’étoffe. Nous sommes souvent surpris par la capacité de mémorisation des élèves de cinq à six ans ! Je me souviens d’un groupe d’élèves de fin de CP qui, devant le verbe se hâter, expliquaient : « Mais si, on connaît : « Elle court, elle s’évertue, elle se hâte avec lenteur. » C’est dans Le Lièvre et la Tortue, de Jean de la Fontaine ! » Ils avaient appris cette fable, plus d’un an avant, lorsqu’ils étaient en GS et ne l’avaient pas revue depuis.

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (5)

    L’observation collective d’objets, de plantes, d’animaux continue, objet après objet, plante après plante, animal après animal. Peu à peu, quelques concepts simples émergent, discrètement, intuitivement. Nos enfants n’en sont pas encore à l’âge de la classification ni de la découverte des grandes lois de la nature. En revanche, ils sont à l’affût de toutes les anecdotes, toutes les histoires qui leur rendront sensibles, affectives presque, leurs nouvelles acquisitions. Et leur mémoire phénoménale stockera tous ces matériaux qui leur permettront, plus tard, de comprendre ce que leur intuition leur fait entrevoir par instants.

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (5)

    Comme pour la culture littéraire, l’observation de nombreux animaux, la culture de toutes sortes de plantes, l’observation sensorielle d’objets du quotidien et de matériaux longuement utilisés librement au cours des années précédentes, les nombreuses expérimentations auxquelles ces observations conduisent naturellement feront bien plus pour que le concept de vivant commence à faire sens dans l’esprit de nos jeunes apprentis-scientifiques qu’une belle séquence annuelle où tout le monde, même l’adulte, s’essouffle à démonter des représentations mentales initiales à grands coups d’usines à gaz issues du prêt-à-porter pédagogique de référence !

    Cette observation du monde s’enrichit de deux nouveaux objets d’étude.

    Entre quatre et cinq ans, les enfants sortent de leur période d’installation[2]. Ils ont maintenant besoin de pousser la porte du jardin. Nous les y aidons en proposant à leur observation appuyée l’espace qui les entoure. Ils mettent en mots ce qu’ils traversaient depuis cinq ans sans même s’en rendre compte : la succession des jours et des nuits, les saisons, les phénomènes météorologiques, le climat, les éléments du relief. Cela les entraîne un peu plus loin, ils observent le ciel, le Soleil, la Terre, commencent à s’intéresser aux grandes zones climatiques[3]. Leur vocabulaire s’enrichit de tous ces mots et leur culture de tous ces concepts effleurés méthodiquement, selon un ordre précis, par petites touches successives.

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (5)

    Pousser la barrière du jardin les amène naturellement à vouloir aussi regarder par-dessus leur épaule pour savoir d’où ils viennent. Leur temps se structure, de manière très sommaire.

    Inutile de perdre chaque jour de précieuses minutes à leur présenter une éphéméride et à leur faire réciter le nom des jours de la semaine. Ils y viendront seuls, en leur temps, lorsqu’ils y seront prêts. En effet, paradoxalement, ce n’est pas le temps immédiat qui les passionne mais le temps lointain. Les yeux de poissons morts d’une troupe de bambins de cinq ans placés devant le petit train des jours de la semaine se mettront à pétiller si on remplace cette frise chronologique à usage des tout-petits par une grande affiche présentant un campement de l’époque paléolithique, un village néolithique, des artisans gaulois au travail, le chantier de construction d’une voie romaine et ainsi de suite[4]

    L’étude chronologique, organisée et conduite par l’adulte, sans référence aux dates à apprendre[5], donnera plus tard une structure aux acquisitions historiques des élèves. Pour le moment, elle n’est pas l’objectif principal de cette éducation culturelle qui vise avant tout à élargir la base lexicale de l’élève qui va entrer à l’école élémentaire et l’amener à être curieux de tout. Où mieux qu’au cours de ces observations historiques découvrir quelle est cette bobinette qui choit et permet ainsi l’ouverture de la porte et pourquoi c’est à la chandelle et non près de l’halogène que la vieille chantera les vers du poète ?

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple ! (5)

    Ce lexique précieux, qui pour certains de nos élèves n’a cours qu’à l’école, voisine chaque jour le langage courant mis en action tout au long de la journée au cours de toutes les activités. Là, chaque enfant continue sa route, ses progrès quotidiens, ses découvertes personnelles si, comme en Petite et Moyenne Sections, l’enseignant se contraint à souder le groupe et à pouvoir faire avancer tous ses élèves ensemble dans des activités collectives. Chacun apprend à s’exprimer à son tour, à écouter ses camarades, et découvre les richesses d’expression des uns et des autres.

    Pas de petits parleurs mis au ban de la classe, pas de classe abandonnée en groupes de débat où seuls Léa l’extravertie, Nathan le chef de bande et Anatole le dictionnaire sur pattes pérorent pendant que la maîtresse, loin, bien loin, là-bas à l’autre bout de la classe, mène une tâche de précepteur privé avec quatre enfants devenus ses seuls élèves.

    Le temps scolaire retrouvé[6], reconquis au bénéfice de tous, joue son rôle d’égalisateur des chances et tente, dans le temps qui lui est imparti, de remplacer le choc des individualités par le poids des mots. La culture scolaire s’en trouve réhabilitée pour tous, comprise de tous et pourra, au CP, continuer à jouer son rôle de facilitateur de l’apprentissage de la lecture.

    Pour lire le reste de l'article :

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple (1) !

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple (2) 

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple (3) !

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple (4) !

    ...

    Apprendre à lire, c'est vraiment simple (6)

    Notes :

    [1] En début d’après-midi ou le soi, pendant la dernière demi-heure de classe, par exemple. Encore un rituel qui risque de disparaître si nos élèves sont envoyés jouer ailleurs une bonne partie de l’après-midi !

    [2] Célestin Freinet, in L’École Moderne Française, 1957.

    [3] Un bouquin génial sur ce thème : Ma Première Géographie Documentaire, D. Glad.

    [4] Pour plus d’explications, un excellent article de Pierre Jacolino : http://pedagoj.eklablog.com/pedagogie-de-l-histoire-c24660160

    [5] On peut néanmoins compter les générations en nombres de papas ou de mamans. En comptant quatre générations par siècle, le Pont du Gard a ainsi été construit par le papa du papa du papa… du papa de votre papa (compter sur les doigts 78 papas ... ) !

    [6] Enfin presque… Il nous manque toujours ces trois heures passées aux pertes et absolument pas profits par la grâce de nos ministres successifs !


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